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12/09/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951310

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 12 septembre 2006, JURITEXT000006951310


ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2006 NR/SBA ----------------------- 05/00929 ----------------------- Jacqueline X... C/ S.A. MIRABEN DISTRIBUTION ----------------------- ARRÊT no 377 COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Mis à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'Agen le douze septembre deux mille six en application de l'article 450 2ème alinéa du nouveau Code de procédure civile, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE :

Jacqueline X... née le 19 octobre 1944 à VIEUX-CONDE (59) "Bugassat" 47400 TONNEINS Rep/assistant : M. Jean-Marie Y... (Délégué syndical ouv

rier) APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de MARMA...

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2006 NR/SBA ----------------------- 05/00929 ----------------------- Jacqueline X... C/ S.A. MIRABEN DISTRIBUTION ----------------------- ARRÊT no 377 COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Mis à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'Agen le douze septembre deux mille six en application de l'article 450 2ème alinéa du nouveau Code de procédure civile, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE :

Jacqueline X... née le 19 octobre 1944 à VIEUX-CONDE (59) "Bugassat" 47400 TONNEINS Rep/assistant : M. Jean-Marie Y... (Délégué syndical ouvrier) APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de MARMANDE en date du 24 mai 2005 d'une part, ET : S.A. MIRABEN DISTRIBUTION Avenue de Beauregard 47400 TONNEINS Rep/assistant : la SCP BARTHÉLÉMY etamp; ASSOCIES (avocats au barreau de BORDEAUX) INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 27 juin 2006 devant Nicole ROGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, Catherine LATRABE et Françoise MARTRES, Conseillères, assistées de Solange BELUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 12 septembre 2006. * * * FAITS ET PROCÉDURE

Jacqueline X..., née le 19 octobre 1944, a été embauchée en qualité de caissière par la S.A. MIRABEN DISTRIBUTION d'abord de 1982 à 1988 puis depuis le 1er juillet 1993 ;

A partir du mois de mars 2003, les incidents se sont succédé entre la salariée et ses employeurs ; à partir de mars 2004 elle a mise en arrêt maladie pour dépression ; le 9 mars 2004 elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marmande d'une demande en résolution judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Le 24 mai 2005, le conseil de prud'hommes de Marmande statuant sous la présidence du juge départiteur l'a déboutée de sa demande ;

Elle a relevé appel de cette décision. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Au soutien de son appel la salariée, dans de très longues conclusions auxquelles la cour renvoie pour plus ample informé, rappelle la série

d'incidents qui l'a opposée à son employeur jusqu'à son départ en congé maladie ;

Elle s'estime victime d'un harcèlement moral dont elle détaille chaque composante et demande à la cour de dire que le contrat doit être rompu aux torts de l'employeur en raison du harcèlement moral qu'elle a subi dans l'entreprise et de condamner la S.A. MIRABEN DISTRIBUTION à lui payer les sommes suivantes :

- 7.000,00 ç de dommages et intérêts pour préjudice moral conformément à l'article 1382 du Code civil,

- constatation de la condition résolutoire du contrat de travail conformément à l'article 1184 du Code civil,

- 1.640,46 ç à titre d'indemnité de préavis plus les congés payés correspondants 164,05 ç,

- 9.022,53 ç à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.476,43 ç à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 600,00 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. * * *

La S.A. MIRABEN DISTRIBUTION rappelle les éléments constitutifs du harcèlement moral et les règles de la preuve en cette matière ;

L'employeur conteste formellement les agissements répétés constitutifs de harcèlement moral de la société MIRABEN DISTRIBUTION, affirme que les sanctions notifiées à Jacqueline X... étaient justifiées par ses erreurs de caisse et affirme qu'elle a répondu à toutes les contestations de Jacqueline X... ;

Chacune des parties verse aux débats des attestations sur lesquelles elles s'expliquent, l'employeur faisant valoir que de nombreux salariés présents dans l'entreprise au moment des faits ont tenu à établir une attestation en faveur de leur employeur et à démentir

ainsi les accusations de harcèlement moral formulées par Jacqueline X....

Elle conteste la dégradation des conditions de travail alléguée par celle-ci et, sans contester l'opinion du médecin de la salariée estime que l'altération de l'état de santé physique et mentale de celle-ci ne saurait établir le lien de causalité entre son milieu de travail et sa dépression nerveuse.

L'employeur s'oppose en conséquence au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Jacqueline X... à ses torts, au débouté de la salariée de toutes ses demandes et à sa condamnation au paiement de la somme de 3.000 ç pour procédure abusive ainsi que 3.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que pour apprécier la situation de la salariée au regard des faits dont elle se plaint, il convient de resituer ces faits dans le contexte de la relation de travail qui s'est déroulée d'abord de 1982 à1988 et ensuite à partir de 1993 ;

Qu'il résulte des attestations produites que la direction de l'Intermarché a changé en septembre 2002 ; qu'une nouvelle comptable est arrivée en décembre 2003 ;

Attendu qu'avec les précédents Présidents Directeurs Généraux, les erreurs de caisse n'étaient pas sanctionnées ; que dès lors aucun avertissement n'avait été adressé à Jacqueline X... avant le mois de mars 2003 ;

Qu'il convient de prendre en considération la situation de cette salariée ancienne au sein de l'entreprise et qui n'avait jusqu'alors donné lieu à aucun reproche ;

Attendu qu'à partir du mois de mars 2003 date à laquelle un incident mineur a opposé Jacqueline X... à Claudine RIZZI son supérieur hiérarchique, les lettres, convocations à entretiens préalables,

avertissements, lettres de reproches, se sont succédé jusqu'à entraîner un état de santé gravement altéré pour la salariée qui n'est toujours pas en mesure de reprendre une activité professionnelle ;

Attendu que, comme l'indique à juste titre l'employeur, la relation de travail en raison de l'existence d'un lien de subordination peut conduire à l'exercice de pressions psychologiques ; qu'il convient de distinguer les conflits normaux inhérents à la relation de travail et ceux résultant d'un harcèlement moral ou même d'une attitude fautive de l'employeur qui multiplie les sanctions dans un espace de temps court et suscite ainsi chez une salariée un état de stress et d'angoisse disproportionné avec les faits reprochés ;

Attendu qu'il convient d'examiner si l'employeur a procédé à un détournement des règles disciplinaires en prononçant des sanctions injustifiées basées sur des faits inexistants ou véniels et provocant une dégradation des conditions de travail et l'altération de la santé physique et mentale de Jacqueline X... ;

Attendu que la salariée justifie des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que la seule accumulation des reproches et des sanctions à l'encontre de la salariée plus précisément entre le mois de décembre 2003 et le mois de mars 2004 est établi ; que la société MIRABEN doit prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu qu'il apparaît que trois faits ont donné lieu à des attitudes de l'employeur particulièrement sévères ;

Qu'il s'agit d'une erreur de caisse sur la semaine 48 d'un montant de 23,26 ç qui a été comblé sur la semaine 49 par un excédent de 25,18 ç ; que malgré les explications particulièrement circonstanciées de la

salariée ces deux faits qui en réalité n'en font qu'un ont donné lieu non seulement à deux avertissements mais à une lettre de reproche particulièrement vexatoire à l'égard d'une salariée ancienne ;

Que ces mêmes erreurs ont donné lieu à des contrôles dont la salariée elle-même était demanderesse mais pas dans les conditions où ils se sont produits ;

Attendu qu'en effet ces contrôles se sont produits devant la clientèle et dans des circonstances telles que sa probité pouvait être mise en doute ;

Que ces faits, courants dans le milieu de la grande distribution et auxquels aucune caissière n'échappe, ont été sanctionnés de manière disproportionnée et accompagnée de lettres et de comportements injustifiés par rapport aux faits reprochés ;

Qu'il y a lieu de rappeler ce qui a été déjà dit précédemment, à savoir que les erreurs de caisse jusqu'alors ne donnaient pas lieu à des sanctions ;

Attendu en second lieu que durant cette période un incident a fait l'objet d'un autre avertissement ; qu'il s'agit de l'incident avec le responsable épicerie Jean-Jacques AGNELET qui a été se plaindre à la direction d'une attitude qu'il qualifiait d'insolente de Jacqueline X... à son écart ;

Mais attendu que le contenu de cet incident est insignifiant, qu'aucun lien hiérarchique n'existe entre Jean-Jacques AGNELET et Jacqueline X... et que celle-ci n'a utilisé aucun terme particulièrement agressif à l'encontre de Jean-Jacques AGNELET pouvant lui être reproché et faire l'objet d'une sanction ; que pourtant tel a été le cas ; qu'il est même fait état d'un "sourire narquois" de Jacqueline X... ;

Attendu qu'en mettant l'accent sur un incident aussi bénin, en sanctionnant la salariée par un avertissement, l'employeur a démontré

là encore une sévérité disproportionnée avec les faits reprochés ;

Attendu que la salariée indique encore sans être contredite autrement qu'elle faisait l'objet de changements d'horaires au dernier moment et qu'elle a indiqué qu'elle ne pouvait que les accepter puisqu'ils étaient imposés par son planning et qu'elle fait observer à juste titre qu'elle n'a jamais reçu d'avenant modifiant ses horaires ;

Attendu que la circonstance que les autres salariés soient traités de la même façon n'enlève pas à cette attitude de l'employeur son caractère fautif ; qu'en effet en cas de travail à temps partiel certaines règles doivent être respectées, ce qui n'était pas le cas ; Qu'il apparaît en outre que Jacqueline X... devait travailler tous les samedis après-midi ; que la seule réponse de l'employeur consiste en ce qu'elle était demanderesse d'heures supplémentaires afin de compléter ses revenus mais qu'il ne donne aucun élément contraire sur cette obligation du travail du samedi après-midi faite à la salariée alors que les autres disposaient de plusieurs samedis libres ;

Attendu enfin que le reproche tenant à l'acceptation d'un ticket restaurant 2003 après la date limite qui se situait le 31 janvier 2004, au mois de mars 2004 présente également un caractère bénin dont au surplus la réalité n'est pas formellement établie en raison des explications données par la salariée ;

Attendu que les attestations produites par l'employeur rédigées pratiquement dans les mêmes termes et faisant état du bon climat social de l'entreprise émanent de l'ensemble des responsables de rayons de l'Intermarché :

- rayon sec (AGNELET),

- fruits et légumes (BOUHET),

- fromages (BELTRAME),

- charcuterie (GENE),

- marée (LAMARQUE) ;

Que seuls deux employés de commerces ont donné de telles attestations et que ces attestants se trouvent sous la subordination juridique de l'employeur de telle sorte que leurs témoignages doivent être pris avec beaucoup de circonspection comme ne revêtant pas un caractère d'impartialité suffisant.

Attendu qu'il résulte de cette analyse qu'entre mars 2003 et mars 2004 la salariée a connu une situation rendant impossible la poursuite de son contrat de travail en raison de la sévérité injustifiée de l'employeur, les éléments constitutifs du harcèlement moral tels qu'ils résultent de la définition posée par l'article L.122-49 du Code du travail sont réunis à savoir des agissements répétés, une dégradation des conditions de travail, l'altération de la santé physique et mentale de la salariée ;

Attendu qu'aucun des éléments produits par l'employeur n'établit le bien fondé de la sévérité dont il a fait preuve à l'égard de la salariée pour des faits mineurs, surtout s'agissant d'une salariée d'une grande ancienneté qui avait donné jusqu'alors satisfaction ;

Qu'il convient en

Qu'il convient en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Jacqueline X... et de lui allouer les indemnités de rupture dont le montant n'est pas contesté à savoir :

- indemnité de préavis :

1.640,46 ç

outre les congés payés correspondant :

164,05 ç

- indemnité conventionnelle de licenciement :

1.476,43 ç

- dommages et intérêts

pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

9.022,53 ç

- dommages et intérêts pour préjudice moral

conformément à l'article 1382 du Code civil :

5.000,00 ç

qu'il devra en outre régler à Jacqueline X... la somme de 600 ç pour les frais irrépétibles qu'elle a engagés pour faire valoir ses droits.

Que la S.A. MIRABEN DISTRIBUTION devra supporter la charge des dépens. PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la S.A. MIRABEN DISTRIBUTION ;

Dit et juge que cette rupture s'analyse comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et sans respect de la procédure ;

Qu'il revêt en outre un caractère abusif et vexatoire.

Condamne en conséquence la S.A. MIRABEN DISTRIBUTION à payer à Jacqueline X... les sommes suivantes :

- indemnité de préavis :

1.640,46 ç

outre les congés payés correspondant :

164,05 ç

- indemnité conventionnelle de licenciement :

1.476,43 ç

- dommages et intérêts pour licenciement abusif :

9.022,53 ç

et préjudice moral :

5.000,00 ç

- article 700 du nouveau Code de procédure civile :

600,00 ç

Condamne la S.A. MIRABEN DISTRIBUTION en tous les dépens, en ceux compris les frais d'exécution du présent arrêt s'ils s'avèrent nécessaires.

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Solange BELUS, Greffière.

LA GREFFIÈRE :

LA PRÉSIDENTE :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951310
Date de la décision : 12/09/2006
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2006-09-12;juritext000006951310 ?
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