COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale
ARRÊT DU 17 MARS 2015
AP/ NC
R. G. 14/ 00577
Patrick X... Alim Y... Didier Z... Jean-Luc A... Jean-Marc B... Brigitte C... épouse D... Yannick E... Enzo F... Didier G... Jean-Christophe H...
C/
CGEA BORDEAUX CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA)
ARRÊT no 118
Prononcé à l'audience publique du dix-sept mars deux mille quinze par Aurélie PRACHE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière.
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
Patrick X... né le 12 mars 1957 à AMNEVILLE (MOSELLE) Élisant domicile chez Me Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Alim Y... né le 25 mars 1960 à LYON (69000) Élisant domicile chez Me Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Didier Z... né le 15 octobre 1968 à BAYONNE (64100) Élisant domicile chez Mme Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Jean-Luc A... né le 13 octobre 1967 à VALOGNES (50700) Élisant domicile chez Me Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Jean-Marc B... né le 26 décembre 1962 à CHARLIEU (42190) Élisant domicile chez Mme Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Brigitte C... épouse D... née le 23 septembre 1952 à ARCACHON (33120) Élisant domicile chez Me Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Yannick E... né le 19 septembre 1957 à MURET (31600) Élisant domicile chez Me Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Enzo F... né le 19 février 1966 à HAINE-SAINT-PAUL (BELGIQUE) Élisant domicile chez Me Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Didier G... né le 2 octobre 1958 à SAINT DENIS (97475) Élisant domicile chez Me Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Jean-Christophe H... né le 1er octobre 1958 à COLMAR (68000) Élisant domicile chez Me Jean-Pierre I...... 75116 PARIS
Représentés par Me Jean-Pierre I..., avocat au barreau de PARIS
DEMANDEURS AU RENVOI DE CASSATION prononcé par arrêt du 5 février 2014 cassant partiellement l'arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX en date du 9 octobre 2012 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 11/ 06117
d'une part,
ET :
CGEA BORDEAUX CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA) Les Bureaux du Lac Rue Jean Gabriel Domergue 33049 BORDEAUX CEDEX
Représenté par Me Philippe DUPRAT, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDEUR AU RENVOI DE CASSATION
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 3 novembre 2014, sur rapport de Aurélie PRACHE, devant Aurélie PRACHE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, Annie CAUTRES et Michelle SALVAN, Conseillères, assistées de Nicole CUESTA, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 9 décembre 2014, délibéré prorogé à ce jour.
- FAITS ET PROCÉDURE :
MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., E..., F..., G... et H..., d'une part, et Mme C..., épouse D..., d'autre part, ont été employés par l'association Les Girondins de Bordeaux Football Club.
L'association a été placée en redressement judiciaire, par un jugement du 22 février 1991. Après la cession des éléments d'actif, la procédure collective a été clôturée par un jugement du 16 mai 2001. Au moment de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les intéressés étaient soit salariés de l'association soit titulaires d'une créance salariale à son encontre. Ils ont obtenu la prise en charge de leur créance par l'AGS, à hauteur du plafond 4.
Le 12 juin 2008, ils ont demandé le paiement de leurs créances à hauteur du plafond 13 au CGEA de Bordeaux, délégation régionale de l'UNEDIC-AGS du Sud-Ouest, qui leur a opposé un refus le 16 juillet 2008.
Le 13 février 2009, ils ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'application du plafond 13.
Par jugement en date du 6 septembre 2011, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a déclaré leur action irrecevable à l'encontre du CGEA de Bordeaux.
Par arrêt en date du 9 octobre 2012, la cour d'appel de Bordeaux a :
- déclaré recevables les actions en contestation du refus de garantie de l'AGS des appelants,
- réformé le jugement en toutes ses dispositions,
- mis hors de cause Me Hirou, es qualité de représentant des créanciers de l'association Les Girondins de Bordeaux Football Club,
- constaté la prescription des créances de salaires et accessoires de MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., F..., H..., L... et Mme C... épouse D...,
- les a déboutés de leurs demandes à ce titre,
- déclaré recevables les demandes indemnitaires de MM. N..., O..., P..., Q..., R..., S..., L..., E... et de Mme C... épouse D...,
- dit que le CGEA de Bordeaux doit garantir les créances (indemnitaires) des sus-nommés à hauteur du plafond 13 et verser les sommes de :
(...)
* 22 343 euros à M. E..., * 28 882 euros à Mme C... épouse D...,
- condamné MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., F..., H... à payer chacun au CGEA de Bordeaux la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt en date du 5 février 2014, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il a constaté la prescription des créances de salaires et accessoires au titre de l'application du plafond 13 de MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., E..., F..., G... et H..., et de Mme D..., et les a déboutés de leurs demandes à ce titre, et a remis en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyé devant la cour d'appel d'Agen.
L'affaire a été inscrite au rôle de la cour par requête des appelants en date du 11 avril 2014.
- PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Au terme de leurs dernières écritures en date du 16 juillet 2014, reprises oralement à l'audience, MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., E..., F..., G... et H..., et Mme D..., sollicitent la réformation du jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux, la garantie par le CGEA de Bordeaux des créances de salaires et accessoires des appelants à hauteur du plafond 13 et la condamnation du CGEA de Bordeaux à verser entre les mains du greffier du tribunal de grande instance de Bordeaux, qui adressera un relevé de créance complémentaire au CGEA de Bordeaux et reversera à chacun les sommes suivantes :
-62 235 euros pour le compte de M. X...,-17 834 euros pour le compte de M. Y...,-33 409 euros pour le compte de M. Z...,-3 346 euros pour le compte de M. A...,-49 766 euros pour le compte de M. B...,-1 404 euros pour le compte de Mme D...,-9 101 euros pour le compte de M. E...,-59 857 euros pour le compte de M. F...,-31 717 euros pour le compte de M. G...,-21 828 euros pour le compte de M. H...,
outre la somme de 300 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent qu'aux termes de la jurisprudence actuelle c'est bien le plafond 13 qui devait être appliqué par le CGEA ; que la Cour de cassation a clairement rappelé que l'admission au passif d'une créance de salaires a les mêmes effets qu'une décision de justice constatant une créance et qu'il y a lieu d'appliquer la substitution de la prescription trentenaire à la prescription quinquennale, confirmant ainsi sa jurisprudence antérieure, notamment celle du 21 novembre 2012.
Ils rappellent que la déclaration d'une créance au passif d'une procédure collective équivaut à une demande en justice et a un effet interruptif qui dure jusqu'à la clôture de la procédure ; qu'en l'espèce, la procédure collective ayant été clôturée le 16 mai 2001, la prescription ne sera acquise qu'en 2031 ; qu'y compris en considérant le nouveau délai de prescription entré en vigueur avec la loi du 17 juin 2008, à la date de l'introduction de l'instance le 6 janvier 2009, la prescription n'était pas davantage acquise.
Ils exposent que l'obligation de l'AGS naît au jour de l'admission au passif de la créance salariale et que la clôture de la procédure collective ne peut être opposée par l'AGS au salarié, le greffier du tribunal ayant procédé à l'ouverture de la procédure, remplaçant alors le représentant des créanciers, adresse le relevé complémentaire à l'AGS, à charge pour le greffier de reverser les sommes aux salariés.
Au terme de ses dernières écritures en date du 30 octobre 2014, reprises oralement à l'audience, le CGEA de Bordeaux sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux et le débouté des appelants de l'ensemble de leurs demandes, et leur condamnation à lui verser chacun la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que ni l'établissement du relevé de créance visé par le juge commissaire ni l'inscription sur l'état des créances n'ont de valeur juridictionnelle et n'ont d'effet sur la prescription quinquennale acquise des salaires ; qu'en conséquence l'action des appelants est prescrite, en application de l'article L. 143-14 ancien du code du travail et les appelants irrecevables en leurs demandes d'avance de leur créance par l'AGS.
Il estime en effet que contrairement à ce qu'énonce la chambre sociale de la Cour de cassation un relevé de créances salariales, qui n'a pas fait l'objet d'une contestation, ne peut revêtir une quelconque valeur juridictionnelle ni même son dépôt au greffe sur l'état des créances ; que l'effet interversif du relevé de créances non contesté ou de l'état des créances est critiqué par une partie de la doctrine.
Il fait valoir qu'en toute hypothèse le plafond applicable à la créance de M. F... est le plafond 4 visé par l'article D. 3253-5 du code du travail, eu égard à l'origine contractuelle de sa créance ; que subsidiairement, M. X... ne peut prétendre qu'à la garantie de la somme de 224 265 euros sur le relevé de créance, soit la somme de 34 189 euros.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions déposées et oralement reprises.
- MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur l'interversion de prescription :
Attendu que l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable dispose que toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ;
Que selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit par cinq ans (ancien article L. 143-14 du code) ;
Que par ailleurs, l'ancien article L. 621-125 du code de commerce (article 123 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985), disposait que après vérification, le représentant des créanciers établit, dans les délais prévus à l'article L. 143-11-7 devenu L. 3253-19 du code du travail, les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, le débiteur
entendu ou dûment appelé. Les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article L. 621-36. Ils sont visés par le juge-commissaire, déposés au greffe du tribunal et font l'objet d'une mesure de publicité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Que cet article prévoyait en outre que le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé pouvait saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité mentionnée à l'alinéa précédent ;
Que l'ancien article L. 621-129 du code de commerce (loi no 85-98 du 25 janvier 1985, art. 127) disposait que les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, visés par le juge-commissaire, ainsi que les décisions rendues par la juridiction prud'homale sont portés sur l'état des créances déposé au greffe (...) ;
Attendu que selon les termes mêmes de l'arrêt de la Cour de cassation rendu dans le présent litige, le relevé des créances salariales, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation en ce qui concerne ces salariés, est porté sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce et cette admission au passif du redressement judiciaire revêt un caractère irrévocable, ce dont il résulte qu'elle entraîne la substitution de la prescription trentenaire à la prescription quinquennale ;
Que selon la doctrine, invoquée par l'intimé, l'interversion de prescription ne repose pas sur la qualification de l'admission des créances de décision ayant valeur de décision de justice, la formulation de la Chambre sociale laissant à penser qu'il s'agit plus de l'application de l'interversion de prescription découlant de la reconnaissance par le débiteur de sa dette que de celle attachée à un titre ;
Que cependant, une autre partie de la doctrine en déduit qu'il conviendrait dorénavant d'assimiler l'admission au passif à un titre exécutoire ;
Qu'en l'occurrence, la chambre sociale dans l'arrêt précité, a ainsi confirmé sa jurisprudence issue de son arrêt du 21 novembre 2012, dont il résulte que le visa porté par le juge commissaire sur l'état des créances salariales a la même valeur que la décision du juge commissaire en matière d'état des créances, telle que retenue par la chambre commerciale, dès lors que l'état des créances salariales est porté sur l'état des créances générales déposées au greffe ; que ce visa n'a pas simple valeur administrative, insusceptible d'entraîner une interversion des prescriptions ;
Qu'il s'agit donc bien d'une interversion de prescription à raison du titre-le visa par le juge-commissaire de l'état des créances de même valeur qu'une décision de ce juge-commissaire-et non à raison d'une reconnaissance par le débiteur de sa dette ; que cette interversion de prescription est en conséquence applicable au présent litige ;
Attendu en l'espèce que le relevé des créances salariales, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation en ce qui concerne ces salariés, aucun contentieux prud'homal n'ayant par ailleurs été engagé par les salariés ou le liquidateur, a été porté sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce ; que cette admission au passif du redressement judiciaire par le juge commissaire en date du 8 avril 1993, revêt un caractère irrévocable, ce dont il résulte qu'elle entraîne la substitution de la prescription trentenaire à la prescription quinquennale ;
Que la procédure collective ayant été clôturée le 16 mai 2001, la prescription ne sera acquise qu'en 2031 ; qu'à la date de l'introduction de l'instance le 6 janvier 2009, la prescription n'était donc acquise ;
Que la décision déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a déclaré les salariés irrecevables en leur action à l'encontre du CGEA de Bordeaux ;
- Sur l'application du plafond 13 aux créances salariales des appelants :
Attendu qu'aux termes de l'article D. 143-2, alinéa 1er du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, le montant maximum de la garantie prévue à l'article L. 143-11-8 du même Code est fixé à treize fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance-chômage lorsque les créances résultent de dispositions législatives ou réglementaires ou des stipulations d'une convention collective et sont nées d'un contrat de travail dont la date de conclusion est antérieure de plus de 6 mois à la décision prononçant le redressement judiciaire. Il s'apprécie à la date à laquelle est due la créance du salarié et au plus tard à la date du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire. Dans tous les autres cas, le montant de cette garantie est limité à quatre fois le plafond mentionné au premier alinéa ci-dessus.
Attendu que les créances résultant de dispositions législatives ou réglementaires ou conventionnelles au sens de ce texte sont celles qui trouvent leur fondement dans une loi, un règlement ou une convention collective, peu important que leur montant ne soit pas lui-même fixé par l'une de ces sources de droit ; que la rémunération du salarié, contrepartie de son travail, entre dans les prévisions de l'article D. 143-2, alinéa 1er, du code du travail, même lorsque son montant est fixé par l'accord des parties ;
Attendu par ailleurs que le présent contentieux n'est pas relatif à l'exactitude du montant des créances dont se prévalent les appelants, qui ont été admises et inscrites conformément aux articles précités ;
Attendu que l'AGS ne conteste l'application du plafond 13, hormis la prescription déjà évoquée, que pour les salariés X... et F... ; qu'il convient d'examiner ci-après la situation spécifique de ces deux salariés ;
- Sur la créance de M. X... :
Attendu que l'AGS soutient que s'agissant de M. X..., " l'avance ne pourra se faire que sur les créances inscrites sur les relevés de créances salariales (...) les seules créances salariales admises par le représentant des créanciers sont celles figurant sur le document initial intitulé " état de production " du 22 février 1991, et portées pour un montant de 224 265 francs, soit 34 188, 97 euros ; que la créance complémentaire admise par le juge-commissaire pour 2 700 000 francs ne peut être déclarée opposable à l'AGS en l'absence de saisine du conseil de prud'hommes au visa de l'article 123 " précité ;
Que M. X... ne peut selon l'AGS " prétendre qu'à l'avance de la somme de 34 188, 97 euros solde non garanti inscrits sur le relevé de créance et non pour la somme de 62 235 euros qui correspond à la différence entre le plafond 4 et le plafond 13. Sachant qu'il est désormais prescrit pour solliciter de la cour d'appel la fixation de sa créance complémentaire au visa de l'article 123 et ce par application des nouvelles règles sur la prescription " ;
Attendu qu'en réplique, M. X... soutient que le montant invoqué figure bien dans l'état des créances, qu'un courrier du juge commissaire au salarié mentionne que sa créance a été admise au passif de la liquidation judiciaire pour un montant de 2 924 265 francs ; qu'il ne dispose d'aucun autre relevé, les seuls relevés produits l'ayant été par les AGS ;
Attendu en l'espèce qu'il ressort des pièces produites :
- le courrier des Assedic à Me Hirou du 11 juin 1991,- le courrier de Me Hirou en date du 17 juin 1991,- l'état des créances admises par le juge commissaire du 8 avril 1993,- le courrier du 6 avril 1993 du juge commissaire au salarié,- le relevé unique des créances salariales du 3 mai 1994,
Que le règlement des salaires de janvier et février 1991 est intervenu dans la limite du plafond de garantie de l'AGS, soit 181 440 francs (" limite des 4 plafonds atteinte, complément non garanti "), que la créance salariale de M. X... a été admise par le juge commissaire pour un montant de 2 924 265 francs (au titre d'un reliquat de salaires pour les années antérieures à la liquidation judiciaire) ; que l'admission de cette créance n'a pas été contestée ; que M. X... n'a perçu qu'une somme de 181 440 francs, le relevé des créances du 3 mai 1994 mentionnant une somme non garantie de 224 265 francs (34 188, 97 euros) et une créance totale de 405 705 francs ;
Attendu cependant que la créance salariale totale a été arrêtée et inscrite au passif de la procédure collective pour une somme de 2 924 265 francs, le relevé des créances salariales porté sur l'état des créances déposé au greffe entraînant l'admission irrévocable de sa créance au passif de la liquidation judiciaire, pour le montant porté sur cet état, peu important que le relevé unique mentionne une autre somme ;
Qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X... n'est pas prescrit pour solliciter la prise en charge par l'AGS, à hauteur du plafond 13, de la somme correspondant à sa créance admise par le juge commissaire ; qu'il sera en conséquence fait droit à sa demande à hauteur de la somme sollicitée, soit 62 235 euros ;
- Sur la créance de M. F... :
Attendu que l'AGS fait valoir que M. F... a quitté le club avant sa liquidation judiciaire ; que sa créance de 1 293 126 francs figurait sur le relevé des créances salariales établi par le représentant des créanciers et a fait l'objet d'un rejet partiel à hauteur du plafond 4 ; que sa créance a été inscrite sur l'état des créances pour la somme de 1 111 686 francs ;
Que l'AGS précise que sa créance initiale de 1 293 126 francs correspondait à deux bordereaux de situation établis par le Trésor Public portant mise en recouvrement et paiement des impôts sur les revenus 1988 et 1989 ainsi que les majorations et frais ; que le club s'était engagé à lui rembourser ses impôts sous forme de " primes " ; que cette créance, incluant d'ailleurs des pénalités et frais de recouvrement qui n'ont pas valeur de dette salariale, ne trouve pas sa source dans la loi et les règlements mais du seul accord des parties et de l'engagement du club ; qu'il s'agit d'un avantage exorbitant du droit, de sorte que seul le plafond 4 doit être appliqué ;
Attendu que M. F... soutient en réplique que dès lors qu'existe un accord des parties sur la rémunération, la créance du salarié relève du plafond 13 ; qu'à défaut, l'AGS ajoute un critère de garantie non prévu par les textes ;
Attendu en l'espèce qu'il ressort des pièces produites :
- l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 27 décembre 1990 ordonnant au FC des Girondins de Bordeaux de verser à M. F... la somme de 408 313 francs, au titre du remboursement des impôts réglés selon bordereau de situation du 20. 12. 1990,
- la décision de radiation de l'instance au fond du 1er octobre 1991 du conseil de prud'hommes,
- le bordereau de situation du Trésor Public de Bordeaux du 21 mars 1991 et celui d'Auxerre du 22 mars 1991, mentionnant des impôts réglés à hauteur de 708 313 francs et 584 813 francs,
- le relevé des créances salariales du 12 août 1991 mentionnant une créance de 1 293 126 francs (au titre de primes) et l'application du plafond 4 pour ce salarié,
- le courrier de Me Hirou en date du 2 octobre 1991,
- l'état des créances admises par le juge commissaire du 8 avril 1993,
- le relevé unique des créances salariales du 3 mai 1994,
Que la créance de M. F... a été admise par le juge commissaire le 8 avril 1993, avec l'indication " instance en cours ", pour un montant de 1 111 686 francs, correspondant au solde de la créance initialement déclarée déduction faite du règlement par les AGS de la somme de 181 400 francs ;
Que le relevé des créances salariales du 3 mai 1994 mentionne une créance de 1 293 126 francs contestée à hauteur de 1 111 686 francs pour dépassement des limites de garantie ;
Qu'enfin, l'ordonnance de référé ordonne au FC des Girondins de Bordeaux de verser à M. F... la somme de 408 313 francs au titre du complément des primes, le déboutant du surplus de sa demande portant sur une somme totale de 1 034 182 francs d'arriérés de primes ; que le conseil de prud'hommes a alors jugé que " la créance sur le FC des Girondins n'est constituée qu'à partir du jour où il a lui-même payé son IRPP au trésor public puisque l'obligation de l'employeur n'est que de le lui rembourser et non de se substituer à lui auprès du Trésor ", considérant donc sans ambiguïté que ces primes constituées du remboursement des impôts payés entrent bien dans le champ du contrat de travail et constituent en tant que telles une créance salariale ;
Attendu en conséquence que la créance de M. F... est bien née d'un contrat de travail et reconnue comme tel par une décision prud'homale non contestée ; qu'il sera en conséquence fait droit à sa demande à hauteur de la somme sollicitée, soit 59 857 euros.
- Sur la créance des autres salariés :
Attendu que s'agissant des autres salariés, l'AGS ne formule aucune observation particulière distincte de celles relatives à la prescription de leur action ;
Qu'en conséquence, déduction faite des sommes déjà perçues, ne faisant pas l'objet d'une contestation, il doit revenir à chacun des salariés, en application du plafond 13, la somme complémentaire suivante :
- M. Y... = 17 834 euros,- M. Z... = 33 409 euros,- M. A... = 3 346 euros,- M. B... = 49 766 euros,- Mme D... = 1 404 euros,- M. E... = 9 101 euros,- M. G... = 31 717 euros,- M. H... = 21 828 euros.
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, sur renvoi de cassation, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 6 septembre 2011,
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 9 octobre 2012,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2014,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 6 septembre 2011 dans toutes ses dispositions concernant MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., E..., F..., G... et H..., et Mme D... ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que les créances de salaires et accessoires au titre du plafond 13 de MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., E..., F..., G... et H..., et Mme D... ne sont pas prescrites ;
Dit que le CGEA-AGS de Bordeaux doit garantir les créances des salariés sus-nommés à hauteur du plafond 13 et leur verser à chacun les sommes complémentaires suivantes :
- M. X... = 62 235 euros,- M. F... = 59 857 euros,- M. Y... = 17 834 euros,- M. Z... = 33 409 euros,- M. A... = 3 346 euros,- M. B... = 49 766 euros,- Mme D... = 1 404 euros,- M. E... = 9 101 euros,- M. G... = 31 717 euros,- M. H... = 21 828 euros.
Déboute MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., E..., F..., G... et H..., et Mme D... de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le CGEA-AGS de Bordeaux aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Aurélie PRACHE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.