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11/03/2009 | FRANCE | N°08/00070

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre civile, 11 mars 2009, 08/00070


ARRÊT DU
11 Mars 2009

D. M / S. B

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RG N : 08 / 00070
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Jean-Pierre X...

C /

Alain X...

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Aide juridictionnelle

ARRÊT no

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le onze Mars deux mille neuf, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre

dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur Jean-Pierre X...
né le 17 Juin 1943 à SOUMENSAC (47120)
de nationalité française
retraité
Demeura...

ARRÊT DU
11 Mars 2009

D. M / S. B

---------------------
RG N : 08 / 00070
---------------------

Jean-Pierre X...

C /

Alain X...

------------------

Aide juridictionnelle

ARRÊT no

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le onze Mars deux mille neuf, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur Jean-Pierre X...
né le 17 Juin 1943 à SOUMENSAC (47120)
de nationalité française
retraité
Demeurant ...
...

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2008 / 000295 du 22 / 02 / 2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)

représenté par la SCP Henri TANDONNET, avoués
assisté de Me Valérie FAURE, avocat

APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 07 Décembre 2007

D'une part,

ET :

Monsieur Alain X...
né le 24 Février 1957 à SOUMENSAC (47120)
de nationalité française
Cariste
Demeurant ...
...

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2008 / 001763 du 23 / 05 / 2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)

représenté par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assisté de la SCPA VALAY-BELACEL, avocats

INTIMÉ

D'autre part,

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 28 Janvier 2009, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Dominique NOLET, Conseiller et Dominique MARGUERY, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable), assistés d'Isabelle LECLERCQ, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Gaston X... est décédé le 17 juillet 1998 laissant comme héritier son épouse et ses deux fils Alain et Jean-Pierre.

Avant sa mort, il avait, par acte de Maître Z..., Notaire à EYMET en date du 4 mai 1983, fait donation de l'universalité de ses biens à sa femme Yvette Y...- X... et avait, avec cette dernière, le 27 juillet 1994 par acte dressé par le même notaire, fait donation d'un immeuble à leur fils Alain à charge pour ce dernier d'assurer l'approvisionnement de ses parents en bois et en légume et de pourvoir à leurs déplacements.

Madame Y...- X... est décédée le 10 juin 2002, ayant préalablement établi, le 26 mai 2001 par devant Maître C..., Notaire à EYMET, un testament désignant Alain X... comme légataire universel.

Par acte du 20 septembre 2005, Jean-Pierre X... a assigné son frère Alain X... devant le tribunal de grande instance de MARMANDE pour voir procéder au partage des biens provenant de la succession de leurs parents, au vu de ses dispositions testamentaires de leur mère, et de l'expertise qui avait été confiée par le Juge des référés à Monsieur D....

Un jugement du Tribunal de Grande Instance de MARMANDE en date du 7 décembre 2007 a pour l'essentiel :

- débouté Jean-Pierre X... de sa demande de nullité du testament de Madame X...,
- homologué le rapport d'expertise de Monsieur D...,
- renvoyé les parties devant Maître C..., Notaire à EYMET, pour procéder aux opérations de liquidation et partage de la succession,
- dit que le notaire prendrait en compte les dispositions testamentaires des 4 mai 1983, 27 juillet 2004 ainsi que les évaluations des différents biens immobiliers faites par Monsieur D...,
- condamné Jean-Pierre X... à payer à Alain X... :
* 5. 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
* 2. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Dans des conditions de forme et de délais non contestées Jean-Pierre X... a relevé appel de cette décision par déclaration du 18 janvier 2008.

Aux termes de conclusions déposées le 31 décembre 2008, il demande à la Cour d'infirmer la décision déférée. Il soutient qu'en application des articles 920 et 1094-1 du code civil, faute d'avoir opté au décès de son époux Madame Y...- X... n'avait recueilli que la totalité de l'usufruit et aucun bien en pleine propriété, bien que la réduction de la donation n'ait pas été demandée par les héritiers réservataires. Cette action étant ouverte pendant 30 ans à compter de l'ouverture de la succession, il entend l'exercer. Il convient donc de liquider préalablement la succession de Gaston X... et de constater que l'expertise de Monsieur D... ne peut servir aux estimations, au calcul des quotités disponibles et soultes éventuelles.

Il sollicite en conséquence la désignation d'un autre expert pour estimer séparément les biens de Monsieur et de Madame X... au plus près de la date de partage, dire s'ils peuvent être partagés ou attribués en nature et faire des lots égaux. A défaut, il demande à la Cour d'ordonner la vente sur licitation des immeubles indivis sur la commune de SOUMENSAC.

En ce qui concerne la succession de Madame Y...- X..., il expose que le testament de cette dernière doit être annulé, faute de respect des conditions de forme posées par l'article 972 du code civil. Il n'a pu en effet être dicté par la testatrice compte tenu du vocabulaire technique employé.

A titre subsidiaire, s'il était reconnu valable, il conviendrait de déclarer ses dispositions caduques puisque la donation excède la quotité disponible ou d'en faire la réduction sur l'ensemble des biens légués en application des articles 925 et 926 du code civil.

En toute hypothèse, les dispositions testamentaires de la défunte devront être interprétées comme ne concernant que les biens concernant sa propre succession et non celle de son époux.

L'appelant demande enfin que Alain X... soit condamné à rapporter aux successions de ses parents les fruits perçus sur les biens dépendant de leurs successions et sur la partie des biens transmis par la donation du 27 juillet 1994, les biens mobiliers divertis en qualité de légataire universel de sa mère ainsi qu'à lui payer 5. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Par conclusions en date du 17 novembre 2008, Alain X... sollicite la confirmation de la décision des premiers Juges. En ce qui concerne l'annulation du testament de Madame Y...- X..., il fait valoir qu'il a été démontré que sa mère était saine d'esprit lorsque elle a pris ces dispositions.

Quant à l'application des règles successorales, il expose qu'il ressort clairement de la donation rédigée en 1983 que Madame X... est devenue propriétaire de l'universalité des biens de son époux au jour du décès de celui-ci. Elle n'avait donc pas à opter tant que la demande de réduction n'avait pas été formalisée par les héritiers. L'option ne pouvant être présumée, il appartiendra à Alain X... de lever l'option de son choix.

Il soutient également que les critiques apportées par l'appelant au rapport d'expertise ne sont pas fondées ; que les fruits perçus ne doivent être rapportés que dans les limites de la prescription et que la donation qui lui avait été consentie était assortie d'une charge dont il conviendra de tenir compte pour la fixation de l'actif successoral.

Enfin, compte tenu de l'attitude dilatoire de l'appelant et de son comportement injurieux envers leur mère, il sollicite l'allocation de 5. 000 € de dommages et intérêts et de 2. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 janvier 2009.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur les effets de la donation du 4 mai 1983 :

L'appelant reproche au jugement déféré d'avoir considéré que Madame Y...- X... avait reçu la pleine propriété des biens de son époux lors du décès de ce dernier en l'absence de demande de réduction de cette universalité successorale au décès du donateur.

L'acte de donation prévoyait que Monsieur X... faisait donation de l'ensemble des biens à son épouse qui en deviendrait propriétaire au jour de son décès mais aussi que : " en cas d'existence, lors du décès du donateur, d'enfants ou de descendants, et si la réduction en est demandée, la donation portera sur la plus forte quotité disponible entre époux en vigueur au jour du décès, soit en pleine propriété seulement, soit en pleine propriété et usufruit, soit en usufruit seulement, au choix de la donataire...

Il est constant que Madame Y...- X... n'a pas exercé d'option de son vivant et qu'aucun des héritiers n'a fait de demande en réduction au décès du donateur.

Cette dernière demande fondée sur l'article 1094-1 du code civil, texte d'ordre public, peut être faite par l'héritier réservataire même postérieurement au décès du donateur, il convient donc de faire droit à la demande de Jean-Pierre X....

En application des articles 724, 781 et 1094-1 du code civil les héritiers appelés à une succession disposent de tous les droits de leur auteur, et peuvent exercer l'option non levée de son vivant par le conjoint gratifié dans les conditions où lui-même en avait la faculté, sauf manifestation contraire de la volonté du donataire.

Or l'acte donation du 4 mai 1983 prévoit " in fine " les dispositions suivantes : " A défaut d'option par la donataire, et notamment en cas de décès avant l'exercice de l'option, elle sera présumée avoir opté pour l'usufruit. "

C'est donc à tort qu'il a été considéré que Madame Y...- X... avait reçu l'intégralité des biens de son époux lors du décès de celui-ci. Il conviendra en conséquence de réformer le jugement déféré sur ce point et de renvoyer les parties devant le notaire chargé de la liquidation des successions des époux X... en considérant que Jean-Pierre X... demande la réduction des libéralité faites à Madame Y...- X... à la quotité disponible en présence de deux héritiers et qu'elle avait opté pour l'usufruit sur les biens de son époux pré-décédé.

* Sur le testament du 26 juillet 2001 :

* Validité :

Dans ses écritures, l'appelant fait valoir qu'il ne fonde plus sa demande d'annulation du testament sur l'insanité d'esprit de la testatrice ni un défaut de signature de cette dernière mais sur les dispositions de l'article 972 du code civil qui prévoient que le testament reçu par un notaire doit être dicté par le testateur.

Selon lui, la terminologie employée n'appartenait pas à sa mère, personne peu cultivée, ignorant le sens et la portée des termes juridiques. Il en déduit donc que cet acte a été rédigé par le notaire, en violation des dispositions précitées.

En réponse à cette argumentation, il suffira de rappeler qu'en exigeant que le testament soit écrit tel qu'il a été dicté, l'article 972 n'a pas entendu astreindre le notaire à reproduire mot à mot les paroles du testateur. Si la loi a exigé que le testateur exprime lui-même sa volonté, elle n'a pas interdit au notaire d'employer une rédaction qui, sans changer la substance de cette volonté, la rende plus correcte juridiquement et plus compréhensible.

Il convient donc de débouter Jean-Pierre X... de sa demande de nullité du testament de sa mère et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

* Effets :

Eu égard à ce qui a été précédemment exposé sur les effets de la donation du 4 mai 1983, il conviendra de considérer que les dispositions testamentaires de Madame Y...- X... ne concernent que les biens dépendant de sa propre succession et les droits indivis que la testatrice possédait à la suite de la dissolution de la communauté X... / Y....

* Sur le rapport d'expertise de Monsieur D... :

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier Juge a retenu que le notaire désigné opérerait le règlement successoral sur les bases de l'estimation de ce rapport.

* Sur le rapport des fruits échus et la prise en compte des charges de la donation du 27 juillet 1994 :

Jean-Pierre X... est irrecevable à solliciter le rapport des fruits provenant des biens qui lui ont été transmis par la donation sus visée, aucune réduction n'étant applicable à cette libéralité.

En revanche, il devra être tenu compte dans le calcul de la masse de l'actif successoral du fait que cette libéralité était consentie avec charge d'alimentation et de déplacement jusqu'au décès des donateurs.

En ce qui concerne les fruits des biens indivis dépendant des successions X... / Y..., ils ne pourront être rapportés à la succession que dans les limites de la prescription de 5 ans prévue à l'article 2277 du code civil à compter de la demande formulée par l'appelant dans des conclusions du 22 février 2006.

* Sur les dommages et intérêts :

C'est avec pertinence que le premier Juge a relevé l'attitude dilatoire de Jean-Pierre X... dans le règlement de la succession, plus de six années après le décès de Madame Y...- X..., et les allégations mensongères et calomnieuses sur la santé mentale de la défunte, pour fonder l'allocation de dommages et intérêts à Alain X.... Sa décision sera confirmée sur ce point.

* Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement déféré seront confirmées en ce qui concerne la charge des dépens de première instance et les frais d'expertise. Chacune des parties conservera la charge de ses dépens à hauteur d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en condamnant Jean-Pierre X... à verser à Alain X... une indemnité de 2. 500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Jean-Pierre X... de sa demande de réduction de l'universalité successorale résultant de la donation du 4 mai 1983 et, statuant à nouveau,

Dit que le notaire désigné en vue de procéder aux opérations de liquidation partage de la succession des époux X...- Y... fera application des dispositions testamentaires du 4 mai 1983, en prenant en compte le fait que Jean-Pierre X... demande la réduction des libéralité faites à Madame Y...- X... à la quotité disponible en présence de deux héritiers, et qu'il doit être considéré que l'épouse survivante avait opté pour l'usufruit sur les biens de son époux pré-décédé.

Confirme le jugement déféré pour le surplus, et, y ajoutant,

Dit et juge que les dispositions testamentaires de Madame Y...- X... ne concernent que les biens dépendant de sa propre succession et les droits indivis que la testatrice possédait à la suite de la dissolution de la communauté X... / Y...,

Dit et juge que il devra être tenu compte dans le calcul de la masse de l'actif successoral du fait que la donation du 27 juillet 1994 était consentie avec charge d'alimentation et de déplacement jusqu'au décès des donateurs,

Dit et juge que les fruits des biens indivis dépendant des successions X... / Y... ne pourront être rapportés à la succession que dans les limites de 5 ans à compter du 22 février 2006,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens à hauteur d'appel,

Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et sans préjudice de l'application de la loi sur l'aide juridictionnelle,

Condamne Jean-Pierre X... à payer à Alain X... une indemnité de
2. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 08/00070
Date de la décision : 11/03/2009
Type d'affaire : Civile

Analyses

TESTAMENT - Testament - DICTEE PAR LE TESTATEUR - Contestation -

En exigeant que le testament soit écrit tel qu'il a été dicté, l'article 972 n'a pas entendu astreindre le notaire à reproduire mot à mot les paroles du testateur. Si la loi a exigé que le testateur exprime lui-même sa volonté, elle n'a pas interdit au notaire d'employer une rédaction qui, sans changer la substance de cette volonté, la rende plus correcte juridiquement et plus compréhensible. La demande de nullité du testament est donc en voie de rejet.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Marmande, 07 décembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2009-03-11;08.00070 ?
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