ARRÊT DU 5 AVRIL 2011
AP/ DC
----------------------- R. G. 10/ 01103-----------------------
Chantal X...
C/
ASSOCIATION ASEI En la personne de son Président
ASSOCIATION ITEP LES ALBAREDES En la personne de son Président
----------------------- ARRÊT no 169
COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale
Prononcé à l'audience publique du cinq avril deux mille onze par Françoise MARTRES, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Danièle CAUSSE, Greffière.
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
Chantal X... née le 2 juin 1958 à CASTELSARRASIN (82100) ... 82000 MONTAUBAN
Rep/ assistant : M. Jean-Claude Z... (Délégué syndical ouvrier) muni d'un pouvoir spécial
APPELANTE d'un jugement du Conseil de prud'hommes-Formation de départage de CAHORS en date du 7 juin 2010 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 09/ 00068
d'une part,
ET :
ASSOCIATION ASEI En la personne de son Président 4, Avenue de l'Europe B. P. 62243 31522 RAMONVILLE SAINTE-AGNE CEDEX
ASSOCIATION ITEP LES ALBAREDES En la personne de son Président 2, rue René Gabache 82000 MONTAUBAN
Rep/ assistant : Maître Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN AVOCATS (avocats au barreau de LYON)
INTIMÉES
d'autre part,
SYNDICAT CGT ASEI 4, Avenue de l'Europe B. P. 62243 31522 RAMONVILLE SAINTE-AGNE CEDEX
Rep/ assistant : M. Jean-Claude Z... (Délégué syndical ouvrier) muni d'un pouvoir spécial
dernière part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 1er mars 2011 devant Françoise MARTRES, Conseillère, Benoît MORNET et Aurélie PRACHE, Conseillers, assistés de Danièle CAUSSE, Greffière et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
- FAITS ET PROCÉDURE :
Madame Chantal X... a été embauchée par l'association ASEI (Association pour la Sauvegarde des Enfants Invalides) par contrat à durée indéterminée en qualité de moniteur éducateur à compter du 3 mars 1980 puis a été promue en qualité d'éducatrice spécialisée à compter du 1er juillet 1990.
L'association ASEI est soumise, dans ses rapports avec ses salariés, à l'application de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif du 31 octobre 1951. Cette convention a été rénovée par avenant du 25 mars 2002 qui modifie notamment les classifications des emplois et le système de rémunération du personnel. Il stipule ainsi que l'un des éléments de la rémunération du salarié réside dans une prime d'ancienneté de 1 % par année de services effectifs, dans la limite de 30 %.
Invoquant le non respect de ces dispositions conventionnelles par l'employeur, Madame X... a saisi le 15 décembre 2009 en référé le Conseil de Prud'hommes de CAHORS d'une demande de rappel de primes et congés payés afférents, entre autres demandes.
Par ordonnance en date du 7 juin 2010, le Conseil de Prud'hommes, en formation de départage, a débouté Madame X... et le syndicat CGT ASEI, partie intervenante, de leurs demandes et les a condamnés à verser à l'association ASEI la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.
Madame X... a régulièrement interjeté appel de cette décision, dans des conditions de forme et de fond qui ne sont pas contestées.
- PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Madame Chantal X... sollicite la réformation de l'ordonnance déférée, et la condamnation de l'association ASEI-ITEP LES ALBAREDES à lui verser, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes suivantes, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification de l'arrêt :
-8 289, 16 € au titre de rappel de salaires sur la prime d'ancienneté
-829 € au titre des congés payés afférents,
-2 000 € au titre de l'article L. 2262-12 du Code du Travail, pour manquement à une exécution loyale des accords et conventions
-1 200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.
Elle soutient que le texte prévoyant la prime d'ancienneté est sans ambiguïté, sa non application constituant un trouble manifestement illicite. Elle fait valoir que d'autres salariés ont été rétablis dans leurs droits, à la suite de diverses actions judiciaires. L'avenant litigieux a donc fait l'objet d'une large interprétation, les décisions judiciaires rappelant que l'employeur doit prendre en compte l'ancienneté réelle et non pas l'ancienneté théorique.
