ARRÊT DU
12 FÉVRIER 2008
CL / SB
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R. G. 07 / 00769
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E. U. R. L. PASSE CROISEE II
C /
Christine X...
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ARRÊT no
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé à l'audience publique du douze février deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
E. U. R. L. PASSE CROISEE II
34 rue des Forgerons
15000 AURILLAC
Rep / assistant : la SCP MÉZARD-SERRES (avocats au barreau d'AURILLAC)
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de FIGEAC en date du 25 Avril 2007 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 06 / 00057
d'une part,
ET :
Christine X...
née le 7 novembre 1966 à FIGEAC (46)
...
...
46100 FIGEAC
Rep / assistant : Me Evelyne BUSSIERE-LEROYER (avocat au barreau de CAHORS)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 002577 du 15 / 06 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN)
INTIME
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 08 Janvier 2008 devant Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, Benoît MORNET, Conseiller, Thierry LIPPMANN, Conseiller, assistés de Nicole CUESTA, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Christine X..., née le 7 novembre 1966, a été embauchée, à compter du 18 septembre 2000, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel de
130 heures par mois, en qualité de vendeuse, par l'EURL SAXO.
Suivant acte du 31 août 2005, à effet du 18 août 2005, l'EURL SAXO a cédé son fonds à la S. A. R. L. PASSE CROISEE II laquelle a pour gérant Jean-Marc Y....
Suivant courrier recommandé en date du 28 février 2006, Christine X... a été convoquée à un entretien préalable fixé au 7 mars 2007.
Le 14 mars 2006, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception ainsi rédigée :
"..... Ce licenciement est motivé par le fait que depuis que j'ai repris cet établissement, vous dénigrez constamment l'établissement, la façon dont il est géré, et ceci avec des conséquences graves puisque vous n'hésitez pas à le faire avec des attachés commerciaux de nos principales marques qui me l'ont expressément notifié.
Ce comportement strictement compatible avec la bonne marche de l'entreprise justifie un licenciement pour faute grave d'autant que ces faits s'ajoutent à une volonté caractérisée de ne tenir aucun compte des observations orales ou écrites que j'ai pu vous faire sur l'organisation du travail (code " client divers ", carte de fidélité, etc...).
Qu'en outre, d'une manière générale, vous ne portez pas l'attention nécessaire à la clientèle, n'hésitant même pas à laisser des clients seuls dans le magasin pour aller prendre le café.
Ce comportement est d'autant plus déraisonnable que je vous fais totalement confiance et que je ne souhaitais qu'une chose : travailler dans les meilleures relations possibles avec vous... "
Contestant ce licenciement, Christine X... a saisi, le 20 juillet 2006, le Conseil de Prud'hommes de FIGEAC.
Suivant jugement en date du 25 avril 2007, cette juridiction a dit que le licenciement de Christine X... est irrégulier en la forme et abusif au fond, a condamné l'EURL PASSE CROISEE II, prise en la personne de son représentant légal, à régler à Christine X... les sommes de6. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts, de 160, 00 € brut au titre de la prime de vacances, de 2. 424, 10 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 242, 41 € brut au titre des congés payés sur préavis, de 848, 60 € net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de 1. 200, 00 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, a débouté l'EURL PASSE CROISEE II de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'a condamnée aux dépens.
L'EURL PASSE CROISEE II a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui n'apparaissent pas critiquables.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
L'EURL PASSE CROISEE II soutient, pour l'essentiel, que la procédure de licenciement est régulière en la forme et qu'elle a bien respecté le délai entre la convocation et l'entretien préalable.
Elle conteste, par ailleurs, avoir indiqué à la salariée lors de l'entretien préalable, qu'elle la licenciait immédiatement et elle explique qu'elle lui a, alors, uniquement exposé ses reproches et qu'elle l'a seulement avertie de son intention de la licencier.
Elle fait valoir que ce n'est qu'après avoir entendu les contestations de Christine X... et après réflexion et dans le délai légal, qu'elle a notifié le licenciement.
Elle soutient également que le licenciement est bien fondé.
Elle considère, à cet égard, que la lettre de licenciement contient les griefs précis et que les pièces communiquées font parfaitement ressortir des faits constitutifs de faute grave.
L'EURL PASSE CROISEE II explique, par ailleurs, qu'à compter du 19 octobre 2005, elle a adressé plusieurs lettres à la salariée pour lui faire des observations sur sa façon critiquable de travailler et dont l'intéressée n'a tenu aucun compte.
Elle ajoute que la demande de prime de la salariée porte sur une période où elle ne faisait plus partie du personnel de l'entreprise.
Par conséquent, l'EURL PASSE CROISEE II demande à la Cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire mal fondée Christine X... en l'ensemble de ses prétentions, en conséquence, de la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui payer une somme de 1. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Christine X... invoque, quant à elle, l'irrégularité du licenciement, soutenant, pour l'essentiel, que l'employeur n'a pas respecté le délai de cinq jours ouvrables entre la réception de la convocation et la date de l'entretien et que l'employeur n'a pas non plus respecté le délai de notification du licenciement, celui-ci l'ayant informée de son licenciement pour faute grave le jour même de l'entretien préalable, peu important que la lettre de licenciement proprement dite ait été envoyée ultérieurement en respectant le délai légal.
Par ailleurs, Christine X... considère que la lettre de licenciement ne contient aucun grief précis auquel elle pourrait répondre et elle conteste avoir eu une quelconque attitude incompatible avec la bonne marche de l'EURL PASSE CROISEE II.
Elle fait grief à cette dernière d'avoir fourni des attestations mensongères à l'appui de ses prétendus griefs, les attestations dont il s'agit émanant de membres de l'équipe de rugby, dans laquelle Jean-Marc Y..., gérant de l'EURL PASSE CROISEE II est entraîneur et joueur et la teneur de celles-ci étant démenties par ses propres pièces.
Elle fait valoir, enfin, que son ancienne collègue de travail, son ancien employeur ainsi que plusieurs clients habituels du magasin sont unanimes pour témoigner de son professionnalisme tant au niveau de son accueil que des conseils prodigués.
Elle en déduit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui doit lui ouvrir droit à l'octroi de dommages et intérêts alors au surplus qu'elle a vécu une pression psychologique d'une particulière intensité pendant plusieurs mois, qu'elle est divorcée et a la charge d'un enfant et que l'EURL PASSE CROISEE II continue de la dénigrer auprès d'employeurs potentiels depuis son licenciement.
Par conséquent, elle demande à la Cour de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de FIGEAC en ses dispositions sauf à condamner l'EURL PASSE CROISEE II à lui régler les sommes de 12. 000 € à titre de dommages et intérêts et de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour l'instance d'appel.
SUR CE :
Attendu que selon l'article L 122-14 du Code du Travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision convoquer l'intéressé par lettre recommandée et l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation.
Que la computation du délai de cinq jours prévu à l'article L 122-14 du même Code obéit aux règles fixées par les articles 641 et 642 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que le jour de la première présentation de la lettre de convocation qui fait courir le délai ne compte pas ; que si ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Qu'en l'espèce, le point de départ du délai est le vendredi 3 mars 2006, la première présentation de la lettre de convocation datant du 2 mars 2006.
Que l'entretien préalable s'est déroulé le 7 mars 2006 de sorte qu'ainsi que la demande Christine X..., il ne peut être que constaté que le délai légal n'a pas été respecté.
Que, par contre, la deuxième irrégularité procédurale invoquée par Christine X..., à savoir à la réalité du licenciement au jour de l'entretien préalable, n'est pas suffisamment établie.
Attendu, en droit, que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
Q'aux termes de la lettre de licenciement qui lie le débat sur l'appréciation des griefs, la rupture repose essentiellement sur les trois reproches suivants : le dénigrement constant par la salariée de l'établissement et de la façon dont il est géré, ce dénigrement étant fait avec des attachés commerciaux des principales marques de l'entreprise, une volonté caractérisée de ne tenir aucun compte des observations orales ou écrites faites par l'employeur sur l'organisation du travail (code " client divers ", carte fidélité, etc...) et le fait pour la salariée de ne pas porter l'attention nécessaire à la clientèle, la salariée n'hésitant pas à laisser des clients seuls dans le magasin pour aller prendre un café.
Que sur le premier grief, l'employeur se contente de produire aux débats une attestation établie le 26 janvier 2006 par l'attaché commercial de la marque Serge BLANCO lequel indique que lors de son dernier passage à FIGEAC à la boutique SAXO, il a été reçu par la responsable qui lui a signifié qu'elle ne s'entendait pas avec Monsieur Y... sur les méthodes de travail et qu'elle ne comptait pas rester dans son personnel dans ces conditions, l'attestant ajoutant : " elle était très négative sur la reprise de J. M. Y... ".
Que cette unique pièce ne contient, cependant, aucune référence à des propos précis qui auraient pu être tenus par la salariée devant ce témoin et qui soient suffisamment circonstanciés pour permettre à la Cour d'apprécier la réalité du grief ainsi invoqué et son caractère de gravité.
Que les deux autres griefs se fondent sur les allégations déjà reproduites par l'employeur dans ses lettres d'observations en date du 19 octobre 2005 et du 29 décembre 2005 et qui ont donné lieu de la part de la salariée à deux courriers recommandés en date du 29 octobre 2005 et du 6 janvier 2006, portant contestation formelle des faits reprochés.
Que le deuxième grief s'appuie également sur deux attestations établies respectivement le 15 mars 2006 et le 9 décembre 2006 par David Z... et par Gaétan A... qui déclarent que Christine X... ne leur a jamais proposé la carte de fidélité.
Qu'il ressort, cependant, des pièces produites aux débats par Christine X... et notamment de l'attestation rédigée par une ancienne vendeuse de l'appelante laquelle n'apporte aucune contradiction à ses dires que David Z... et Gaétan A... dont il est établi, par ailleurs, qu'ils font partie de la même équipe de rugby que le gérant de l'EURL PASSE CROISEE II ne pouvaient posséder de carte de fidélité car ils bénéficiaient déjà de la remise rugby " qui était bien entendu supérieure à la remise de la carte de fidélité. "
Que s'agissant du troisième grief, l'EURL PASSE CROISEE II verse à la procédure deux attestations émanant de Gaétan A... et de Sébastien B..., autre joueur de rugby du même club, certifiant qu'un samedi matin, à une date indéterminée, alors qu'ils étaient ensemble dans le magasin de FIGEAC, Christine X... les a laissés seuls, dans le magasin, pendant une dizaine de minutes, l'intéressée étant allée chercher un café.
Que ce fait unique, à le supposer exact alors que Christine X... produit aux débats une attestation de la propriétaire du bar voisin dont la teneur n'est pas démentie par l'EURL PASSE CROISEE II et de laquelle il résulte que l'intimée ne s'est jamais rendue dans son établissement pendant ses heures de travail pour venir chercher ou boire un café mais au contraire qu'elle l'appelait de son portable pour qu'elle lui porte ce breuvage et que Gaétan A... et Sébastien B... qui disent avoir effectué la surveillance des lieux pendant son absence, se définissent eux-mêmes comme d'excellents clients du magasin, ne suffit pas à caractériser de la part de la salariée une faute de nature à justifier une mesure aussi grave qu'un licenciement.
Qu'il s'ensuit que n'est pas établie à la charge de la salariée une violation du contrat de travail et des relations de travail constitutives de la faute grave pas plus que d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Attendu que l'absence de cause réelle et sérieuse ouvre droit au bénéfice de la salariée à une indemnité.
Que suite à ce licenciement, Christine X... a subi incontestablement un préjudice qui, au regard des circonstances de l'espèce et notamment de son âge et de son temps de présence dans l'entreprise, doit être réparé par l'allocation d'une somme de 10. 000 €.
Que l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés sur préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement ont été correctement déterminés par les premiers juges.
Que par contre, Christine X... qui n'établit pas le bien fondé de sa demande au titre de la prime de vacances, doit être déboutée de ce chef.
Attendu, par conséquent, qu'il convient d'infirmer la décision déférée seulement sur la prime de vacances et sur le montant des dommages et intérêts à allouer à la salariée ; que cette décision sera, par contre, confirmée en toutes ses autres dispositions.
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Christine X... la totalité des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu être amenée à exposer pour assurer la défense de ses intérêts en cause d'appel.
Qu'il convient, donc, de lui allouer la somme de 1. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu que les dépens de l'appel seront mis à la charge de l'EURL PASSE CROISEE II qui succombe pour l'essentiel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme la décision déférée seulement sur la prime de vacances et sur le montant des dommages et intérêts à allouer à la salariée,
Et statuant à nouveau :
Déboute Christine X... de sa demande au titre de la prime de vacances,
Condamne l'EURL PASSE CROISEE II à payer à Christine X... la somme de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Condamne l'EURL PASSE CROISEE à payer à Christine X... la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Rejette comme inutile ou mal fondée toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamne l'EURL PASSE CROISEE II aux dépens de l'appel lesquels seront recouvrés selon la loi applicable en matière d'aide juridictionnelle.
Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE