DU 10 Octobre 2006-------------------------
C. L / S. B
Marie-Paule X... épouse Y...
C /
Guy X...
Aide juridictionnelle
RG N : 05 / 00317
-A R R E T No------------------------------
Prononcé à l'audience publique du dix Octobre deux mille six, par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame Marie-Paule X... épouse Y... née le 14 Juillet 1946 à FARGUES (46800) Demeurant... 82170 GRISOLLES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2005 / 001154 du 26 / 05 / 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)
représentée par la SCP A. L. PATUREAU et P. RIGAULT, avoués assistée de la SCPA LAGARDE ALARY GAYOT TABART, avocats
APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de CAHORS en date du 19 Novembre 2004
D'une part,
ET :
Monsieur Guy X..., pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de Monsieur Janvier X... né le 20 Décembre 1940 à SAINT DAUNES (Lot) Demeurant ... 46800 ST DAUNES
représenté par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués assisté de la SCP FAUGERE-BELOU-LAVIGNE, avocats
INTIME
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 12 Septembre 2006, devant Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, Catherine LATRABE, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Christian COMBES, Conseiller, assistés de Nicole CUESTA, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. Les époux X... Y... se sont mariés le 24 avril 1965 ; le divorce a été prononcé, aux torts partagés des époux, suivant jugement du Tribunal de grande instance de CAHORS en date du 8 juillet 1982, la liquidation de la communauté étant intervenue suivant acte établi par Maître A..., notaire à MONTCUQ, le 7 décembre 1985.
Faisant état de ce que du 1er janvier 1968 au 30 septembre 1975, elle a travaillé avec son mari Guy X..., en qualité d'aide familiale, sans avoir perçu de rémunération, sur la propriété rurale de ses beaux-parents dont son beau-père, Janvier X... était chef d'exploitation, Marie Paule Y... a saisi, par acte initial du 13 décembre 2001, le Tribunal de grande instance de CAHORS au titre d'une créance de salaire différé, étant précisé que Janvier X... décédé en 1987, a laissé à sa survivance son épouse Hélène X... et son fils unique Guy X....
Suivant jugement en date du 19 novembre 2004, le Tribunal de grande instance de CAHORS a déclaré irrecevable la demande de salaire différé ainsi formée par Marie Paule Y... et a condamné cette dernière à payer à Guy X... la somme 450 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Marie Paule Y... a relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
Elle soutient, pour l'essentiel, que l'action aux fins de voir recouvrer une créance de salaire différé obéit à une prescription trentenaire et que l'article L 321-17 du Code rural qui exige que la demande de salaire différé soit introduite au cours du règlement de la succession de l'exploitant agricole ne peut concerner que les co-héritiers au règlement de ladite succession.
Elle considère, dès lors, qu'elle est recevable à solliciter le paiement de sa créance de salaire différé et ce, dans un délai de trente ans à compter de l'ouverture de la succession de son beau-père et elle fait valoir, à cet égard, qu'en tout état de cause ce délai s'est trouvé interrompu du fait des demandes en paiement qu'elle a réitérées à plusieurs reprises lors du règlement de la succession de ses beaux-parents.
Elle prétend, par ailleurs, que par application des règles successorales, elle se trouve, être ; la créancière de Guy X..., la succession ayant été non seulement excédentaire mais encore acceptée par l'intéressé, unique héritier.
Elle s'estime, enfin, bien fondée en sa demande de créance de salaire différé, dès lors qu'elle était mariée avec le descendant de l'exploitant, que le divorce a été prononcé aux torts partagés des époux et qu'elle considère avoir participé durant la période concernée aux côtés de son conjoint à l'exploitation dont son beau-père était chef d'exploitation.
Elle demande, par conséquent à la Cour d'infirmer la décision entreprise, de constater, sur le fondement des dispositions de l'article 2262 du Code civil, le caractère trentenaire de la prescription pour introduire l'action à fin de paiement de créance de salaire différé, de constater que les conditions de créance de salaire différé telles que visées par les article L 321-11 et suivants du Code rural sont toutes réunies, de condamner Guy X..., en sa qualité d'héritier de Janvier X..., à lui payer au titre de sa créance de salaire différé à l'encontre de la succession de ce dernier, la somme de 62 385, 06 Euros assortie des intérêts légaux depuis le 8 octobre 2002 ; elle sollicite, en outre la condamnation du même, ès qualités, à lui verser la somme de 1 525 Euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Guy X..., demande, au contraire, à la Cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner Marie Paule Y... au paiement de la somme de 1 800 Euros sur le fondement de l'article 700 précité.
Il fait valoir, principalement, qu'en application des articles L 321-13 et L 321-17 du Code rural, la demande de salaire différé doit être impérativement présentée au cours du règlement de la succession de l'exploitant agricole de sorte qu'au cas présent, la succession de Janvier X... qui est décédé le 26 août 1987 ayant été liquidée par acte de Maître A..., notaire, en date du 7 juin 1988, Marie Paule Y... est irrecevable en sa réclamation, aucune exception à cette règle n'existant en faveur du conjoint divorcé du descendant de l'exploitant.
Il ajoute que la demande de salaire différé invoquée par Marie Paule Y... ne repose sur aucun élément objectif, l'intéressée n'ayant jamais travaillé sur l'exploitation en cause de manière continue.
Il soutient, enfin, qu'en tout état de cause, la créance de salaire différé est plafonnée aux forces de la succession et que le bénéficiaire d'un salaire différé ne peut exiger des héritiers qui ont accepté la succession qu'ils l'acquittent sur leurs deniers personnels par paiement d'une soulte à charge des cohéritiers ; il fait valoir à cet égard, qu'il n'a reçu, dans le cadre du partage suite au décès de son père, que des droits à hauteur de 29 537 Euros.
SUR QUOI
Attendu que l'analyse minutieuse et complète des faits à laquelle a procédé le premier juge n'est nullement contestée utilement en cause d'appel par Marie Paule Y... laquelle invoque, pour l'essentiel, des arguments identiques à ceux qu'elle développait déjà en première instance.
Qu'il lui a été répondu en des attendus justes et bien fondés auxquels il n'y a guère à ajouter que ceci :
-la créance de salaire différé n'est exigible qu'au décès de l'exploitant débiteur et il ressort des articles L 321-13 et L 321-17 du Code rural que le salaire différé ne pouvant donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers, sa demande doit être présentée au cours du règlement de la succession de sorte qu'est irrecevable, la demande formée après le règlement de la succession de l'exploitant débiteur.
-le règlement définitif d'une telle succession prive le bénéficiaire d'une créance de salaire différé de son droit d'agir en justice, les règles de la prescription trentenaire de l'article 2262 du Code civil étant indifférentes à cet égard.
-les dispositions de l'article L 321-17 du Code rural selon lesquelles le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession ne font aucune distinction entre le descendant de l'exploitant agricole et son conjoint participant à l'exploitation, tous deux étant réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail différé aux termes des articles L 321-13 et L 321-15 du même Code.
-enfin, des demandes amiables, à supposer même qu'elles soient intervenues en cours de règlement de la succession, n'ont aucun effet interruptif sur le délai pour agir ainsi reconnu au bénéficiaire d'une créance de salaire différé, un tel délai ne pouvant être interrompu que dans les conditions limitativement énumérées à l'article 2244 du Code civil.
Qu'il s'ensuit que l'action de Marie Paule Y... qui a été introduite après que le partage définitif de la succession de Janvier X... ait été consommé, ne peut être que déclarée irrecevable.
Attendu, par conséquent, qu'il convient de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et de rejeter l'ensemble des prétentions de l'intéressée.
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Guy X... la totalité des frais non compris dans les dépens qu'il a pu être amené à exposer en cause d'appel. Attendu que les dépens de l'appel seront mis à la charge de Marie Paule Y... qui succombe.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Rejette comme inutile ou mal fondée toute autre demande contraire ou plus ample des parties,
Condamne Marie Paule Y... aux dépens de l'appel, lesquels seront recouvrés selon la loi applicable en matière d'aide juridictionnelle,
Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, la SCP TESTON LLAMAS, avoués, à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont il aura été fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre et Nicole CUESTA, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier Le Président