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06/12/2006 | FRANCE | N°1191

France | France, Cour d'appel d'agen, Ct0068, 06 décembre 2006, 1191


DU 06 Décembre 2006-------------------------

R. S / S. B
LE MINISTÈRE PUBLIC
C /
X... Marceline Y...
RG N : 06 / 00785
-A R R E T No------------------------------

Prononcé en Chambre du Conseil du six Décembre deux mille six, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
LE MINISTÈRE PUBLIC représenté par Monsieur Dominique TROUILHET, Substitut Général près la Cour d'Appel d'AGEN

APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 16 Mai 2006 <

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ET :
Madame X... Marceline Y... née le 15 Septembre 1969 à LACORY ABIDJAN (COTE D'IVOIR...

DU 06 Décembre 2006-------------------------

R. S / S. B
LE MINISTÈRE PUBLIC
C /
X... Marceline Y...
RG N : 06 / 00785
-A R R E T No------------------------------

Prononcé en Chambre du Conseil du six Décembre deux mille six, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
LE MINISTÈRE PUBLIC représenté par Monsieur Dominique TROUILHET, Substitut Général près la Cour d'Appel d'AGEN

APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 16 Mai 2006
D'une part,
ET :
Madame X... Marceline Y... née le 15 Septembre 1969 à LACORY ABIDJAN (COTE D'IVOIRE) Demeurant... 47300 VILLENEUVE SUR LOT

représentée par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués assistée de la SCP LHEZ BOUSQUET-CONRAU, avocats

INTIMEE
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été communiquée au Ministère Public, débattue et plaidée en Chambre du Conseil, le 08 Novembre 2006, devant René SALOMON, Premier Président (lequel a fait un rapport oral préalable), Bernard BOUTIE, Président de Chambre et Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, assistés de Nicole CUESTA, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
FAITS, PROCEDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
X... Marceline Y... est née le 15 septembre 1969 à LACORY ABIDJAN (Côte d'Ivoire) ;
Elle est arrivée en France le 10 avril 2000 avec un visa touristique ;
Elle a contracté mariage le 5 août 2000 avec Éric Z..., de nationalité française, devant l'officier d'état civil de VILLEFRANCHE DU QUEYRAN ;
Elle a souscrit le 12 mars 2002 une déclaration de nationalité française devant le juge d'Instance d'AGEN qui a été enregistrée le 3 février 2003 ;
Le 23 mai 2002, son époux a déposé une requête en divorce pour faute devant le Tribunal de Grande Instance d'AGEN ;
Par ordonnance de non-conciliation en date du 16 juillet 2002 le juge aux affaires familiales d'AGEN a autorisé les époux à résider séparément, le divorce ayant été prononcé le 5 novembre 2004 aux torts partagés ;
Ayant été constaté que les époux Z... / Y... s'étaient séparés avant même l'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par Madame Y..., le ministère chargé des naturalisations, subordonnant une fraude voire un mensonge sur l'effectivité de la communauté de vie de la déclarante, a saisi le 22 octobre 2004 le ministère de la justice d'une proposition de contestation judiciaire de la déclaration ainsi enregistrée ;
Par exploit en date du 9 juin 2005 le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance d'AGEN a fait assigner Madame Y... devant cette juridiction sur le fondement des dispositions de l'article 26-4 alinéa 2 du Code civil pour voir annuler la déclaration souscrite par cette dernière et constater son extranéité ;
Par jugement en date du 16 mai 2006, le Tribunal de Grande Instance d'AGEN a débouté le ministère public de sa demande en considérant qu'il existait une communauté de vie à la date du 12 mars 2002 et que le lien affectif avait perduré, l'absence de cohabitation après la déclaration résultant du comportement de la belle famille et non de la volonté de Madame Y... de frauder les lois sur la nationalité ;
Par déclaration en date du 19 mai 2006, le ministère public a interjeté appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation ;
Au soutien de son appel il fait valoir qu'aux termes des dispositions de l'article 21-2 du Code civil issue de la loi du 16 mars 1998 applicable aux circonstances de l'espèce, l'étranger qui contracte un mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai d'un an à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ;
X... Marceline Y... conclut pour sa part à la confirmation de la décision entreprise ;
Elle fait valoir qu'après son mariage le 5 août 2000, elle a vécu avec les parents de son époux ;
Selon ses déclarations, sa vie quotidienne était devenue à leurs côtés un enfer car ils l'humiliaient en permanence, proférant des propos racistes à son égard, lui faisant subir un harcèlement moral ainsi qu'un harcèlement d'ordre économique ;
Elle produit divers témoignages qui attesteraient de cette situation et en particulier une attestation émanant du maire de VILLEFRANCHE DU QUEYRAN qui certifie que du mois d'août 2000 jusqu'au mois de mai 2002 les époux avaient vécu une communauté de vie tant affective que matérielle ;
Elle affirme encore qu'elle espérait reprendre la vie commune dans un lieu neutre indépendant de sa belle famille et qu'elle avait patienté plus d'un an avant de prendre la décision de partir devant l'inertie de son mari incapable de la protéger et lui permettre de mener une vie de couple ;
MOTIFS
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL
Cet appel est recevable en la forme. Il a été formé dans le délai légal ;
SUR LE BIEN FONDE DE L'APPEL
Il sera relevé qu'au visa des dispositions de l'article 26-4 in fine du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 2003, l'enregistrement d'une déclaration de nationalité peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ;
Il est de jurisprudence que constitue une présomption simple de fraude imputable au déclarant, toute cessation de communauté de vie entre les époux dans les douze mois de l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française ;
Il en résulte que si cette communauté de vie a cessé dans ce délai et a fortiori avant même l'enregistrement, la présomption de fraude est établie et entraîne l'annulation de l'enregistrement à moins que le déclarant ne rapporte la preuve contraire ;
L'article 215 du Code civil dispose : " les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie ". L'intention matrimoniale implique en effet la volonté d'une communauté de vie laquelle ne se résume pas au seul devoir de cohabitation, qui est un élément matériel. Elle compte aussi un élément intentionnel, la volonté de vivre en union ;
Dans le cas d'espèce présent, au regard des dispositions de l'article 26-4 du Code civil qui pose la règle selon laquelle la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivants l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2, constitue une présomption de fraude, il convient d'observer à la lecture des pièces versées aux débats que :

Le 18 février 2001, X... Marceline Y... a quitté une première fois le domicile conjugal qu'elle a réintégré après une sommation délivrée par un huissier ;
Elle a souscrit une déclaration de nationalité française le 12 mars 2002 pour abandonner définitivement, moins d'un mois plus tard, le 10 avril 2002, le domicile conjugal ;

Le 23 mai 2002, Éric Z... a déposé une requête en divorce pour faute devant le Tribunal de Grande Instance d'AGEN ;
L'ordonnance de non-conciliation en date du 16 juillet 2002 a autorisé les époux Z... à résider séparément, la procédure de divorce ayant été poursuivie et menée à son terme tant par le mari que par l'intimée, cette dernière ayant formé une demande reconventionnelle en divorce, le tribunal, par jugement en date du 5 novembre 2004 ayant prononcé le divorce aux torts partagés ;
Il ne peut être sérieusement contesté qu'à la date de la souscription de la déclaration de nationalité française, l'intention de X... Marceline Y... de vivre en union avec Éric Z... faisait défaut alors en effet qu'elle avait abandonné définitivement le domicile conjugal et qu'elle avait pris la décision non équivoque de ne pas reprendre la vie commune en formant notamment devant la juridiction de grande instance une demande reconventionnelle en divorce à l'encontre de son époux, la procédure ayant abouti au prononcé du divorce les époux Z... / Y... aux torts partagés ;
La Cour considère dans ces conditions qu'au moment de la souscription de la déclaration de nationalité par la femme, les époux Z...-Y... formaient un ménage en crise dont on ne peut estimer qu'il était animé d'une réelle volonté de vivre en union au sens où l'entend la jurisprudence ;
Les attestations produites aux débats par l'intéressée et notamment celles qui émane du maire de VILLEFRANCHE DU QUEYRAN n'apportent nullement la preuve de l'existence de cette communauté de vie matérielle et affective à la date de la déclaration de nationalité litigieuse ;

Il est incontestable que les conjoints, au moment de cette souscription, ne vivaient plus en union et tout spécialement dans sa dimension psychologique et affective. Il ne peut à cet égard être tiré aucune conséquence juridique au regard de l'application des dispositions de l'article 26-4 du Code civil de la constatation relevée par les premiers juges selon laquelle le divorce serait dû à une attitude déstabilisante des beaux-parents de l'intimée. Il apparaît en effet que la responsabilité de la rupture du lien conjugal est indifférente à la solution du litige alors qu'en tout état de cause le divorce des époux Z...-Y... a été prononcé à leurs torts partagés ;
Il en résulte de tout ceci que X... Marceline Y... est dans l'incapacité de combattre la présomption de fraude mise à sa charge par les dispositions de l'article 26-4 in fine et du Code civil, le ministère public ayant apporté la preuve qu'elle avait menti quant à la poursuite durable de la communauté de vie au moment de la souscription de sa déclaration de nationalité française et de son enregistrement ;
La décision déférée sera donc infirmée en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile, contradictoirement, en dernier ressort et après débats en chambre du conseil ;
Déclare recevable l'appel interjeté le 19 mai 2006 par le procureur de la république près le Tribunal de Grande Instance d'AGEN ;
Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du nouveau Code procédure civile a été délivré ;
Infirme le jugement dont s'agit du Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 16 mai 2006 ;
Annule en conséquence l'enregistrement de la déclaration souscrite par X... Marceline Y... le 12 mars 2002 et constate l'extranéité de l'intéressée ;
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du Code civil ;
Condamne X... Marceline Y... aux entiers dépens ;
Vu l'article 456 du nouveau Code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre ayant participé au délibéré en l'absence du Premier Président empêché et par Nicole CUESTA, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Ct0068
Numéro d'arrêt : 1191
Date de la décision : 06/12/2006

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Agen, 16 mai 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2006-12-06;1191 ?
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