DU 05 Juillet 2006
N.R/S.B
Bernard Antoine X..., Nancy Yvette Y... épouse X... C/Laurent Yves Z... Séverine A... épouse Z... RG N : 05/00947 - ARRET No 703 -06 Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile le cinq Juillet deux mille six, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire ENTRE :Monsieur Bernard Antoine X...né le 09 Juin 1939 à CAUZAC (47470) Madame Nancy Yvette Y... épouse X... née le 01 Juin 1944 à ASSI BOUNI (ALGERIE) Demeurant ensemble ... représentés par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assistés de Me Christian GUILHEM, avocat
APPELANTS d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 14 Juin 2005 D'une part, ET :Monsieur Laurent Yves Z... né le 18 Février 1968 à MAYENNE (53100) Madame Séverine A... épouse Z... née le 12 Mai 1972 à POITIERS (86000) Demeurant ensemble ... représentés par la SCP A.L. PATUREAU etamp; P. RIGAULT, avoués assistés de la SCP VEYSSIERE-DARGACHA-SABLE-VEYSSIERE, avocats
INTIMES D'autre part a rendu l'arrêt contradictoire suivant après qu la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 30 Mai 2006, devant Nicole ROGER, Conseiller faisant fonctions de Présidente de Chambre (laquelle a fait un rapport oral préalable), Benoît MORNET et Chantal AUBER, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.FAITS ET PROCEDURE
Par acte authentique du 26 mars 2003, les époux X... ont vendu
aux époux Z..., une maison située à Villeneuve sur Lot (Lot et Garonne), lieudit "Terres d'Albies", moyennant le prix de 231 938 ç. Un an après, le 31 mars 2004, les acheteurs ont assigné les vendeurs en référé en invoquant différents désordres affectant l'installation de chauffage, l'apparition de fissures, l'existence de fils électriques non protégés et des remontées d'humidité. Par ordonnance du 13 avril 2004, Monsieur B... a été désigné en qualité d'expert, il a rendu un projet de rapport le 15 septembre 2004, puis un rapport définitif le 22 octobre 2004, complété par un additif du 4 novembre 2004.
Par acte d'huissier le 21 janvier 2005, les acheteurs ont assigné les vendeurs devant le Tribunal de Grande Instance d'Agen sur le fondement de la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code Civil. Assignés en mairie, les époux X... n'ont pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire du 14 juin 2005, le Tribunal de Grande Instance d'Agen a :
- condamné solidairement les époux X... à payer aux époux Z... la somme de 16 610 ç en vertu de l'article 1645 du Code Civil ;
- condamné les époux X... à payer aux époux Z... la somme de 1 000 ç en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- condamné solidairement les époux X... aux dépens, y compris les frais d'expertise et du procès verbal de constat d'Huissier du 19 mars 2004.
Le juge notait que la garantie de l'article 1641 du Code Civil était bien applicable, d'autant que le vendeur avait non seulement construit lui-même la maison vendue mais qu'il se posait en marchand
de biens.
Les époux X... ont relevé appel de cette décision. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Au soutien de son appel, les appelants invoquent plusieurs arguments :
- "le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même" aux termes de l'article 1642 du Code Civil ;
- "le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus...":
- les époux X... ne sont pas des professionnels de l'immobilier, affirmation reconnue par le notaire dans une attestation du 3 octobre 2005. Bernard X... été inscrit en qualité de marchand de biens à compter du 8 mars 2002, en vue de l'acquisition d'un terrain à lotir à "LA TREMBLADE". Cette opération n'ayant pu se réaliser, il s'est fait radier du registre du commerce et des sociétés le 25 juin 2002. Ceci justifie l'application de la clause de non garantie des vices cachés en écartant sa qualité de marchand de biens ;
- les époux X... sont des vendeurs de bonne foi en ce que l'immeuble a été vendu par l'intermédiaire d'un agent immobilier et du fait que rien n'a été caché, notamment que le gros oeuvre a été réalisé par le père de Bernard X.... En ce qui concerne l'installation du chauffage central, celui-ci a été réalisé par la société DA CRUZ ;
- les appelants n'ont jamais été informés avant la vente de l'inadéquation de la chaudière. Et en ce qui concerne la cuve, la
partie supérieure était apparente lors de la visite des acheteurs;
- par arrêté du 11 janvier 2005, l'état de catastrophe naturelle a été reconnu à VILLENEUVE SUR LOT "pour les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de juillet à septembre 2003".
Les appelants demandent à la cour de dire et juger recevable et bien fondé leur appel, de dire et juger qu'ils sont des vendeurs profanes et de bonne foi et de faire application de la clause de non garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente pour débouter les époux Z... de l'intégralité de leur demande et les condamner au paiement de 1 500 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. * * *
Les époux Z... fondent leurs prétentions sur le rapport rendu par l'expert. En effet, ont été recensés :
- des murs de soutènement inaptes à assurer leur fonction de manière pérenne, ceux-ci ayant été construits par Monsieur X..., ce vice ne pouvait être ignoré du vendeur,
- l'évacuation des eaux n'est pas convenablement assurée en sous-sol, cependant, sur ce point, le juge les a écartées à tort,
- l'expert est formel sur l'inadaptation d'une telle cuve à fioul, et il est impossible pour un acquéreur de se rendre compte de ce vice,
- les appareils de chauffage sont incontestablement sous-dimensionnés, et à la venue de l'hiver 2003, il est apparu que le réseau de chauffage présentait de nombreux défauts,
- les garde-corps font l'objet de fixations insuffisantes, ce qui a été écarté par le juge, à tort selon les intimés de même que l'infiltration en plafond du sous-sol, qui est un défaut visible,
- l'arrosage du jardin est branché sur la canalisation d'eau potable et risque ainsi de voir polluer l'eau domestique, ceci nécessite
alors la pose d'un disconnecteur, ce qui a été reconnu par le premier juge.
Le vendeur, selon l'expert, a diligenté ou exécuté lui-même les travaux sans avoir toutes les compétences nécessaires.
Les époux Z..., vu les articles 1641 et suivants du Code Civil, demandent à ce que la décision soit partiellement infirmée et la condamnation solidaire des époux X... à leur payer les sommes de :
- 23 746,82 ç au titre des travaux de remise en l'état,
- 10 000 ç au titre du préjudice de jouissance,
- 23 193 ç au titre de la moins-value définitive supportée,
- 3 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aussi, à condamner les époux X... aux entiers dépens. MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'aux termes de l'article 1641 du Code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ; que cet article est complété par l'article 1642 prévoyant que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ;
Attendu néanmoins que l'acte sous seing privé comporte une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés dont les époux X... se prévalent pour écarter les demandes des acquéreurs ;
Attendu que la clause qui exclut la garantie des vices cachés est inopérante si la qualité de vendeur professionnel ou la mauvaise foi
du vendeur est démontrée ;
Que les époux X... invoquent l'article 1643 du Code civil selon lequel le vendeur est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas il n'ait stipulé qu'il ne saura obligé à aucune garantie ;
Attendu qu'il ne peut être contesté que les époux X... ne sont pas des professionnels de l'immobilier et que les inscriptions successives de Bernard X... du 1er juin 2000 au 29 juin 2000 comme courtier en travaux publics, génie civil, habitat et toutes activités annexes ainsi que sa seconde inscription au registre du commerce du 27 février 2002 au 27 juin 2002 comme marchand de biens ne peut suffire à lui conférer la qualité de professionnel ;
Qu'il n'est pas contesté que les vendeurs ont agi dans le cadre de la gestion de leur patrimoine personnel et que c'est à juste titre qu'ils demandent sur ce point la réformation du jugement en ce qu'il a écarté l'application de la clause de non garantie des vices cachés en retenant la qualité de marchand de biens de Bernard X... ;
Mais attendu que l'expertise fait apparaître que Bernard X... a conçu la maison, que son père qui était maçon en a fait le gros oeuvre tandis que lui-même a fait les travaux de plomberie et d'électricité en se fournissant à CASTORAMA ce dont il résulte une fréquente non conformité aux règles de l'art ;
Attendu qu'il résulte de ces circonstances que Bernard X... ne peut prétendre avoir ignoré les défauts qui affectent l'immeuble alors qu'il a participé à sa construction de manière aussi étroite ;
Attendu par ailleurs que sa double inscription au registre du commerce, si elle ne suffit pas à lui conférer le caractère de professionnel, indique qu'il s'estimait suffisamment compétent en matière immobilière ;
Qu'il ne peut y avoir en conséquence application de la clause de non
garantie ;
Mais attendu qu'il convient d'écarter les désordres apparents lors de l'acquisition, pour ne retenir que ceux décelables par un technicien lors de l'acquisition et les désordres et défauts non apparents ; que l'expert a retenu que l'essentiel de ces défauts concernaient l'installation de chauffage entièrement à revoir depuis la cuve à mazout jusqu'à la chaudière dont la puissance ne paraît suffisante pour assurer une température de 20o par mois à sec extérieur,
- la mise hors d'eau du sous-sol : parois extérieures, terrasse exutoire,
- la stabilité des murs de soutènement ;
Qu'en effet ces défauts, s'ils ne rendent pas la maison impropre totalement à l'usage auquel elle était destinée, en diminuent tellement cet usage que l'acquéreur n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;
Qu'ils concernent en effet la stabilité de certains murs, la mise hors d'eau et le chauffage ;
Attendu que Bernard X... ne peut sérieusement soutenir avoir ignoré les défauts concernant l'installation du chauffage central, alors que l'expert considère que "l'emploi du type de cuve utilisée pour cet usage ancienne cuve à vin est aberrant et que son oxydation était inévitable" ; que plusieurs centaines de litre d'eau ont en effet pénétré dans cette cuve ; qu'il appartenait à Bernard X... ayant assumé l'entière installation, de la faire selon les règles de l'art ; attendu par ailleurs qu'il ne peut invoquer les responsabilités de l'entreprise DA CRUZ qui a procédé à l'installation du chauffage central alors qu'il résulte de la facture produite qu'il a lui-même procédé à la fourniture des éléments nécessaires ;
Attendu enfin que l'humidité n'avait pu manquer d'apparaître aux
époux X....
Attendu qu'ainsi doivent être retenus les désordres décelables par un technicien seulement lors de l'acquisition et les désordres et défauts non apparents répertoriés par l'expert en page 10 de son rapport ; il convient en conséquence de fixer à 22 450 ç le montant des sommes que les époux X... devront rembourser aux époux Z... en réparation de leur préjudice ;
Attendu qu'ayant connu au moins partiellement les vices, les époux X... doivent également des dommages et intérêts résultant de cette situation ; que le préjudice de jouissance résulte suffisamment de l'insuffisance du chauffage de l'immeuble, et du manque d'étanchéité de la terrasse du salon ; qu'il convient de ramener la somme à celle de 7 500 ç.
Attendu, s'agissant de la moins value définitive tenant au défaut d'étanchéité du salon, que la somme réclamée est notoirement exagérée et qu'il convient de la ramener à celle de 10 000 ç.
Attendu que la somme totale s'élève à 39 950 ç, qui doit être arrondie à 40 000 ç pour tenir compte de l'additif de l'expert à son rapport ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Z... ceux des frais non compris dans les dépens dont ils ont fait l'avance ; qu'il convient de condamner les époux X... à payer aux époux Z... la somme de 2 000 ç.
Que les époux X... devront supporter la charge des dépens en ce compris les frais d'expertise et le procès-verbal de constat d'huissier.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe conformément à l'article 453 du nouveau Code de
procédure civile,
Confirme le jugement entrepris en son principe ;
Y ajoutant, porte à 40 000 ç la somme que les époux X... devront verser aux époux Z....
Y ajoutant, condamne les époux X... à payer aux époux Z... la somme de 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Condamne les époux X... en tous les dépens en ce compris les frais d'expertise et le procès-verbal de constant d'huissier, dont distraction au profit de la SCP PATUREAU-RIGAULT, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Conseiller faisant fonctions Présidente de Chambre et de Dominique SALEY, Greffier.
Le Greffier
La Présidente