ARRÊT DU
4 SEPTEMBRE 2007
CL / NC
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R.G. 06 / 00656
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S.A. INCARTA
C /
Sandrine X...
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ARRÊT no 351
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé à l'audience publique du quatre septembre deux mille sept par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière,
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
S.A. INCARTA
Avenue Anatole France
Z.I. de Laville
47240 BON ENCONTRE
Rep / assistant : Me Jean-Luc MARCHI (avocat au barreau d'AGEN)
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AGEN en date du 11 avril 2006 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R.G. 05 / 00124
d'une part,
ET :
Sandrine X...
née le 5 juin 1973 à RODEZ (12000)
...
47150 MONFLANQUIN
Rep / assistant : M. Jean-Louis VINCENT (Délégué syndical ouvrier)
INTIMÉE
d'autre part,
ASSEDIC AQUITAINE
Service Juridique de Pau
27, avenue Léon Blum B.P. 9067
64051 PAU CEDEX 9
Rep / assistant : Me Jacques FRANC (avocat au barreau d'AGEN)
PARTIE INTERVENANTE
dernière part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 19 juin 2007 devant Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre et Françoise MARTRES, Conseillère, assistées d'Isabelle LECLERCQ, Greffière, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. Les magistrats rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre d'eux-mêmes, de Chantal AUBER, Conseillère, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Nouveau Code de Procédure Civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.
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-FAITS ET PROCÉDURE :
Sandrine X..., née le 5 juin 1973, a été embauchée le 1er juillet 1997 suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de monteur couleur, par la S.A. INCARTA.
Le 25 août 2003, à son retour de congé maternité, elle a été reclassée au service PAO CAO au poste de maquettiste (volumes).
Elle a alors été formée sur ce poste par la technicienne du poste CAO, Madame D..., moyennant 158 heures de formation spécifique dispensée en interne.
Lors du congé maternité de Madame ALBERT, Sandrine X... a assuré seule ce poste de travail, et ce, jusqu'à la reprise de cette dernière, le 3 février 2004.
Suivant courrier recommandé en date du 24 mars 2004, l'employeur lui a proposé " face aux nécessités économiques et techniques de la société ", une modification de son contrat de travail consistant soit au maintien de son poste actuel avec passage à mi-temps, soit dans le reclassement au poste aide finition, coefficient VIB avec maintien de sa rémunération, lui rappelant qu'au service CAO, elle avait réalisé sur l'année 2003,790 heures ouvrées dont 158 heures de formation interne puis 455 heures durant le congé maternité de la technicienne et précisant " au cours de cette période votre implication et votre sérieux dans cette nouvelle affectation ont été exemplaires, malheureusement, les exigences du profil technique et le trop faible développement de notre activité nous conduisent à ne plus poursuivre plus avant la reconversion que vous aviez souhaitée ".
Sandrine X... a refusé cette proposition de modification de son contrat de travail, le 15 avril 2004.
Du 1er juin 2004 au 15 juillet 2004, elle a été retenue pour effectuer une formation de PAO à PARIS.
Le 19 juillet 2004, l'employeur a notifié à Sandrine X... son licenciement pour le motif suivant :
" votre refus de souscrire à nos propositions de modification de votre contrat de travail soit à temps partiel soit en reclassement à l'interne formulé par votre courrier recommandé avec AR du 15 avril 2004. Nous vous rappelons que nos propositions font suite aux nécessités de restructuration de notre société consécutive à l'adaptation de nos moyens de production à nos marchés actuels. "
Contestant ce licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de l'intégralité de ses droits, Sandrine X... a saisi, le 31 mars 2005, le Conseil de Prud'hommes d'AGEN.
Suivant jugement de départage en date du 11 avril 2006, cette juridiction a dit que le licenciement de Sandrine X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence, vu l'article L. 122-14-4 du Code du travail, a condamné la S.A. INCARTA à lui payer les sommes de 9. 469,68 € au titre de dommages-intérêts et de 200 € sur le fondement de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile, a rejeté le surplus des demandes et a condamné la S.A. INCARTA aux dépens.
La S.A. INCARTA a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui n'apparaissent pas critiquables.
-MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La S.A. INCARTA soutient, pour l'essentiel, que l'indispensable réorganisation de l'entreprise doit être prise en compte et que, pour sauvegarder sa compétitivité et dans le seul intérêt de l'entreprise qui était en difficulté économique, elle devait procéder à des changements de postes de travail.
Elle indique à cet égard que la situation comptable et de production se dégradait de mois en mois et qu'après la perte du marché BMS-UPSA qui représentait 35 % de son chiffre d'affaires, elle devait réorganiser tout le service de photocomposition.
Elle explique que, suite à la perte effective du marché BMS-UPSA à la fin du mois de juin 2003, elle a dû réduire son personnel proportionnellement à la diminution brusque de son activité et que le plan de sauvegarde de l'emploi établi en 2003 a abouti au licenciement de 17 personnes en contrat à durée indéterminée.
Elle ajoute qu'une fois les licenciements susvisés opérés, elle a dû se réorganiser afin de continuer à sauvegarder sa compétitivité, le personnel devant nécessairement s'adapter, la mutation technologique majeure consistant dans la suppression totale du " tracé montage " traditionnel et l'activité de PAO se trouvant allégée en raison de la perte des marchés à gros volume de BMS-UPSA.
Elle explique qu'elle a alors tenté d'exploiter le nouveau créneau de recherche et développement packaging par la création d'un secteur DAO / CAO confié à Madame D... et qu'au retour de Sandrine X... de son congé maternité, il lui a été proposé à titre d'essai d'effectuer cette tâche, Madame D... devant elle même partir en congé maternité.
Elle prétend que Sandrine X... n'a pas su s'adapter de sorte qu'il lui a été proposé une modification de son contrat de travail qu'elle a refusée et ce, d'autant plus que la responsable du CAO était revenue de congé maternité.
Elle ajoute que Madame D... ayant démissionné durant le stage de formation PAO que Sandrine X... suivait à PARIS, il a été décidé de promouvoir en interne un cariste, lequel avait un niveau informatique et des capacités exceptionnelles en CAO / DAO.
Elle considère dès lors que le motif économique du licenciement n'est pas contestable puisqu'il existait une situation économique délicate et une évolution technologique évidente
Elle estime enfin que la suppression du poste de Sandrine X... a bien été précédée d'une proposition de reclassement, son refus contenu dans son courrier du 15 avril 2004 rendant impossible son reclassement interne.
Par conséquent, la S.A. INCARTA demande à la Cour de réformer le jugement dont appel, de débouter Sandrine X... de l'ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 1. 200 € sur le fondement de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de procédure.
Sandrine X... souligne, pour sa part, que son refus de modification du contrat de travail est antérieur de plus de trois mois au licenciement et que dans l'intervalle, la S.A. INCARTA a continué à la former sur le poste de PAO.
Elle prétend que son licenciement n'est en rien justifié et que l'employeur ne donne pas à sa décision de rompre son contrat de travail de justifications économiques suffisantes.
Elle ajoute que loin de supprimer le poste sur lequel elle avait été formée pendant plus d'un an 1 / 2, la S.A. INCARTA a fait le choix de former un cariste à sa place, ce qui implique un très lourd investissement en matière de formation contredisant le caractère économique de la mesure prise à son encontre et qu'en tout état de cause, l'employeur ne rapporte aucune preuve tangible de ses efforts de tentative de reclassement.
Elle en déduit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui doit lui ouvrir droit à réparation du préjudice subi.
Par conséquent, Sandrine X... demande à la Cour de confirmer le jugement rendu le 11 avril 2006 par le Conseil de Prud'hommes d'AGEN en toutes ses dispositions, et y ajoutant, de condamner la S.A. INCARTA à lui payer la somme de 500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.
L'ASSEDIC AQUITAINE intervient à l'instance et demande à la Cour de déclarer recevable et bien fondée son intervention volontaire en la cause et de dire que l'employeur sera condamné à lui rembourser le montant des indemnités versées dans la limite de 6 mois, et ce, selon les dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail.
Sur cette intervention, la S.A. INCARTA conclut au débouté de l'ASSEDIC AQUITAINE de l'ensemble de ses réclamations et à la condamnation de cet organisme au paiement de la somme de 1. 200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, soutenant principalement que le versement des allocations chômage par l'ASSEDIC n'est pas prouvé, l'organisme en cause ne justifiant, au cas présent, d'aucune preuve de paiement compatible avec les articles 1341 et suivants du Code Civil.
-SUR CE :
Attendu que selon l'article L. 321-1 du Code du Travail, constitue un licenciement économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou encore à une réorganisation de l'entreprise.
Que lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.
Que la preuve de la nécessaire sauvegarde de la compétitivité incombe à l'employeur.
Qu'au cas présent, il ne peut être que relevé que la perte du marché BMS-UPSA qui représentait 35 % du chiffre d'affaire de la S.A. INCARTA et que celle-ci invoque notamment pour justifier la modification du contrat de travail de Sandrine X... et le licenciement de cette dernière, annoncée en juillet 2002 et effective au 30 juin 2003 a donné lieu, dès le début de l'année 2003, à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre duquel il a été procédé au licenciement de dix-sept salariés sous contrat de travail à durée indéterminée tous étroitement liés à la spécificité du marché BMS-UPSA, les derniers licenciements opérés dans ce cadre étant intervenus en mai 2003, soit quatorze mois avant la rupture du contrat de travail de l'intimée.
Que les données comptables qui étaient en la possession de la S.A. INCARTA au moment du licenciement de Sandrine X... et notamment le bilan comptable de l'entreprise au 31 décembre 2003 révèlent une situation bénéficiaire qui ne permet pas dès lors d'expliquer la mesure litigieuse.
Que s'agissant de l'évolution postérieure prévisible, la seule production aux débats par la S.A. INCARTA du bilan comptable clos au 31 décembre 2004 sur lequel figurent à titre de charges exceptionnelles les indemnités de licenciement liées au plan social de 2003, avec un résultat en déficit (-62. 555 €) à l'inverse du précédent (+ 148. 538 €) ne suffit pas toutefois à établir la réalité de difficultés économiques à venir suffisamment graves et durables pour justifier la suppression du poste de Sandrine X... ni pour conférer à la réorganisation proposée le caractère d'un motif économique de licenciement.
Que la situation comptable de la S.A. INCARTA telle qu'elle est versée à la procédure pour les exercices 2003 et 2004 ne permet pas davantage de retenir que la réorganisation mise en oeuvre en 2004 par l'employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, et ce, alors que face au départ programmé du client principal BMS-UPSA, un plan de restructuration duquel avait été exclu le poste de Sandrine X... avait été établi en 2003 afin précisément de redimensionner la société pour ses marchés restants et alors qu'aucun élément du dossier ne permet de conclure à une quelconque insuffisance dudit plan ni à la nécessité de poursuivre la restructuration au regard d'une compétitivité menacée.
Qu'il n'est en rien établi que la mutation technologique alléguée impliquait la suppression du poste ou la modification du contrat de travail de Sandrine X... et les dires de l'employeur selon lesquels cette dernière ne s'était pas adaptée à l'évolution de son emploi et plus particulièrement au poste de CAO sont contredits par son propre courrier en date du 24 mars 2004 dans lequel il fait état du nombre d'heures passées, en 2003 et 2004, à hauteur de 1. 245, par l'intéressée dans ce service et où il qualifie l'implication et le sérieux de cette dernière dans cette affectation d'exemplaires.
Que la cause économique alléguée par l'employeur n'est donc pas caractérisée.
Que surabondamment, il est constant que la proposition faite à un salarié d'une modification de son contrat de travail ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement, laquelle doit s'exécuter avec loyauté.
Que méconnaît l'obligation de reclassement mise à sa charge, l'employeur qui comme dans le cas présent, n'établit pas qu'il a tout essayé pour reclasser le salarié et qui n'établit pas la réalité de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait, antérieurement à la date du licenciement, de procéder à un tel reclassement alors précisément qu'un poste de même nature venait de se libérer au sein de l'entreprise, lequel a été confié à un autre salarié venu d'un tout autre secteur d'activité et alors qu'il n'est en rien justifié de ce que Sandrine X... n'était pas en mesure d'occuper ledit poste en assurant au besoin son adaptation complémentaire à l'emploi en cause.
Qu'il s'ensuit que le licenciement de Sandrine X... doit être considéré comme ne relevant pas d'une cause réelle et sérieuse.
Que l'absence de cause réelle et sérieuse ouvre droit au profit de la salariée à l'octroi de dommages-intérêts, lesquels ont été correctement déterminés par les premiers juges en considération des circonstances de l'espèce et notamment de l'âge de l'intéressée au moment du licenciement, de son temps de présence dans l'entreprise et de la période de chômage qui a suivi la rupture du contrat de travail.
Attendu, par conséquent, qu'il convient de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.
Attendu que le droit de l'ASSEDIC d'obtenir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail, le remboursement des indemnités de chômage payées à un travailleur licencié n'est pas subordonné à d'autres conditions que la condamnation par le même juge de l'employeur fautif au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Que le juge qui statue sur le licenciement et décide qu'il est sans cause réelle et sérieuse doit ordonner le remboursement des allocations de chômage d'office même si l'ASSEDIC n'est pas présente à l'instance et ne formule, par conséquent, pas de demande expresse, de sorte que le prononcé de cette sanction n'est pas subordonné à la démonstration préalable par cet organisme du paiement des indemnités de chômage précisément déterminées dans leur montant qui a été fait au salarié licencié.
Que le recouvrement des indemnités versées relève de la procédure instituée par le décret no 81 974 du 21 octobre 1981 et reproduite aux articles D. 122-10 et suivants du Code du Travail et que c'est seulement dans le cadre de cette procédure qu'il appartient aux institutions qui versent les allocations chômage et qui entendent poursuivre leur recouvrement de préciser le montant de celles dont le remboursement a été ordonné.
Qu'il convient donc de déclarer l'ASSEDIC AQUITAINE dont la réclamation entre dans les prévisions de l'article L. 122-14-4 précité, recevable en son intervention.
Qu'au regard des circonstances de l'espèce et la S.A. INCARTA ne justifiant d'aucun élément susceptible de permettre une minoration du remboursement des prestations ayant pour cause le licenciement litigieux, l'ASSEDIC AQUITAINE est bien fondée à solliciter le remboursement par la S.A. INCARTA des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée, dans la limite légale de six mois.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant :
Déclare l'ASSEDIC AQUITAINE recevable en son intervention volontaire,
Ordonne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail, le remboursement par la S.A. INCARTA à l'ASSEDIC AQUITAINE des indemnités de chômage payées par cet organisme à Sandrine X..., et ce, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,
Condamne la S.A. INCARTA à payer à Sandrine X... la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Rejette comme inutile ou mal fondée toute autre demande contraire ou plus ample des parties,
Condamne la S.A. INCARTA aux dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE