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24/04/2006 | FRANCE | N°388

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre civile 1, 24 avril 2006, 388


DU 24 Avril 2006-------------------------

F.C/S.B

S.A. D DUCHESNE ayant pour enseigne "TV DIRECT DISTRIBUTION SANTE" C/Aline X... épouse Y... RG N : 04/01891 - A R R E T N ------------------------------Prononcé à l'audience publique du vingt quatre Avril deux mille six, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre,LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :S.A. D DUCHESNE ayant pour enseigne "TV DIRECT DISTRIBUTION SANTE", agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration actuellement en fonctions, domicilié en cette qua

lité audit siègeDont le siège social est Rue de l'Industrie, 3001400 NIV...

DU 24 Avril 2006-------------------------

F.C/S.B

S.A. D DUCHESNE ayant pour enseigne "TV DIRECT DISTRIBUTION SANTE" C/Aline X... épouse Y... RG N : 04/01891 - A R R E T N ------------------------------Prononcé à l'audience publique du vingt quatre Avril deux mille six, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre,LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :S.A. D DUCHESNE ayant pour enseigne "TV DIRECT DISTRIBUTION SANTE", agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration actuellement en fonctions, domicilié en cette qualité audit siègeDont le siège social est Rue de l'Industrie, 3001400 NIVELLES - BELGIQUEreprésentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués assistée du Cabinet CHAS, avocats APPELANTE d'un jugement rend par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 03 Novembre 2004 D'une part,ET :Madame Aline X... épouse Y... née le 17 Octobre 1956 à SIRAC (32430) Demeurant ... 32450 FAGET ABBATIAL représentée par Me Jean-Michel BURG, avoué assistée de Me Anne-Sophie BABIN, avocat

INTIMEE D'autre part,a rendu l'arrêt contradictoire suivant après qu la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 27 Février 2006, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, François CERTNER, Conseiller (lequel, désigné par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Francis TCHERKEZ, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité de forme et de délai non discutées, la S.A. DUCHESNE exerçant sous l'enseigne "TV DIRECT DISTRIBUTION SANTE" a interjeté appel du Jugement rendu par le Tribunal de Grande

Instance d'AUCH le 03/11/04 l'ayant condamné sur le fondement des dispositions de l'art. 1371 du Code Civil à payer à Aline X... épouse Y... la somme de 49.750 Euros ainsi que la somme de 1.500 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Les faits de la cause ont été relatés par le premier Juge en des énonciations auxquelles la Cour se réfère expressément ;

Vu les écritures déposées par l'appelante le 03/02/06 aux termes desquelles elle sollicite :

dans les motifs mais non dans le dispositif de ses conclusions la nullité du Jugement querellé pour violation des dispositions des articles 755 et 643 du Nouveau Code de Procédure Civile car, alors que demeurant à l'étranger, elle bénéficiait de deux mois comparaître, délai qui n'a pas été respecté, la clôture étant survenue six jours trop tôt, ce qui lui a causé un grief évident,

l'infirmation de la décision entreprise aux motifs que les jeux en cause sont parfaitement licites, qu'ils mettent en évidence l'existence d'un aléa, qu'ils ne comportent jamais aucun engagement ferme de verser un prix et qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,

en conséquence le complet rejet des prétentions de l'intimée et sa condamnation à lui payer la somme de 2.000 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Pour ce faire, elle explique que ses jeux fonctionnent sur le principe d'un pré-tirage au sort du nom du gagnant de sorte qu'il existe bien un aléa et que le caractère hypothètique des gains annoncés est rappelé à de nombreuses reprises sous différentes formes; elle estime par ailleurs que l'intimée, en sa qualité de consommateur moyen normalement attentif et diligent, n'est pas de bonne foi alors qu'elle avait à sa disposition les réglements applicables à chacun des jeux et qu'elle a participé à plusieurs d'entre eux sans qu'une réception de prix s'en soit suivie ;

Vu les écritures déposées par Aline X... épouse Y... le 06/01/06 par lesquelles elle conclut :

[* au rejet de la demande de prononcé de la nullité du Jugement attaqué alors que la S.A. DUCHESNE pouvait encore se constituer et faire révoquer la clôture pour cause grave tenant à l'irrespect des délais de constitution d'un partie ayant son domicile à l'étranger,

*] à la confirmation de la décision querellée aux motifs retenus par le premier Juge et à l'allocation supplémentaire de 1.500 Euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du Jugement entrepris ;

Certes, par comparaison des dates, il apparaît que l'Ordonnance de

clôture rendue par le Premier Juge est intervenue avant l'expiration du délai de constitution de deux mois dont devait bénéficier l'appelante du fait de la situation de son siège social à l'étranger ;

Mais il lui était encore loisible de constituer avocat entre le jour du prononcé de la clôture de l'instruction et le jour de l'audience des plaidoiries tenue postérieurement au délai de deux mois édicté ;

Or, elle s'en est abstenue; pourtant, dans l'hypothèse inverse, le rabat de la clôture se serait à l'évidence imposée ;

Du reste, on a quelques difficultés à comprendre la position de la S.A. DUCHESNE:

- demeurant les termes de l'article 562 du N.C.P.C., alors qu'elle conclut au fond de sorte que, même retenue, la nullité du Jugement litigieux n'aurait pû faire obstacle à l'examen de l'affaire,

- qui réclame l'infirmation de la décision entreprise, ce qui est impossible si celle-ci est annulée ;

Sur le fond

L'appelante, spécialisée dans la vente par correspondance, diffuse à sa clientèle un catalogue de produits permettant en outre à son destinataire de participer à des jeux promotionnels aux libellés différents mais fonctionnant tous sur le même mode ;

Pour ce faire, la société appelante adjoint à son catalogue des documents, volontairement outranciers et ambigus mais personnalisés nominativement, informant l'intéressé qu'il va recevoir telle ou telle somme, que cela est "certain" et "officiel", qu'il est "l'unique personne à pouvoir réclamer" le chèque promis, qu'il est

"vraiment gagnant" et même "le grand gagnant", que les gains lui sont "confirmés" ;

Cette façon de procéder a exactement été suivie dans le cas de l'intimée ;

Il n'en reste pas moins que dans les neuf envois en litige, il a toujours été indiqué dans les documents mis à la disposition d'Aline X... épouse Y..., certes ici ou là et en caractères discrets n'ayant rien à voir avec ceux utilisés pour annoncer son "succés", qu'il existait un aléa ; de plus, le règlement du jeu figurait systèmatiquement au verso desdits documents ou les accompagnait, ce qui n'est pas discuté ;

Sciemment présenté de manière à être très difficile à lire, ce règlement précise cependant plus ou moins clairement le principe du jeu : "un pré-tirage" a été effectué par Huissier de Justice "sur une liste de numéros attribués à une sélection de participants, ceci avant l'envoi des documents" ; le client désireux de participer au jeu doit retourner sa "carte de confirmation" ou "l'acte officiel d'acceptation des prix" ou "son autorisation de remise du chèque" ;

Etant donnée la rédaction du règlement du jeu, l'intimée ne pouvait ignorer participer à un jeu aux résultats aléatoires et n'était pas assurée de recevoir le prix offert car, pour cela, il fallait que son numéro soit celui tiré au sort par l'Huissier ;

D'ailleurs, la terminologie utilisée ne pouvait manquer d'attirer son attention puisqu'il n'est question que de "gagnant potentiel" et que, selon les cas, sont donnés les avertissements suivants :

" bien que nous utilisions des termes attractifs, vous comprendrez que nous ne pouvons vous faire aucune promesse ferme tant que (...) nous n'avons pas vérifié si c'est bien vous qui avez été tiré au sort par l'Huissier de Justice",

" l'opération : prochain paiement: 10.000 Euros" ou "l'opération :

paiement unique: 10.000 Euros" ou encore "l'opération 9.750 Euros à vous remettre est une animation à caractère publicitaire présentant des termes attractifs destinée à promouvoir auprès des destinataires les produits TVD SANTE ; elle ne présente aucune offre ferme" ;

Ces dernières mentions, même noyées dans le fatras d'un bloc compact peu lisible, de même que celles faisant état d'un aléa, ne pouvait échapper à son attention, et ce d'autant moins qu'elle a pû, après une première lecture rapide, se croire effectivement gagnante; une personne normalement avisée doit en effet lire attentivement l'intégralité des mentions figurant dans la correspondance qui lui est adressée pour asseoir sa certitude ;

Sur le fondement juridique unique du quasi-contrat retenu par Aline X... épouse Y..., il apparaît que :

1 ) la société organisatrice ne s'est pas obligée par un fait purement volontaire à délivrer un lot en argent dont le caractère hypothétique était suffisamment mis en évidence,

2 ) sa bonne foi est sujette à caution dès lors que, d'une part il existait des réserves et des anomalies sur les documents dont elle était destinataire propres à éveiller sa suspicion, laquelle pouvait être levée par une lecture attentive des avertissements précités, d'autre part elle ne pouvait raisonnablement penser être durant six mois la gagnante, tous les mois, voire tous les quinze jours, de sommes de l'ordre de 10.000 Euros, de troisième part elle ne pouvait

s'imaginer bénéficiaire définitive des lots en cause, notamment s'agissant des jeux postérieurs au 29/02/04, alors que ses participations antérieures n'avaient été suivies de la remise d'aucun prix ;

D'où il suit que le Jugement contesté doit être réformé ;

L'équité ne commande pas de faire application au profit de l'appelante des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Les méthodes commerciales suivies par l'appelante sont désagréables, fallacieuses et exagérément racoleuses ; il est patent que la rédaction confuse de ses documents, qui pourraient tout en présentant un aspect attractif exposer clairement les règles de ses jeux, sont à l'origine du présent litige comme de très nombreux autres ainsi qu'il résulte des décisions produites à son dossier par la S.A. DUCHESNE elle-même ;

Dans ces conditions et conformément à l'exception prévue à l'art. 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, les entiers dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge exclusive de la société appelante ;PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Dit n'y avoir lieu à annulation du Jugement entrepris,

Réforme la décision déférée,

Dit n'y a voir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la S.A. DUCHESNE aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Autorise les Avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre et Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 388
Date de la décision : 24/04/2006
Type d'affaire : Civile

Analyses

QUASI-CONTRAT - Quasi-contrat de jeu

Une société spécialisée dans la vente par correspondance, organisant des jeux promotionnels ne s'est pas obligée par un fait purement volontaire à délivrer un lot en argent, le caractère hypothétique du succès du client étant suffisamment mis en évidence de sorte que celui-ci ne pouvait ignorer participer à un jeu aux résultats aléatoires, sa bonne foi étant sujette à caution dès lors que, d'une part il existait des réserves et des anomalies sur les documents dont il était destinataire, propres à éveiller sa suspicion, laquelle pouvait être levée par une lecture attentive des avertissements insérés dans les documents, que d'autre part il ne pouvait raisonnablement penser être durant six mois le gagnant, tous les mois, voire tous les quinze jours, de sommes de l'ordre de 10.000 euros, qu'enfin il ne pouvait s'imaginer bénéficiaire définitive des lots en cause, alors que ses participations antérieures n'avaient été suivies de la remise d'aucun prix


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. Brignol, Président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2006-04-24;388 ?
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