Elle indique que l'employeur refuse de prendre en compte, pour le calcul de l'ancienneté, la situation réelle des salariés, arguant de deux avis du comité de suivi, qui n'a pas le pouvoir d'interpréter la convention, et d'une circulaire d'application émanant de la FEHAP, organisme patronal, en mars 2003 ; elle rappelle que l'article 01. 07. 02 de l'avenant du 25 mars 2002 instaure une commission nationale ayant pour attributions, entre autres, d'interpréter les textes de la convention ; que cette commission ne s'est jamais réunie.
Le Syndicat CGT ASEI conclut à réformation de l'ordonnance déférée et sollicite la condamnation de l'association ASEI à lui verser la somme de 1 000 € pour violation des dispositions de la convention collective et 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il fait valoir que l'association ASEI a délibérément violé les dispositions de la convention collective, sa condamnation étant nécessaire pour éviter tout risque de " dérapage " défavorable aux salariés de la profession et pour dissuader les employeurs de ne pas respecter les lois et conventions sociales.
L'association ASEI conclut à la confirmation de la décision déférée, les demandes présentées excédant la compétence de la formation de référé, et subsidiairement au débouté de Madame X..., la prime d'ancienneté versée à compter du 1er juillet 2003 étant fonction de l'ancienneté occupée dans la grille au 30 juin 2003. Elle conclut également au débouté du syndicat CGT ASEI de sa demande de dommages et intérêts, et à leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle soutient que l'interprétation d'une clause soulève une contestation sérieuse qui échappe à la compétence du juge des référés, ce dernier n'ayant, en tout état de cause, pas compétence pour allouer des dommages et intérêts.
Qu'en l'espèce, la demande de provision présentée par la salariée nécessite une analyse de la convention collective et plus particulièrement de l'avenant du 25 mars 2002 entré en vigueur le 1er juillet 2003.
Que subsidiairement, ses demandes ne sont pas fondées, la rémunération étant liée à l'ancienneté dans l'emploi et non dans les effectifs ; que l'article 7 de l'avenant prévoit que le reclassement est effectué sur la base de la situation réelle des salariés à la date d'application de l'avenant, cette situation réelle correspondant à la position du salarié dans la grille au moment du reclassement, qui nécessairement est le reflet de son parcours professionnel ; que ce lien de cause à effet direct entre le positionnement du salarié dans sa grille et le reclassement concerne exclusivement la détermination du taux d'ancienneté applicable ; que l'article 12 de l'avenant mentionne expressément l'assimilation du pourcentage d'ancienneté attribué lors du reclassement à l'échelon occupé.
Que certaines juridictions ont rendu des décisions aux termes desquelles il a été jugé que l'ancienneté à prendre en considération au 1er juillet 2003 est celle résultant du positionnement dans la grille ; que la Cour de Cassation s'est prononcée dans ce sens, puis a opéré un revirement de jurisprudence ; que ces " vicissitudes " dans l'interprétation des textes conventionnels démontrent l'absence d'évidence et confirment qu'un tel travail d'analyse excède les compétences de la formation des référés.
Elle indique enfin que Madame X... a été remplie de ses droits et qu'en tout état de cause, son décompte ne respecte pas la prescription quinquennale des salaires.
- MOTIFS DE LA DÉCISION :
1o) Sur le rappel de prime d'ancienneté
Attendu que l'article R. 1455-6 du Code du Travail prévoit que la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un danger imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Attendu qu'il est constant que le juge des référés est compétent pour faire cesser le trouble manifestement illicite causé par le refus d'appliquer une nouvelle disposition légale ;
Attendu que l'article 08-01-1 de l'avenant du 25 mars 2002 à la convention collective nationale de 1951, portant rénovation de la grille des salaires, prévoit que le nouveau système de rémunération comporte " une prime d'ancienneté de 1 % par an, par année de service effectif ou assimilé, ou validé, dans la limite de 30 % ".
Attendu que l'interprétation des dispositions de la convention collective relatives au présent litige a déjà été réalisée dans le cadre de diverses procédures judiciaires, la Cour de Cassation ayant estimé dès 2007, et en dernier lieu en mars 2010, dans son rôle d'unification de la jurisprudence rendue sur ce point par les nombreuses juridictions saisies de cette difficulté, que " l'avenant du 25 mars 2002 à la convention FEHAP du 31 octobre 1951 opère une réforme du système de rémunération reposant sur l'abandon des grilles et leur remplacement par des coefficients ; que suivant l'article 08. 01. 1 de l'avenant, au salaire de base est appliquée une prime d'ancienneté de 1 % par année de services effectifs dans la limite de 30 % ; que le nouveau système de rémunération, intégrant la prime d'ancienneté, se substitue à l'ensemble des éléments de rémunération existant au moment du passage à la convention collective rénovée ; qu'il en résulte que la durée de l'ancienneté à prendre en compte pour le calcul de cette prime correspond à la totalité des services effectifs accomplis par le salarié dans l'entreprise. (...) et non celle la durée d'ancienneté prise en compte antérieurement dans chacun des échelons successifs. "
Que le refus de l'association ASEI d'appliquer conformément à l'interprétation jurisprudentielle clairement donnée ci-dessus la clause précitée, relative au versement de la prime d'ancienneté à Madame X..., est dès lors constitutif d'un trouble manifestement illicite.
Qu'en conséquence, le juge des référés est compétent pour faire cesser ce trouble et condamner l'employeur à verser à Madame X... le rappel de prime d'ancienneté sollicitée ; que la décision déférée sera réformée sur ce point.
Attendu que la demande en paiement de salaire se prescrit par cinq ans.
Qu'en conséquence, le décompte produit par la salariée ne faisant pas l'objet de contestation de la part de l'employeur, sauf en ce qui concerne la prescription, il sera allouée à Madame X..., qui a saisi le Conseil de Prud'hommes le 15 décembre 2009, la somme de 6067, 72 € au titre de provision sur rappel de prime d'ancienneté pour la période non couverte par la prescription, du 15 décembre 2004 au 30 novembre 2009, outre 606, 77 € de congés payés afférents.
Attendu que le prononcé d'une astreinte n'est pas justifié en l'espèce, Madame X... exposant par ailleurs que l'employeur a procédé au versement de tels rappels de prime après les différentes décisions judiciaires rendues au bénéfice d'autres salariés.
2o) Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à une exécution loyale des accords et conventions
Attendu que l'article L. 2262-12 du Code du Travail prévoit que les personnes liées par une convention ou un accord peuvent intenter toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages et intérêts contre les autres personnes ou organisations ou groupements, liés par la convention ou l'accord, qui violeraient à leur égard ces engagements.
Attendu en l'espèce que le refus d'application par l'association ASEI des dispositions précitées à l'égard de la salariée est de nature à lui avoir causé un préjudice particulier qui justifie qu'il lui soit allouée la somme provisionnelle de 1. 000 € à titre de dommages et intérêts.
Attendu en revanche que le syndicat CGT ASEI ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui de la salariée, un risque de " dérapage " ne pouvant constituer un préjudice ; qu'il sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Attendu enfin qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame X... et du Syndicat CGT-ASEI les frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de condamner l'association ASEI au paiement de la somme de 1. 000 € à chacun d'eux, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Condamne l'association ASEI à verser à Madame Chantal X... à titre de provision les sommes suivantes :
-6067, 72 € de rappel de prime d'ancienneté pour la période du 15 décembre 2004 au 30 novembre 2009,
-606, 77 € de congés payés afférents,
-1. 000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article L. 2262-12 du Code du Travail,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
Déboute le Syndicat CGT-ASEI de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2262-12 du Code du Travail,
Condamne l'association ASEI à verser à Madame Chantal X... et au Syndicat CGT-ASEI la somme de 1. 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne l'association ASEI aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Françoise MARTRES, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Danièle CAUSSE, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE