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30/05/2006 | FRANCE | N°572

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre civile 1, 30 mai 2006, 572


DU 30 Mai 2006

B.M/S.B Christian X... Y... C/Hervé Z... RG N : 05/0069 - A R R E T No 572-06 Prononcé à l'audience publique du trente Mai deux mille six, par Nicole ROGER, Conseiller faisant fonctions de Présidente de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :Monsieur Christian X... Y... né le 26 Août 1943 à AUCH (32000) ... représenté par la SCP A.L. PATUREAU etamp; P. RIGAULT, avoués assisté de la SCP LARROQUE-REY-ROSSI, avocat

APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 09 Mars 2005D'une part, ET :MaÃ

®tre Hervé Z... ... représenté par la SC Guy NARRAN, avoués assisté d la...

DU 30 Mai 2006

B.M/S.B Christian X... Y... C/Hervé Z... RG N : 05/0069 - A R R E T No 572-06 Prononcé à l'audience publique du trente Mai deux mille six, par Nicole ROGER, Conseiller faisant fonctions de Présidente de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE :Monsieur Christian X... Y... né le 26 Août 1943 à AUCH (32000) ... représenté par la SCP A.L. PATUREAU etamp; P. RIGAULT, avoués assisté de la SCP LARROQUE-REY-ROSSI, avocat

APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 09 Mars 2005D'une part, ET :Maître Hervé Z... ... représenté par la SC Guy NARRAN, avoués assisté d la SCP PRIM - GENY, avocats

INTIME

D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 02 Mai 2006, devant Nicole ROGER, Conseiller faisant fonctions de Présidente de Chambre, Benoît MORNET, Conseiller (lequel, désigné par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Chantal AUBER, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. EXPOSE DU LITIGE

Christian X... Y... et Hélène LE A... ont constitué, suivant statuts du 18 février 1985, la société civile immobilière l'Occitania ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble à Muret (31).

Le 21 juillet 1986, ils ont créé une société civile de moyens ayant pour objet de faciliter à ses membres, l'exercice de leur profession

de kinésithérapeute dans les locaux acquis à Muret, la SCM devenant locataire de la SCI.

Le 3 novembre 1986, ils ont signé un contrat d'exercice en commun et le 12 novembre 1986, Christian X... Y... a cédé à Hélène LE A... une partie de sa clientèle pour le prix de 33.647 F.

Les parties ont mis fin à leur exercice commun au début de l'année 1987 ; elles ne sont pas parvenues à signer la transaction élaborée pour régler globalement la situation.

Par ordonnance du 21 octobre 1987, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, saisi par Hélène LE A..., a ordonné une expertise et désigné M. B... avec mission d'arrêter les comptes.

Par jugement du 10 septembre 1993, le tribunal de grande instance de Toulouse a donné acte à Christian X... Y... de ce qu'il avait payé la somme de 26.827,85 F, le 24 avril 1992, à Hélène LE A..., et a condamné Christian X... Y... à payer à Hélène LE A... les intérêts au taux légal sur cette somme du 26 septembre 1991 au 24 avril 1992. Ce jugement est définitif.

Par acte du 9 avril 1997, Christian X... Y... a fait assigner Hélène LE A... afin qu'il soit jugé qu'elle devait lui céder les 50 parts sociales de la SCI l'Occitania le prix de cession de 23.766 F ayant été payé par Christian X... Y... le 24 avril 1992, ainsi qu'il a été rappelé dans le jugement du 10 septembre 1993, et que le jugement ait valeur d'acte de cession.

Par jugement du 3 juin 1999, le tribunal de grande instance de Toulouse, retenant qu'il ne saurait être considéré que le paiement constaté par le jugement du 10 septembre 1993 avait nécessairement intégré la cession de parts sociales par Hélène LE A... à Christian X... Y..., a débouté ce dernier de ses demandes.

Sur appel interjeté par Christian X... Y..., la cour d'appel de

Toulouse a réformé le jugement et prononcé la dissolution de la SCI l'Occitania et de la SCM X... Y... - LE A..., et désigné Jacques C... en qualité de liquidateur.

Pa arrêt du 16 janvier 2003, la cour d'appel de Toulouse a homologué le rapport du liquidateur en ce qu'il conclut que Christian X... Y... est débiteur envers la SCI l'Occitania d'une somme de 59.962,01 ç augmentée du montant des loyers encaissés du 1er janvier 2001 au jour de la liquidation effective, a dit qu'après balance entre l'actif et le passif, Hélène LE A... a droit à répartition dans les mêmes proportions que sa participation dans la société, savoir pour moitié, et a renvoyé pour le surplus et notamment la liquidation des apports en nature au liquidateur désigné.

