C O U R D ' A P P E L D ' A I X - E N - P R O V E N C E
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
ARRÊT /2006
12o chambre
ARRÊT DE LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DU 13 AVRIL 2006 La chambre de l'instruction de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, réunie en Chambre
du Conseil, à l'audience du NEUF MARS DEUX MILLE SIX ; Vu la procédure d'information suivie devant le Tribunal de Grande Instance de NICE contre X... Guy né le 08/02/1950 à ABIDJAN (Cote d'Ivoire) profession : fonctionnaire de police à Monaco de nationalité Française demeurant : 6 Impasse du Verseau - 06320 CAP D'AIL AYANT POUR AVOCAT Me RIVOIR, 2, Rue de la Préfecture - 06000 NICE DES CHEFS DE : faux témoignage PARTIE CIVILE POURSUIVANTE Y... Didier demeurant : 6 avenue des Papalins - 98000 MONACO AYANT POUR AVOCAT Me REBIBOU, 4 rue Alexandre Mari - 06300 NICE COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Madame BERNARD, président de chambre de l'instruction Monsieur HURON, conseiller Monsieur GRISON, conseiller Tous trois désignés à ces fonctions, conformément aux dispositions de l'article 191 du code de Procédure Pénale, AU PRONONCÉ, Madame BERNARD, Président, a donné lecture de l'arrêt conformément aux dispositions de l'article 199 alinéa 4 du code de procédure pénale GREFFIER aux débats et au prononcé de l'arrêt Monsieur REYNAUD MINISTÈRE Z... : représenté aux débats et au prononcé de l'arrêt par Monsieur A..., Substitut Général
* * * Vu l'ordonnance de non-lieu rendue le 15 Décembre 2005 par le juge d'instruction de NICE et notifiée par lettres recommandées adressées le 15 décembre 2005 à la partie civile et à son conseil ;
Vu l'appel interjeté le 19 Décembre 2005 par l'avocat de la partie civile suivant déclaration au greffe du Tribunal de Grande Instance de NICE ; Vu les pièces de la procédure ; Vu le réquisitoire écrit de Monsieur le Procureur Général en date du 31 janvier 2006 ; Vu l'attestation de Monsieur le Procureur Général dont il résulte qu'avis, par lettres recommandées en date du 1er février 2006, ont été envoyés aux parties intéressées et aux avocats, conformément à l'article 197 du Code de procédure pénale ; Considérant qu'il a été satisfait aux formes et délais prescrits par ledit article ;
[* Vu le mémoire adressé par Me RIVOIR au Greffe de la Chambre de l'Instruction le 22 février 2006 à 12 heures et visé par le Greffier ; Vu le mémoire adressé par Me REBIBOU au Greffe de la Chambre de l'Instruction le 08 mars 2006 à 10 heures et visé par le Greffier ;
*] Monsieur HURON, conseiller, entendu en son rapport ; Monsieur le Procureur Général, entendu en ses réquisitions ; Me REBIBOU, conseil de Didier Y..., partie civile, a sur sa demande présenté des observations sommaires, conformément à la loi ; Me FACCENDINI, conseil de Guy X..., a sur sa demande présenté des observations sommaires, conformément à la loi et a eu la parole en dernier ; Madame le Président a déclaré que l'arrêt serait rendu à l'audience du TREIZE AVRIL DEUX MILLE SIX ; Les débats étant terminés, la Chambre de l'instruction, en Chambre du Conseil, en a délibéré hors la présence du Procureur Général, des parties, du Greffier et des avocats ; Madame le Président a prononcé l'arrêt suivant en Chambre du Conseil, à l'audience de ce jour ; FAITS - PROCÉDURE - MOYENS
Le 19 janvier 2004, Didier Y... déposait plainte avec constitution de partie civile en rappelant qu'une précédente information judiciaire avait été ouverte à Nice au cabinet de M. B..., visant notamment des faits de violation du secret professionnel et mettant en cause M. Bernard C..., fonctionnaire de police à Nice, à qui il était reproché d'avoir obtenu indûment de ses collègues monégasques la communication de renseignements judiciaires ensuite utilisés par des tiers dans une procédure prud'homale. Il exposait que le juge d'instruction avait recueilli la déposition sous serment d'un fonctionnaire de la police monégasque, Guy X... qui avait confirmé avoir lui-mêmetransmis par simple télécopie ces renseignements à Bernard C... sur sa demande, en dehors de toute procédure officielle de communication entre l'autorité judiciaire de Monaco et les autorités françaises. Guy X... avait alors affirmé
qu'à son sens, il avait eu le pouvoir d'opérer cette transmission, sans le visa de ses supérieurs hiérarchiques et sans avoir eu à recourir à la mise en oeuvre des dispositions régissant la coopération judiciaire franco-monégasque. Didier Y... estimant que cette affirmation était erronée, imputait à Guy X... des faits de faux témoignage et portait plainte avec constitution de partie civile le 19 janvier 2004 pour faux témoignage, violation des traités bilatéraux, destruction de preuves, violation du secret professionnel, faux et usage de faux. Une information contre X était ouverte le 14 mai 2004.. Il apparaissait effectivement de l'information initiale, que le 9 octobre 1998, Guy X... avait adressé à Bernard C... une télécopie à en-tête de la Sûreté monégasque, faisant état de l'arrestation de Didier Y... et de son incarcération en exécution d'un jugement du tribunal correctionnel de Monaco l'ayant condamné par itératif défaut à la peine de deux ans d'emprisonnement pour des faits d'escroqueries, falsification dechèques et banqueroute frauduleuse. Il ressortait par ailleurs de cette procédure que Bernard C... avait été sollicité par une partie à un procès intéressant Y... afin de vérifier quelle était sa situation pénale et qu'il avait alors sollicité ces renseignements auprès de ses collègues monégasques en usant de sa qualité de commissaire de police à Nice. Il avait ainsi obtenu de Guy X... l'envoi de la télécopie du 9 octobre 1998 dont il avait remis l'original à son interlocuteur. Entendu comme témoin dans le cadre de cette première information, le 16 avril 2002, Guy X... expliquait qu'il avait été saisi d'une demande urgente d'un commissaire de Nice au sujet de la situation de Didier Y.... En l'absence momentanée de son supérieur hiérarchique, il avait lui-même répondu en lui adressant la télécopie sollicitée. Selon lui, il ne s'agissait que d'une procédure de routine ne portant pas sur des renseignements
confidentiels puisque la condamnation de Y... avait été rendue publiquement. Interrogé sur le fait que la télécopie n'avait été contresignée par aucun de ses supérieurs, il indiquait qu'il avait pensé avoir les pouvoirs nécessaires pour l'expédier. Il ajoutait que selon lui, cette pièce ne devait pas transiter de Parquet à Parquet en exécution de la Convention franco-monégasque réservée aux seuls casiers judiciaires, et invoquait une délégation générale de pouvoir par le Parquet de Monaco. Les faits de violation du secret professionnel ne pouvaient être poursuivis, compte tenu du décès de Bernard C... Entendu sur la plainte avec constitution de partie civile de Didier Y..., Guy X... maintenait que s'il avait transmis ces renseignements, c'était parce que selon lui, cette transmission n'entrait pas dans le cadre de la Convention franco-monégasque et qu'elle était autorisée par le Parquet général de Monaco en vertu d'instructions verbales. Il réaffirmait que si sa télécopie n'avait pas été visée par son supérieur hiérarchique, contrairement à une note de service du 24 juillet 1995, c'était parce que ce jour-là, celui-ci était absent et qu'il bénéficiait en ce cas d'une délégation en tant que chef de la section Interpol à la Sûreté. Il contestait ainsi avoir fait un faux témoignage devant le juge d'instruction lors de son audition du 16 avril 2002 en affirmant qu'il avait pu valablement transmettre cette télécopie. Le commissaire GAMBERINI, supérieur direct de Guy X..., précisait qu'effectivement la télécopie aurait du être visée par ses soins et par le directeur de la Sûreté. Mais il indiquait qu'il s'agissait d'une procédure "théorique" et qu'en cas d'urgence, X... avait pu valablement transmettre son envoi sans visa ou enregistrement préalables. Il confirmait que le Parquet général de Monaco avait autorisé ces transmissions directes dans la mesure où elles ne revêtaient pas de caractère sensible ou confidentiel. Il estimait lui
