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17/06/2008 | FRANCE | N°205

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 17 juin 2008, 205


ARRÊT DU
17 JUIN 2008

FM / SBE

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R. G. 07 / 00628
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S. C. I. AVENIR UNI

Raymonde X...

C /

Joël Y...

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ARRÊT no 08 / 205

COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale

Prononcé à l'audience publique du dix-sept juin deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Solange BÉLUS, Greffière,

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

S. C. I. AV

ENIR UNI
en la personne de sa gérante
...
...

Raymonde X...
...
...

Rep / assistant : la SCP LHEZ BOUSQUET-CONRAU (avocats au barreau d'AGE...

ARRÊT DU
17 JUIN 2008

FM / SBE

-----------------------
R. G. 07 / 00628
-----------------------

S. C. I. AVENIR UNI

Raymonde X...

C /

Joël Y...

-----------------------
ARRÊT no 08 / 205

COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale

Prononcé à l'audience publique du dix-sept juin deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Solange BÉLUS, Greffière,

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

S. C. I. AVENIR UNI
en la personne de sa gérante
...
...

Raymonde X...
...
...

Rep / assistant : la SCP LHEZ BOUSQUET-CONRAU (avocats au barreau d'AGEN)

APPELANTES d'un jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de VILLENEUVE SUR LOT en date du 23 mars 2007 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 51-06-0002

d'une part,

ET :

Joel Y...
...
...

Rep / assistant : la SCP GRAVELLIER-LIEF (avocats au barreau de BORDEAUX)

INTIME

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 13 mai 2008 devant Catherine LATRABE, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, Françoise MARTRES, Conseillère, Thierry LIPPMANN, Conseiller, assistés de Solange BÉLUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

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FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 août 1997, Mme X... et ses deux enfants (Christèle Y... et Lionel A...) ont constitué la SCI AVENIR UNI. Il était donné mandat à la gérante, Raymonde X... de faire acquisition d'une propriété à ....

Le 26 septembre 1997, Raymonde X... et la SCI AVENIR UNI ont acquis une propriété rurale située lieu dit... à .... Une partie était vendue à la SCI en pleine propriété, une autre partie en nue-propriété, l'usufruit étant acquis par Raymonde X....

Le 14 novembre 1997, la SCI AVENIR UNI a consenti à Joël Y..., gendre de Mme X..., une convention qualifiée de prêt à usage gratuit portant sur un ensemble de 44 ha 32 a 15 ca, correspondant aux parcelles appartenant en pleine propriété à la SCI.. Ce prêt était consenti jusqu'au 31 octobre 1998, sauf tacite reconduction d'année en année à défaut de congé délivré trois mois auparavant par lettre recommandée avec accusé de réception.

Par courrier en date du 5 novembre 2005, Raymonde X... exigeait la libération des bâtiments agricoles pour la fin du mois de janvier 2006. Par une lettre du 6 janvier 2006, elle lui notifiait son intention de ne pas renouveler le prêt au delà du 31 octobre 2006.

Le 23 mars 2006, Joël Y... saisissait le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Villeneuve Sur Lot pour obtenir la requalification du contrat de prêt à usage gratuit en bail à ferme soumis au statut des baux ruraux.

Par jugement en date du 23 mars 2007, le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux ordonnait la requalification en bail à ferme du contrat de prêt à usage et ordonnait avant dire droit une expertise afin d'évaluer les travaux réalisés par Joël Y... et le montant du fermage.

La SCI AVENIR UNI ET Mme X... ont relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SCI AVENIR UNI soutient à l'appui de son appel que le contrat de prêt à usage ne peut s'analyser en un contrat de bail à ferme.

Elle souligne que la conclusion d'un bail à ferme serait en totale contradiction avec l'acte d'acquisition qui prévoit expressément que l'acquéreur doit exploiter personnellement le bien vendu et lui conserver sa destination agricole. Joël Y... était parfaitement informé de cette situation et c'est la raison pour laquelle il a accepté le prêt à usage de l'ensemble des terres agricoles.

Il ne peut pas sérieusement faire croire que l'exécution de travaux représente la contrepartie financière du paiement du fermage. En effet, il disposait d'un logement gratuit dans le château sans aucune charge. Les travaux réalisés sont la contrepartie de cette occupation mais ne constituent pas le paiement d'un fermage. La jurisprudence précise que dans ce cas, il doit s'agir de paiements réguliers convenus par avance dans un cadre légal ce qui n'est pas le cas.

Elle estime établi que la SCI a financé une partie des travaux prétendument réalisés par Joël Y... en réglant les factures des artisans. Au surplus, de nombreuses personnes ont participé à l'exécution des travaux.

La lettre que Mme X... a rédigé le 16 mai 2005 n'émane pas de la SCI. Elle a été rédigé dans le cadre d'une action familiale pour essayer de résoudre le conflit entre la fille de Mme X... et son mari. Elle ne peut être interprétée comme une reconnaissance du statut de fermier par Mme X....

Elle fait valoir que la Cour de Cassation exige pour la reconnaissance du statut du fermage que les juges du fond constatent l'existence entre les intéressés d'une convention prévue par l'article L. 411-2 du Code Rural. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

Elle souligne qu'aucun travaux n'a été exécuté depuis mai 2003 dans les bâtiments appartenant à la SCI ce qui suppose qu'aucune contrepartie financière n'est intervenue depuis 5 années.

Enfin, elle soutient que depuis la fin de l'année 2007, M. Y... et sa famille ont déménagé dans les Pyrénées Orientales et qu'il n'exploite plus les terres. Il ne peut donc revendiquer la qualité de fermier.

Elle demande donc à la Cour de réformer la décision déférée et de débouter Joël Y... de l'intégralité de ses demandes. Elle sollicite en outre sa condamnation au paiement de la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* *
*

Raymonde X... sollicite sa mise hors de cause en indiquant qu'elle n'a conclu aucun bail ou contrat de mise à disposition de bâtiments. Elle souligne que son gendre et sa famille se sont installés dans la maison principale sans droit ni titre et n'ont acquitté aucune charge. Joël Y... s'est approprié la grange et le hangar sans son autorisation alors qu'elle est titulaire d'un droit d'usage exclusif sur ces bâtiments. Le 16 novembre 2005, elle a exigé la libération des bâtiments mais cette mise en demeure est restée sans effet.

Elle sollicite le paiement de la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* *
*

Joël Y... sollicite la confirmation de la décision déférée et la condamnation conjointe et solidaire de Mme X... et de la SCI AVENIR UNI au paiement de la somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 5. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il estime rapporter la preuve que la mise à disposition de l'ensemble du domaine agricole, s'agissant des terres, des bâtiments d'exploitation et d'habitation a été faite en contrepartie de l'obligation pour Joël Y... d'effectuer des travaux importants, notamment sur les bâtiments d'exploitation et d'habitation. De tels faits caractérisent l'existence d'un bail à ferme.

Mme X... a reconnu dans un courrier du 16 mai 2005 que la mise à disposition de la propriété s'accompagnait d'un calcul économique dans lequel le bénéfice de la location des terres est rapproché du loyer qu'elle aurait pu percevoir. Cette lettre ne contient pas d'en-tête. Mme X... l'a manifestement écrite en qualité d'usufruitière des bâtiments que de gérante de la SCI nue-propriétaire des bâtiments et propriétaire de l'ensemble des terres.

Il soutient encore que l'existence d'un bail à ferme n'est pas contraire aux dispositions de l'acte d'acquisition et que la SAFER précise dans un courrier que seul le maintien de la vocation agricole des terres était exigé.

Il rappelle que les dispositions de l'article L. 411-2 du Code Rural ne sont pas applicables en l'espèce et que quelque soit la façon dont la SCI présente les choses, la Cour ne pourra que confirmer la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que par convention en date du 14 novembre 1997 intitulée " Prêt à usage sur un bien foncier ", la SCI AVENIR UNI a consenti à Joël Y... un prêt à usage gratuit portant sur " Une propriété rurale composée de bâtiments d'exploitation et terres de différentes nature " ; que l'acte précise que s'agissant d'un prêt à usage, l'emprunteur n'aura aucune contrepartie à verser au propriétaire ;

Attendu que Joël Y... soutient avoir réalisé des travaux sur les terres agricoles et les bâtiments d'exploitation et d'habitation en contre partie de la mise à disposition de la propriété et que dès lors le statut du fermage doit être appliqué à la convention ainsi souscrite ;

Attendu que l'article L. 411-1 du Code Rural dispose que " Toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2 ; que ces dispositions sont d'ordre public " ;

Que la convention conclue le 14 novembre 1997 n'entre pas dans les catégories visées à l'article L. 411-2 du même Code au titre des conventions d'occupation précaire ;

Attendu qu'il résulte clairement d'un courrier adressé par Mme X... le 16 mai 2005 à Joël Y... que celui-ci a réalisé des travaux que cette dernière évalue à 12 mois pleins ; qu'elle poursuit en indiquant " Dans le même temps, tu as bénéficié de la location des terres et de l'usage des bâtiments agricoles. S'agissant des terres, on peut estimer le gain locatif à 700 francs en moyenne par hectare et par an, ce qui correspond à 7 années x 39 ha x 700 = 191. 100 Francs. Les bâtiments pourraient donner lieu à un loyer minimum de 3. 000 Francs par an soit 21. 000 Francs. Au total, durant ces 7 années, tu as bénéficié de 212. 100 Francs et la contrepartie de travaux sur la base de 15. 000 Francs par mois s'élève à 180. 000 Francs... "

Que Mme X... reconnaît donc elle même dans ce courrier que la réalisation des travaux était la contrepartie de la mise à disposition de la propriété agricole ;

Que peu importe que ce courrier ait été rédigé en raison des difficultés familiales de Mme Y... ; que le courrier produit au débats et rédigé par Mme Y... le 17 mais 2005 confirme la teneur des estimations de Mme X... et ne le contredit pas ;

Que le courrier concerne aussi bien les terres agricoles que les bâtiments d'exploitation et d'habitation ; que peu importe donc que Mme X... n'ait pas précisé dans ce courrier quel est le titre sous lequel elle intervenait ;

Que peu importe encore que Joël Y... ait déménagé en 2007 où qu'il n'ait pas exécuté de travaux depuis 2003 ; que ces questions concernent éventuellement une demande en résiliation du bail mais n'interviennent pas sur la qualification du bail lui même ;

Attendu qu'il en résulte que la mise à disposition des terres agricoles a bien été faite à titre onéreux ; que l'existence d'un bail rural ne contrevient pas à l'acte d'acquisition consenti par la SAFER ; qu'en effet, la seule condition posée par l'acte de vente est le maintien de la vocation agricole des terres pendant 10 ans, qu'en outre la SAFER a donné son accord pour que les terres soient exploitées par Joël Y... ;

Que dès lors, il y a lieu de constater comme les premiers juges que les conditions d'ordre public de l'article L. 411-1 du Code Rural sont remplies et que la convention doit être requalifiée en bail à ferme ;

Attendu que Mme X... sollicite sa mise hors de cause au motif qu'elle n'est pas propriétaire des terres données à bail ; que toutefois, il convient de constater que la convention du 14 novembre 1997 porte sur l'ensemble de la propriété rurale s'agissant des bâtiments agricoles et des terres ; qu'il ressort du courrier du 16 mai 2005 que Mme X... a consenti à l'usage des bâtiments agricoles ; qu'il n'y a donc pas lieu à sa mise hors de cause ;

Attendu qu'il y a lieu en outre de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a ordonné une expertise afin de définir le périmètre des locaux et du logement et d'évaluer les travaux et le montant du fermage ;

Attendu que Joël Y... n'établit pas la résistance abusive de la bailleresse et l'existence d'un préjudice ; qu'il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions ;

Rejette la demande de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne solidairement Mme Raymonde X... et la SCI AVENIR UNI aux entiers dépens ;

Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Solange BÉLUS, Greffière, présente lors du prononcé.

LA GREFFIÈRE : LA PRÉSIDENTE :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 205
Date de la décision : 17/06/2008
Type d'affaire : Sociale

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Définition - Convention de mise à disposition d'une exploitation agricole - / JDF

En vertu de l'article L. 411-1 du code rural, n'entre pas dans les catégories visées à l'article L. 411-2 du même code au titre des conventions d'occupation précaire la convention portant sur la réalisation de travaux effectués en contrepartie de la mise à disposition d'une propriété agricole, laquelle doit être requalifiée en bail à ferme dès lors que sont remplies les conditions d'ordre public de l'article L. 411-1 du code rural


Références :

articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural

Décision attaquée : Tribunal paritaire des baux ruraux de Villeneuve-sur-Lot, 23 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2008-06-17;205 ?
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