Par acte du 17 octobre 2003, Christian X... Y... a fait assigner Hervé Z..., avocat au Barreau de Toulouse, "en son nom personnel mais également en ce qu'il vient aux droits de la SCP D... E... Z... et aux droits de la SCP F... D... Z..., ainsi qu'aux droits de Yves F..., avocat honoraire" afin de le voir condamner à réparer son entier préjudice à fixer à dire d'expert et à lui payer une provision de 40.000 ç ainsi qu'une indemnité de 1.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement rendu le 9 mars 2005, le tribunal de grande instance d'Auch a condamné Christian X... Y... à payer à Hervé Z... une somme de 1.500 ç ainsi qu'une indemnité de 1.500 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Christian X... Y... a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui n'apparaissent pas critiquables.

Christian X... Y... reproche à ses conseils de ne pas avoir provoqué la dissolution des deux sociétés qui ne fonctionnaient plus

en ce que l'affectio societatis avait totalement disparu et qu'il existait à tout le moins une mésintelligence entre associés.

Il soutient que cette faute a engendré un préjudice dans la mesure où ayant seul financé depuis le 4 décembre 1986 les besoins de trésorerie de la société civile de moyens et de la société civile immobilière, il se trouve aujourd'hui débiteur de cette dernière alors qu'Hélène LE A... se trouve titulaire de droit immobiliers important sans rien avoir payé.

Il demande en conséquence une expertise comptable, une provision de 40.000 ç et une indemnité de 1.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Hervé Z... conclut à l'irrecevabilité des demandes dirigées à son encontre "en ce qu'il vient aux droits de la SCP D... E... Z... et aux droits de la SCP F... D... Z..., ainsi qu'aux droits de Yves F..., avocat honoraire"au motif qu'il n'a aucune qualité pour agir aux droits d'une société civile professionnelle qui a conservé sa personnalité morale, ni d'une personne qui n'exerce plus la profession d'avocat depuis six ans.

Il conclut ensuite au débouté de Christian X... Y... des demandes dirigées à son encontre à titre personnel au motif qu'il n'a commis aucune faute puisqu'il n'a assisté Christian X... Y... qu'à compter du 1er août 2001, soit postérieurement à l'arrêt ayant prononcé la dissolution de la SCI.

Il soutient qu'en outre, Christian X... Y... ne justifie d'aucun préjudice prévisible ou qui aurait pu être prévu, et qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le grief formulé et la situation prétendument préjudiciable dont il se plaint aujourd'hui.

Il demande reconventionnellement la condamnation de Christian X... Y...

à lui payer la somme de 10.000 ç à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la procédure engagée ainsi qu'une indemnité complémentaire de 2.392 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur la recevabilité des demandes dirigées à l'encontre de Hervé Z... "en ce qu'il vient aux droits de la SCP D... E... Z... et aux droits de la SCP F... D... Z... , ainsi qu'aux droits de Yves F..., avocat honoraire"

Il résulte de l'article 32 du nouveau Code de procédure civile que toute prétention émise contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable.

En l'espèce, la société civile professionnelle d'avocats SCP D... E... est immatriculée au Registre de Commerce et des Société de Toulouse depuis le 3 mars 1994 et a eu successivement pour dénomination :

ô

du 3 mars 1994 au 31 décembre 1997 : SCP F... D... Z... ;

ô

du 1er janvier 1998 au 23 juillet 2001 : SCP D... E... Z... ;

ô

depuis le 23 juillet 2001 : SCP D... E....

Il est par ailleurs constant que Yves F..., avocat en son nom propre, puis associé de la SCP F... D... Z... a fait valoir ses droits à la retraite depuis le 1er janvier 1998.

Force est de constater que Hervé Z... n'a aucune qualité pour représenter une société civile professionnelle dont il n'est plus associé et qu'il ne vient aucunement aux droits d'une SCP dont il n'est plus associé, et encore moins aux droits d'un ancien associé aujourd'hui à la retraite.

Les demandes dirigées contre Hervé Z... "en ce qu'il vient aux droits de la SCP D... E... Z... et aux droits de la SCP F... D... Z..., ainsi qu'aux droits de Yves F..., avocat honoraire" ne sont pas recevables.

II- Sur les demandes dirigées contre Hervé Z... en son nom personnel

1- Sur la question préalable de la période durant laquelle Hervé Z... a été le conseil de Christian X... Y.... RL Il résulte de l'article 16 de la loi du 29 novembre 1966 régissant les sociétés civiles professionnelles qu'un avocat répond, sur l'ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu'il accomplit, et ce même s'il exerce en tant qu'associé d'une société civile professionnelle.

Christian X... Y... prétend que Hervé Z... était son conseil depuis 1994. Hervé Z... prétend pour sa part n'avoir assisté Christian X... Y... qu'à compter du 1er août 2001.

Christian X... Y... verse aux débats un courrier du 25 janvier 1994 à entête de la SCP F... D... Z..., mais force est de constater que ce courrier a été signé par Yves F..., alors conseil de Christian X... Y... .Si la société civile professionnelle, qui n'a pas été valablement mise en cause dans la présente instance, est solidairement responsable avec l'avocat des conséquences dommageables de ses actes, Hervé Z... n'est pas personnellement, en sa seule qualité d'ancien associé de Yves F...,

solidairement responsable des conséquences dommageables des actes professionnels de ce dernier.

Christian X... Y... ne peut donc rechercher la responsabilité de Hervé Z... pour une période où il n'était pas son conseil.

Christian X... Y... verse ensuite un courrier du 10 mars 1998 à entête de la même SCP, mais signé par Hervé Z..., aux termes duquel ce dernier lui adresse une copie des conclusions qu'il a dû déposer dans son intérêt.

Ce courrier rapporte la preuve que Hervé Z... était le conseil de Christian X... Y... à compter de janvier 1998, Yves F... ayant pris sa retraite le 31 décembre 1997.

C'est donc à partir de cette date que Hervé Z... doit personnellement répondre des conséquences dommageables de ses actes professionnels à l'égard de Christian X... Y... .R L 2- Sur la responsabilité de Hervé Z...

Il résulte des dispositions de l'article 1147 du Code civil que l'avocat peut être condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison du retard dans l'exécution de son obligation, si ce retard cause un préjudice prévisible, à moins qu'il ne justifie que ce retard provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

La mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat le devoir de conseiller son client sur les demandes à formuler pour solutionner son litige.

Christian X... Y... reproche à Hervé Z... de n'avoir proposé la dissolution de la SCI l'Occitania que dans ses conclusions d'août 2000 devant la cour d'appel alors qu'il aurait dû le lui conseiller dès son intervention en cours de procédure devant le

tribunal de grande instance en début d'année 1998, soit 18 mois plus tôt.

Il soutient ensuite que son préjudice est démontré à la lecture de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse le 16 janvier 2003 ; celui-ci homologue le rapport du liquidateur désigné par l'arrêt du 22 novembre 2000 ayant prononcé la dissolution de la SCI l'Occitania, et ce rapport conclut que Christian X... Y... est débiteur envers la SCI l'Occitania d'une somme de 59.962,01 ç, arrêtée au 31 décembre 2000, augmentée des loyers par lui encaissé du 1er janvier 2001 au jour de la liquidation effective.

Ce rapport démontre au contraire que même si Hervé Z... avait conseillé la dissolution de la SCI dès le début de son intervention en 1998 de sorte que le tribunal de grande instance aurait pu la prononcer dans son jugement rendu en juin 1999, le liquidateur désigné par ledit jugement aurait procédé aux mêmes comptes arrêtés au 31 décembre 2000 et serait en conséquence arrivé à la même conclusion.

Et la cour d'appel de Toulouse aurait jugé de la même manière qu'après balance entre l'actif et le passif de la SCI l'Occitania, Hélène LE A... a droit à répartition dans les mêmes proportions que sa participation à la société, savoir pour moitié.

Il résulte donc de ces éléments qu'à supposer que Hervé Z... ait mal exécuté son obligation de conseil en retardant de 18 mois la proposition de dissolution de la SCI l''Occitania, ce manquement n'a engendré aucun préjudice pour Christian X... Y... .R L Il convient en conséquence de débouter Christian X... Y... de ses demandes.

III- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.

Même si la procédure engagée révèle une certaine légèreté et un manque de rigueur dans la recherche d'un lien de causalité entre le grief allégué et le prétendu préjudice, cela ne caractérise pas la malice ou de la mauvaise foi de Christian X... Y... .R L Hervé Z... sera donc débouté de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

IV- Sur les dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Christian X... Y... succombant à l'instance, il en supportera les dépens.

L'équité commande de dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.AR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire en dernier ressort:

Déclare recevable l'appel formé contre le jugement rendu le 9 mars 2005 par le tribunal de grande instance d'Auch ;

Réforme ledit jugement et statuant à nouveau :

Déclare irrecevables les demandes de Christian X... Y... formulées à l'encontre de Hervé Z... "en ce qu'il vient aux droits de la SCP D... E... Z... et aux droits de la SCP F... D... Z..., ainsi qu'aux droits de Yves F..., avocat honoraire" ;

Déclare les demandes de Christian X... Y... formulées à l'encontre de Hervé Z... en son nom personnel recevables mais non fondées ;

Déboute en conséquence Christian X... Y... de ses demandes formulées à l'encontre de Hervé Z... en son nom personnel ;

Déboute Hervé Z... de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

Condamne Christian X... Y... aux dépens de l'instance et dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Conseiller faisant fonctions de Présidente de Chambre et Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier

La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 572
Date de la décision : 30/05/2006
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Représentation ou assistance en justice - Mission d'assistance - Effets - Obligation de conseil - Portée - /

L'avocat peut être condamné s'il y a lieu au paiement de dommages-intérêts à raison du retard dans l'exécution de son obligation si ce retard cause un préjudice prévisible à moins qu'il ne justifie que ce retard provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. La mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat le devoir de conseiller son client sur les demandes à formuler pour solutionner son litige. Il résulte de l'examen des faits de la cause qu'à supposer que l'avocat intimé ait mal exécuté son obligation de conseil en retardant de dix-huit mois la proposition de dissolution de la SCI ce manquement n'a engendré aucun préjudice pour l'appelant.


Références :

Code civil, article 1147

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : MME ROGER, présidente

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2006-05-30;572 ?
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