COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale
ARRÊT DU 14 AVRIL 2015
AP/ SB
R. G. 14/ 00610
SAS ALTIS En la personne de son représentant légal
C/
Lucette X... épouse Y...
ARRÊT no 155
Prononcé à l'audience publique du quatorze avril deux mille quinze par Aurélie PRACHE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière.
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
SAS ALTIS En la personne de son représentant légal 24, rue Auguste Chabrières 75015 PARIS
Représentée par Me Fadoie MAMOUNI de la SELAS BARTHELEMY et ASSOCIES, avocat au barreau de PAU
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'AUCH en date du 19 mars 2014 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 13/ 00091
d'une part,
ET :
Lucette X... épouse Y... née le 10 août 1954 à LECTOURE (32700) ... 32100 CASSAIGNE
Représentée par Me Pierre SANTI de la SCP DARMENDRAIL et SANTI, avocat au barreau de PAU
INTIMÉE
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 3 mars 2015, sur rapport de Aurélie PRACHE, devant Aurélie PRACHE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour, composée, outre d'elle même, de Michelle SALVAN et de Christine GUENGARD, Conseillères, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Code de Procédure Civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus mentionnés.
- FAITS ET PROCÉDURE :
La SAS Altis, en qualité de franchisé de la société Carrefour, exploitait 19 magasins dans le Sud-Ouest (6 hypermarchés Carrefour, 10 supermarchés Carrefour Market et 3 magasins discount ED), employant au 30 avril 2012 plus de 1 500 personnes sur l'ensemble des sites, dont 20 salariés au siège social à Pau et dans une cellule dénommée " Méti-Centrale " basée à Fleurance, dans le Gers.
Son capital était détenu par la société Sofides, elle-même propriété pour moitié du groupe Carrefour et pour l'autre moitié du groupe espagnol Eroski, au travers de filiales françaises.
La société ITM Participations, filiale de ITM Entreprises, décidait de racheter la totalité des actions de la société Sofides, pour devenir propriétaire du capital de la filiale de celle-ci, la SAS Altis.
La cession, autorisée par l'Autorité de la Concurrence sous la condition que les magasins de Mauléon, Céret, Fleurance et Vic Fezensac soit cédés à une enseigne tierce, était concrétisée en avril 2012.
Les magasins de Mauléon, Céret, Fleurance et Vic Fezensac étaient dans ce cadre cédés par Altis à la société Carrefour.
ITM Entreprises n'exploitant pas directement des magasins, les autres magasins étaient cédés par la SAS Altis à des sociétés d'exploitation créées pour chaque magasin, qui ont chacune signé avec ITM Entreprises un contrat permettant l'utilisation de l'enseigne Inter marché et le bénéfice de diverses prestations de sociétés filiales de ITM Entreprises.
Mme Y..., embauchée par contrat de travail en date du 7 août 1989, qui travaillait en dernier lieu pour la société Altis en qualité d'agent administratif ¿ niveau 2 B, pour une rémunération moyenne brute mensuelle de 1 869 euros et qui s'était vue reconnaître le statut de travailleur handicapé par décision du 13 octobre 2011, a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 avril 2013, rédigée dans les termes suivants :
« Dans le cadre d'une mesure de licenciement collectif, nous sommes au regret de vous notifier par la présente, votre licenciement pour motif économique.
(...)
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement il s'agit :
L'acquisition de plusieurs hypermarchés et supermarchés par le groupe constitué autour de ITM Entreprises a amené une réorganisation dans l'activité de la société Altis qui aboutit à la cession des points de vente d'Altis et par là-même à la suppression des emplois au siège social compte tenu des explications fournies aux représentants du personnel.
La réorganisation juridico-économique de la société Altis s'est traduite, à l'issue de la cession des quatre magasins à Carrefour, par la cessation totale de l'exploitation de magasins, et de manière induite par la disparition des fonctions administratives d'appui exercé au siège et de la fonction transverse déportée physiquement sur le magasin de Fleurance, dénommée « Meti Centrale ».
Depuis que les magasins sont passés sous enseigne du groupement des mousquetaires cette fonction transverse n'était plus cantonnée qu'aux seuls quatre supermarchés qui arboraient toujours l'enseigne Carrefour Market et dont le dernier, celui de Fleurance, a été cédé le 2 avril 2013 à Carrefour. À l'issue de cette cession la fonction de " Meti Centrale " s'est éteinte, Carrefour intégrant dans son propre système de gestion les magasins repris et Altis ayant cessé à ce moment toute exploitation.
Cette cessation d'activité entraîne la suppression de votre emploi.
En l'absence de reclassement au sein de Altis, des SAS qui ont repris les magasins de Altis, au sein des points de vente en portage, c'est-à-dire gérés par une filiale de ITM Entreprises et au sein des autres filiales de cette dernière, la suppression de votre emploi entraîne votre licenciement pour motif économique.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1233 ¿ 71 du Code du travail nous vous proposons le bénéfice d'un congé de reclassement dont les conditions de mise en ¿ uvre vous ont été communiquées le 17 décembre 2012...
Nous vous rappelons que vous disposez d'un délai de huit jours à compter de la date de notification de la présente pour nous faire part de votre acceptation en retournant au siège :
¿ un exemplaire de l'avenant ci-joint,
¿ les trois exemplaires de la convention tripartite ci-joint.
(...)
L'absence de réponse expresse de votre part sera assimilée à un refus de cette proposition.
Nous vous informons que conformément à l'article L. 1233 ¿ 45 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d'une priorité de réembauchage durant le délai d'un an à compter de la date de la rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire vous devrez nous faire part de votre désir d'user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celle que vous viendrez à acquérir sous réserve que vous nous ayez informée de celles-ci... ».
Le 4 avril 2013 Mme Y... a opté pour un congé de reclassement et signé un avenant à son contrat de travail fixant la durée de ce congé à neuf mois à compter du 8 avril 2013.
Dès le 20 juin 2013, Mme Y... a saisi le conseil de prud'hommes d'Auch pour contester la rupture et demander au conseil de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour obtenir paiement de diverses indemnités.
Par jugement en date du 19 mars 2014, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil des prud'hommes d'Auch a dit que le licenciement de Mme Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS Altis à lui payer les sommes de :
-35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation continue ;
-2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'entretien professionnel visé à l'article L. 6321 ¿ 1 alinéa 2 du code du travail.
Le conseil de prud'hommes a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la société Altis aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euros.
La société Altis a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée expédiée le 10 avril 2014, réceptionnée au greffe de la cour le 11 avril 2014.
- MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon les dernières écritures enregistrées au greffe le 30 janvier 2015, oralement reprises et développées à l'audience, la société Altis conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de débouter Mme Y... de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 euros en soutenant :
- que le motif du licenciement économique de Mme Y... est la cessation d'activité de la société, qui a entraîné la suppression de son poste de travail ;
- que la cessation d'activité est admise comme cause autonome de licenciement économique, sans qu'il soit besoin pour l'employeur de justifier que sa décision repose sur des motifs économiques ou sur une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ;
- que la suppression du poste de travail est effective dès lors que les tâches du salarié sont supprimées ou réparties entre d'autres salariés ;
- que depuis le changement d'enseigne, la fonction et le service de Mme Y... ont disparu dans la mesure où chaque point de vente du Groupement des Mousquetaires est indépendant et que la cession des différents points de vente a fait disparaître la société ;
- que Altis n'était qu'un organe de gestion des différents magasins, mais que les magasins fonctionnent désormais de manière autonome, que l'arrêt des activités de centralisation de la société Altis a conduit à la fermeture du siège de la société à Pau et de la cellule " Meti Centrale " de Fleurance ;
- que corrélativement, le poste de travail de Mme Y... a été supprimé et que l'inspection du travail n'a rien eu à redire quant au motif économique du licenciement collectif intervenu ;
- que l'obligation de reclassement est une obligation de moyen et non de résultat, que les sociétés qui doivent être consultées sont celles où la permutabilité du personnel est envisageable ;
- que ITM Entreprises n'est pas un groupe, mais un groupement, simple appellation d'usage qui ne revêt aucune réalité juridique ni à aucune prise de participation monopolistique d'une société dite mère ;
- que chaque société d'exploitation d'un magasin est distincte et autonome, avec sa direction propre, qui procède en toute indépendance au recrutement, de sorte qu'aucune permutation de personnel n'est à constater ;
- que Altis n'avait donc pas d'obligation de rechercher des solutions de reclassement sur d'autres sociétés autonomes appartenant au Groupement des Mousquetaires, que son obligation était cantonnée légalement à la société qui n'existait plus, aux structures amont du groupe ITM et aux points de vente en portage ;
- que Altis a procédé à des recherches de reclassement auprès de l'ensemble des sociétés où la permutabilité était possible et que le plan de sauvegarde de l'emploi fait état des très nombreuses solutions de reclassement envisageables au plan interne, dont Mme Y... avait été informée, que celle-ci n'ayant saisi aucune des propositions, elle a été contrainte d'engager la procédure de licenciement économique à son égard ;
- que l'obligation d'adaptation ne s'appliquait pas en l'espèce, puisqu'il n'y avait pas modification, mais suppression du poste de travail ;
- qu'elle a parfaitement respecté ses obligations relatives à la formation continue, alors qu'il ne peut être imposé à l'employeur d'assurer à un salarié une formation initiale qui lui fait défaut ;
- qu'au surplus Mme Y... ne démontre pas un quelconque préjudice découlant de la prétendue violation de l'obligation de formation ;
- que l'entretien professionnel visé à l'article L. 6321-1 du code du travail n'est qu'une possibilité ouverte aux salariés et qu'il appartenait à Mme Y... d'en faire la demande, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'en outre Mme Y... ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice du fait de l'absence d'entretien ;
- que le conseil de prud'hommes a accordé de ce chef une indemnité sans aucune motivation de sa décision ;
- que la société Altis a parfaitement respecté ses obligations relatives au document unique d'évaluation des risques professionnels, que ce document existe depuis le premier semestre 2003 et qu'il est régulièrement remis à jour.
Selon ses dernières écritures enregistrées au greffe le 4 février 2015, oralement reprises et développées à l'audience, Mme Y... conclut à la confirmation du jugement en ses dispositions concernant les demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et violation de l'obligation de formation continue et d'entretien professionnel, mais à sa réformation sur le quantum, sollicitant la condamnation de la société Altis à lui payer, majorées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes (19 juin 2013), les sommes de :
-45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de reclassement pris dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi ;
-10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation continue ;
-7 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de l'entretien professionnel visé à l'article L. 6321-1 du code du travail ;
-5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des obligations relatives au document unique d'évaluation des risques ;
-3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation Assedic ;
-2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite encore la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil et la condamnation de la SAS Altis, outre aux dépens, à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage et à lui verser une indemnité de procédure de 2 500 euros.
Au soutien de ces prétentions, Mme Y... fait valoir :
- que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de difficultés économiques et de menace sur la compétitivité du secteur d'activités du groupe, la réorganisation de l'entreprise par la vente des magasins et la suppression du service Meti Centrale ayant été mise en oeuvre pour répondre à un objectif de simple gestion d'un réseau de magasins, pour réduire la masse salariale et effectuer des économies de fonctionnement, motifs qui ne peuvent justifier un licenciement économique ;
- que son licenciement est encore sans cause réelle et sérieuse, la société Altis ne justifiant pas des démarches accomplies pour satisfaire à son obligation de reclassement ;
- que son préjudice est important, qu'elle a été licenciée alors qu'elle bénéficiait d'une ancienneté de 24 ans, qu'elle est âgée de 60 ans et bénéficie du statut de travailleur handicapé de sorte que ses chances de retrouver un emploi sont très minces ;
- qu'elle n'a reçu aucun courrier recommandé aux fins de se voir proposer un poste disponible au sein du magasin de Fleurance, contrairement à l'engagement pris en ce sens par la société Altis et que cette violation lui a causé un préjudice distinct de celui du licenciement qu'elle chiffre à 15 000 euros ;
- que la société Altis lui a également causé un préjudice en violant son obligation de formation professionnelle continue et d'adaptation prévue par l'article L. 6323-1 du code du travail, que tout au long de sa carrière elle n'a jamais bénéficié d'aucune formation susceptible de lui assurer une progression de carrière ou une adaptation de son emploi, que ce manquement de l'employeur à ses obligations l'a privé de la possibilité d'élargir son champ de compétence et de qualification et nuit à ses chances de trouver un autre emploi ;
- que la société Altis a également violé l'obligation d'entretien professionnel visé à l'article L. 6321-1 du code du travail, qu'elle n'a jamais mis en place un tel entretien, la privant ainsi d'un droit essentiel relatif à la poursuite de sa carrière et à son adaptation professionnelle, qu'elle a chiffré le préjudice en résultant à la somme de 7 500 euros ;
- que l'article L. 4121-3 du code du travail fait obligation à l'employeur d'évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, d'établir à cette fin un document unique d'évaluation des risques, respectivement de le mettre à jour au moins une fois par an, que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande formée de ce chef en considérant que le document unique existait depuis le premier semestre 2003 et avait été mis à jour régulièrement, dès lors qu'il n'a pas constaté que ce document avait été mis à la disposition des salariés, ni qu'un avis indiquant les modalités d'accès au document unique avait été communiqué aux salariés ; que la violation de cette obligation justifie l'allocation d'une indemnité de 5 000 euros ;
- que l'attestation pôle emploi lui a été remise tardivement, après qu'elle ait formulée plusieurs demandes auprès de la direction des ressources humaines puis adressé une mise en demeure le 17 janvier 2014, que ce n'est qu'après qu'une demande de condamnation sous astreinte de remise de ce document ait été formulée en justice que l'attestation pôle emploi lui a été remise, que cette remise tardive a bloqué son dossier d'indemnisation auprès de pôle emploi et lui a causé un préjudice qu'elle chiffre à 3 000 euros.
- MOTIFS DE L'ARRÊT :
- Sur le licenciement :
A titre liminaire il convient de rappeler, en droit :
- que l'article L. 1233 ¿ 3 du code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;
- que la cessation de l'activité de l'entreprise quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable constitue un motif de licenciement économique ;
- que l'article L. 1233 ¿ 4 du code du travail précise que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ;
- que par suite le licenciement d'un salarié ne peut avoir de motif économique que si le reclassement de l'intéressé est impossible.
En l'espèce la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, mentionne, d'une part, que le licenciement économique de Mme Y... est motivé par la suppression de son emploi par suite de la cessation totale de l'exploitation de magasins par la SAS Altis, entraînant la suppression de tous les emplois administratifs au siège de l'entreprise et dans le service dénommé Meti Centrale, basé à Fleurance, d'autre part, que le reclassement de Mme Y... au sein de la société Altis, des SAS qui ont repris les magasins de Altis, au sein des points de vente en portage, c'est-à-dire gérés par une filiale de ITM Entreprises et au sein des autres filiales de cette dernière n'est pas possible.
Pour confirmer le jugement qui a déclaré le licenciement de Mme Y... sans cause réelle et sérieuse, il suffira de relever :
- que les propositions de reclassement faites par l'employeur doivent être écrites, précises et personnalisées ;
- que Altis a défini elle-même, dans la lettre de licenciement, un périmètre de reclassement, correspondant à l'Unité Economique et Sociale créée par ITM Entreprises en décembre 2012, et qu'elle est mal venue de vouloir le restreindre dans le cadre de la présente procédure ;
- qu'elle a indiqué dans la lettre de licenciement que le reclassement de Mme Y... au sein de la société Altis, des SAS qui ont repris les magasins de Altis et des filiales de ITM Entreprises était impossible, mais qu'elle n'établit d'aucune manière avoir effectué une recherche de reclassement personnalisée pour Mme Y..., se contentant de renvoyer en termes généraux à la liste des postes annexée au plan de sauvegarde de l'emploi et à l'absence de candidature de Mme Y... sur l'un de ces postes ;
- que le plan de sauvegarde de l'emploi comporte, en page 7, dans un paragraphe intitulé Aide au reclassement interne, une clause prévoyant que « les postes disponibles au sein du magasin de Fleurance seront proposés aux deux salariés de la cellule Meti dont les postes seront supprimés par courrier recommandé ou remis en mains propres. Ceux-ci disposeront d'un délai de huit jours pour faire acte de candidature » ;
- que cet engagement s'inscrivait dans le cadre du reclassement des salariés et que Altis ne justifie ni avoir respecté cet engagement et transmis à Mme Y... une proposition de reclassement, ni qu'aucun poste n'était disponible au sein du magasin de Fleurance, se contentant là encore d'une simple allégation, non corroborée par de quelconques documents ;
- que bien au contraire, lors d'un comité d'établissement qui s'est tenu le 8 mars 2013, le dirigeant de la SAS Altis, à une question lui demandant s'¿ il y avait eu " une demande de reclassement pour les deux postes METI au sein du magasin de Fleurance " a répondu laconiquement non, ce qui traduit clairement qu'en fait aucune recherche de reclassement n'a été effectuée, en violation flagrante de l'engagement pris ;
- que la société Altis n'ayant effectué aucune recherche personnalisée pour Mme Y... et ne rapportant pas la preuve que le reclassement de celle-ci au sein du périmètre qu'elle avait elle-même défini était impossible, le jugement qui a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme Y... mérite confirmation.
Mme Y..., qui percevait une rémunération moyenne brute mensuelle de 1 869 euros, a été licenciée à 60 ans, alors qu'elle comptait 24 ans d'ancienneté et bénéficiait du statut de travailleur handicapé et d'un poste de travail, rendant encore plus difficile la possibilité de trouver un nouvel emploi.
Ce licenciement, 4 ans avant l'âge auquel elle aurait pu prétendre à une retraite à taux plein, lui a causé un préjudice direct et certain qui a été justement chiffré par les premiers juges à la somme de 35 000 euros. Le jugement sera donc également confirmé de ce chef.
- Sur la violation du plan de sauvegarde de l'emploi :
La violation de l'engagement pris dans le plan de sauvegarde de l'emploi n'a pas causé un préjudice distinct à Mme Y... dans la mesure où cet engagement de l'employeur s'inscrivait précisément dans le cadre de son obligation de reclassement, dont la violation a été sanctionnée ci-dessus par la requalification de la rupture et
l'allocation de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du non-respect par l'employeur de l'obligation de reclassement.
En effet, pour évaluer le préjudice subi à la suite du licenciement, l'ensemble des manquements commis par l'employeur en matière de reclassement, tant au titre de ses obligations légales qu'au titre des engagements pris dans le plan de sauvegarde de l'emploi ont été pris en considération, et Mme Y... ne justifie pas d'un préjudice distinct.
Par suite cette demande en dommages et intérêts sera rejetée.
- Sur l'obligation de formation continue :
L'article L. 6321-1 du code du travail dispose que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. (...)
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme Les actions de formation mises en oeuvres sont prévues le cas échéant par le plan de formation mentionné au 1o de l'article L. 6312-1. En l'espèce il est constant et non discuté que Mme Y... n'a jamais bénéficié d'aucune formation tout au long de son emploi. C'est vainement que la SAS Altis soutient qu'elle n'était tenue d'aucune obligation à cet égard, l'emploi du terme " peut " traduisant selon elle une simple possibilité dont il appartenait au salarié de solliciter le bénéfice et non une obligation pesant sur l'employeur. En effet, l'obligation de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi relève de l'initiative de l'employeur et non du salarié.
Le fait de ne pas faire bénéficier les salariés d'une formation pendant toute la durée de l'emploi établit un manquement de l'employeur à son obligation, manquement qui entraîne un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail.
Le manquement de la SAS Altis à son obligation est établi et a causé à Mme Y... un préjudice dans la mesure où il l'a privé de la possibilité d'élargir son champ de compétence et de qualification, respectivement de favoriser son déroulement de carrière au sein de l'entreprise.
Ce préjudice sera justement et suffisamment réparé par l'allocation d'une indemnité de 3 700 euros.
- Sur l'entretien professionnel :
L'article L. 6321-1 du code du travail dispose encore :
"...
Dans les entreprises et les groupes d'entreprises au sens de l'article L. 2331-1 employant au moins 50 salariés, il organise pour chacun de ses salariés dans l'année qui suit leur 45ème anniversaire un entretien professionnel au cours duquel il informe le salarié notamment sur ses droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, à un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation. "
En vertu de l'accord interprofessionnel du 12 octobre 2005, cette obligation d'organiser cet entretien a été prévue, passé le premier entretien après 45 ans, tous les 5 ans.
En l'espèce il est également constant et non discuté que Mme Y... n'a jamais bénéficié d'aucun entretien professionnel et que la SAS Altis a, là encore, manqué à son obligation légale.
Ce manquement a causé à Mme Y... un préjudice distinct du précédent, en la privant de la possibilité de faire le point avec son responsable hiérarchique sur l'évolution des métiers et ses perspectives d'emploi dans l'entreprise, de faire un bilan de compétence et de discuter de ses besoins de formation, de lui faire connaître aussi ses droits en matière de formation.
Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 1 870 euros.
- Sur les risques professionnels :
L'employeur est tenu, en application des dispositions des articles L. 4121-3, R. 4121-1, R. 4121-2 et R. 4121-4 du code du travail, d'établir un document unique d'évaluation des risques professionnels, de le mettre à jour une fois par an et de le tenir à la disposition des salariés, des délégués du personnel et du médecin du travail.
Mme Y... critique le jugement qui a écarté sa demande d'indemnisation en soutenant que la SAS Altis ne rapporte pas la preuve de la mise à jour annuelle du document unique, existant depuis 2003, ni celle de sa mise à la disposition des salariés.
Pour réformer le jugement il convient de relever :
- que c'est à l'employeur d'établir qu'il a rempli ses obligations légales ;
- qu'en l'espèce, si la SAS Altis justifie de la mise en place d'un document unique-soumis au comité d'entreprise lors de sa réunion du 23 octobre 2002- elle se contente ensuite d'affirmer que ce document a été annuellement mis à jour, sans produire aucun document établissant les mises à jour annuelles, renvoyant à des mails et des procès-verbaux de réunions de comité d'entreprise qui n'en font nullement état,... respectivement à la mention du jugement énonçant qu'il a été régulièrement mis à jour qui fait justement l'objet de la critique formulée par Mme Y... ;
- que par ailleurs la SAS Altis ne fournit aucune explication sur les conditions d'accès des salariés à ce document unique, qui doit être mis à leur disposition ;
- que la SAS Altis a manqué à ses obligations légales et a causé à Mme Y... un préjudice, peu important qu'il ne soit résulté de ce manquement ni accident de travail, ni maladie professionnelle ;
- que ce préjudice sera justement et suffisamment réparé par l'allocation d'une indemnité de 3 700 euros.
- Sur la remise de l'attestation Pôle Emploi :
Mme Y... fait justement observé que, alors qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement le 4 avril 2013, l'attestation destinée à Pôle Emploi ne lui avait été remise que tardivement, en janvier 2014.
En effet, il ressort des pièces produites qu'une mise en demeure du 17 janvier 2014 était demeurée infructueuse et que ce n'est qu'après que le conseil de Mme Y... ait saisi le 21 janvier 2014 le conseil de prud'hommes d'une demande de remise de ce document sous astreinte qu'il a enfin été transmis à celle-ci.
Il s'agit d'une faute engageant la responsabilité de la SAS Altis, qui a causé à Mme Y... un préjudice dans la mesure où elle a retardé son indemnisation par Pôle Emploi et lui a imposé démarches et stress inutile.
Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 1 500 euros.
La SAS Altis, mal fondée en son appel, sera condamnée aux entiers dépens et au payement d'une indemnité de procédure de 1 500 euros, s'ajoutant à celle fixée en première instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions :
- déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamnant la SAS Altis à payer une indemnité de 35 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- déboutant la SAS Altis de sa demande reconventionnelle,
- condamnant la SAS Altis aux dépens d'instance et au payement d'une indemnité de procédure de 2 000 euros.
Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,
Condamne la SAS Altis à payer à Mme Y... les sommes de :
-3 700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement à l'obligation de formation continue,
-3 700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement à l'obligation d'entretien professionnel,
-1 870 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement aux obligations relatives au document unique d'évaluation des risques professionnels,
-1 500 euros en réparation du préjudice résultant de la remise tardive de l'attestation destinée à Pôle Emploi,
-1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Altis à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Mme Y..., dans les limites fixées par le code du travail ;
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Condamne la SAS Altis aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Aurélie PRACHE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.