ARRÊT DU 9 MAI 2006 NR/SBA ----------------------- 05/00143 ----------------------- Jean-Daniel X... C/ MUTUELLE DU GRAND SUD venant aux droits de la "Mutuelle Médico-Chirurgicale" ----------------------- ARRÊT no 218 COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Prononcé à l'audience publique du neuf mai deux mille six par Nicole ROGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Solange BELUS, Greffière, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Jean-Daniel X... né le 15 août 1948 à LAMOTHE-FENELON (46) Le Bourg 46350 LAMOTHE FENELON Rep/assistant :
la SELARL FRÉCHET NASSIET ET ASSOCIÉS (avocats au barreau de CAHORS) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de CAHORS en date du 25 janvier 2005 d'une part, ET : MUTUELLE DU GRAND SUD venant aux droits de la "Mutuelle Médico-Chirurgicale" 478 quai de Regourd B.P. 147 46018 CAHORS CEDEX 9 Rep/assistant : la SCP CABINET DARRIBERE (avocats au barreau de TOULOUSE) INTIMÉE
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 4 avril 2006 sans opposition des parties devant Nicole ROGER Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, et Christian COMBES, Conseillers Rapporteurs, assistés de Solange BELUS, Greffière. Les magistrats rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la cour composée, outre d'eux-mêmes, de Françoise MARTRES, Conseillère, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du nouveau code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE
La cour se réfère expressément à l'exposé des faits et de la procédure qui est contenu dans le jugement du conseil de prud'hommes de Cahors du 25 janvier 2005 qui a jugé que l'accord du 25 juillet 2003 constituait une transaction, que cette transaction était nulle et a débouté en conséquence Jean-Daniel X... de toutes ses demandes.
Ce dernier a relevé appel de cette décision. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'appelant expose que la réforme au Code de la mutualité a généré de nombreuses restructurations au sein des mutuelles et que dans ce
contexte et pour cette raison son poste se trouvait sur la sellette, de telle sorte que l'intimée a pris des engagements à son égard ; il se prévaut de l'engagement contractuel pris le 26 décembre 2001 lui assurant qu'il serait confirmé dans ses fonctions de Directeur Général et que la M.M.C prenait l'engagement "de le maintenir dans ses fonctions de manière durable sous réserve de circonstances qui ne seraient pas de notre fait volontaire (dissolution ou liquidation de la mutuelle absorbante) ou de votre part inaptitude physique ou arrivée de l'âge justifiant votre mise à la retraite. En dehors de ces cas, l'inexécution de notre engagement nous obligerait à vous verser une indemnité de licenciement égale à dix fois le montant de votre rémunération annuelle. Il est bien entendu que cette indemnité remplacerait alors l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective".
Sur le fondement de cet engagement, Jean-Daniel X... sollicite le versement de la somme de 1.007.500 ç.
L'appelant se prévaut ensuite de l'engagement souscrit par la mutuelle le 27 juillet 2003 qualifié d'accord transactionnel par les parties ;
Il indique qu'il n'a perçu sur la somme de 152.000 ç qui devait lui être attribuée que celle de 84.725,29 ç et demande le paiement du solde soit 67.274,71 ç en exécution dudit engagement.
Jean-Daniel X... fait plaider que cet acte ne constitue pas une transaction dans la mesure où il ne prend aucun engagement de quelque nature que ce soit.
Il soutient en conséquence qu'en l'absence de toute concession de sa part il ne peut y avoir la qualification de transaction.
L'appelant demande enfin à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive de la juridiction administrative
relative à son licenciement et à la demande de réintégration dans l'entreprise avec paiement des salaires de la fin du préavis jusqu'à la date de réintégration effective.
Il demande à la cour de suppléer la carence du conseil de prud'hommes qui a oublié de prononcer le sursis à statuer relativement à ce chef de demande.
En tout état de cause Jean-Daniel X... sollicite la condamnation de la M.M.C. au paiement de la somme de 2.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. * * *
La Mutuelle Médico-Chirurgicale à laquelle se substitue la Mutuelle du Grand Sud considère ne pas être tenue par la clause d'indemnité de licenciement prévue dans l'acte du 26 décembre 2001 ; elle fait valoir que cette clause a un caractère excessif puisqu'il est prévu une indemnité sur la base de dix fois le salaire annuel ce qui représente une somme d'environ un million d'euros alors que le maximum de l'indemnité de licenciement prévu par la convention collective s'élèverait à 58.125 ç.
La M.M.C. fait plaider que le contrat de travail à durée indéterminée, en raison de l'interdiction des engagements perpétuels, doit pouvoir être rompu par les parties contractantes et que cette clause, par son caractère excessif fait échec au droit de résiliation unilatérale de l'employeur et doit donc être considéré comme nul.
Subsidiairement la M.M.C. demande à la cour de faire application de l'article 1152 du Code civil à hauteur de l'indemnité de licenciement que Jean-Daniel X... a déjà perçue soit 84.725 ç.
La Mutuelle du Grand Sud fait valoir en second lieu que l'engagement de garantie d'emploi n'a pu être tenu en raison de circonstances extérieures sur lesquelles elle s'explique en page 6 de ses conclusions ;
Elle rappelle que le recours contre l'autorisation administrative de
licenciement formé par le salarié est toujours pendant devant le tribunal administratif et demande en conséquence le sursis à statuer s'agissant du principe de sa responsabilité.
Sur l'acte signé le 25 juillet 2003, la Mutuelle du Grand Sud invoque la nullité absolue de la transaction d'une part parce qu'elle a été conclue avant la rupture intervenue et définitive et d'autre part parce qu'elle a été conclue avec un salarié protégé, de telle sorte que l'employeur lui-même peut l'invoquer.
La Mutuelle du Grand Sud invoque la qualification juridique : "accord transactionnel" librement consenti par les parties, estime que le prix du rachat de la voiture de fonction de Jean-Daniel X... constitue une concession et que la contrepartie à la somme transactionnelle qui lui était accordée par ce document impliquait implicitement que celui accepte de ne pas contester son licenciement. A titre subsidiaire la Mutuelle du Grand Sud fait plaider que cet acte était pourvu de cause au sens de l'article 1131 du Code civil ce dont elle s'explique en page 9 et 10 de ses conclusions auxquelles la cour renvoie.
Elle ajoute que si cette somme a pu être consentie c'est en considération du fait qu'en contrepartie Jean-Daniel X... n'engagerait pas de procédure pour contester son licenciement.
A titre principal la Mutuelle du Grand Sud venant aux droits de la M.M.C. demande à la cour concernant l'acte du 26 décembre 2001 :
- de prononcer le sursis à statuer sur le principe de responsabilité contractuelle en attendant le jugement du tribunal administratif sur l'autorisation de licenciement,
- de dire que la clause d'indemnisation prévue dans l'acte est nulle comme ne respectant pas la prohibition des engagements perpétuels,
Subsidiairement de dire qu'elle constitue une clause pénale et de la ramener à de plus juste proportion c'est-à-dire à la somme de 84.725 ç qui a déjà été payée à Jean-Daniel X... ;
Concernant l'acte du 25 juillet 2003 :
La Mutuelle du Grand Sud demande à la cour de dire à titre principal qu'il s'agit d'une transaction et qu'elle est nulle de nullité absolue,
A titre subsidiaire de constater que cet acte est nul pour être dépourvu de cause,
Et donc en tout état de cause de débouter Jean-Daniel X... de sa demande d'exécution des actes signés les 26 décembre 2001 et 25 juillet 2003,
En tout état de cause d'ordonner le sursis à statuer et de condamner Jean-Daniel X... aux entiers dépens ainsi qu'à payer à la Mutuelle Grand Sud la somme de 3.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'acte du 25 juillet 2003
Attendu qu'il appartient au juge de donner leur véritable qualification aux actes et aux faits invoqués par les parties.
Attendu que le document signé le jour de la convocation à l'entretien préalable est ainsi libellé :
"Il sera dû à Jean-Daniel X..., à la suite de son licenciement économique :
- trois mois de salaires au titre du préavis dont il est dispensé ;
- le solde des congés payés ;
- le prix de rachat de la voiture dont il a usage ;
- il sera dû, en sus, une indemnité de 152.000 ç nette de charges sociales, indemnité conventionnelle comprise.
Cette indemnité sera considérée comme un accord transactionnel.
Les parties s'engagent à considérer cet accord comme confidentiel en
attendant le terme des procédures et des versements correspondants". Attendu que ce document est signé pour la M.M.C. par Renée SOULIE, Jean-Louis MATHIEU, et Christian MATHON et que Jean-Daniel X... a également apposé sa signature sur ce document.
Attendu qu'il est évident que cet accord, malgré sa dénomination, ne comporte aucune concession de Jean-Daniel X... ; que celui-ci ne déclare ni contester ni accepter son licenciement, qu'il n'apparaît pas qu'il ait pour but de mettre fin à un litige né ou à naître puisqu'il prévoit son caractère confidentiel en attendant le terme des procédures et des versements correspondants sans que soit précisé de quelles procédures il s'agit ;
Qu'en l'absence de ces éléments permettant de caractériser une transaction, il convient de considérer que ce document ne revêt pas le caractère d'accord transactionnel au sens de la loi mais constitue un engagement unilatéral de l'employeur de verser à Jean-Daniel X... une somme de 152.000 ç incluant les indemnités de rupture en raison de son licenciement économique et sans autre condition.
Attendu que cet engagement unilatéral doit être respecté, et que la M.M.C. est bien redevable du surplus de la somme ainsi stipulée.
Sur l'accord du 26 décembre 2001
Attendu que cet accord signé par le Président et le Vice-Président de la M.M.C. et sous l'en-tête de celle-ci prévoit "l'engagement de l'employeur de maintenir Jean-Daniel X... dans ses fonctions de manière durable sous réserve de circonstances qui ne seraient pas de notre fait volontaire (dissolution ou liquidation de la mutuelle absorbante)... ; qu'il est prévu en outre qu'en dehors de ces cas l'exécution de notre engagement nous obligerait à vous verser une indemnité de licenciement égale à dix fois le montant de votre rémunération annuelle. Il est bien entendu que cette indemnité
remplacerait alors l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective".
Attendu qu'en raison de la qualité de salarié protégé de Jean-Daniel X... seule la juridiction administrative a compétence pour apprécier si le licenciement économique dont Jean-Daniel X... a fait l'objet revêt un caractère volontaire et injustifié ou si au contraire il a été motivé par des circonstances extérieures à l'employeur et se trouvait justifié ; que c'est seulement dans l'hypothèse où l'autorisation de licenciement administrative serait refusée qu'il appartiendrait à la cour de juger si la clause d'indemnisation prévue dans l'acte est nulle comme ne respectant pas la prohibition des engagements perpétuels ou subsidiairement si elle constitue une clause pénale qui peut être ramenée à de plus juste proportions.
Qu'en l'état de la procédure soumise à la cour d'appel d'Agen, il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente définitive de la décision de la juridiction administrative, et de condamner la Mutuelle Médico-Chirurgicale à verser à Jean-Daniel X... la
Qu'en l'état de la procédure soumise à la cour d'appel d'Agen, il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente définitive de la décision de la juridiction administrative, et de condamner la Mutuelle Médico-Chirurgicale à verser à Jean-Daniel X... la somme de 67.274,71 ç en application de l'engagement souscrit le 25 juillet 2003.
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Jean-Daniel X... ceux des frais non compris dans les dépens dont il a fait l'avance ; qu'il convient de condamner la M.M.C à lui verser sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme 2.000 ç. PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en
dernier ressort,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Cahors du 25 janvier 2005 ;
Dit et juge que le document du 25 juillet 2003 ne constitue pas une transaction faute des éléments constitutifs d'un tel accord ;
Dit qu'il constitue un engagement unilatéral de l'employeur de verser à Jean-Daniel X... en raison de son licenciement économique la somme de 152.000 ç ;
Condamne en conséquence la M.M.C. à verser à Jean-Daniel X... le complément de cette somme qu'il n'a pas reçu soit 67.274,71 ç.
Sursoit à statuer sur l'engagement du 26 décembre 2001 et la demande de réintégration de Jean-Daniel X... jusqu'à l'issue de la procédure pendante devant la juridiction administrative.
Condamne la M.M.C. à payer à Jean-Daniel X... la somme de 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Condamne la M.M.C. en tous les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Solange BELUS, Greffière présente lors du prononcé.
LA GREFFIÈRE :
LA PRÉSIDENTE :