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27/04/2011 | FRANCE | N°10/00980

France | France, Cour d'appel d'agen, Ct0062, 27 avril 2011, 10/00980


ARRÊT DU
27 Avril 2011

A. B/ S. B

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RG N : 10/ 00980
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BANQUE POPULAIRE OCCITANE

C/

Roland X...

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ARRÊT no

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le vingt sept Avril deux mille onze, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté de Nathalie CAILHETON, Greffier

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, r>
ENTRE :

BANQUE POPULAIRE OCCITANE agissant poursuites et diligences de son représentant légal actuellement en fonctions domicil...

ARRÊT DU
27 Avril 2011

A. B/ S. B

---------------------
RG N : 10/ 00980
---------------------

BANQUE POPULAIRE OCCITANE

C/

Roland X...

------------------
ARRÊT no

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le vingt sept Avril deux mille onze, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté de Nathalie CAILHETON, Greffier

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

BANQUE POPULAIRE OCCITANE agissant poursuites et diligences de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
33-43 avenue Georges Pompidou
31135 BALMA CEDEX

représentée par Me Jean Michel BURG, avoué
assistée de Me Lynda TABART, avocat

APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de CAHORS en date du 30 Avril 2010

D'une part,

ET :

Monsieur Roland Gabriel X...
né le 05 Juin 1958 à GRAMAT (46500)
de nationalité française
Demeurant ...
...

représenté par la SCP TANDONNET Henri, avoués
assisté de Me Valérie CHOBLET-LEGOFF, avocat

INTIMÉ

D'autre part,

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 09 Mars 2011, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Aurore BLUM, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Gérard SARRAU, Conseiller, assistés de Nathalie CAILHETON, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

La BANQUE POPULAIRE OCCITANE a consenti à Monsieur Roland X... suivant acte sous seing privé :

- Le 1er octobre 1998, un prêt d'un montant de 132. 000, 00 € soit 20. 123, 27 € remboursable en 7 échéances annuelles au taux nominal de 5, 95 % pour l'achat de divers matériels agricoles,

- Le 13 novembre 1998, un prêt d'un montant de 50. 000, 00 francs soit 7. 622, 45 € remboursable en 7 échéances annuelles au taux nominal de 5, 95 % pour l'achat d'un véhicule,

- Le 31 mai 1999, un prêt d'un montant de 20. 000, 00 francs soit 3. 048, 98 € remboursable en 7 échéances annuelles au taux nominal de 4, 90 % pour l'achat d'un faneur,

- Le 30 avril 1999, un prêt d'un montant de 95. 000, 00 francs soit 14. 482, 66 € remboursable en 7 échéances annuelles au taux nominal de 4, 90 % pour l'achat d'une presse à balle et d'une faucheuse,

- Le 16 février 2000, un prêt d'un montant de 90. 000, 00 francs soit 13. 720, 41 € remboursable en 5 échéances annuelles au taux nominal de 5, 25 % pour l'achat d'un cheptel,

- Le 9 octobre 2001, un prêt d'un montant de 5. 036, 92 € remboursable après une franchise de 36 mois en 4 annuités au taux de 1, 5 % dans le cadre de l'aide à la filière bovine.

La déchéance du terme des prêts a été prononcée, de sorte que la Banque a assigné le 10 juin 2008 Monsieur X... en paiement des sommes dues.

Le Tribunal de Grande Instance de CAHORS, par jugement en date du 30 avril 2010, a :

- condamné Monsieur Roland X... à payer à la BANQUE POPULAIRE OCCITANE divers prêts après compensation de la somme de 30. 000, 00 € allouée en réparation du préjudice né de la faute de la banque,

- accordé à Monsieur X... un report du paiement de sa dette de deux ans,

- débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir fixer les taux d'intérêts au taux légal,

- débouté Monsieur X... de sa demande tendant à voir ordonner la main levée des inscriptions hypothécaires,

- débouté Monsieur X... de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le 27 mai 2010, La BANQUE POPULAIRE OCCITANE a relevé appel de la décision.

Par conclusions signifiées le 1er février 2011, la BANQUE POPULAIRE OCCITANE demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1147 et suivants, 1153 et suivants, 1907 et suivants, de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à réparer le préjudice subi par Monsieur X... en raison du manquement à son obligation de mise en garde,

- débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses contestations,

- condamner Monsieur X... à la somme de 1. 500, 00 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses conclusions, la BANQUE POPULAIRE OCCITANE réfute que Monsieur X... puisse bénéficier de la qualité d'emprunteur non averti.

Elle fait valoir qu'il a reçu, le 8 mars 1988, de nombreux immeubles ruraux aux fins d'exercer sa profession d'agriculteur qui lui ont permis de souscrire plusieurs concours nécessaires à son activité de sorte qu'il a acquis une certaine expérience en matière de gestion, ce d'autant que les concours octroyés avaient pour objet l'achat de matériels agricoles.

Elle estime, en outre, qu'il n'existait aucun risque d'endettement, puisque, sur la période 1998 à 2001, l'endettement de Monsieur X... est demeuré constant, qu'il n'existait pas de risque d'endettement notamment en raison de l'importance de son patrimoine immobilier, qu'ainsi la banque n'était pas tenue à une obligation de mise en garde.

Elle conteste tout octroi de dommages et intérêts dès lors qu'aucun manquement ne peut lui être reproché, qu'elle ne peut se substituer à l'emprunteur professionnel pour apprécier l'opportunité des opérations envisagées qui pourrait s'analyser comme une ingérence, que Monsieur X... ne démontre pas en quoi il a subi un préjudice en lien avec un manquement au devoir de mise en garde.

A l'appui de ses conclusions en défense signifiées le 9 décembre 2010, Monsieur X... demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la BANQUE POPULAIRE OCCITANE à la somme de 2. 000, 00 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Monsieur X... fait valoir que le fait d'être agriculteur n'a jamais rendu un emprunteur averti, pas plus que le fait d'avoir antérieurement contracté des emprunts, ce qui reviendrait à annihiler le principe même du devoir de mise en garde, le professionnel n'est pas nécessairement un emprunteur averti.

Il s'appuie sur les bilans de l'exploitation pour justifier l'importance de son endettement, et indique que son patrimoine immobilier constitué de bâtiments et terres agricoles n'était pas de nature, à la date de la souscription des prêts, à lui permettre d'en répondre.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 mars 2011.

SUR CE, LA COUR,

Vu l'article 1134 et 1147 du Code Civil,

Monsieur X... soutient que son endettement, au moment de la souscription des prêts, aurait dû conduire la banque à le mettre en garde sur les conséquences de ses engagements. Que l'absence de mise en garde d'un emprunteur, dont la seule qualité d'agriculteur ne saurait en faire un professionnel, est consécutif d'une faute dont elle doit répondre.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'ensemble des prêts querellés ont été affectés à l'activité professionnelle de Monsieur X....

C'est à la date de souscription des prêts qu'il convient de se placer pour évaluer l'assise financière de Monsieur X... et d'apprécier l'obligation du devoir de mise en garde qui incombe à la banque.

- S'agissant des prêts octroyés en 1998 et 1999

Il ressort du répertoire sirène produit que l'activité a débuté au 1er décembre 1997, ce qui justifie l'absence de comptes sociaux pour l'année 1997. S'agissant des prêts 1999, il convient d'examiner les comptes au 31décembre 1998.

Les comptes produits par les parties, et notamment bilans et comptes de résultats au 31 décembre 1998, montrent que la trésorerie net globale est de 45. 661, 00 francs, que dans un même temps les stocks ont augmentés entre le 1er janvier et le 31 décembre 1998 de 113. 551, 00 francs dont un cheptel bovins passé de 56 bêtes à 73 bêtes, l'ensemble dégageant un bénéfice de 57. 870, 00 francs.

En outre, l'entreprise présente des actifs pour 1. 053. 699, 00 francs dont 770. 982, 00 francs d'actifs immobilisés. Dans un même temps, les dettes financières s'élèvent à 771. 161, 00 francs.

Ainsi, il résulte de la plaquette comptable de l'exercice clos le 31 décembre 1998, notamment du solde de trésorerie qui s'établissait à un solde net global de 45. 661, 00 francs, que la BPO pouvait légitimement penser que Monsieur X... pouvait faire face à ses engagements.

Aussi, aucune carence du devoir de mise garde ne saurait être dès lors reproché à la Banque au titre des prêts 1998 et 1999.

- Sur les prêts octroyés en 2000 et 2001

Il convient d'examiner les comptes au 31 décembre 1999 et au 31 décembre 2000.

Il n'est pas produit les comptes de l'année 1999, toutefois ils s'excipent des plaquettes comptables au titre de l'année 2000 que la situation nette de trésorerie est négative de-102. 742 francs, ainsi que le résultat de l'exercice qui se solde par une perte de-35. 170 francs.

Même s'il existe un actif immobilisé, la situation ne permettait donc pas à la Banque de penser que Monsieur X... pouvait supporter une nouvelle charge d'emprunt sans réalisation éventuelle d'une partie des immobilisations.

Du reste, l'examen des comptes au 31 décembre 2000, après souscription de l'emprunt de 90. 000, 00 francs, qui fait apparaître une situation nette négative de trésorerie de 141. 236, 00 francs démontre que Monsieur X... ne disposait ni des moyens de rembourser le dit crédit, et à fortiori celui de 2001.

Dès lors, que l'entreprise n'est pas en situation de rembourser ses engagements, il appartient à la Banque de mettre en garde l'emprunteur, voire de ne pas prêter son concours, que l'emprunteur soit averti ou non.

Qu'en attirant pas l'attention de Monsieur X... sur la faiblesse de la trésorerie la banque a manqué à son devoir de mise en garde.

- Sur le préjudice

La violation du devoir de mise en garde constitue une faute par la perte d'une chance de ne pas avoir le choix de renoncer aux prêts envisagés ou de prendre toutes mesures adéquates.

Le préjudice doit s'évaluer au regard du dommage réellement supporté par l'entreprise. Or à cet égard, tous les prêts consentis sont en lien avec l'activité de l'entreprise. Ils ont eu pour l'objet soit l'acquisition d'un actif immobilisé (matériels, agencements, reproducteurs), soit l'accroissement des stocks (cheptel), ce qui a nécessairement contribué à l'enrichissement de l'entreprise, de sorte qu'il y a lieu de limiter le montant du préjudice, à celui des frais financiers des prêts de 2000 et 2001 en principal et accessoire qui ne produiront aucun intérêt jusqu'à leur parfait recouvrement au titre de la réparation du préjudice suivant un montant fixé au dispositif.

Soit :

- Au titre du prêt du 16 février 2000, la somme de 14. 658, 00 francs au titre des intérêts d'emprunt, 468 francs au titre des frais de dossier, 120 francs au titre des frais d'actes et garanties, 1. 890, 00 francs des frais d'actes et garanties soit une somme globale de 17. 136 francs ou 2. 612, 36 €.

- Au titre du prêt du 9 octobre 2001, la somme de 429, 04 € au titre des intérêts d'emprunt, la somme de 18, 29 € au titre des frais d'actes et garanties, 84, 60 € au titre des frais d'actes et garanties soit une somme globale de 531, 93 €.

En outre, la BANQUE POPULAIRE OCCITANE supportera tous les frais de garanties hypothécaires induits par les difficultés de paiements de Monsieur X... auxquelles elle a concouru, ainsi que les frais relatifs au recouvrement par voie d'huissier des créances engagées jusqu'à la date de l'arrêt, ce à titre d'indemnisation du préjudice.

Chaque partie succombant pour partie, il ne sera pas fait droit aux demandes fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile, pour les mêmes raisons chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de CAHORS en date du 30 avril 2010, en ce qu'il a condamné Monsieur Roland X... sous les mêmes conditions de compensation au paiement des prêts des 1er octobre 1998, 13 novembre 1998, 31 mai 1999, 30 avril 1999,

Fixe le montant du préjudice subi par Monsieur Roland X... à la somme de 3. 144, 29 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Infirme la décision en ce qui concerne le prêt 16 février 2000 et du 9 octobre 2001,

Condamne, au titre du prêt du 16 février 2000, Monsieur Roland X... à payer à la BANQUE POPULAIRE OCCITANE la somme en principal de 15. 228, 81 € sans intérêts jusqu'au parfait paiement,

Condamne, au titre du prêt du 9 octobre 2001, Monsieur Roland X... à payer à la BANQUE POPULAIRE OCCITANE la somme en principal de 5. 509, 22 € sans intérêts jusqu'au parfait paiement,

Confirme pour le surplus à décision du 30 avril 2010,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, et par Nathalie CAILHETON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Nathalie CAILHETON Bernard BOUTIE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Ct0062
Numéro d'arrêt : 10/00980
Date de la décision : 27/04/2011

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Obligations - Obligation de mise en garde - / JDF

La violation par une banque du devoir de mise en garde constitue une faute par la perte d'une chance de ne pas avoir le choix de renoncer aux prêts envisagés ou de prendre toutes mesures adéquates. C'est à la date de la souscription des prêts qu'il convient de se placer pour évaluer l'assise financière de l'emprunteur et d'apprécier l'obligation de mise en garde qui incombe à la banque


Références :

articles 1134 et 1147 du code civil

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Agen, 30 avril 2010


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2011-04-27;10.00980 ?
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