DU 24 Avril 2006-------------------------
C.L/S.B
Michel PEYRUCHATJacqueline PEYRUCHATC/UDAF DE LOT ET GARONNE Bernard X...
Aide juridictionnelleRG N : 05/00454 - A R R E T No ------------------------------Prononcé à l'audience publique du vingt quatre Avril deux mille six, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre,LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,ENTRE :Monsieur Michel Y... né le 07 Mars 1947 à ALGER (ALGERIE) Madame Jacqueline Y... née le 24 Juillet 1946 à MEAUZAC (82290)Demeurant ensemble ... 47550 BOE représentés par la SCP VIMONT J ET E., avoués assistés de Me Pascale LUGUET, avocat
APPELANTS d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 25 Janvier 2005D'une part,ET :UDAF DE LOT ET GARONNE ès qualités de curateur de Monsieur Bernard X... Dont le siège social est 7 rue Roger Johan B.P. 219 47006 AGEN CEDEX 7(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005/001788 du 06/05/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)représentée par la SCP TESTON - LLAMAS, avoués assistée de la SCP MARTIAL FALGA PASSICOUSSET BELLANDI, avocats
Monsieur Bernard X... né le 05 Août 1957 à AGEN (47000)Demeurant Lieudit ... 47390 LAYRAC représenté par la SCP TESTON - LLAMAS, avoués assisté de la SCP MARTIAL FALGA PASSICOUSSET BELLANDI, avocats
INTIMES D'autre part,a rendu l'arrêt contradictoire suivant après qu la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 13 Mars
2006, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, François CERTNER, Conseiller et Catherine LATRABE, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable), assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Suivant acte en date du 25 juillet 2002 au rapport de Maître Z..., notaire à AGEN, Bernard X... assisté de son curateur l'Union Départementale des Associations Familiales (UDAF) du LOT et GARONNE a vendu sous condition suspensive d'obtention d'un prêt par les acquéreurs, une maison d'habitation sise à MIMIZAN (LANDES) ..., cadastrée section AE numéro 183, à Michel Y... et à son épouse née Jacqueline A..., au prix de 86 896 Euros.
Par lettres des 5 août et 16 septembre 2002, Bernard X... a fait part au notaire et à son curateur de sa décision de ne plus vendre la maison et ce, pour des raisons personnelles.
Malgré mises en demeure des 2 octobre et 23 décembre 2002, Bernard X... a refusé de venir signer l'acte authentique.
Par actes d'huissier des 5 et 6 février 2004, les époux Y... ont, dans ces conditions, fait assigner Bernard X... et l'UDAF, ès qualités, devant le Tribunal de Grande Instance d'AGEN aux fins notamment de voir déclarer la vente parfaite et d'être autorisés à poursuivre la réalisation de la vente par acte authentique ainsi que la transcription de ladite vente.
Suivant jugement en date du 25 janvier 2005, cette juridiction a débouté les époux Y... de toutes leurs demandes et les a condamnés à payer à Bernard X... et à son curateur l'UDAF la somme de 600 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, aux motifs essentiels que l'acte litigieux était
annulable sur le moyen de l'insanité d'esprit de l'article 489 du Code Civil. Les époux Y... ont relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
Ils soutiennent, pour l'essentiel, qu'en se déterminant ainsi et en se fondant sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter des observations complémentaires, le premier juge a violé le principe du contradictoire de sorte que la décision déférée doit être annulée.
Sur le fond du litige, ils font valoir que la vente est parfaite aux termes du compromis de vente dont il s'agit, l'ensemble des conditions suspensives ayant été réalisées et que la réitération de l'acte en la forme authentique ne constitue qu'une modalité d'exécution de la vente.
Ils soulignent, par ailleurs, que le certificat médical retenu par le premier juge pour justifier de l'annulation de la vente qui a été établi postérieurement à l'acte litigieux et à la demande de l'intéressé ne permet nullement de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit du vendeur au moment de l'acte.
Ils demandent, par conséquent, à la Cour :
- vu les articles 4, 5 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, de prononcer la nullité du jugement entrepris,
- vu l'article 562 du Nouveau code de Procédure Civile, vu l'effet dévolutif, statuant au fond, vu les articles 489 et 1589 du Code civil, de débouter l'UDAF es qualité de curateur de Bernard X... et ce dernier de toutes leurs demandes, de réformer purement et simplement le jugement déféré et statuant à nouveau, de constater que
la vente intervenue le 25 juillet 2002 entre eux mêmes et Bernard X... d'une maison d'habitation sur la commune de MIMIZAN (Landes) ..., composée de deux chambres, séjour, cuisine, salle d'eau, garage contigu, bungalow, figurant au cadastre de la manière suivante : section AE numéro 183, ... pour une contenance de 0 ha 05 a 55 ca, au prix de 86 896 Euros est parfaite, d'ordonner en conséquence la publication de l'arrêt à intervenir à la Conservation des Hypothèques, de dire que Bernard X... devra reprendre ses effets personnels pouvant se trouver dans ledit immeuble,
- à titre subsidiaire, vu l'article 489 du Code Civil, d'ordonner une expertise judiciaire à l'effet de déterminer si Bernard X... avait réellement la capacité de conclure la vente au jour du compromis, soit le 25 juillet 2002,
- en tout état de cause, de condamner Bernard X... au paiement d'une indemnité de 2 000 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'UDAF de LOT et GARONNE ès qualités de curateur de Bernard X... et Bernard X... demandent, pour leur part, à la Cour de débouter les époux Y... de l'intégralité de leurs demandes, de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et y ajoutant de condamner in solidum les époux Y... au paiement de la somme de 800 Euros sur le fondement de l'article 700 précité.
Ils soutiennent principalement que dans la mesure où ils avaient indiqué dans leurs écritures de première instance "le déficit mental dont souffre Bernard X... et l'impossibilité pour ce dernier d'appréhender la réalité" et où ils avaient sollicité que les époux Y...
soient déboutés de leur demande, le premier juge n'a pas modifié l'objet du litige et porté atteinte au principe du contradictoire.
Ils font valoir qu'en toute hypothèse, compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel, la Cour se trouve saisie de l'entier litige.
Sur le fond, ils prétendent qu'il est clairement établi que Bernard X... qui a été placé sous curatelle en 1987 souffrait de troubles mentaux au moment de l'acte litigieux, ce qui justifie que soit prononcée la nullité de celui-ci.
Subsidiairement, ils considèrent que le compromis constitue un avant contrat autonome et ne vaut pas vente de sorte que Bernard X... en notifiant dès le 5 août 2002 sa volonté de ne pas vendre n'a fait qu'user de la faculté dont disposait chaque partie si bien que les appelants ne peuvent poursuivre la réalisation de la vente.
SUR QUOI
Attendu qu'il est constant que le premier juge, saisi sur le fondement des dispositions des articles 1589 et 1610 du Code Civil, ne pouvait relever d'office le moyen de droit tiré de la nullité de l'acte litigieux pour insanité d'esprit sans avoir, au préalable, provoqué les explications des parties.
Que l'atteinte ainsi portée au principe de la contradiction justifie que soit prononcée l'annulation de la décision déférée.
Qu'il appartient, par ailleurs, à la Cour de statuer sur l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel.
Attendu que s'agissant de la validité de l'acte litigieux dont il est désormais débattu par les parties, il suffit de rappeler qu'aux termes des dispositions de l'article 489 du Code Civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit.
Que le trouble mental dont la preuve doit être rapportée par ceux qui
agissent en nullité doit exister au moment précis où l'acte attaqué a été fait.
Qu'il résulte des deux certificats médicaux produits aux débats par les intimés, respectivement en date du 18 octobre 2002 et du 26 septembre 1995, que Bernard X... est affecté d'une arriération mentale et que de plus lors de la consultation du 18 octobre 2002, il présentait "un état anxio dépressif depuis de nombreux mois lié aux soucis que lui donne l'aggravation de l'état de santé de son père", le Docteur Antoinette B... C..., médecin généraliste concluant aux termes de cette consultation que "il n'était donc pas au moment où il a décidé de vendre sa maison apte à cette prise de décision" et le Docteur Jean Jacques D..., médecin généraliste, précisant dans son certificat en date du 26 septembre 1995 que l'intéressé "bénéficie depuis au moins l'année 1992 d'une prise en charge en affection de longue durée pour déficience mentale, qu'il est sous curatelle et qu'il ne doit donc pas être considéré comme une personne autonome avec les conséquences qui en découlent."
Attendu qu'en l'état de ces seules pièces dépourvues au surplus de tout caractère contradictoire, la Cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour apprécier l'existence d'un trouble mental au sens des dispositions de l'article 489 précité.
Qu'il convient, dès lors, avant dire droit, d'ordonner une mesure d'instruction.
Que les dépens doivent être réservés et qu'il convient de surseoir à statuer jusqu'en fin de cause sur toutes les demandes au fond des parties ainsi que sur l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en audience publique contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel jugé régulier en la forme,
Vu les dispositions des articles 4, 5 et 16 du Nouveau Code de Procédure civile,
Annule le jugement déféré,
Vu les dispositions de l'article 562 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'effet dévolutif de l'appel,
Avant de statuer plus amplement au fond,
Ordonne une expertise médicale de Bernard X... et désigne pour y procéder Monsieur le Docteur E..., expert près la Cour d'Appel, demeurant ... 47916 AGEN Cedex 9 :
Lequel aura pour mission de :
- se faire communiquer par Bernard X..., son curateur, l'UDAF de LOT et GARONNE ou tout tiers détenteur tous documents médicaux concernant l'intéressé spécialement ceux contemporains de l'acte litigieux en date du 25 juillet 2002,
- convoquer Bernard X... et son curateur l'UDAF de LOT et GARONNE ainsi que les parties en cause et procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé de l'intéressé,
- entendre les parties en leurs dires et explications,
- décrire l'affection ou les affections mentales dont souffre Bernard X... et rechercher si au moment précis où l'acte attaqué a été fait, soit le 25 juillet 2002, l'intéressé était ou non atteint d'insanité d'esprit,
- d'une manière générale, fournir à la juridiction tous éléments de nature à lui permettre d'apprécier l'existence, à ce moment précis, d'un tel trouble mental,
Dit que cette expertise sera réalisée conformément aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dit qu'à cet effet l'expert commis, saisi par le Greffe, devra accomplir sa mission contradictoirement en présence des parties ou celles ci dûment convoquées, les entendre en leurs observations et déposer rapport de ses opérations avec son avis dans un délai de trois mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission par le greffe, sauf prorogation des opérations dûment autorisées par le magistrat chargé du contrôle sur demande de l'expert.
Dit que l'expert déposera son rapport au greffe de la Cour dans le délai sus indiqué en double exemplaire et en adressera copie aux avoués des parties en mentionnant cette remise sur l'original du rapport.
Plus spécialement rappelle à l'expert ;
- qu'il devra annexer à son rapport ceux des documents ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension, et qu'il restituera les autres, contre récépissé, aux personnes les ayant fournis,
- qu'il devra remplir personnellement sa mission et qu'au cours d'une ultime réunion d'expertise, il devra informer les parties du résultat
de ses opérations et de l'avis qu'il entend exprimer en les invitant à leur présenter leurs observations écrites dans un délai de trente jours,
- qu'il consignera ces observations à la suite du rapport initial en apportant à chacune d'entre elles la réponse appropriée en la motivant,
Dit que les frais d'expertise seront avancés par le Trésor Public, Bernard X... et son curateur étant bénéficiaires de l'aide juridictionnelle,
Dit que cette mesure d'expertise sera effectuée sous le contrôle du Conseiller de la Mise en Etat à qui, il en sera référé en cas de difficultés et que, conformément aux dispositions de l'article 153 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire sera rappelée à l'audience du mardi 19 septembre 2006 à 14h00, pour un nouvel examen, Réserve les dépens jusqu'après expertise et sursoit à statuer sur les demandes au fond des parties ainsi que sur l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile jusqu'en fin de cause.
Le présent arrêt a été signé par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre et Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier
Le Président