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23/11/2010 | FRANCE | N°400

France | France, Cour d'appel d'agen, Ct0173, 23 novembre 2010, 400


ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2010
FM/ DC
----------------------- R. G. 09/ 01149-----------------------

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE MIDI-PYRENEES C/ Philippe X...

----------------------- ARRÊT no 400

COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale

Prononcé à l'audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix par Françoise MARTRES, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière.
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE LA SANTÉ AU TRAVAI

L MIDI-PYRÉNÉES venant aux droits de la CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MALADIE MIDI-PYRÉNÉES 2, ru...

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2010
FM/ DC
----------------------- R. G. 09/ 01149-----------------------

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE MIDI-PYRENEES C/ Philippe X...

----------------------- ARRÊT no 400

COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale

Prononcé à l'audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix par Françoise MARTRES, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière.
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE LA SANTÉ AU TRAVAIL MIDI-PYRÉNÉES venant aux droits de la CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MALADIE MIDI-PYRÉNÉES 2, rue Georges Vivent 31065 TOULOUSE CEDEX 9
Représentée par Madame Josiane SALAS, Attachée juridique munie d'un pouvoir spécial

APPELANTE d'un jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CAHORS en date du 9 juillet 2009 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 20900033
d'une part,
ET :
Philippe X... ...
Comparant en personne

INTIMÉ
d'autre part,

DIRECTION RÉGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHESION SOCIALE MIDI-PYRÉNÉES (DRJSCS) venant aux droits de la DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES MIDI PYRÉNÉES 5, rue du Pont Montaudran B. P. 7009 31068 TOULOUSE CEDEX
Non comparante

PARTIE INTERVENANTE
dernière part,

A rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 12 octobre 2010, sur rapport de Françoise MARTRES, devant Françoise MARTRES, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, Benoît MORNET et Gérard SARRAU, Conseillers, assistés de Danièle CAUSSE, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
- FAITS ET PROCÉDURE :
Philippe X..., né le 13 juillet 1953, a sollicité auprès de la CRAM MIDI PYRÉNÉES un relevé de carrière qu'il a reçu le 22 décembre 2008. Il a alors contesté le nombre de trimestres comptabilisés, soit 134 trimestres dont 70 au régime général, au motif qu'il avait élevé 4 enfants et devait bénéficier de 32 trimestres supplémentaires sur le fondement des dispositions de l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité Sociale.
Le 31 décembre 2008, il a saisi la Commission de Recours Amiable de la Caisse.
Le 10 février 2009, en l'absence de réponse, il a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CAHORS de sa contestation.
Par jugement du 9 juillet 2009, le Tribunal a :
- donné acte aux parties de ce que la compétence territorriale du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du LOT n'était pas contestée ;
- dit que les dispositions de l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité Sociale sont, compte tenu de sa situation familiale, applicables à Monsieur X... bien qu'il soit de sexe masculin ;
- dit que dans l'étude de ses droits futurs et au regard de la législation sociale actuellement en vigueur, il doit bénéficier du même nombre de trimestres supplémentaires que s'il était de sexe féminin, calculés conformément aux dispositions de l'article D. 351-1-7 du Code de la Sécurité Sociale ;
- annulé la décision de la Commission de Recours Amiable de la CRAM MIDI PYRÉNÉES en date du 16 mars 2009.
La CRAM MIDI PYRÉNÉES a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.
Par arrêt du 25 mai 2010, la Cour a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer sur l'applicabilité du dispositif de la loi du 24 décembre 2009 portant réforme des retraites à la situation de Philippe X... ainsi que sur le caractère discriminatoire des nouvelles dispositions telles que déclinées au 1 et 11 de l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité Sociale dans sa nouvelle rédaction et à l'article 65 de la loi du 24 décembre 2009.
- MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La CRAM MIDI PYRÉNÉES rappelle que Philippe X... n'a déposé aucune demande en vue d'obtenir la liquidation de sa pension, et qu'en tout état de cause, il ne peut prétendre actuellement à une pension personnelle en raison de son âge. Elle indique que conformément à l'article L. 351-1 du Code de la Sécurité Sociale, aucune majoration de durée d'assurance ne pourra être inscrite sur le compte de Philippe X... de façon définitive car la législation est susceptible d'évoluer.
Elle estime donc qu'il n'est pas techniquement possible de se prononcer à ce jour sur la majoration de durée d'assurance pour enfants revendiquée par l'assuré.
En outre, les dispositions sur lesquelles le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale s'était fondé pour accueillir sa demande ne sont plus en vigueur puisqu'elles ont été modifiées par la loi du 24 décembre 2009. Elle demande donc l'infirmation de la décision déférée.
Elle soutient sur le fond que l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité Sociale ne porte aucune atteinte au principe de non discrimination puisqu'il a pour objet de compenser les inégalités de fait existant entre les hommes et les femmes en raison d'une plus grande propension pour ces dernières à interrompre leur activité professionnelle en vue d'assurer l'éducation des enfants, et d'une plus faible progression de leur carrière professionnelle.
Le nouveau dispositif vise à corriger les incidences professionnelles sur la carrière professionnelle de deux événements : la grossesse et l'accouchement, d'une part, l'éducation du jeune enfant, d'autre part.
Une première majoration de 4 trimestres étant accordée au titre de la grossesse et de l'accouchement, elle s'appuie sur la notion de " justification objective et raisonnable " dégagée par la Cour de Cassation. La seconde majoration de 4 trimestres est attribuée aux pères et aux mères au titre de l'éducation des enfants. La réforme a poursuivi deux objectifs : maintenir le maximum de garanties à la mère et effectuer des ajustements pour permettre aux pères qui ont assuré seuls, et à titre principal, l'éducation de leurs enfants de compenser d'éventuels préjudices de carrière.
Elle sollicite donc l'infirmation du jugement déféré.
Philippe X... rappelle qu'il ne demande pas que sa situation soit établie de façon définitive mais examinée au regard des dispositions actuellement applicables à sa situation. Elle doit donc être examinée au regard des dispositions de la loi du 24 décembre 2009.
Il soutient que l'article L. 351-4 I et II du Code de la Sécurité Sociale et l'article 65- IX de la loi du 24 décembre 2009 sont discriminatoires à l'égard des pères, et que la CRAM MIDI PYRÉNÉES ne fait pas la démonstration de ce que cette discrimination poursuit un but légitime et présenterait un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
Il maintient donc ses demandes tendant à la confirmation de la décision déférée et la reconnaissance du bénéfice de la majoration de 32 trimestres d'assurance vieillesse en l'état actuel de la législation.
Il sollicite en outre le paiement de la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que selon l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, " la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; que le droit de propriété est garanti par la Convention aux termes de l'article 1er du Protocole additionnel no 1 qui indique que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ;
Que la Convention Européenne des Droits de l'Homme interdit donc toute discrimination fondée notamment sur le sexe au titre du droit de propriété garanti par la Convention ; qu'à ce titre, une législation prévoyant le versement automatique d'une prestation sociale, que l'octroi de celle-ci dépende ou non du versement préalable de cotisations engendre un intérêt patrimonial relevant du champ d'application de la Convention ;
Attendu par ailleurs que les dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme telle qu'interprétée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme s'imposent au juge national de tout Etat Contractant, qui doit en faire application quelque soit la compatibilité de la législation nationale avec ladite Convention sans qu'il ait à se substituer au législateur ;
Attendu que selon l'article L. 351-4 ancien du Code de la Sécurité Sociale tel que modifié par la loi du 24 décembre 2009 portant réforme des retraites applicable en l'espèce dispose :
" I : une majoration de durée d'assurance de 4 trimestres est attribuée aux femmes assurées sociales, pour chacun de leurs enfants, au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l'accouchement.
II : il est institué au bénéfice du père ou de la mère assurée social une majoration de durée d'assurance de 4 trimestres attribuée pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les 4 années suivant sa naissance ou son adoption ;
Les parents désignent d'un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou le cas échéant définissent la répartition entre eux de cet avantage... " ;
Que l'article 65 de la loi du 24 décembre 2009 dispose que " pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations prévues au II et III de l'article L. 351-4 du Code de la Sécurité Sociale sont attribuées à la mère sauf si, dans le délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la Caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses 4 premières années ou des 4 années suivant son adoption ;
Attendu qu'ainsi, le législateur a entendu modifier les conditions d'attribution de la majoration pour enfants, en prévoyant que 4 des 8 trimestres antérieurement attribués à la femme lui resteraient acquis pour chaque enfant, en indiquant expressément que cette attribution était destinée à compenser l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, et notamment de la grossesse et de l'accouchement, et que les 4 trimestres restant devaient être attribués à l'un ou l'autre des parents au titre de l'éducation des enfants ;
Que toutefois, pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, cette dernière disposition ne trouve pas application, le père ne pouvant prétendre à l'attribution de la majoration qu'à certaines conditions notamment de preuve ;

Attendu en conséquence qu'il subsiste toujours, avec la loi du 24 décembre 2009, une inégalité de traitement entre hommes et femmes quant à l'attribution d'une majoration pour enfants ;
Que toutefois, les dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme telles que rappelées plus haut n'interdisent pas aux Etats Contractants de maintenir certaines inégalités de traitement entre hommes et femmes dès lors qu'elles poursuivent un but légitime et s'il y a proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ;
Qu'en l'espèce, la Caisse soutient l'intérêt général de la législation française en indiquant que les mesures spécifiques adoptées en faveur des femmes prennent en compte les inégalités de fait dont les femmes peuvent faire l'objet notamment en raison de la maternité et de la nécessité, plus que les hommes, d'assurer l'éducation des enfants en interrompant leurs activités professionnelles ;
Attendu toutefois que si la majoration pour enfant instaurée par l'article L 351-4 I du Code de la Sécurité Sociale répond de façon légitime et proportionnée à l'objectif lié à l'incidence de la grossesse et de l'accouchement sur la vie professionnelle des femmes, et n'est pas discriminatoire au sens de l'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, tel n'est pas le cas en ce qui concerne le II du même article ;
Qu'en effet, pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, le législateur a maintenu l'attribution de 4 trimestres à la mère au titre de l'incidence sur la vie professionnelle de l'éducation des enfants, sauf pour le père à rapporter la preuve dans un certain délai qu'il a élevé seul ses enfants, condition non imposée à la mère ; que le maintien de cette inégalité pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010 n'a aucune justification au regard du but poursuivi par le législateur ;
Que ces dispositions sont donc discriminatoires au sens de l'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;
Attendu qu'en l'espèce Philippe X... est père de 4 enfants nés en 1982, 1983, 1985 et 1987 ; qu'il doit donc bénéficier, dans le cadre de l'étude de ses droits futurs, et au regard de la législation actuellement en vigueur, de 4 trimestres par enfant né avant le 1er janvier 2010 ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Philippe X... les frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de le débouter de la demande présentée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a annulé la décision de la Commission de Recours Amiable de la CRAM MIDI PYRÉNÉES du 16 mars 2009 ;
L'infirme pour le surplus ;
Dit que Philippe X... doit bénéficier, dans le cadre de l'étude de ses droits futurs, et au regard de la législation actuellement en vigueur, de la majoration de durée d'assurance de 4 trimestres prévue à l'article L. 351-4 II du Code de la Sécurité Sociale, attribuée pour chaque enfant mineur né avant le 1er janvier 2010 au titre de son éducation pendant les 4 années suivant sa naissance ou son adoption ;
Rejette la demande présentée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit n'y avoir lieu à dépens.
Le présent arrêt a été signé par Françoise MARTRES, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : 400
Date de la décision : 23/11/2010

Analyses

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - / JDF

Les dispositions de l'article L.351-4 II du code de la sécurité sociale, qui, pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, maintiennent l'attribution de 4 trimestres à la mère au titre de l'incidence sur la vie professionnelle de l'éducation des enfants, sauf au père à rapporter la preuve dans un certain délai qu'il a élevé seul ses enfants, constituent une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes quant à l'attribution de la majoration pour enfants et sont discriminatoires au sens de l'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme


Références :

ARRET du 16 février 2012, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 février 2012, 11-10.646, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2010-11-23;400 ?
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