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24/03/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006945797

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0014, 24 mars 2005, JURITEXT000006945797


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 1 Chambre B ARRÊT AU FOND DU 24 MARS 2005 CC No 2005/ Rôle No 03/07493 S.A. UCB ENTREPRISES C/ André X... S.C.P. BOUARD DAUDE Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Février 2003 enregistré au répertoire général sous le no 99/7125. APPELANTE S.A. UCB ENTREPRISES venant aux droits de la Société Union de Crédit pour le Bâtiment dite UCB, dont le siège est 5 Avenue Kléber - 75016 - PARIS représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, plaidant

par Me LEOPOLD-COUTURIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS Monsieur An...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 1 Chambre B ARRÊT AU FOND DU 24 MARS 2005 CC No 2005/ Rôle No 03/07493 S.A. UCB ENTREPRISES C/ André X... S.C.P. BOUARD DAUDE Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Février 2003 enregistré au répertoire général sous le no 99/7125. APPELANTE S.A. UCB ENTREPRISES venant aux droits de la Société Union de Crédit pour le Bâtiment dite UCB, dont le siège est 5 Avenue Kléber - 75016 - PARIS représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, plaidant par Me LEOPOLD-COUTURIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS Monsieur André X... ... par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour, plaidant par Me Francesca PARRINELLO, avocat au barreau de PARIS S.C.P. BOUARD DAUDE prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société BRIGO, dont le siège est 34 rue Sainte Anne - 75001 - PARIS représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour-- EXPOSÉ DU LITIGE Vu l'appel interjeté par la S.A. UCB ENTREPRISES du jugement rendu le 11 février 2003 par le tribunal de grande instance

de Grasse, lequel l'a déboutée de son action en responsabilité dirigée contre monsieur André X..., conservateur honoraire des hypothèques, a débouté celui-ci de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, a condamné cette société aux dépens et à payer au défendeur principal la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Vu les dernières conclusions déposées le 24 décembre 2004 par la S.A. UCB ENTREPRISES qui demande d'infirmer le jugement, de dire que André X... est responsable du préjudice qui lui a été causé par la perte du rang de son hypothèque provisoire prise le 5 avril 1993 volume 93 V no1450, de le condamner en conséquence à lui payer la somme de 217.239,85 euros (1.425.000 francs) en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 1997 à titre de complément de réparation et la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Cette appelante fait valoir que André X..., alors conservateur du premier bureau des hypothèques de Grasse, a commis des fautes en refusant par deux fois d'inscrire une hypothèque définitive devant se substituer à l'hypothèque provisoire prise le 5 avril 1993 sur les immeubles de la société BRIGO à Mougins et d'avoir ainsi laissé devenir caduque l'inscription provisoire dont la radiation a été ordonnée le 26 mars 1996, alors que les motifs des refus auraient été erronés puisqu'il n'est pas juge de l'efficacité de la formalité, que la demande d'inscription a été formée dans le délai et qu'y étaient joints tous les documents utiles, la preuve de l'absence de demande de mainlevée formée par le débiteur à la suite de la dénonciation de l'inscription provisoire ne pouvant, selon le créancier, être rapportée et le risque étant à la charge du créancier et non à celle du conservateur des hypothèques. La SA UCB ENTREPRISES ajoute que la décision rendue le 26 mars 1996 par le juge de l'exécution n'a pas autorité de la

chose jugée sur la prétendue tardiveté de la seconde réquisition déposée le 12 juillet 1996. Vu les dernières conclusions déposées le 3 février 2005 par André X... qui demande au visa des articles 255, 256, et 263 du décret du 31 juillet 1992, de la décision définitive du juge de l'exécution du 26 mars 1996 et de l'article 1351 du Code civil, de confirmer le jugement et sur son appel incident de condamner la société UCB ENTREPRISES venant aux droits de la société UNION DE CRÉDIT POUR LE B TIMENT à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et la même somme en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. L'intimé oppose que son double refus d'inscription définitive a été motivé par une juste application des textes en vigueur sinon la formalité de l'inscription définitive, faisant suite à une inscription provisoire, serait dépourvue de cohérence. Le conservateur des hypothèques relève en outre que la deuxième réquisition d'inscription a été présentée hors délai le 12 juillet 1993 en se référant à l'ordonnance rendue le 26 mars 1996 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse et que la contestation du premier refus est tardive puisque la société UCB ENTREPRISES avait, à réception du refus motivé, sollicité du greffe du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris, le certificat d'absence de mainlevée qu'elle n'avait pas initialement produit, alors que la publicité avait été pratiquée avec un titre exécutoire. Vu les conclusions déposées le 23 septembre 2004 par la S.C.P. BOUARD DAUDE, autre intimée en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société BRIGO, qui déclare s'en rapporter à justice sur le mérite de l'appel. MOTIFS DE LA DÉCISION Le deuxième dépôt litigieux de demande d'inscription d'hypothèque définitive formalisé par sommation d'huissier le 12 juillet 1993 n'était pas hors délai et la décision du juge de l'exécution du 26

mars 1996 n'a pas, de ce chef du délai, autorité de la chose jugée, le juge de l'exécution n'ayant pas statué dans le dispositif de sa décision sur la computation précise des dates en cause. En effet, la computation du délai de deux mois à partir du 9 avril 1993, date de la dénonce du dépôt d'une inscription d'hypothèque provisoire au débiteur, la S.A.R.L. BRIGO, plutôt qu'à partir du 13 avril 1993, date du deuxième acte de dénonce rectifiant l'acte du 9 avril 1993 lequel comportait une erreur sur la date de dépôt de la demande d'inscription provisoire à la conservation des hypothèques (le 5 avril 1993 plutôt que le 1er avril 1993) a été retenue inexactement comme motif justifiant de faire droit à la demande de mainlevée de l'inscription provisoire formée par le second créancier hypothécaire, la Caisse d'Epargne, et ce bien que le moyen n'ait pas été invoqué, aussi précisément, par le demandeur qui avait seulement fait valoir l'absence d'inscription définitive ; or le délai réglementaire ne peut courir qu'à compter de la notification rectificative et seule valable, qui a été elle-même effectuée dans le délai de huit jours de l'inscription provisoire. Au demeurant, le jugement n'a pas été frappé d'appel et la caducité de l'inscription provisoire était définitivement acquise puisque la demande d'inscription de l'hypothèque définitive formalisée par sommation du 12 juillet 1993 a été refusée le 13 juillet 1993 - sans que ne soit d'ailleurs relevée la forclusion présentement invoquée par le conservateur des hypothèques - et qu'aucune réquisition ultérieure n'a pu être présentée. Le refus daté du 8 juin 1993 de la première demande d'inscription présentée le 25 mai 1993 et enregistrée le 4 juin 1993 est ainsi motivé : - défaut de production des documents visés au dernier alinéa de l'article 263 du décret du 31 juillet 1992, rendant le titre produit incomplet et ne permettant pas la détermination de l'assiette de la taxe . - sur les bordereaux compléter le

paragraphe En vertu. La société UCB ENTREPRISES relève pertinemment que le conservateur des hypothèques ne peut refuser une formalité, sans engager sa responsabilité au sens de l'article 2199 du Code civil et du décret du 4 janvier 1955, que si la réquisition comporte une omission ou une non-concordance, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Dans la mesure où la signification de l'inscription provisoire avait été faite régulièrement au débiteur et qu'il en était justifié, le conservateur pouvait vérifier le respect des délais prévus par les articles 263 et 255 et 256 du décret du 31 juillet 1992, sans qu'il lui revienne de s'assurer qu'une demande de mainlevée de l'inscription provisoire n'avait pas été formée par ce débiteur, un tel contrôle excédant les limites légales et réglementaires de ses attributions et étant, de surcroît, dépourvu d'intérêt d'autant que le risque consécutif à une telle demande du débiteur dont le créancier n'aurait pas tenu compte est seulement encouru par celui qui requiert l'inscription définitive, sans préjudice tant pour les autres créanciers hypothécaires que pour le débiteur. Le conservateur des Hypothèques n'avait pas qualité pour apprécier le caractère fondé ou non de la demande d'inscription, dès lors qu'elle est formée dans les délais vérifiables au vu des documents produits, qu'elle est conforme au titre exécutoire, et rédigée sans omission ni défaut de concordance. Le motif tiré de l'impossibilité de déterminer l'assiette de la taxe n'est pas mieux fondé, celle-ci ayant été déterminée dans le cadre de l'inscription provisoire. Ce premier refus d'inscription de l'hypothèque définitive est donc fautif et, partant, l'est aussi le deuxième refus de la demande d'inscription présentée le 12 juillet 1993 et opposé le 13 juillet 1993 dans les termes suivants :

défaut de production d'une partie des documents visés à l'article

263 du décret du 31 .7.1992 ; les documents fournis sont de simples photocopies û BOI 10 D -293 page 5 Il résulte de la sommation dressée par maître CANEVESE, huissier de justice à Grasse, que l'acte remis était la copie exécutoire de l'acte notarié et non une photocopie et la preuve contraire n'est pas rapportée par le conservateur des hypothèques. Au demeurant, ce motif est superfétatoire puisque le premier motif de ce second refus est la réitération de celui du 8 juin 1993 en l'absence de justification de l'absence de demande de mainlevée formée dans le délai réglementaire par le débiteur auquel avait été notifiée l'inscription provisoire. Pour les motifs ci-avant énoncés, ce refus est fautif, de sorte que la société UCB ENTREPRISES est bien fondée à rechercher la responsabilité de monsieur X..., en sa qualité de conservateur des hypothèques du premier bureau de Grasse, signataire du deuxième refus, le premier ayant été signé par un employé de ce même bureau. L'erreur matérielle dans le bordereau de la première demande d'inscription présentée le 25 mai 1993 sur le montant de la créance garantie (2.00.000 francs au lieu de 2.000.000 francs) n'a pas été déterminante, sachant qu'elle n'a pas été relevée par le conservateur et que, même si elle l'avait été, l'UCB disposait d'un délai suffisant pour la rectifier. Le lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqué est démontré puisque ces deux refus successifs d'inscription de l'hypothèque définitive sont la cause de la caducité constatée de son inscription provisoire du 5 avril 1993 et de la mainlevée de celle-ci ordonnée le 26 mars 1996, alors que la société UCB ENTREPRISES avait effectué les diligences nécessaires en temps utile. Il en est résulté pour ce créancier de la société BRIGO un préjudice puisque la Caisse d'Epargne, créancier hypothécaire de rang suivant, a primé, et que la société UCB ENTREPRISES soutient avoir perdu la somme de 1.425.000 francs (217.239,85 euros) correspondant à

la différence entre le montant de son inscription provisoire prise à hauteur de 2.000.000 francs et ce qu'elle a perçu, soit 575.000 francs. L'UCB ENTREPRISES justifie avoir déclaré sa créance le 9 avril 1998 pour un montant "privilégié et hypothécaire" de 9.319.229,59 francs en capital outre intérêts, frais et accessoires et même s'il n'est pas établi que cette créance, dont la date de constitution n'est pas précisée, a été vérifiée et admise dans le cadre de la procédure collective de la société BRIGO, il résulte de l'examen du décompte détaillé de la créance arrêté au 31 mars 2002 née antérieurement à l'inscription provisoire du 5 avril 1993 qu'en vertu de l'acte de prêt du 31 octobre 1990 reçu par maître BEN SOUSSAN, notaire à Vallauris, la créance du prêteur de deniers s'élevait à la somme totale de 2.471.105,12 francs en principal, intérêts conventionnels et accessoires. Toutefois, les fautes de André X... ont seulement fait perdre à la société UCB ENTREPRISES une chance sérieuse de recouvrer cette somme (217.239,85 ç), sachant que la réparation d'une perte de chance doit nécessairement être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, un aléa subsistant néanmoins sur l'issue positive qui serait advenue pour le créancier si le conservateur des hypothèques n'avait pas refusé la formalité. En réparation du préjudice causé, il sera alloué à la société UCB ENTREPRISES la somme de 205.000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 1997, date de l'assignation introductive d'instance, à titre de complément de réparation du préjudice. André X..., partie succombante, sera condamné aux dépens et à payer à la société UCB ENTRPRISES une indemnité en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, La Cour, Statuant publiquement, contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris, Condamne André X... à payer à la société UCB ENTREPRISES S.A. la somme de 205.000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 1997, à titre de dommages-intérêts, Condamne André X... à payer à la société UCB ENTREPRISES S.A. la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne André X... aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945797
Date de la décision : 24/03/2005

Analyses

PUBLICITE FONCIERE - Conservateur des hypothèques - Responsabilité - Faute - /JDF

Dès lors qu'une demande d'inscription d'hypothèque définitive est formée dans les délais prévus par les articles 255, 256 et 263 du décret du 31 juillet 1992, délais vérifiables au vu de la signification régulièrement faite au débiteur de l'inscription provisoire, qu'elle est conforme au titre exécutoire et rédigée sans omission ni défaut de concordance, le conservateur des hypothèques n'a pas qualité pour apprécier le caractère fondé ou non de cette demande d'inscription. Ainsi, il ne lui appartient pas de s'assurer de l'absence de demande de mainlevée de l'inscription provisoire formée par le débiteur - un tel contrôle excédant les limites légales et réglementaires de ses attributions et étant dépourvu d'intérêt, le risque encouru étant à la charge du créancier requérant l'inscription définitive - ni d'invoquer un motif de refus tiré de l'impossibilité de déterminer l'assiette de la taxe, celle-ci ayant déjà été fixée lors de l'inscription provisoire. En conséquence, en vertu de l'article 2199 du code civil et du décret du 4 janvier 1955, le conservateur des hypothèques qui refuse par deux fois, pour des motifs erronés, d'inscrire une hypothèque définitive devant se substituer à une hypothèque provisoire, prise sur les immeubles du débiteur, commet une faute de nature à engager sa responsabilité envers le créancier, prêteur de deniers, ces deux refus successifs ayant entraîné la caducité de l'inscription de l'hypothèque provisoire, puis sa radiation ordonnée par une décision devenue définitive du juge de l'exécution faisant droit à la demande de mainlevée d'un créancier hypothécaire de rang suivant


Références :

Code civil, article 2199
Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955
Décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, articles 255, 256, 263

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2005-03-24;juritext000006945797 ?
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