aussi qu'en l'absence de transmission d'un casier judiciaire, la Convention franco-monégasque n'avait pas vocation à s'appliquer. Daniel SERDET procureur général à Monaco au moment des faits, indiquait avoir effectivement autorisé la communication directe de tels renseignements et estimait quela transmission faite par Guy X... s'inscrivait dans le cadre de la coopération des services de police français et monégasques. Par ordonnance de non lieu du 15 décembre 2005, le juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de Nice en charge du dossier a déclaré qu'il n'y avait pas lieu à suivre car il n'existe pas de charges suffisantes contre Guy X... d'avoir commis les infractions reprochées. Le conseil de la partie civile a relevé appel de cette décision le 19 décembre 2005.
[* Le Ministère Z... requiert la confirmation de l'ordonnance de non lieu.
*] Par mémoire régulièrement adressé au greffe de la Chambre de l'Instruction, le conseil de Guy X..., mis en examen, demande la confirmation de l'ordonnance de non lieu du 15 décembre 2005, en faisant valoir : - que Guy X... n'a pas commis de faux témoignage lors de sa déposition du 16 avril 2002, - qu'il n'a pas commis de faux témoignage lors de sa déposition du 16 avril 2002 en ce qui concerne la délégation de pouvoir du parquet général de la Principauté de Monaco, - que cela a été confirmé par le Procureur Général qui a été entendu à ce sujet, - que la convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 était inapplicable en l'espèce, elle ne prévoit que l'échange de casier judiciaire, - qu'il n'y a pas faux témoignage lorsque Guy X... déclare qu'il avait à son sens pouvoir d'envoyer ce genre de renseignement de par ses fonctions, qu'il y a absence de mensonge intentionnel, - que le témoignage de Guy X... n'a pas été déterminant. Par mémoire
régulièrement adressé au greffe de la Chambre de l'Instruction, le conseil de Didier Y..., partie civile appelante, demande l'infirmation de l'ordonnance de non lieu déférée et le renvoi de Guy X... devant le tribunal correctionnel pour faux témoignage, en faisant valoir : - que la note de service du 02 février 1998 de la direction de la sûreté publique de la principauté de Monaco ne prévoit pas qu'un fax puisse être envoyé dans les conditions dans lesquelles Guy X... a opéré, - qu'il n'existe aucune explication à l'absence d'enregistrement du téléfax en cause, - que cela révèle une volonté de nuire à Didier Y..., - que les renseignements qu'il a envoyé par fax, relatifs à Didier Y..., sont à assimiler à un casier judiciaire puisque les renseignements sont les mêmes. CECI ÉTANT EXPOSÉ
Considérant que l' appel, régulier en la forme, a été interjeté dans le délai légal ; Sur le faux témoignage
Le faux témoignage résulte du seul fait d'une déposition contraire à la vérité sous la foi du serment. Il convient en outre que ce faux témoignage ait été fait de mauvaise foi et avec une intention dolosive. En l'espèce, il est reproché par la partie civile à Guy X... d'avoir déclaré au juge d'instruction qui l'entendait comme témoin, que sa transmission de renseignements par télécopie au commissaire français C... avait pu être valablement faite par ses soins, sans le visa de son supérieur hiérarchique et sans mise en oeuvre des dispositions de la Convention franco-monégasque d'entraide judiciaire. Or les articles 29 et 30 de la Convention franco-monégasque ne prévoient l'obligation d'une communication de parquet à parquet que pour la transmission des casiers judiciaires. Il ressort des éléments de l'information, qu'à Monaco la pratique de la communication directe entre services de police était généralisée et tacitement autorisée, dès lors que ces renseignements n'avaient
pas de caractère sensible ou confidentiel. Il n'apparaît donc pas que Guy X... ait fait preuve de mauvaise foi lors de sa déposition devant le juge d'instruction. Il a rapporté lesIl n'apparaît donc pas que Guy X... ait fait preuve de mauvaise foi lors de sa déposition devant le juge d'instruction. Il a rapporté les errements en vigueur dans son service de police à Monaco en matière d'échange de renseignement entre les services de police de Monaco et de la France. Le Procureur Général de Monaco a indiqué que le renseignement fourni par Guy X... n'avait pas de caractère confidentiel ou sensible et que sa demande s'inscrivait dans le cadre d'une coopération entre les services de police. Il a ajouté que les modalités d'expédition de ce type de renseignement était une gestion interne au service de la sûreté publique.
Sur la destruction de preuve
Il en résulte que l'expédition du fax et la destruction du brouillon correspondant par Guy X... n'a pas de caractère pénal, s'agissant d'une mauvaise application d'une note de service émanant de la division de police administrative de la sûreté publique de Monaco pour régir le fonctionnement même du service. Il n'a pas été démontré, par ailleurs, que Guy X... connaissait Didier Y... et avait, en agissant comme il l'a fait, voulu nuire à Didier Y.... Sur la violation des traités bilatéraux et la violation du secret professionnel
Le traité bilatéral entre la France et Monaco traite notamment en ses articles 29 et 30 des échanges de casiers judiciaires. Les renseignements transmis par Guy X... au commissaire C... ne constituent pas un casier judiciaire. Il s'agit de renseignement transmis de policiers à policiers comme cela se pratique couramment dans les zones frontalières. Il n'y a donc pas eu en l'espèce violation des traités bilatéraux France-Monaco par Guy X.... Il en
résulte que le délit de violation des traités bilatéraux n'a pas été démontré à l'encontre de Guy X.... Par ailleurs, les fonctionnaires de police sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne les informations parvenues à leur connaissance dans l'exercice de leur profession et auxquelles la loi a conféré un caractère confidentiel dans un intérêt général et d'ordre public. Or il résulte des faits précités qu'il n'y a pas eu de la part de Guy X... violation du secret professionnel puisque les renseignements portaient sur une décision de justice rendue en public et qu'ils étaient transmis à un autre policier, également tenu au secret professionnel. Il n'a donc pas été démontré que Guy X... a violé le secret professionnel. Sur le faux et usage de faux
Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et accompli par quelques moyens que ce soit qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. En l'espèce, les renseignements figurant sur le fax querellé étaient exacts, s'agissant du prononcé d'une peine en audience publique. Dès lors il ne s'agit pas d'un faux ayant altéré frauduleusement la vérité. Il en résulte que les éléments constitutifs du faux ainsi que de son usage, ne sont pas rapportés à l'encontre de Guy X.... Il résulte de l'instruction que ne sont pas réunis à l'encontre de Guy X... les éléments constitutifs du délit de faux témoignage des articles 434-13 et 434-14 du Code Pénal ainsi que les éléments constitutifs des délits de violation des traités bilatéraux, destruction de preuves, violation du secret professionnel, faux et usage de faux. Il convient en conséquence, de confirmer l'ordonnance de non lieu déférée du 15 décembre 2005. * * *
PAR CES MOTIFS
LA COUR Vu les articles 177, 184, 194, 200 et suivants du code de
procédure pénale ; EN LA FORME, Déclare l'appel de la partie civile recevable, AU FOND, Confirme l'ordonnance de non lieu déférée, Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur général. LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT, Les conseils des parties ont été avisés du présent arrêt, par lettre recommandée. LE GREFFIER.