COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 1 Chambre BARRÊT AU FOND DU 26 OCTOBR 2006JCANo 2006/ Rôle No 05/09271 Sandra X... Mary Y... C/Fondation Marguerite et Aimé Z... Adrien Z... Sylvie A... B... Grosse délivrée le :à :réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 21 Avril 2005 enregistré au répertoire général sous le no 03/04241. APPELANTESMadam Sandra X... née le 20 Avril 1935 à CONCORD MASS (U.S.A), ... Madame Mary Y... née le 25 Avril 1939 à NEW YORK (U.S.A), ... représentées par la SCP SIDER, avoués à la Cour, plaidant par Me JOLIBOIS et Me ROHAUT, avocats au barreau de PARIS INTIMÉS La Fondation Marguerite et Aim Z... dont le siège est 623 Chemin des Gardettes - 06570 - SAINT PAUL DE VENCE représentée par la SCP LIBERA - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour, plaidant par Me Joùlle AKNIN, avocat au barreau de PARIS Monsieur Adrien Z... né le 17 Mars 1930 à CANNES (06400), ... Madame Sylvie A... B... demeuurant ... représentés par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour, plaidant par Me Jean-Charles SIMON, avocat au barreau de PARIS*-*-*-*-*COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2006 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Claude ANDRÉ, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Monsieur Jean-Claude ANDRÉ, Président Madame Catherine CHARPENTIER, Conseiller Madame Marie-Claude BÉRENGER, Conseiller qui en ont délibéré.Greffier lor des débats : Madame Geneviève JAUFFRES. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2006. ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greff le 26 Octobre 2006,Signé par Monsieur Jean-Claude ANDRÉ,
Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier présent lors de la mise à disposition au greffe de la décision.***STATUANT sur l'appel formé par Sandra X... et Mary Y... d'un jugement rendu le 21 avril 2005 par le Tribunal de Grande Instance de Grasse, lequel a notamment : - déclaré Sandra X... et Mary Y... recevables en leurs demandes ; - jugé infondée leur action en revendication concernant les trois oeuvres d'Alexandre C... intitulées respectivement "Les renforts", "Morning cobweb" et "Ten restless disks" ; - rejeté l'ensemble des demandes de Sandra X... et Mary Y... ; - ordonné la mainlevée des saisies pratiquées concernant ces trois oeuvres ; - rejeté la demande reconventionnelle de dommages-intérêts ; - condamné solidairement Sandra X... et Mary Y... à payer tant à Adrien Z..., à Sylvie A... B... qu'à la Fondation Marguerite et Aimé Z..., la somme de 2.000ç, à chacun, soit au total 6.000 ç en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Dans leurs dernières écritures déposées devant la Cour le 12 septembre 2006, Sandra X... et Mary Y..., appelantes, soutiennent que si c'est à juste titre que le premier juge a retenu la recevabilité de leur action en qualité de filles d'Alexandre C..., c'est en revanche à tort qu'il a accueilli les moyens opposés à leurs prétentions par les intimés, alors que, d'une part, les dispositions de l'article 2279 du Code civil sont inapplicables à la cause et que, d'autre part, le transfert de propriété des oeuvres d'art litigieuses n'est justifié par aucun titre ni aucune preuve d'un quelconque paiement ou acte de donation en la forme prévue par le Code civil, en violation des droits protégés par la convention européenne des droits de l'Homme. Au visa des dispositions des articles 2236 du Code civil et L. 112-2 7o et L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, les appelantes concluent donc à l'infirmation partielle de la décision déférée en ses dispositions leur faisant grief, étant jugé qu'elles disposent
d'un droit de propriété personnel et exclusif sur les trois oeuvres litigieuses, indûment conservées à ce jour par les intimés, dont elles réclament le rejet des prétentions et la condamnation : - à leur restituer lesdites oeuvres sous astreinte de 1.000 ç par jour de retard et par oeuvre, - à leur verser les sommes de 100.000 ç à titre de dommages-intérêts et de 10.000 ç en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 août 2006, la Fondation Marguerite et Aimé Z... (ci-après la Fondation), intimée, réplique qu'elle n'est pas un marchand d'art, mais une fondation reconnue d'utilité publique, que les appelantes ne fournissent aucune justification de leur qualité à agir, qu'elle-même démontre son droit de propriété sur les oeuvres "Les renforts" et "Ten restless disks", que les dispositions de l'article 2279 du Code civil sont applicables aux oeuvres d'art, sa possession ne revêtant aucun caractère de précarité, que Mmes X... et Y... ne sauraient prétendre disposer d'une présomption de propriété sur les oeuvres litigieuses, outre qu'elle s'estime fondée à leur opposer la prescription trentenaire instituée par l'article 2262 du même Code.La Fondation intimée conclut donc au rejet des prétentions des appelantes, à la confirmation de la décision entreprise lui profitant, sauf, se portant appelante incidente, à déclarer Mmes X... et Y... irrecevables en leurs demandes faute de qualité à agir et à les condamner solidairement à lui verser les sommes de 100.000 ç à titre de dommages-intérêts et de 8.000 ç en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 29 août 2006, Adrien Z... et Sylvie A... B..., intimés, répliquent que Mmes X... et Y..., qui ne bénéficient d'aucune présomption de propriété, ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de leur droit sur les oeuvres qu'elles revendiquent. Ils se prévalent pour leur
part des dispositions des articles 2230 et 2279 du Code civil applicables, selon eux, aux oeuvres d'art, soutenant que les appelantes ne renversent pas la présomption que ces textes instituent à leur bénéfice. Les intimés soutiennent au contraire justifier de leur droit de propriété sur l'oeuvre "Morning Cobweb", prétendant qu'en tout état de cause ils sont fondés à opposer à l'action de Mmes X... et Y... tant les termes de la transaction de 1986 que la prescription trentenaire de l'article 2262 du même Code. Les intimés concluent donc au rejet des prétentions des appelantes ainsi qu'à la confirmation de la décision entreprise et sollicitent la condamnation in solidum de Sandra X... et Mary Y... à leur verser les sommes de : - 100.000 ç à titre de dommages-intérêts pour dénigrement et procédure abusive, - 25.000 ç en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2006.Par conclusions déposées le 13 septembre 2006, Adrien Z... et Sylvie A... B... ont sollicité le rejet des débats des conclusions des appelantes en date du 12 septembre 2006.SUR CE, LA COUR, Attendu que les écritures de Mmes X... et Y... déposées le 12 septembre 2006, veille de l'ordonnance de clôture, qui ne constituent elles-mêmes qu'une réplique aux conclusions de Sylvie A... B... et d'Adrien Z... du 29 août 2006 et qui ne soumettent à la Cour aucune demande qui n'aurait pas été antérieurement discutée par les intimés, seront déclarées recevables ; Attendu qu'aux termes de la page 3 de ses dernières écritures d'appel, la Fondation Marguerite et Aimé Z... (ci-après la Fondation), reconnaît expressément que "Alexandre C... est décédé en 1976 laissant comme héritiers son épouse Louisa et ses deux filles, Mary et Sandra.", en sorte qu'elle ne saurait, sans contradiction, faire valoir, page 4 des mêmes écritures, l'absence de qualités héréditaires de Sandra X... et Mary Y... ; qu'il résulte par ailleurs du certificat
délivré par la directeur général de la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) le 9 octobre 2003 que Sandra X... et Mary Y... sont titulaires des droits d'auteur sur l'oeuvre d'Alexandre C..., leur père, à la suite du décès de celui-ci survenu le 11 novembre 1976 ; qu'enfin, avec Louisa JAMES veuve C..., Sandra X... et Mary Y... sont parties -sous la désignation de "la succession C..."- à la transaction intervenue en 1986 entre elles et Me D..., ès qualités d'administrateur de la succession d'Aimé Z... ; Que de ce chef le jugement entrepris, qui n'est au demeurant pas critiqué sur ce point par Adrien Z... et Sylvie A... B..., mérite donc confirmation en ce qu'il a déclaré recevables Sandra X... et Mary Y... en leur action ; Attendu qu'aux termes de la transaction précitée, conclue au visa exprès des dispositions des articles 2044 et suivants du Code civil et à la suite du versement prévu à l'article 2 par "la succession Aimé Z..." à "la succession C..." d'une somme qualifiée de forfaitaire et définitive de 1.000.000 francs, chacune des parties a non seulement considéré (article 5) "que l'intégralité du différend né du non règlement des oeuvres d'Alexandre C... par la succession Aimé Z... se trouve avoir pris fin", mais a expressément contracté l'engagement suivant (article 6) : "D'une façon générale, chaque partie s'engage à ne formuler à l'encontre de l'autre partie quelque revendication que ce soit dont l'origine se trouverait dans les relations commerciales ayant existé entre Monsieur Alexandre C... et Monsieur Aimé Z... et leurs successions." ;Qu'il en découle que par application des dispositions des articles 2044, 2048, 2049 et 2052 du Code civil ainsi que 122 du nouveau Code de procédure civile, les prétentions de Mmes X... et Y... dirigées contre Adrien Z... et Sylvie A... B..., doivent être déclarées irrecevables en ce qu'elles sont fondées sur les relations commerciales
entretenues par leur auteur avec Aimé Z..., pris en sa qualité de marchand d'art, alors que les appelantes soutiennent que les oeuvres objet du présent litige sont parvenues en possession d'Aimé Z... en raison de la remise que lui en a faite Alexandre C... en considération et dans le cadre de l'exercice de la profession de marchand d'art de celui-ci, impliquant nécessairement un rapport commercial entre l'artiste et le galeriste ; Attendu, s'agissant des demandes des appelantes dirigées tant contre la Fondation, non partie à la transaction précitée et dont l'objet social ne saurait lui conférer la qualité de marchand d'art, que contre les autres intimés en ce qu'elles se fondent non sur l'activité commerciale d'Aimé Z..., mais sur ses qualités personnelles de collectionneur d'oeuvres d'art et de mécène ainsi que sur les relations amicales suivies pendant plusieurs décennies entre ce dernier et Alexandre C..., qu'aucune des dispositions du Code de la propriété intellectuelle n'instaure un statut particulier, dérogatoire au droit commun, concernant les actions relatives à la propriété matérielle de l'oeuvre d'art, au sens de l'article L. 111-3 du même Code, dont ce texte précise qu'elle est indépendante du droit de propriété incorporelle exclusif reconnu à l'auteur sur son oeuvre par l'article L. 111-1 de ce Code ;Qu'il s'ensuit que les appelantes, qui ne se prévalent pas dans le cadre de la présente instance du droit de propriété incorporelle de leur auteur sur les oeuvres qu'elles revendiquent -droit au demeurant nullement contesté par les intimés-, ne sont pas fondées à invoquer une présomption de propriété sur les sculptures litigieuses, en tant que support matériel de l'oeuvre, tirée de leur seule qualité d'ayants droit d'Alexandre C... ; qu'il leur appartient au contraire de rapporter la preuve, qui leur incombe, de ce qu'au jour de son décès, leur auteur avait conservé la propriété matérielle des oeuvres d'art qu'elles revendiquent et de
renverser la présomption dont bénéficient les intimés, dont il est constant qu'ils se trouvent en possession des oeuvres litigieuses, par application des dispositions des articles 2230 et 2279 du Code civil ; Attendu qu'en l'état du rejet par le premier juge, en des motifs que la Cour fait siens, du caractère probant des pièces sur lesquelles les appelantes fondaient leurs prétentions, la simple attestation délivrée par Daniel E... et complétée manuscritement par ce dernier le 25 novembre 2004 est insuffisante à rapporter la preuve dans les termes du droit commun de ce que les intimés ont reconnu le droit d'Alexandre C... sur le support matériel des oeuvres litigieuses et se sont soumis à une obligation de restitution, pas plus qu'elle ne démontre le caractère précaire ou équivoque de leur possession ; Attendu, par ailleurs, que la Cour ne saurait, sans inverser la charge de la preuve procédant de l'application des principes ci-dessus retenus, tenir pour établi le caractère précaire ou équivoque de la possession des intimés comme résultant de la simple constatation de l'absence de production par ceux-ci d'un titre translatif de propriété portant sur les oeuvres objet du présent litige ;Qu'en outre, ainsi que l'a à juste titre relevé le premier juge, la possession d'Aimé Z..., puis après son décès survenu en 1981 celui de ses ayants droit, sur la sculpture "Morning Cobweb", ainsi que celle de la Fondation sur les oeuvres "Les renforts" et "Ten restless disks" qui revêtaient les caractères exigés par l'article 2229 du Code civil, s'étant prolongées depuis 1969 sans la moindre restriction ni réserve, tant du vivant de l'artiste décédé en novembre 1976, que postérieurement à son décès, et jusqu'au 9 août 2002, date de la sommation de restituer délivrée par les appelantes, soit pendant plus de trente ans, il en découle que les intimés sont fondés à opposer à l'action en revendication des appelantes les dispositions de l'article 2262 du même Code ;Que pour
ces motifs et ceux non contraires du premier juge que la Cour fait siens, la décision entreprise sera en conséquence confirmée en ses dispositions rejetant les prétentions de Mmes X... et Y... ; Que celles-ci succombant en leurs prétentions, leur demande de dommages-intérêts sera, par voie de conséquence, rejetée ; Que les autres dispositions de la décision déférée, qui ne font l'objet d'aucune critique, seront en conséquence confirmées ; Attendu que ni l'erreur commise par les appelantes dans l'appréciation tant du principe que de l'étendue des droits qu'elles ont revendiqués, ni les moyens par elles soulevés au soutien de leurs prétentions ne caractérisent la faute que leur imputent les intimés qui seront en conséquence déboutés de leurs demandes respectives de dommages-intérêts ;Qu'il est en revanche inéquitable de laisser supporter à chacun des intimés les frais irrépétibles qu'il a exposés ; PAR CES MOTIFS, STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire ; DÉCLARE recevables les écritures de Sandra X... et Mary Y... déposées le 12 septembre 2006 ;INFIRME partiellement le jugement entrepris ; DÉCLARE irrecevables les demandes de restitution de Sandra X... et Mary Y... fondées sur la qualité de marchand d'art d'Aimé Z... ;LE CONFIRME pour le surplus ;DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; Y AJOUTANT ; CONDAMNE in solidum Sandra X... et Mary Y... à payer à la Fondation Marguerite et Aimé Z... la somme de 3.000 ç et à Adrien Z... et Sylvie A... B..., pris ensemble, celle de 5.000 ç, le tout au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum les mêmes aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT