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20/08/2008 | FRANCE | N°723

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre civile 1, 20 août 2008, 723


ARRÊT DU
20 Août 2008

R. S / N. C

---------------------
RG N : 06 / 00456
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S. A DEXIA CREDIT LOCAL ANCIENNEMENT DENOMMEE CREDIT LOCAL DE FRANCE

S. N. C. IMMO VAUBAN VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE SA SAFITRANS, VENANT AUX DROITS DU COMPTOIR DES ENTREPRENEURS

C /

Jean-Michel X...

Nicole Y... épouse X...

André Z...

Lucienne A... épouse B...

SELARL CHRISTOPHE F..., ANCIENNEMENT DENOMMEE SELARL C... F...
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ARRÊT no723 / 08

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Commerciale

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de Procédure C...

ARRÊT DU
20 Août 2008

R. S / N. C

---------------------
RG N : 06 / 00456
---------------------

S. A DEXIA CREDIT LOCAL ANCIENNEMENT DENOMMEE CREDIT LOCAL DE FRANCE

S. N. C. IMMO VAUBAN VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE SA SAFITRANS, VENANT AUX DROITS DU COMPTOIR DES ENTREPRENEURS

C /

Jean-Michel X...

Nicole Y... épouse X...

André Z...

Lucienne A... épouse B...

SELARL CHRISTOPHE F..., ANCIENNEMENT DENOMMEE SELARL C... F...
------------------
ARRÊT no723 / 08

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Commerciale

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de Procédure Civile le vingt Août deux mille huit, par René SALOMON, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier.

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

S. A DEXIA CREDIT LOCAL ANCIENNEMENT DENOMMEE CREDIT LOCAL DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de son Président du Directoire actuellement en fonctions, domicilié en cette qualité audit siège
Dont le siège social est Tour Cristal
7-111 quai André Citroën
75000 PARIS

représentée par la SCP HENRI TANDONNET, avoués
assistée par la SCP JOLY WICKERS LASSERRE MAYSOUNABE, avocats

S. N. C. IMMO VAUBAN VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE SA SAFITRANS, VENANT AUX DROITS DU COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, agissant poursuites et diligences de son Gérant actuellement en fonctions, domicilié en cette qualité audit siège
Dont le siège social est 2 rue Pasquier
75000 PARIS

représentée par la SCP HENRI TANDONNET, avoués
assistée de la SCP JOLY WICKERS LASSERRE MAYSOUNABE, avocats

APPELANTES Au fond du Cour d'Appel de BORDEAUX en date du 17 Mars 2003

D'une part,

ET :

Monsieur Jean-Michel X...
Demeurant...
...

représenté par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assisté de la SCPA Y. DELAVALLADE F. GELIBERT F. DELAVOYE, avocats

Madame Nicole Y... épouse X...
Demeurant...
...

représentée par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assistée de la SCPA Y. DELAVALLADE F. GELIBERT F. DELAVOYE, avocats

Monsieur André Z...
Demeurant...
...

représenté par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assisté de la SCP BOISSESON et ASSOCIES, avocats

Madame Lucienne A... épouse Z...
Demeurant...
...

représentée par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués
assistée de la SCP BOISSESON et ASSOCIES, avocats

SELARL CHRISTOPHE F..., ANCIENNEMENT DENOMMEE SELARL C... F..., venant aux droits de Monsieur Dominique C..., prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la SCI LES JARDINS DE HAUTERIVE
Dont le siège social est...
...

représentée par Me Jean-Michel BURG, avoué
assistée de la SCP MARTIN et ASSOCIES, avocats

BARCLAYS BANK PLC
EC3P 3 AH
Dont le siège social est Lombard Street
LONDRES ANGLETERRE

représentée par la SCP J. et E. VIMONT, avoués
assistée de la SELARL BOSSIS-LUTREAU-CHAVERON, avocats

INTIMES

D'autre part,

a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 02 Avril 2008, devant René SALOMON, Premier Président (lequel a fait un rapport oral préalable), Bernard BOUTIE, Conseiller et Dominique NOLET, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Premier Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.

