ARRÊT DU
12 FÉVRIER 2008
TL / SB
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R. G. 07 / 00915
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Christian X...
C /
S. A. LE PETIT BLEU
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ARRÊT no
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé à l'audience publique du douze février deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
Christian X...
né le 23 Janvier 1963 à MALAKOFF (92240)
...
...
Rep / assistant : de Me Pascale HENRIQUET de la SELARL CABINET DE SERMET (avocats au barreau de BORDEAUX)
APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AGEN en date du 31 Janvier 2006 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 04 / 00056
d'une part,
ET :
S. A. LE PETIT BLEU
...
...
Rep / assistant : de Me Marie-Laurence GINESTA de la SELARL JC. MARTY (avocats au barreau de TOULOUSE)
INTIME
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 15 Janvier 2008 devant Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, Françoise MARTRES, Conseillère, Thierry LIPPMANN, Conseiller, assistés de Nicole CUESTA, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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EXPOSÉ DU LITIGE :
Christian X... a été engagé le 2 mai 1983 par la S. A. LE PETIT BLEU en qualité de pigiste, avant de devenir journaliste sportif, chef de service.
Saisi par Christian X..., le Conseil de Prud'hommes d'AGEN, statuant par jugement du 31 janvier 2006, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Christian X... a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.
Il demande à la Cour d'infirmer ce jugement, d'annuler la mise à pied disciplinaire dont il a fait l'objet le 5 juin 2003, de prononcer la résolution de son contrat de travail aux torts exclusifs de la S. A. LE PETIT BLEU et de condamner cette société à lui payer les sommes suivantes :
-2. 750 € à titre de dommages et intérêts pour mise à pied injustifiée,
-5. 638, 52 € à titre d'indemnité de préavis,
-563, 85 €, au titre des congés payés sur préavis,
-1. 174, 69 € à titre de prorata de 13ème mois de janvier à mai 2005,
-469, 87 € à titre de prorata de 13ème mois sur préavis,
-1. 951, 79 €, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
-975, 89 € au titre du solde des jours de RTT en 2005,
-53. 475, 40 € au titre d'heures supplémentaires,
-32. 144, 33 € au titre du repos compensateur correspondant aux heures supplémentaires,
-150. 000 € à titre de dommages et intérêts.
Il demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il saisira la Commission Arbitrale aux fins de déterminer l'indemnité de licenciement, conformément aux dispositions de l'article L. 761-5 du Code du Travail.
Il demande encore qu'il soit ordonné à la S. A. LE PETIT BLEU de lui remettre le certificat de travail et l'attestation pour l'ASSEDIC portant la mention " résolution judiciaire du contrat de travail emportant les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ".
Il demande enfin à la Cour de condamner la S. A. LE PETIT BLEU à lui payer la somme de 8. 000 €, par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A l'appui de ses demandes, Christian X... expose qu'alors qu'il avait demandé à plusieurs reprises à son employeur de lui payer les heures supplémentaires qu'il soutenait avoir effectuées, celui-ci a mis en oeuvre, à son encontre, le 5 juin 2003, une procédure de licenciement avec mise à pied conservatoire totalement injustifiée qui, en définitive, a été transformée en une simple sanction de mise à pied disciplinaire d'une durée de 15 jours, grâce à la solidarité de ses collègues.
Christian X... estime cependant que cette sanction injustifiée doit être annulée, la S. A. LE PETIT BLEU lui ayant reproché d'avoir fait paraître un article qui avait déjà été publié, alors qu'en réalité, elle lui avait donné son accord sur ce point.
Il demande en outre à la Cour de condamner la S. A. LE PETIT BLEU à lui allouer des dommages et intérêts à hauteur d'un mois de salaire brut.
Il estime en outre que la façon brutale et traumatisante dont il a été traité à cette occasion, caractérise, avec le défaut de paiement des heures supplémentaires, un manquement de l'employeur à ses obligations et justifie en conséquence la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Il rappelle que cette résiliation emporte toutes les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire, le paiement de toutes les indemnités de rupture et les dommages et intérêts.
Il soutient que nonobstant son titre de chef de service, il n'a exercé aucun véritable encadrement, de sorte que, selon lui, l'employeur ne saurait lui refuser le paiement des heures supplémentaires qu'il soutient avoir effectuées de 1999 à 2003 au motif qu'il bénéficierait d'une qualification de cadre autonome, ce dont il conteste la réalité.
Il en déduit que la SA LE PETIT BLEU doit lui payer non seulement le montant des heures supplémentaires, mais également l'indemnité compensatrice du repos compensateur auquel la réalisation de ces heures supplémentaires lui a donné droit et dont l'employeur ne l'a pas fait bénéficier.
Christian X... rappelle par ailleurs qu'il peut prétendre, du fait de la rupture, au paiement d'une indemnité de licenciement qui sera fixée par la commission arbitrale visée à l'article L. 761-5 du Code du Travail.
Il indique qu'il peut prétendre en outre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant au montant du salaire pour deux mois de travail, ainsi qu'à l indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
Il rappelle encore qu'il peut prétendre à une indemnité compensatrice de 13ème mois calculée prorata temporis sur la base du salaire qui lui est versé ainsi que sur le montant de son indemnité compensatrice de préavis.
Il fait valoir que ses droits à congés payés s'élèvent à 18 jours et qu'il convient de faire application de la règle dite du maintien du salaire pour déterminer le montant de l'indemnité compensatrice correspondante.
S'agissant de sa demande en dommages et intérêts, il fait valoir qu'au moment où il a fait l'objet de cette sanction injustifiée, il justifiait de 20 années de bons et loyaux services pour son employeur et que celui-ci l'a traité de façon vexatoire au point de provoquer un accident du travail, reconnu comme tel par l'inspecteur de la caisse primaire d'assurance maladie.
Il fait valoir que l'attitude de son employeur l'oblige à demander la rupture de son contrat de travail et à perdre ainsi le bénéfice d'un emploi dans une région et un secteur d'activité peu propice à la recherche d'un nouvel emploi.
Il considère ainsi qu'il subit tant un préjudice moral qu'un préjudice matériel.
La S. A. LE PETIT BLEU demande à la Cour de confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'AGEN.
Elle fait valoir qu'en reprenant un article publié un an auparavant Christian X... a manqué à commis une faute professionnelle justifiant la sanction de mise à pied.
Elle soutient qu'en acceptant la parution de cet article, le directeur adjoint du journal ne s'est pas aperçu qu'il avait déjà été publié et en déduit que Christian X... ne peut donc se prévaloir de l'accord de sa hiérarchie.
Elle conclut en conséquence au rejet de la demande en annulation de cette sanction et de la demande en dommages et intérêts qui s'y rattache.
La S. A. LE PETIT BLEU soutient par ailleurs que Christian X... ne justifie pas avoir effectué les heures supplémentaires dont il demande paiement, observant que les attestations qu'il produit ne permettent pas de mettre en lumière les horaires qu'il a effectivement réalisés.
Elle fait valoir que le salarié disposait d'une liberté totale dans l'organisation de son activité, travaillant le plus souvent à l'extérieur de l'entreprise, et bénéficiait ainsi du statut de cadre autonome incompatible avec le contrôle de son temps de travail effectif.
Elle conclut en conséquence au rejet de la demande en paiement d'heures supplémentaires et en indemnité compensatrice de repos compensateur, ainsi que la confirmation du jugement de ce chef.
La S. A. LE PETIT BLEU considère par ailleurs que Christian X... n'est pas fondé à demander la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur, dès lors qu'elle a respecté ses obligations contractuelles à son égard, aussi bien en ce qui concerne le paiement de sa rémunération qu'en ce qui concerne la forme et le fond de la procédure disciplinaire dont le salarié a fait l'objet.
Elle conclut en conséquence au rejet des demandes indemnitaires consécutives à la rupture du contrat de travail.
S'agissant de la demande en paiement du solde des jours de RTT, la S. A. LE PETIT BLEU fait valoir que Christian X... a été placé en congé maladie jusqu'au mois de septembre 2004 et soutient que le salarié ne peut donc bénéficier pour cette période de jours de RTT, dès lors qu'elle ne correspond pas à un temps de travail effectif.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les heures supplémentaires
L'article L. 212-1-1 du Code du Travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En conséquence, si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, Christian X..., journaliste sportif et chef de service organisait librement sa journée de travail, son activité se déroulant fréquemment hors de l'entreprise, de sorte que son employeur n'effectuait aucun contrôle de son horaire de travail et ne lui demandait pas d'en rendre compte.
Dès lors, le salarié n'étaye pas suffisamment sa demande en produisant un relevé, établi par ses soins, des horaires de travail qu'il soutient avoir effectués, ainsi que les témoignages de journalistes ou de sportifs attestant qu'il travaillait en fin de semaine, étant observé qu'il s'agissait de ses jours normaux de travail, ou même le témoignage d'un journaliste déclarant qu'en dehors de ses jours de repos hebdomadaires, il était présent dans l'entreprise dès le matin à 9 heures et tous les soirs jusqu'à 21 heures, alors que Christian X... ne conteste pas qu'il disposait en réalité d'une totale indépendance dans l'organisation de sa journée de travail et qu'il ne fournit pas le détail du contenu desdites journées.
C'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont débouté de cette demande.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la mise à pied
La S. A. LE PETIT BLEU a justifié la sanction de mise à pied de Christian X... pour la période du 5 au 20 juin 2003 par le fait que le salarié avait reproduit intégralement, dans un supplément daté du 27 mai 2003, des articles qui avaient déjà été publiés au cours des mois de mai et juin 2002.
Toutefois, dès le 28 juillet 2003, Christian X... a indiqué à son employeur qu'il en avait discuté auparavant avec Pascal B..., directeur délégué du " Petit Bleu ", justifiant cette proposition par l'urgence dans laquelle le " tiré à part " avait été préparé, et que, Pascal B... l'avait accepté puis avait visé le bon à tirer correspondant.
Or Jean-Michel C..., journaliste au " Petit Bleu ", atteste avoir assisté à la réunion au cours de laquelle il a été informé que le nombre de pages du " tiré à part " était passé de 16 à 24 et avoir entendu Christian X... déclarer qu'il était trop tard pour réaliser de nouveaux sujets et proposer à Pascal B... de reprendre un portrait réalisé l'année précédente, ce que le directeur délégué avait accepté sans contestation.
Il est ainsi établi que le salarié a clairement indiqué à son supérieur hiérarchique qu'il entendait reprendre un article déjà publié, pour lui permettre de réaliser dans l'urgence les pages supplémentaires d'un " tiré-à-part ", et que celui-ci l'a accepté en toute connaissance de cause.
Dès lors, aucune faute ne saurait être reprochée à Christian X... et la sanction disciplinaire de mise à pied qui lui a été infligée doit donc être annulée.
Les premiers juges ayant pris motif du caractère tardif de cette demande pour refuser de l'examiner, il convient d'infirmer le jugement sur ce point.
L'annulation emporte le rétablissement de la situation antérieure à la sanction.
Il n'est pas soutenu que la S. A. LE PETIT BLEU ait retenu le salaire correspondant à la durée de cette mise à pied, Christian X... demandant l'allocation de dommages et intérêts pour le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de cette sanction.
Toutefois, compte tenu de la nature de la sanction et de la faible durée de la mise à pied, Christian X... n'établit pas qu'il ait pu subir de ce fait un préjudice particulier.
Il convient en conséquence de le débouter de sa demande en dommages et intérêts de ce chef.
Sur la résiliation du contrat de travail
L'article 1184 du Code Civil dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
En l'espèce, Christian X... ne saurait justifier sa demande en soutenant que son employeur ne lui paie pas ses heures supplémentaires, dès lors qu'il est débouté de sa demande de ce chef.
Par ailleurs le caractère injustifié de la sanction de mise à pied dont il a fait l'objet ne revêt pas une gravité telle qu'elle justifie la résolution du contrat de travail aux torts de l'employeur, étant observé que Christian X... a été rempli de ses droits à cet égard par l'annulation de cette sanction.
En conséquence Christian X... ne justifie pas de manquements de son employeur de nature à entraîner la résolution de son contrat de travail.
Il convient en conséquence de le débouter de sa demande de ce chef, celle-ci n'ayant pas davantage été examinée par les premiers juges.
Christian X... doit de ce fait être débouté de l'ensemble des demandes en paiement et en remise de documents qui en découlent.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Christian X... les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.
Il convient, en conséquence, de condamner la S. A. LE PETIT BLEU à lui payer la somme de 1. 500 €, par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré mais uniquement en ce qu'il a débouté Christian X... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Annule la sanction de mise à pied prononcée par la S. A. LE PETIT BLEU à l'encontre de Christian X... le 22 juillet 2003,
Déboute Christian X... de sa demande en dommages et intérêts pour mise à pied injustifiée, ainsi que de sa demande en résolution de son contrat de travail et des demandes en paiement et en remise de documents qui en découlent,
Condamne la S. A. LE PETIT BLEU à payer à Christian X... la somme de
1. 500 €, par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la S. A. LE PETIT BLEU aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE