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18/02/2009 | FRANCE | N°08/00319

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre civile, 18 février 2009, 08/00319


ARRÊT DU 18 Février 2009

R. M. / S. B **

--------------------- RG N : 08 / 00319--------------------- Jean-Pierre X...

Pierre Yves X...
Eric X...
Jean-Christophe X...
C /
Jacky Y...

------------------

ARRÊT no

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le dix huit février deux mille neuf, par Raymond MULLER, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,

LA COUR D'APPEL

D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur Jean-Pierre X... né le 05 juillet 1932 à CALAIS (62100) de nationali...

ARRÊT DU 18 Février 2009

R. M. / S. B **

--------------------- RG N : 08 / 00319--------------------- Jean-Pierre X...

Pierre Yves X...
Eric X...
Jean-Christophe X...
C /
Jacky Y...

------------------

ARRÊT no

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le dix huit février deux mille neuf, par Raymond MULLER, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur Jean-Pierre X... né le 05 juillet 1932 à CALAIS (62100) de nationalité française agriculteur retraité demeurant... 32190 LANNEPAX

Monsieur Pierre Yves X... né le 24 juin 1960 à MONT DE MARSAN (40000) de nationalité française éleveur demeurant...-32190 LANNEPAX

Monsieur Eric X... de nationalité française commercial demeurant...-47130 CLERMONT DESSOUS

Monsieur Jean-Christophe X... né le 21 septembre 1961 à MONT DE MARSAN (40000) de nationalité française demeurant... 32190 LANNEPAX

représentés par la SCP Henri TANDONNET, avoués assistés de Me Jean-Claude PRIM de la SCP PRIM-GENY-THOMAS, avocats

APPELANTS d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 16 janvier 2008

D'une part,
ET :
Monsieur Jacky Y... né le 6 octobre 1953 à RODEZ (Aveyron) de nationalité française médecin radiologue demeurant...-32100 CONDOM

représenté par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués assisté de la SCPA HANDBURGER-PLENIER, avocats

INTIMÉ

D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 01 décembre 2008, devant Raymond MULLER, Président de Chambre (lequel a fait un rapport oral préalable), François CERTNER, Conseiller et Chantal AUBER, Conseiller, assistés d'Isabelle LECLERCQ, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

* * *

La Cour,

Vu le jugement du 16 janvier 2008 du Tribunal de grande instance d'AUCH déboutant les consorts X... de leurs prétentions et les condamnant aux dépens ;

Vu l'appel de ce jugement interjeté par les consorts X..., selon déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 21 février 2008 ;

Vu les dernières écritures, enregistrées au greffe de la Cour le 5 novembre 2008, par lesquelles les consorts X... sollicitent :

- la réformation du jugement en faisant valoir que l'erreur de diagnostic commise par le Docteur Y... a entraîné pour feue Danièle Z... épouse X... la perte de la chance de voir évoluer différemment la maladie ;
- la condamnation du Docteur Y... à leur payer les sommes de : * 150. 000 € à titre de préjudice résultant des souffrances que la maladie a infligées à leur épouse et mère ; * 35. 000 € à titre de préjudice moral pour chacun des appelants ; * 40. 000 € à titre de préjudice patrimonial de Pierre-Yves X... ;

- à titre subsidiaire une expertise complémentaire.

* * *

Vu les dernières écritures, enregistrées au greffe de la Cour le 31 juillet 2008, par lesquelles le Docteur Y... conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants aux dépens en exposant, d'une part, que c'est à tort que les premiers juges lui ont imputé une faute, alors qu'il a prodigué à sa patiente des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science, d'autre part, que le retard de diagnostic n'a pas entraîné la perte de la chance de voir évoluer différemment la maladie puisque entre octobre 1998 et novembre 1999 il n'y a pas eu de changement significatif de taille de la surdensité et donc pas de changement de stade de la maladie ;

Vu l'ordonnance de clôture du premier décembre 2008.

SUR QUOI,

I-SUR LA FAUTE
A titre liminaire, il convient de rappeler que la responsabilité du médecin est subordonnée à la preuve d'une faute commise dans l'accomplissement de l'acte médical.
En l'espèce, l'expert judiciaire, dont les constatations et conclusions ne sont pas utilement critiquées-ce qui conduit à rejeter la demande d'expertise complémentaire-a procédé à la relecture des mammographies en présence des parties et a indiqué que l'examen de celle réalisée le huit octobre 1998 révèle l'existence, dans le quadrant externe du sein droit, d'une " zone de surdensité avec une architecture discrètement stellaire ", avec en son sein " quelques micro-calcifications à la limite de la visibilité au négatoscope ", surdensité qu'il a mesuré à 20 mm dans son plus grand axe et qui n'est pas décrite dans le compte rendu radiologique établi par le Docteur Y....
En ne relevant pas une anomalie que l'expert judiciaire, qui n'est pas un radiologue mais un cancérologue, a décelé lors de la relecture des mammographies, et qu'une lecture attentive des clichés lui aurait permis de constater, le Docteur Y..., radiologue qui intervenait dans son domaine de spécialité, n'a pas apporté toute la diligence et l'attention que son obligation contractuelle imposait à l'égard de sa patiente et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

II-SUR L'INDEMNISATION

L'expert judiciaire a précisé que l'anomalie révélée sur les clichés aurait dû entraîner une proposition de contrôle à quatre ou six mois, que l'erreur commise par le Docteur Y... a conduit à un retard de prise en charge thérapeutique de l'ordre de six à huit mois, mais que cette erreur de diagnostic n'a pas fait perdre à feue Danièle X... une chance de guérison ou de rémission.
L'absence d'évolution significative de la taille de l'anomalie, passée de 20 à 25 mm entre octobre 1998 et novembre 1999, les données histologiques relevées à la suite de cette dernière mammographie, ont conduit l'expert judiciaire à conclure qu'il n'y avait pas eu de changement de stade du cancer et que les modalités de prise en charge thérapeutique auraient été strictement identiques si le Docteur Y... n'avait pas commis d'erreur de diagnostic en octobre 1998.
Pourtant, il apparaît que l'évolution de la maladie est démontrée par le changement de taille de l'anomalie (augmentation de 25 % dans le plus grand axe) chez par le fait qu'elle n'était décelable en 1998 que par un examen attentif, alors qu'elle est apparue « à l'évidence » en 1999.
Dès lors s'il peut être retenu, comme l'a estimé l'expert, qu'il n'est pas établi que des soins administrés six à huit mois plus tôt auraient guéri feue Danièle X..., les appelants se contentant à cet égard d'une affirmation de principe, correspondant au " dogme " évoqué par l'expert judiciaire et qui ne repose sur aucune étude scientifique, ni sur aucune expertise médicale appliquée au cas d'espèce, l'erreur de diagnostic fautive du Docteur Y... ne peut ouvrir droit à indemnité qu'en raison de la perte de la chance de voir évoluer plus favorablement la maladie (et donc l'état physique de leur épouse, respectivement mère) si elle avait été décelée plus tôt, qui peut être estimée à une chance sur deux et qui justifie l'indemnisation des appelants.

S'agissant du préjudice, il convient de relever :

- que le préjudice ex haedere doit être écarté dans la mesure où l'expert judiciaire a précisé que le traitement thérapeutique aurait été identique s'il n'y a pas eu erreur de diagnostic ;
- que le préjudice patrimonial allégué par Pierre-Yves X... est simplement affirmé, mais qu'aucun élément quelconque, ni aucune pièce ne permet de le corroborer, l'abandon d'une profession (au demeurant non précisée) pour reprendre une activité d'agriculteur ne paraissant en elle-même constitutive d'un dommage ;
- que le préjudice résultant de la faute du Docteur Y... ayant entraîné perte de la chance de voir évoluer plus favorablement la maladie et l'état physique de leur épouse et mère, peut être évalué à 12. 500 € pour l'époux, constamment aux côtés de son épouse, et à 6000 pour chacun des enfants.

III-SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS NON RÉPÉTIBLES

Le Docteur Y..., qui succombe, doit être condamné aux dépens d'instance et d'appel et au paiement d'une indemnité de procédure de 2. 500 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
DÉCLARE l'appel régulier en la forme et recevable ;
INFIRME le jugement entrepris et statuant à nouveau,
DIT et JUGE que le Docteur Y... a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
CONDAMNE le Docteur Y... à payer :
1o) à Monsieur Jean-Pierre X... la somme de 12. 500 € ;
2o) à chacun des autres appelants la somme de 6. 000 € ;
3o) aux appelants ensemble la somme de 2. 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNE le Docteur Y... aux entiers dépens d'instance et d'appel, qui pour ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Raymond MULLER, Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 08/00319
Date de la décision : 18/02/2009
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Responsabilité contractuelle - Obligations - Obligation de prudence et de diligence - Portée

La responsabilité du médecin est subordonnée à la preuve d'une faute commise dans l'accomplissement de l'acte médical. En ne relevant pas une anomalie que l'expert judiciaire a décelé lors de la relecture des mammographies, et qu'une lecture attentive des clichés lui aurait permis de constater, l'intimé, radiologue, qui intervenait dans son domaine de spécialité, n'a pas apporté toute la diligence et l'attention que son obligation contractuelle lui imposait à l'égard de sa patiente. Il a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Auch, 16 janvier 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2009-02-18;08.00319 ?
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