Le 23 mars 1989, le CREDIT LOCAL DE FRANCEl aux droits duquel se trouve la société DEXIA, Le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS aux droits duquel se sont successivement trouvées la société SAFITRANS, puis la SNC IMMO VAUBAN et
la société EUROPEENNE DE BANQUE, aux droits de laquelle se trouve la société
BARCLAYS BANK PLC, ont consenti à la SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE que
Jean-Marie Y..., restaurateur de renom en GIRONDE, était en train de constituer avec ses parents, les époux Z..., et sa soeur et son beau-frère les époux X..., pour développer une activité parallèle d'hôtellerie de luxe, différents concours bancaires qui étaient garantis par les engagements de caution des associés ;

Jean-Marie Y... ayant été dans l'impossibilité de régler les loyers qu'il devait à la SCI, celle-ci n'a plus été en mesure d'assurer le remboursement des crédits accordés, l'un et l'autre ayant été déclarés en redressement puis en liquidation judiciaires les 7 juillet,
11 août 1992 et 22 juin 1993, Dominique C... aux droits duquel se trouve la
SELARL C...- F..., étant désigné en qualité de liquidateur ;

Les époux X..., mis en demeure d'exécuter leurs engagements de caution, ont mis en cause la responsabilité des établissements de crédit concernés en leur reprochant d'avoir abusivement apporté leur soutien financier à une entreprise manifestement dépourvue de viabilité ;

Par jugement en date du 5 janvier 1996, le Tribunal de Commerce de BORDEAUX leur a donné raison et les a déchargés de l'ensemble de leurs obligations souscrites à l'occasion des divers prêts contractés par la SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE ;

Appel a été interjeté de cette décision ;

Les époux Z... sont intervenus volontairement devant la Cour d'Appel aux mêmes fins ;

Par un arrêt du 7 septembre 1998, la Cour d'Appel de BORDEAUX a déclaré recevable ces interventions et, avant de statuer au fond, a ordonné une expertise
comptable ;

Par arrêt en date du 17 mars 2003, elle a jugé que les établissements financiers avaient accordé leur concours dans des conditions fautives et les a condamnés à payer aux époux Z... d'une part et aux époux X... d'autre part chacune des sommes équivalentes au montant de celles dues en vertu de leurs engagements respectifs de cautionnement, déchargeant en conséquence indirectement ces cautions de leurs engagements ;

Par un arrêt en date du 8 novembre 2005, la Cour de Cassation a examiné les différents moyens des pourvois formés par les établissements de crédit ;

Le premier pourvoi était soutenu par la SNC IMMO VAUBAN, la société DEXIA et la société SAFITRANS :

* le premier moyen portait sur la recevabilité de l'intervention volontaire des époux Z.... La Cour de Cassation a estimé que cette question avait été tranchée non pas par l'arrêt attaqué mais par la décision du 7 septembre 1998 qui n'était pas frappée de pourvoi de sorte que le moyen était irrecevable faute de concordance avec le dispositif de l'arrêt critiqué ;

* Le second moyen portait sur la condamnation des sociétés de crédit à payer aux époux X... et aux époux Z... des sommes équivalentes au montant que
ceux-ci devaient en vertu de leurs engagements de caution.

La cour de cassation s'est appuyée sur le rapport d'expertise selon lequel si
Jean-Marie Y... n'avait pas commis en 1989 et 1990 des fautes de gestion il aurait peut-être pu éviter le dépôt de bilan intervenu en 1992 alors cependant qu'à partir de 1991 cette gestion redevenue rigoureuse n'était plus en cause, la Cour d'Appel ayant estimé par une interprétation exclusive selon elle de dénaturation, que les erreurs de gestion commises par
Jean-Marie Y... pendant les dix-huit premiers mois d'exploitation n'avaient joué aucun rôle dans la liquidation judiciaire de l'entreprise intervenue en 1992 dès lors que ces erreurs avaient été corrigées à partie de 1991 et alors en outre que la Cour d'Appel avait relevé que le CREDIT LOCAL DE FRANCE et le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS n'étaient intervenus qu'après que les banquiers habituels de Jean-Marie Y... aient, au vue d'une première étude présentée par ce dernier, refusé de s'engager alors qu'ils avaient, quant à eux, accepté d'accorder leurs concours sur la foi d'une seconde étude du client « revue à la baisse » sans procéder eux-mêmes aux recherches sérieuses et préalables qui eussent été nécessaires ou en ne tirant aucune conséquence des renseignements recueillis alors qu'ils faisaient pourtant apparaître que le projet, dans les conditions où il était financé, ne pouvait être viable. La Cour de Cassation a considéré qu'en l'état de ces motifs dont il se déduisait que, qu'elles
qu'aient été la qualité et la compétence des conseils de son interlocuteur,
le CREDIT LOCAL DE FRANCE et le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS avaient, en consentant ainsi à la SC I LES JARDINS DE HAUTE RIVE, de manière imprudente et sans discernement, des crédits dont ils n'ignoraient pas ou n'auraient pas du ignorer qu'ils entraîneraient à plus ou moins bref échéance sa ruine, commis une faute, la Cour d'Appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ayant décidé, à bon droit, qu'ils avaient engagé leurs responsabilités à l'égard des cautions ;

* Le troisième moyen portait sur la condamnation des établissements de crédit à indemniser les cautions de l'intégralité de leurs préjudice respectifs, la Cour de Cassation ayant observé d'une part que la Cour d'Appel de BORDEAUX avait relevé que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS était intervenu sur la base d'études dont il ne
pouvait méconnaître les faiblesses sans entreprendre aucune autre investigation, le
CREDIT LOCAL DE FRANCE pour sa part n'ayant pas tenu compte de celle effectuée à sa demande par le cabinet HTL dont il est résulté que, dans les conditions où il était financé, le projet ne pouvait pas être viable. La Cour de Cassation a estimé qu'en ayant fait ressortir qu'à supposer que Jean-Marie Y... puisse se voir reprocher d'avoir travesti la réalité, cette circonstance était demeurée sans lien de causalité avec la décision prise par ces établissements de financer son projet et donc avec le préjudice des cautions, la Cour d'Appel n'avait encouru aucun grief alors d'autre part que l'expert ayant indiqué de manière ambiguë, tout à la fois, que si Jean-Marie Y... n'avait pas commis, en 1989 et 1990, des fautes de gestion, il aurait peut-être pu éviter le dépôt de bilan intervenu en 1992 et qu'à partir de 1991, cette gestion étant redevenue rigoureuse, elle ne pouvait plus être mise en cause.

La Cour d'Appel là encore, qui n'avait pas dénaturé le rapport d'expertise en interprétant ces propos, avait pu, selon la Cour de Cassation, statuer comme elle l'avait fait ;

Le second pourvoi était soutenu par la Barclays Bank :

* Le premier moyen portait également sur sa condamnation à payer aux époux X... et aux époux Z... des sommes équivalentes au montant que ceux-ci devaient en vertu de leurs engagements de caution. La Cour de Cassation observe que l'arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX a relevé que L'EUROPEENNE DE BANQUE qui s'était déterminée, comme les deux autres établissements, sur la base d'études dépourvues de sérieux, notamment celle de Madame E..., qui comportait des erreurs surprenantes, dans des conditions dépourvues de toute rigueur et témoignant même d'un certain amateurisme et sans concertation sérieuse avec les autres établissements intervenant, ajoutant qu'elle avait pris sa décision « dans le but essentiel d'entrer en relation d'affaires avec un client haut de gamme ».

La Cour de Cassation a estimé qu'en l'état de ces motifs dont il est résulté que L'EUROPEENNE DE BANQUE, en consentant à la SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE, de manière imprudente et sans discernement, des crédits dont elle n'ignorait pas ou n'aurait pas du ignorer qu'ils entraîneraient à plus ou moins brêve échéance sa ruine, avait commis une faute, la Cour d'Appel, qui n'était pas tenue de suivre l'intéressée dans le détail de son argumentation, a décidé, à bon droit, qu'elle avait engagé sa responsabilité à l'égard des cautions ;

* Le second moyen faisait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à indemniser les cautions de l'intégralité de leurs préjudices respectifs. La Cour de Cassation a rejeté ce moyen qui remettait en cause selon elle le pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier la valeur probante et la portée d'un rapport d'expertise ;

Par contre, la Cour de Cassation a retenu le troisième moyen du premier pourvoi pris en sa troisième branche et le second moyen du pourvoi pris en sa seconde branche selon lesquels la Cour d'Appel, tout en admettant que les retards et malfaçons dans la construction de l'immeuble avaient eu une incidence certaine sur l'échec du projet, avait pourtant laissé à la charge des établissements de crédit l'intégralité du préjudice résultant pour les cautions du non-remboursement du prêt sans prendre en considération l'incidence de ces éléments.

Au visa de l'article 1147 du Code Civil, la Cour de Cassation a reproché à la Cour d'Appel de BORDEAUX d'avoir relevé que les retards à la livraison de l'immeuble, les malfaçons et désordres affectant ce dernier avaient eu une incidence certaine sur la survenance de la procédure collective tout en condamnant les sociétés DEXIA, la SNC IMMO VAUBAN et la BARCLAYS BANK PLC à indemniser les époux X... et les époux Z... à concurrence de l'intégralité de leurs préjudices respectifs en leur payant des sommes équivalentes aux montants de celles qu'ils restaient devoir en vertu de leurs engagements de caution ;

C'est dans ces conditions que la Cour de Cassation a très précisément cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX « mais seulement en ce qu'il a condamné les établissements de crédit à indemniser les cautions à concurrence de l'intégralité de leurs préjudices respectifs " ;

C'est dans cet état que l'affaire se présente devant la Cour d'Appel d'AGEN ;

Dans le dernier état de leurs conclusions les parties se sont exprimées de la manière suivante :

La SA DEXIA anciennement dénommée CRÉDIT LOCAL DE FRANCE estime
que la Cour de Cassation a cassé la disposition de l'arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX sur la condamnation des banques de sorte que la Cour de renvoi peut exonérer de toute condamnation les banques au motif que leur responsabilité n'est pas engagée.

Elle soutient que les banques n'ont commis aucune faute dans l'octroi des crédits, qu'elles n'ont pas engagé leur responsabilité et qu'en tout état de cause, il n'existe aucun lien de causalité entre les prétendus fautes invoquées par les cautions et leurs prétendus préjudices.

Elle conclut au débouté pur et simple des demandes, fins et conclusions des cautions et au paiement de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

La société BARCLAYS BANK PLC relève que la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'Appel de BORDEAUX parce qu'elle n'a pas tenu compte de l'incidence
certaine sur la survenance de la procédure collective de Jean-Marie Y... et de la
SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE, des retards à la livraison de l'immeuble, des malfaçons et désordres affectant ce dernier ;

Prenant en considération le rapport d'expertise de Jean-Jacques D... sur ce point, ainsi que la note de Georges G..., expert-comptable, établie dans l'intérêt des établissements des crédits le 26 décembre 2006, la BARCLAYS BANK PLC estime que la perte de bénéfice brut subie du fait du retard de livraison de l'immeuble, des malfaçons et
des désordres pour la période courant de l'ouverture de l'hôtel en juin 1989 jusqu'au
31 décembre 1991 s'établit pour le premier à 1. 334 000 Frs et pour le second à 1. 643   000 Frs. Il est incontestable dès lors que ces retards de livraison et ces désordres affectant l'immeuble litigieux sont à l'origine de la procédure collective de Jean-Claude Y... et de la
SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE ;

Le Tribunal de Commerce de BORDEAUX l'a selon elle, très clairement dégagée de toute responsabilité en l'espèce à l'issue d'un raisonnement juridiquement et factuellement précis en relevant notamment que Jean-Marie Y... dans le cadre de son projet, s'était entouré des conseils d'un architecte de renom et d'un spécialiste de l'investissement immobilier qui agissait pour son compte, tous trois, dans leur domaine respectif étant des professionnels qualifiés alors qu'il est constant que les travaux avaient démarré en
octobre 1988 soit près de six mois avant l'octroi des crédits et que Jean-Marie Y... avait, avant la réalisation de son projet et le début des travaux, un résultat largement bénéficiaire, l'octroi des crédits n'étant pas une condition suspensive au lancement des travaux et les banques ayant pas le devoir de mise en garde vis-à-vis de l'emprunteur averti et n'ayant pas eu d'informations autres que celles déjà en possession de l'emprunteur ;

La Cour réformera le jugement du 5 janvier 1996 en disant n'y avoir lieu à décharger les intimés de l'ensemble de leurs obligations souscrites à l'occasion des divers prêts contractés par la SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE ;

Elle sollicite le paiement de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

La SELARL CHRISTOPHE F... qui intervient en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de Jean-Marie Y... estime que la Cour de Cassation n'a pas remis en cause le principe de la responsabilité des établissements de crédit et que seuls demeurent en discussion la question de l'incidence éventuelle du retard de livraison et des malfaçons affectant l'immeuble sur le montant et les conditions de l'indemnisation mise à la charge des établissements bancaires ;

Cette question selon elle avait été soumise à Jean-Jacques D..., expert judiciaire, qui a estimé que les malfaçons et retards avaient eu une incidence mais pour autant il a précisé que ce retard ne pouvait suffire à lui seul à conduire Jean-Marie Y... au dépôt de bilan ;

Elle considère qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les malfaçons et les retards de livraison de l'immeuble et la procédure collective sur la base de ces conclusions, la responsabilité de Jean-Marie Y... ayant été définitivement écartée par la Cour d'Appel de BORDEAUX dans son arrêt en date du 17 mars 2003 ;

Elle demande en conséquence la confirmation du jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX en date du 5 janvier 1996 qui a consacré la responsabilité des banques et les a condamnés à réparer l'intégralité du préjudice subi par les cautions. Elle sollicite en outre le paiement de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

Les époux X... concluent dans le même sens que le mandataire liquidateur en ce qui concerne la portée de l'arrêt de la cause de Cassation du 8 novembre 2005, le principe de la responsabilité des banques étant selon eux établi de manière définitive et ne pouvant être remis en cause devant la Cour de renvoi, les établissements bancaires étant tenus de réparer l'intégralité de leurs préjudices dans la mesure où il n'existe aucun lien de causalité entre les retards de livraison de l'immeuble et la survenance de la procédure collective de
Jean-Marie Y.... À supposer que les désordres de construction soient en partie à l'origine des difficultés financières de l'emprunteur, les établissements bancaires, en leur qualité de coauteur, n'en demeurent pas moins in solidum responsables, ce qui les oblige à la totalité de la réparation. Ils réclament en conséquence à chacune des sociétés en cause, une somme équivalente au montant des sommes qui leur sont réclamées dans la limite de leurs propres engagements, soit :

- COMPTOIR DES ENTREPRENEURS (SOCIÉTÉ SAFITRANS) : 42. 797, 49 € + les intérêts et les frais ;

- BARCLAYS BANK : 304. 898, 03 € + intérêts et frais ;

- CRÉDIT LOCAL DE FRANCE (DEXIA CRÉDIT LOCAL) : 88. 351, 07 € + intérêts et frais ;

Ils demandent que soit prononcée la compensation entre le montant des sommes dues par eux aux établissements bancaires et les sommes qui leur seront allouées à titre de dommages et intérêts ;

Subsidiairement si la Cour devait considérer que les établissements bancaires ne sont pas tenus de réparer l'entier préjudice des époux X..., la Cour ne pourrait que limiter la part de préjudices non indemnisables à 10 % du montant des sommes qu'ils sont en droit de réclamer puisqu'en effet la part de préjudices non imputables aux établissements bancaires ne peut être calculé que par rapport à l'incidence réelle des malfaçons et retards de livraison dans la survenance du sinistre ;

Ils sollicitent le paiement de leurs frais irrépétibles ;

Les époux Z... concluent dans le même sens que les deux parties précédentes en ce qui concerne la portée de l'arrêt de la Cour de Cassation du 8 novembre 2005, le principe de la responsabilité des banques étant selon eux établi de manière définitive et ne pouvant être remis en cause devant la Cour de renvoi ;

Restent en discussion devant la Cour de renvoi, les conditions d'indemnisation des cautions à raison de cette responsabilité. En d'autres termes la Cour d'Appel d'AGEN devra répondre à trois questions :

* Le retard de livraison de l'immeuble a-t-il eu une incidence sur le dépôt de bilan de Jean-Marie Y... ?

L'expert relève à ce propos que ces malfaçons ou retards ont eu une incidence qui ne peuvent suffire à eux seuls à conduire Jean-Marie Y... au dépôt de bilan puisque, selon l'expert, les chiffres de ce dernier sont très loin des prévisions qui ont servi de base à l'octroi des crédits, le caractère inadapté du financement à la réalité de l'exploitation étant donc confirmé, le retard de livraison et les malfaçons n'ayant fait qu'aggraver une situation
qui apparaissait compromise dès l'origine de sorte qu'il n'y a pas lieu à partage de
responsabilité ;

Dans l'hypothèse où il est répondu par l'affirmative, quelle est l'incidence causale de ce retard sur le dommage ?

L'expert a calculé la répartition des responsabilités, évaluant à 10 % l'incidence des malfaçons, mettant en avant la responsabilité de l'architecte à cet égard. Il conviendra en conséquence de limiter l'incidence du retard des travaux à 10 % du préjudice, le solde incombant intégralement aux banques ;

Quel est l'influence de ce retard sur les conditions d'indemnisation des cautions ?

Chaque coauteur est tenu envers la victime de la totalité des dommages, le principe de l'obligation in solidum s'appliquant à toutes les hypothèses de coaction de sorte qu'ils s'estiment fondés à demander aux banques défenderesses réparation de leur entier préjudice résultant de la mise en jeu de leur engagement de caution, à charge pour les banques d'exercer leur éventuelle action résursoire à l'encontre des autres coresponsables ;

Ils sollicitent en conséquence la condamnation des établissements bancaires au paiement de diverses sommes qui leur sont réclamées dans la limite de leurs propres engagements soit :

- COMPTOIR DES ENTREPRENEURS (SA SAFITRANS) : 14. 798 € + intérêts et frais ;

- BARCLAYS BANK : 285. 335 € + intérêts et frais ;

- CRÉDIT LOCAL DE FRANCE (DEXIA CRÉDIT LOCAL) : 88. 391 € + intérêts et frais saufs à parfaire ;

Ils demandent encore la compensation entre le montant des sommes qu'ils
doivent aux trois banques appelantes et les sommes qui leur seront allouées à titre de
dommages-intérêts ;

Si la Cour l'estimait préférable, elle devra dire et juger que les cautions seront soit directement, soit indirectement par voie de compensation, déchargées de leurs dettes à l'encontre des établissements de crédit concernés ;

Ils sollicitent le paiement de leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens.

MOTIFS

* SUR LA PORTÉE DE L'ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION

Le principe de la responsabilité des banques est établi de manière définitive et ne peut être remis en question devant la Cour de renvoi ;

L'analyse de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 8 novembre 2005 montre en effet qu'elle a censuré la Cour d'Appel de BORDEAUX seulement pour avoir d'une part relevé que les retards à la livraison de l'immeuble, les malfaçons et désordres affectant ce dernier avaient eu une incidence certaine sur la survenance de la procédure collective et d'autre part condamné les banques à indemniser l'intégralité du préjudice ;

C'est cette seule question qui sera examinée ici.

* SUR L'INCIDENCE DES RETARDS ET MALFAÇONS AFFECTANT LES TRAVAUX SUR LA SURVENANCE DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE

La Cour entend observer en premier lieu que, ce qui est définitivement jugé, les trois établissements bancaires ont commis des fautes en ne menant pas ou en ne réclamant pas une étude préalable sérieuse des conditions du marché dans lequel Monsieur Y... et ses associés se proposaient de développer cette activité hôtelière ;

En second lieu, les crédits octroyés à la SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE étaient sans commune mesure avec les capacités de financement de cette société dont les seules ressources étaient les loyers versés par Jean-Marie Y..., loyers dont le montant n'était pas supportable eu égard au chiffre d'affaires généré par l'exploitation individuelle de ce dernier. Ces diverses fautes sont la cause principale de la déclaration de cessation de paiement à laquelle Jean-Marie Y... et la SCI ont été conduits ainsi que du préjudice subi par l'ensemble des créanciers qui ont vu leur chance d'être désintéressés réduite à néant dans la mesure où le produit de la réalisation des actifs a été absorbé par le passif privilégié et hypothécaire où les trois établissements bancaires tiennent une place de premier rang ;

Les banques ne peuvent soutenir raisonnablement que les difficultés de
Jean-Marie Y... et de la SCI avaient pour origine le retard dans la livraison des bâtiments et les malfaçons affectant les travaux ;

Dans son rapport, dont les conclusions ne sont pas remises en cause,
Jean-Jacques D... avait examiné cette question dans le paragraphe portant sur l'incidence des malfaçons et non façons affectant l'immeuble sur les retards apportés à sa livraison et il avait répondu par l'affirmative. Il avait en effet étudié l'évolution de la perte du chiffre d'affaires hors taxes découlant des retards, des malfaçons et des non façons qu'il avait du reste chiffrés en considérant que, s'il ne tenait compte que de 34 % d'achats (taux de
34, 89 % en 1987 et 33, 82 % en 1988) sur les postes autres que l'hôtel proprement dit, on arrivait à une perte de bénéfice brut non négligeable, mais il estimait que s'il y avait eu une incidence certaine, il ne lui paraissait pas que cette incidence ait pu suffire à elle seule à conduire Monsieur Y... au dépôt de bilan ;

Pour arriver à cette conclusion, l'expert avait corrigé les chiffres réalisés par
Jean-Marie Y... de l'incidence des malfaçons et retards et il avait constaté que les résultats demeuraient très loin des prévisionnels ayant servi de base à l'octroi des crédits, les fautes commises par les banques lui paraissant de toute évidence largement prépondérantes dans le dépôt de bilan de Jean-Marie Y... ;

Pour autant, l'expert a tenu à fixer à 10 % le rôle causal des malfaçons
affectant les travaux dans la déconfiture de Jean-Marie Y... et de la
SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE ;

Cependant, la Cour considère qu'il s'agit là d'une cause secondaire qui ne saurait être prise en considération puisqu'en effet si la cause première, c'est-à-dire l'octroi de concours excessifs ne s'était pas réalisée, les travaux n'auraient jamais eu lieu de sorte que
Jean-Marie Y... n'aurait jamais eu à souffrir de retards de désordres et de malfaçons, les parties intimées faisant valoir au surplus avec raison que ces retards, désordres et malfaçons sont le lot commun des opérations de construction qui ne présentent pas les caractéristiques d'une cause exonératoire de responsabilité ;

L'expert a du reste insisté sur le fait que passé cette période de turbulences et ayant adopté une gestion avisée, Jean-Marie Y... n'était pas en mesure de faire face à la charge de loyers qui lui étaient imposés pour permettre à la SCI de rembourser ses emprunts alors en effet que les difficultés sont apparues avant même la date initialement prévue pour la réception des travaux puisqu'après six mois d'exercice la SCI enregistrait déjà une perte supérieure à 850. 000 Frs comme le montre la lecture du bilan 1989 et qu'en outre, sur un passif total de près de 5 millions d'euros les trois banques à elles seules ont déclaré 3. 696   708, 14 € ce qui représente 75 % du passif ;

Il en résulte en conséquence que ces circonstances (retards de livraison, désordres et malfaçons) ne peuvent revêtir le caractère d'une cause extérieure au sens de l'article 1147 du Code Civil ;

Il n'existe en droit comme en fait aucun lien de causalité entre les malfaçons et retards de livraison de l'immeuble et la procédure collective sur la base des conclusions émanant du rapport d'expertise déposé par Jean-Jacques D... de sorte que la décision des premiers juges doit être confirmée en toutes ses dispositions en ce qu'elle a consacré la responsabilité des banques (ce qui est définitivement jugé comme dit ci-dessus) et les a condamnées à réparer l'intégralité du préjudice subi par les cautions lesquelles sont déchargées de l'ensemble
de leurs obligations souscrites à l'occasion des divers prêts contractés par la
SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE ;

Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Z..., des époux X... et de la SELARL CHRISTOPHE F... agissant ès qualités, les frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Vu l'arrêt en date du 8 novembre 2005 ;

Constate que le principe de la responsabilité des établissements bancaires a été définitivement jugé par la Cour d'Appel de BORDEAUX dans son arrêt en date du
17 mars 2003 ;

Dit et juge qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les malfaçons et les retards de livraison de l'immeuble et la procédure collective sur la base des conclusions émanant du rapport d'expertise déposé par Jean-Jacques D... ;

Confirme en conséquence en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX en date du 5 janvier 1996 qui, après avoir consacré la responsabilité pleine et entière des banques, les a condamnées à réparer l'intégralité
du préjudice subi par les cautions lesquelles sont déchargées de l'ensemble de
leurs obligations souscrites à l'occasion des divers prêts contractés par la
SCI LES JARDINS DE HAUTE RIVE ;

Condamne les sociétés DEXIA CREDIT LOCAL, LA SNC IMMO VAUBAN
venant aux droits de la SA SAFITRANS qui venait elle-même aux droits du
COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, la SA BARCLAYS BANK PLC venant aux droits de la société anonyme L'EUROPÉENNE DE BANQUE à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile :

-3. 000 € à la SELARL CHRISTOPHE F... agissant en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de Jean-Marie Y...,

-3. 000 € aux époux X...,

-3000 € au époux Z...,

- ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit des avoués en la cause.

Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et
Dominique SALEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Premier Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 723
Date de la décision : 20/08/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 16 mars 2010, Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 mars 2010, 08-20.372, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2008-08-20;723 ?
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