COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 1 Chambre B ARRÊT AU FOND DU 12 MAI 2005 MZ No 2005/ Rôle No 04/04745 S.C.I. DU TOUAT C/ SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL dite "SAFER" PROVENCE ALPES COTE D'AZUR Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 08 Janvier 2004 enregistré au répertoire général sous le no 03/1574. APPELANTE S.C.I. DU TOUAT, dont le siège est La Jonquière Valady - 12330 - MARCILLAC VALLON représentée par la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Courplaidant par Me Jacques PONS avocat au barreau de RODEZ INTIMÉE SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL dite "SAFER" PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, dont le siège est Route de la Durance - B.P. 116 - 04101 MANOSQUE représentée par la SCP ERMENEUX - ERMENEUX - CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour, plaidant par Me Yves JOLIN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
-- Vu le jugement rendu le 8 janvier 2004 par le tribunal de grande instance de TARASCON ; Vu l'appel régulièrement interjeté par la SCI du TOUAT ; Vu les conclusions récapitulatives déposées le 7 mars 2005 par l'appelante ; Vu les conclusions récapitulatives déposées le 23 février 2005 par la société D'AMÉNAGEMENT FONCIER et d'ETABLISSEMENT RURAL dite SAFER
PROVENCE ALPES COTE D'AZUR ; Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 mars 2005. MOTIFS DE LA DÉCISION : Attendu qu'à la suite de la résolution du plan de cession le 23 mars 2000 dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de madame X... née Ida Y... et de monsieur Jacques X... ouverte le 17 avril 1992, il a été procédé à la vente forcée de la propriété agricole leur appartenant en indivision avec leur fils et belle-fille, les époux Z..., dite "Domaine de la Tour de Caseau", constituée de terres pour environ 176 ha, d'un mas et d'une maisonnette ; Que la SCI du TOUAT a été déclarée adjudicataire sur surenchère desdits biens à l'audience des criées du tribunal de grande instance de TARASCON en date du 25 janvier 2002 au prix de 1.082.388 ç ; Attendu que par acte de maître PONCE, huissier de justice, en date du 25 février 2002 la SAFER PROVENCE ALPES COTE D'AZUR a exercé son droit de préemption sur les biens adjugés à la SCI du TOUAT ; Attendu que cette dernière soutient que l'autorisation préalable de préempter a été accordée à la SAFER par monsieur le commissaire du gouvernement de l'agriculture le 11 février 2002 sur la base d'allégations inexactes qui lui avaient été communiquées par elle ; Que la décision d'autorisation et sa motivation se trouveraient donc entachées d'illégalité que seule la juridiction administrative a la compétence de constater ; Attendu toutefois que lorsqu'une contestation sur la légalité d'un acte administratif unilatéral par lequel le commissaire du gouvernement approuve implicitement ou explicitement une décision préemption est soulevée devant le juge judiciaire, ce dernier n'est tenu de surseoir à statuer jusqu'à ce que les juridictions administratives se soient prononcées sur cette question préjudicielle seulement lorsqu'elle présente un caractère sérieux ; Attendu qu'en l'espèce la SAFER a, par courrier du 6 février 2002, informé le commissaire du gouvernement de son intention de préempter après que
la propriété agricole ait fait l'objet d'une surenchère au profit de "monsieur A..., grossiste en matériel de chauffage à RODEZ, dont le projet semble de destiner ce bien à la chasse et aux loisirs" ; Attendu que l'appelante ne fait pas grief à la SAFER d'avoir commis une erreur sur le patronyme d'un de ses membres qui est "B..." et non "A...", mais d'avoir indiqué qu'elle désirait destiner le bien acquis à une activité de chasse et loisirs, alors qu'en réalité elle envisageait l'installation en qualité d'agricultrice d'une de ses membres, madame Olivia B... ; Mais attendu qu'il résulte du courrier émanant de la préfecture de la région PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR en date du 11 février 2002 que la SAFER avait déjà sollicité l'accord du commissaire du gouvernement le 30 octobre 2001 et l'avait obtenu au visa des mêmes objectifs que ceux visés dans le courrier litigieux ; Qu'il en résulte que l'accord donné par le commissaire du gouvernement pour préempter n'a pas été conditionné par l'information fournie par la SAFER sur la destination supposée des biens acquis par l'appelante, mais bien au regard des objectifs avancés par la SAFER ; Attendu en conséquence que la difficulté soulevée par la SCI du TOUAT sur la légalité de l'autorisation de préempter accordée par le commissaire du gouvernement le 11 février 2002 ne présente pas un caractère sérieux et la demande de sursis à statuer doit être rejetée ; Attendu que la SCI du TOUAT invoque la nullité de la décision de préemption de la SAFER en raison de la contrariété des motifs invoqués et de l'absence de recherche de l'intérêt général, la préemption ayant été en réalité décidée dans le seul intérêt privé d'une famille d'agriculteurs ; Attendu que l'article L 143-3 du code rural dispose qu'à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou plusieurs objectifs définis à l'article L 143-2 dudit code ; Attendu qu'en l'espèce la SAFER a
visé : 1o) l'installation, la réinstallation ou le maintien d'agriculteurs, 2o) l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, et a visé les motifs particuliers suivants : "propriété à vocation d'élevage et de cultures céréalières classée en zone NC au plan d'occupation des sols de la commune d'ARLES approuvé le 2 mars 1983. Cette unité de production, bien structurée, est actuellement mise en valeur par des exploitants agricoles. L'intervention de la SAFER permettrait de réaliser sur tout ou partie du bien le maintien en place des exploitants actuels ou de l'un d'eux avec le concours d'un bailleur apporteur de capitaux. Cette acquisition permettrait également d'envisager, dans le respect des priorités du schéma directeur départemental des structures, l'agrandissement d'une ou plusieurs exploitations locales ; on peut citer le cas de deux frères mettant chacun en valeur, à proximité, une exploitation rizicole de 90 ha environ chacun, soit environ 0,72 unités de référence. La publicité d'appel à candidatures pourra révéler d'autres demandes qui seront examinées par les instances de décision de la SAFER"; Attendu qu'il ressort des motifs sus invoqués que l'objectif recherché est le maintien des exploitants agricoles sur place ; que la propriété objet de la préemption appartient aux époux Z... occupant la maisonnette et aux époux C... occupant le mas ancien ; que la procédure collective ne concernant que ces derniers, la SAFER a pu envisager l'intervention d'un bailleur de fonds afin de permettre le maintien des deux familles d'exploitants actuels sur la propriété ; Attendu que le second objectif visé par la SAFER est l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes ; que le fait que le domaine de la TOUR de CASEAU ait été considéré comme une unité structurée n'est pas en contradiction avec le fait d'envisager de restreindre la surface
d'exploitation de l'agriculteur maintenu sur place, dans la mesure où ce maintien doit se faire sur une exploitation viable ; Qu'au surplus cette restructuration permet l'agrandissement des exploitations voisines appartenant aux frères D... ; Attendu qu'aucune contradiction ne peut donc être relevée dans les motifs retenus par la SAFER dans sa décision de préempter, motifs au surplus conformes aux dispositions des articles L 143-2 et L 143-3 du code rural ; Attendu qu'au soutien du grief d'avoir recherché un intérêt privé, la SCI du TOUAT invoque la clandestinité de la publicité de la procédure de rétrocession et reproche au comité technique départemental de n'avoir étudié que la candidature de madame Isabelle Z... ; Mais attendu que la procédure de rétrocession a fait l'objet d'une publication le 8 mars 2002 dans deux journaux d'annonces légales ; Que l'appelante ne peut soutenir que l'appel de candidatures aurait été affiché seulement le 21 mars le délai expirant le 22 mars, alors que le document produit aux débats émanant de la mairie de la commune d'ARLES en date du 21 mars 2002 ne fait qu'attester que l'appel de candidature a été affiché pendant le délai légal de 15 jours ; Attendu qu'il n'est pas démontré par l'appelante, à qui la charge de la preuve incombe, qu'il y aurait eu d'autres candidatures à la rétrocession que madame Isabelle X... E... et les frères Florian et Hervé D... ; Que les promesses d'achat signées par les consorts D... sont certes datées du 21 février 2002 et donc antérieures à la procédure de rétrocession initiée le 8 mars 2002, de même que les chèques émis par eux à cette date à titre de garantie ; Attendu que ces éléments sont toutefois inopérants, puisque les actes de vente entre la SAFER et les consorts D... n'ont été dressés et signés que le 17 mars 2003, date de levée de l'option par la SAFER ; Qu'enfin outre le fait qu'il n'est pas démontré l'existence d'autres rétrocessionnaires que
ces derniers, il convient de relever que la SCI la TOUAT, qui soutient que son acquisition était destinée à l'exploitation agricole par l'un de ses membres, ne s'est pas portée candidate à la rétrocession ; Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ; Attendu qu'il serait inéquitable de laisser supporter à l'intimée les frais irrépétibles engagés dans l'instance ; PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ; Y ajoutant :
Condamne la SCI du TOUAT à verser à la SAFER PROVENCE ALPES COTE D'AZUR la somme de 1.500 ç en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; La condamne aux dépens distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT