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07/10/2008 | FRANCE | N°302

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 07 octobre 2008, 302


----------------------- R. G. 07 / 00483-----------------------

Société dite " COOPÉRATIVE AGRICOLE DES PRODUCTIONS ET ELEVAGES LA QUERCYNOISE " CAPEL En la personne de son représentant légal

C /

Jean-Louis X...

----------------------- ARRÊT no 302

COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale

Prononcé à l'audience publique du sept octobre deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière,

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTR

E :

Société dite " COOPÉRATIVE AGRICOLE DES PRODUCTIONS ET ELEVAGES LA QUERCYNOISE " CAPEL En la personne...

----------------------- R. G. 07 / 00483-----------------------

Société dite " COOPÉRATIVE AGRICOLE DES PRODUCTIONS ET ELEVAGES LA QUERCYNOISE " CAPEL En la personne de son représentant légal

C /

Jean-Louis X...

----------------------- ARRÊT no 302

COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale

Prononcé à l'audience publique du sept octobre deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière,

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

Société dite " COOPÉRATIVE AGRICOLE DES PRODUCTIONS ET ELEVAGES LA QUERCYNOISE " CAPEL En la personne de son représentant légal 267, Avenue Pierre Sémard 46000 CAHORS

Rep / assistant : Me Carole BOUDOU (avocat au barreau de CAHORS)

APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de FIGEAC en date du 28 février 2007 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 06 / 00056

d'une part,
ET :

Jean-Louis X... ...... 46130 PRUDHOMAT

Rep / assistant : la SCPA MCM (avocats au barreau de BRIVE)

INTIME

d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 2 septembre 2008, sur rapport de Catherine LATRABE, devant Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, Benoît MORNET et Thierry LIPPMANN, Conseillers, assistés de Solange BELUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* * *

Jean-Louis X..., né le 5 mars 1954, a été embauché le 15 septembre 1997 par la Coopérative de Productions et d'Elevages dite CAPEL LA QUERCYNOISE, en qualité de chauffeur manutentionnaire.

Il a été victime d'un accident du travail le 1er avril 2000. A sa reprise, il a poursuivi son activité de chauffeur et a été affecté à la collecte et à la livraison de lactosérum.
Courant 2005, il a été victime d'un accident de la vie privée laissant subsister des séquelles à son poignet et à sa main droite.
Le 28 mars 2006, le médecin du travail a conclu la visite médicale de reprise en ces termes :
" inapte temporaire à l'ancien poste de travail. Les efforts de manutention et ports de charge nécessitant l'intervention de la main droite sont contre indiqués. Une alternance des tâches est souhaitable. Un poste de chauffeur, surveillance, gardiennage, vente conseil sans manutention conviendrait ".
Le même jour, le médecin du travail adressait à l'employeur un courrier lui demandant de lui préciser, en cet état, ses propositions de reclassement avant la deuxième visite médicale prévue le 11 avril 2006, et ce, au besoin compte tenu des possibilités d'aides financières qui pourraient être allouées par des organismes tels que l'AGEFIPH ou la COTOREP.
Le courrier en réponse en date du 7 avril 2006 de la CAPEL QUERCYNOISE est ainsi libellé :
"... après avoir contacté les différents directeurs d'activité du groupe CAPEL pour d'éventuels postes à pourvoir, nous vous confirmons que nous sommes actuellement dans l'impossibilité de reclasser Jean-Louis X... au sein du groupe. En effet compte tenu des restrictions émises sur la fiche d'aptitude, les rares postes que nous pourrions lui proposer (chauffeur au sein de l'activité palmipèdes à GRAMAT, manutentionnaire cariste à CASTELNAU MONTRATIER) sont malheureusement avec manutention tout comme d'ailleurs la majorité des postes de la CAPEL hormis les emplois de bureaux pour lesquels nous n'avons pas d'embauches prévues dans les mois à venir... Un poste dans un magasin GAMM VERT aurait été effectivement plus adapté mais le seul poste que nous ayons eu à pourvoir en cette fin d'année 2005 / début 2006 est déjà pourvu depuis le 6 décembre 2005 et il s'agit seulement d'un poste de caissier vendeur à mi temps sur BETAILLE... "

A l'issue de la deuxième visite médicale de reprise en date du 11 avril 2006, le médecin du travail a déclaré Jean-Louis X... inapte à son poste de chauffeur / manutentionnaire dans l'entreprise CAPEL, précisant toutefois " il peut en

revanche effectuer des travaux de surveillance, gardiennage, vente conseil, conduite, sans manutention ".

Par courrier recommandé du 18 avril 2006, la CAPEL QUERCYNOISE a proposé au salarié de le reclasser dans ses stations fruitières de CASTELNAU MONTRATIER et MONTPEZAT du QUERCY en qualité de manutentionnaire sur les chaînes de calibrage et triage (asperges, melons, raisins, pommes) et de cariste.
Le 20 avril 2006, Jean-Louis X... a indiqué à l'employeur qu'il ne pouvait accepter cette proposition, le médecin du travail l'ayant déclaré inapte à un poste de manutentionnaire et l'intéressé invoquant de surcroît la distance entre l'emploi proposé et son lieu de résidence
Par courrier recommandé en date du 3 mai 2006, la CAPEL QUERCYNOISE a notifié au salarié son licenciement dans les termes suivants :
"... l'incapacité de travail qui vous frappe au sein de l'activité Fruits et Légumes de PUYBRUN et qui a été constatée par le Médecin du Travail en date du 11 avril 2006 rend malheureusement impossible le maintien de votre contrat de travail en qualité de chauffeur manutentionnaire. En effet, étant donné :- l'impossibilité de vous reclasser au sein du groupe CAPEL, compte tenu des restrictions émises par le Médecin du Travail, à savoir votre état de santé qui ne vous permet pas d'assumer le port répété de charges et les efforts de manutention,- votre refus d'être reclassé sur les stations fruitières de CASTELNAU / MONTPEZAT pour effectuer le triage et calibrage de fruits, et la conduite du chariot élévateur, ceci compte tenu de l'éloignement de votre domicile, nous considérons que cette situation rend impossible le maintien de votre contrat de travail et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement... "

Contestant ce licenciement, Jean-Louis X... a saisi, le 19 juillet 2006, le Conseil de Prud'hommes de FIGEAC.
Suivant jugement en date du 28 février 2007, cette juridiction a dit que le licenciement de Jean-Louis X... s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la CAPEL LA QUERCYNOISE à lui payer la somme nette de 10. 200 € au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme brute de 3. 401, 36 € au titre de l'indemnité de préavis et la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et enfin a débouté la CAPEL LA QUERCYNOISE de sa demande reconventionnelle.
La Société CAPEL LA QUERCYNOISE a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui n'apparaissent pas critiquables.
Elle soutient pour l'essentiel qu'elle a été contrainte, pour défaut de reclassement possible, de licencier Jean-Louis X..., précisant que les recherches de reclassement ont été réalisées au niveau du groupe et que de plus, il n'existait aucune possibilité conforme aux prescriptions du Médecin du Travail.
Elle ajoute qu'elle a bien proposé un reclassement à l'intéressé et elle considère, à cet égard, qu'un salarié appelé manutentionnaire travaillant sur les chaînes de calibrage et de triage de fruits et légumes n'est pas particulièrement soumis au port répété de charges ni à des efforts de manutention, et ce d'autant plus, que le poste de Jean-Louis X... aurait pu être aménagé pour éviter toute éventuelle difficulté.
Elle prétend enfin qu'aucun des postes pourvus entre mars et mai 2006 ne correspondait au profil de ce dernier, soit qu'il n'avait pas les qualifications requises,
soit que le lieu de travail était éloigné de son domicile, soit que le poste en question nécessitait de la manutention.
Elle demande dès lors à la Cour de réformer la décision du Conseil de Prud'hommes, de débouter Jean-Louis X... de l'intégralité de ses demandes, de dire qu'il ne peut être reproché à l'employeur une quelconque passivité ni déloyauté dans la recherche des possibilités de reclassement, de dire que le licenciement de Jean-Louis X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et enfin, de le condamner au paiement de la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Jean-Louis X... demande, quant à lui, à la Cour de confirmer la décision déférée sauf à porter à la somme de 20. 000 € le montant de l'indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de constater que la proposition de reclassement du 11 avril 2 06 de la Société CAPEL n'est pas sincère, de dire que le groupe CAPEL n'a pas respecté l'obligation de reclassement qui lui était imposée par la loi, de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer les sommes de 20. 000 € à titre de dommages-intérêts, de 3. 401, 36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 précité.
Il soutient, pour l'essentiel, que l'employeur a failli à son obligation de reclassement alors que la CAPEL qui fait partie d'un groupe de sociétés dispose de plusieurs dizaines de sites et emploie 520 salariés, étant précisé qu'il est lui-même titulaire d'un diplôme d'études supérieures de droit (licence), d'un diplôme de gestion, qu'il a suivi la formation de l'école des ventes de la marque automobile VOLVO et qu'il est titulaire d'un diplôme d'enseignant AFPA délivré par le Ministère du Travail, de sorte qu'il pouvait parfaitement occuper un poste commercial ou administratif.

- SUR QUOI :

Attendu que le salarié déclaré inapte à son emploi bénéficie d'un droit de reclassement tel que prévu par l'article L. 1226-2 du Code du Travail, l'emploi proposé par l'employeur devant tenir compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié et être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
Que c'est à l'employeur qu'il incombe d'établir qu'il a mis en oeuvre tous les moyens pertinents pour tenter de remplir son obligation.
Qu'il s'agit là d'une véritable obligation de reclassement pour l'employeur qui est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail au besoin en les sollicitant et qui doit apporter la preuve qu'il s'est trouvé réellement dans l'impossibilité de reclasser le salarié dans un poste adapté à ses capacités.
Que n'a pas satisfait à son obligation de procéder à une étude loyale et sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, l'employeur qui comme dans le cas présent, se contente d'affirmer qu'il n'existait pour l'intéressé aucun reclassement possible, qui se prévaut de la seule étude de poste réalisée par le médecin du travail dans le cadre de la déclaration d'inaptitude aux fonctions que le salarié occupait, qui propose à ce dernier des postes de manutentionnaire ou de cariste qui ne sont manifestement pas adaptés aux capacités de l'intéressé et aux préconisations du médecin du travail, celui-ci ayant déclaré comme étant contre indiqués les efforts de manutention et ports de charge nécessitant l'intervention de la main droite et qui ne fait état d'aucune recherche pour adapter l'outil et l'organisation du travail pour permettre le maintien dans l'emploi du salarié inapte.
Que dès lors, il ne peut être que retenu que la Société CAPEL LA QUERCYNOISE qui ne justifie d'aucune prospection au regard notamment d'un réaménagement des postes de travail ou d'un aménagement du temps de travail du salarié et qui n'établit pas la réalité de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait, antérieurement à la date du licenciement, de procéder au reclassement de l'intimé, n'a pas satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge.
Que le licenciement dont Jean-Louis X... a fait l'objet doit, par conséquent, être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.
Que l'absence de cause réelle et sérieuse ouvre droit au bénéfice du salarié à une indemnité.
Que suite à ce licenciement, Jean-Louis X... a subi incontestablement un préjudice qui, au regard des circonstances de l'espèce et notamment de son âge et de son temps de présence dans l'entreprise doit être réparé par l'allocation de la somme de 15. 300 €.
Qu'il a droit également à une indemnité compensatrice de préavis laquelle a été correctement déterminée par les premiers juges.
Attendu, par conséquent, qu'il convient d'infirmer la décision déférée seulement sur le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que cette décision sera par contre confirmée en ses autres dispositions.
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Jean-Louis X... la totalité des frais non compris dans les dépens qu'il a pu être amené à exposer en cause d'appel pour la défense de ses intérêts ; qu'il y a donc lieu de lui allouer la somme de 1. 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Attendu que les dépens d'appel seront mis à la charge de la Société CAPEL LA QUERCYNOISE qui succombe pour l'essentiel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme la décision déférée seulement sur le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Et statuant à nouveau :
Condamne la Société CAPEL LA QUERCYNOISE à payer à Jean-Louis X... la somme de 15. 300 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Confirme la décision déférée en toutes ses autres dispositions,
Et y ajoutant,
Condamne la Société CAPEL LA QUERCYNOISE à payer à Jean-Louis X... la somme de 1. 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Rejette comme inutile ou mal fondée toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne la Société CAPEL LA QUERCYNOISE aux dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 302
Date de la décision : 07/10/2008
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Maladie du salarié - Inaptitude au travail - Article L. 122-24-4 du Code du travail - Application - Proposition d'un emploi adapté - Obligation de l'employeur - / JDF

Le salarié déclaré inapte à son emploi bénéficie d'un droit de reclassement tel que prévu par l'article L.1226-2 du Code du Travail, l'emploi proposé par l'employeur devant tenir compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié et être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. C'est à l'employeur qu'il incombe d'établir qu'il a mis en oeuvre tous les moyens pertinents pour tenter de remplir son obligation. Il s'agit là d'une véritable obligation de reclassement pour l'employeur qui est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail au besoin en les sollicitant et qui doit apporter la preuve qu'il s'est trouvé réellement dans l'impossibilité de reclasser le salarié dans un poste adapté à ses capacités.N'a pas satisfait à son obligation de procéder à une étude loyale et sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, l'employeur qui comme dans le cas présent, se contente d'affirmer qu'il n'existait pour l'intéressé aucun reclassement possible, qui se prévaut de la seule étude de poste réalisée par le médecin du travail dans le cadre de la déclaration d'inaptitude aux fonctions que le salarié occupait, qui propose à ce dernier des postes de manutentionnaire ou de cariste qui ne sont manifestement pas adaptés aux capacités de l'intéressé et aux préconisations du médecin du travail, celui-ci ayant déclaré comme étant contre indiqués les efforts de manutention et ports de charge nécessitant l'intervention de la main droite et qui ne fait état d'aucune recherche pour adapter l'outil et l'organisation du travail pour permettre le maintien dans l'emploi du salarié inapte.


Références :

Code du travail, article L. 122-24-4 devenu L. 1226-2

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Figeac, 28 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2008-10-07;302 ?
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