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01/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949051

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre civile 1, 01 février 2006, JURITEXT000006949051


DU 01 Février 2006 -------------------------

RS/MV Marie-Josée X... C/ Pierre Y...

RG N : 05/00176 - A R R E T No - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique et solennelle du premier Février deux mille six, par René SALOMON, Premier Président, assisté de Dominique SALEY, Greffier LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Marie-Josée X... née le 10 Janvier 1956 à LAVELANETG (09) demeurant 09300 NALZEN représentée par la SCP HENRI TANDONNET, avoués assistée de Me GUEROT, Avocat DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION ordonné

par l'arrêt rendu le 23 novembre 2004 cassant et annulant un arrêt de la Co...

DU 01 Février 2006 -------------------------

RS/MV Marie-Josée X... C/ Pierre Y...

RG N : 05/00176 - A R R E T No - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique et solennelle du premier Février deux mille six, par René SALOMON, Premier Président, assisté de Dominique SALEY, Greffier LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Marie-Josée X... née le 10 Janvier 1956 à LAVELANETG (09) demeurant 09300 NALZEN représentée par la SCP HENRI TANDONNET, avoués assistée de Me GUEROT, Avocat DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION ordonné par l'arrêt rendu le 23 novembre 2004 cassant et annulant un arrêt de la Cour d'Appel de Toulouse en date du 30 octobre 2002, sur l'appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Foix en date du 23 octobre 2001 D'une part, ET : Maître Pierre Y... ... par la SCP VIMONT J. ET E., avoués assisté de Me Gérard Luc LARRAT, avocat

DEFENDEUR D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique et solennelle tenue en robes rouges, le 04 Janvier 2006, devant René SALOMON, Premier Président, Nicole ROGER, Bernard BOUTIE, Jean-Louis BRIGNOL, Présidents de Chambre, Christian COMBES Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

FAITS , PROCEDURE, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Attendu qu'il résulte de la procédure et des débats que par acte en date du 10 Juillet 1997 passé en l'étude de Me Y..., notaire à PAMIERS ( Ariège), Marie-Josée X... a loué un local commercial à Raoul Z... en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce de pub, café

et discothèque, pour une période de 18 Mois ;

Que par le même acte établi le même jour par le même notaire, Marie-Josée X... a consenti à Raoul Z... la location d'une licence de IV ème catégorie ;

Que Raoul Z... a été déclaré en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Foix par jugement en date du 4 janvier 1999 ; Que Me BRENAC, désigné en qualité de mandataire liquidateur a engagé une action pour faire requalifier le contrat de bail en contrat de location gérance et faire déclarer Marie-Josée X... responsable solidairement des dettes de Raoul Z... ;

Que Marie-Josée X... a appelé en garantie le notaire ;

Que par jugement en date du de 3 octobre 2001 le tribunal de grande instance de FOIX a requalifié les deux conventions du 10 Juillet 1997 en contrat de location gérance et a condamné Marie-Josée X... à payer à Me BRENAC es qualités la somme de 260.888,29 FF augmentée des intérêts au taux légal depuis l'assignation, l'a déboutée de son appel en garantie contre le notaire et l'a condamnée à payer au mandataire liquidateur ès qualités la somme de 6.000 FF sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Que par arrêt en date du 30 octobre 2002 la cour d'appel de Toulouse a confirmé le jugement déféré sauf en ce qui concerne l'appel en garantie ;

Qu'elle a dit en effet que Me Y... avait commis une faute professionnelle en ne soumettant pas les actes reçus par lui le 10 Juillet 1997 aux règles applicables à la location gérance, a dit que cette faute était la cause de la condamnation de Mme X... et l'a en conséquence condamnée à relever celle-ci de l'ensemble des condamnations mises à sa charge ;

Attendu que par arrêt en date du 23 novembre 2003 la cour de

cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse mais seulement en ce qu'il avait condamné Me Y... à garantir Marie-Josée X... au motif qu'il n'avait pas été répondu aux conclusions du notaire qui soutenait que les contractants avaient frauduleusement écarté la qualification de location gérance afin d'échapper à l'impôt, cette faute dolosive étant de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité ;

Attendu que Pierre Y... demande la confirmation pure et simple du jugement du tribunal de grande instance de Foix ;

Qu'il explique avoir en effet parfaitement accompli la mission qui était la sienne avant de recueillir la signature des parties ;

Que c'est en l'état des renseignements obtenus notamment auprès du tribunal de commerce qui faisaient ressortir que ce fonds avait cessé toute activité depuis le 31 mars 1996, le fonds ayant complètement disparu et Mme X... s'étant fait radier du registre du commerce le 12 septembre 1996, qu'il avait établi d'une part le bail des locaux et du matériel et d'autre part la location de la licence IV, avec, s'agissant de l'immeuble, du matériel et de la licence, une promesse de vente ;

Que le tribunal de Foix a considéré que ce montage juridique permettait d'éviter la taxation d'une cession de clientèle et a considéré qu'il s'agissait d'une fraude délibérée commise par les deux contractants, qui, seuls, connaissaient parfaitement le fonctionnement des établissements de nuit et plus particulièrement des discothèques notamment en ce qui concerne la clientèle et sa nature ce qui n'est pas le cas du notaire lequel a pris en compte les renseignements qui lui ont été fournis par les documents et sur lesquels il devait se fonder pour rédiger ces actes ;

Que manifestement Marie-Josée X... et Raoul Z... se sont rendus

coupables d'une faute dolosive qui exonère le notaire de sa propre responsabilité alors qu'en tout état de cause, à supposer qu'une négligence ait pu lui être imputable, il n'existe aucun lien de causalité entre cette faute et les pertes d'exploitation, aucune condamnation ne pouvant être prononcée contre lui dans l'hypothèse où le contrat serait requalifié ;

Qu'il sollicite la condamnation de Marie-Josée X... au paiement de la somme de 1.524,49 EUR en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu qu'en réponse Marie-Josée X... fait valoir que l'obligation de conseil et des renseignements du notaire est une obligation impérative puisque l'officier ministériel a pour mission de renseigner ses clients sur les conséquences des engagements qu'ils contractent ;

Qu'il lui incombe en particulier de donner tous conseils aux parties quant au cadre juridique de l'opération projetée, de les éclairer sur les avantages et les inconvénients des diverses possibilités envisageables, de leur proposer la solution la mieux adaptée à la situation ;

Que Marie-Josée X... affirme qu'elle n'avait aucune connaissance juridique ou fiscale ;

Que le notaire connaissait parfaitement la situation géographique des locaux dans lesquels avait été exploité pendant plusieurs années un fonds de commerce de discothèque, lui-même ayant admis devant la cour de Toulouse que la clientèle de ce type de fonds de commerce implanté dans une commune rurale de montagne pouvait être considérée comme captive et qu'elle pouvait survivre à une cessation d'activité pendant près de deux ans ;

Qu'il lui appartenait en conséquence de qualifier la convention à intervenir de contrat de location gérance et non pas de proposer la

signature de deux baux, l'un pour les murs et l'autre pour la licence IV dont il savait qu'ils seraient sources de contestation et suspectés de fraude à la loi fiscale ;

Que même si la dualité des baux avait été conçue par elle-même il aurait alors incombé au notaire de refuser d'authentifier les deux actes ou à tout le moins de remplir son obligation de conseil et d'information et de signaler les risques en découlant ;

Qu'il lui appartenait notamment de refuser de donner l'authenticité à une convention dont il connaissait l'illicéité ;

Qu'à supposer même qu'elle ait été informée du caractère frauduleux de cette opération et de ses risques financiers le notaire ne pourrait pas pour autant être exonéré de sa responsabilité ;

Qu'il existe manifestement un lien de causalité entre l'erreur du notaire et le préjudice subi jusqu'à l'absence de publicité du contrat de location gérance d'un fonds de commerce, le bailleur du fonds est tenu solidairement des dettes du locataire gérant ;

Qu'elle sollicite en conséquence la condamnation de M. Y... à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre et de le condamner en outre au paiement de la somme de 6.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que la procédure a été clôturée par ordonnance en date du 13 décembre 2005 ; MOTIFS

Attendu que la seule question qui se pose ici est celle de la responsabilité du notaire qui aurait manqué à son devoir de conseil en n'appelant pas l'attention de Mme X... sur les risques de requalification des conventions litigieuses, le préjudice qu'elle aurait subi en l'état de la condamnation dont elle a fait l'objet étant directement imputable à la seule faute du notaire ;

Attendu que le notaire, rédacteur d'un acte, est tenu d'un devoir de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte ;

Que la mesure et la portée du devoir de conseil doivent être appréciées selon les circonstances et selon, notamment, que le notaire a participé directement aux tractations relatives aux stipulations de la convention, ou n'est intervenu que pour donner une forme authentique à des accords déjà conclus.

Qu'au cas d'espèce il est établi que Me Y..., comme il l'admet lui-même, a fait toute une série de démarches avant d'établir les actes litigieux, à savoir d'une part le bail des locaux et du matériel et d'autre part la location de la licence IV ;

Qu'il devait dès lors, avant de dresser ces actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer leur utilité et leur efficacité ;

Qu'il devait en particulier éclairer les parties et attirer leur attention sur les conséquences et les risques des actes qu'il authentifiait ;

Qu'au cas particulier ce notaire, à qui incombe la charge de la preuve du conseil qu'il a donné à ses clients, ne pouvait ignorer que la signature concomitante d'un bail commercial et d'un contrat de location de licence IV présentait un caractère anormal et à fortiori frauduleux au regard de la loi fiscale alors qu' il connaissait parfaitement la situation géographique des locaux dans lesquels avait été exploité pendant plusieurs années un fonds de commerce de discothèque, lui-même ayant admis devant la Cour d'Appel de Toulouse, et alors même que cette discothèque avait cessé toute activité pendant deux années, que dans ce secteur géographique la clientèle des cafés, discothèques, pouvait être "considérée comme captive, c'est-à-dire comme ayant vocation à fréquenter ces établissements "; Qu'il est admis en jurisprudence que le notaire doit s'abstenir de

prêter son ministère pour conférer le caractère authentique à une convention dont il sait qu'elle méconnaît les droits d'un tiers ou à fortiori lorsqu'elle a été établie en contravention à une loi fiscale ;

Que cette faute a causé à Mme X... un préjudice incontestable au regard des condamnations dont elle a fait l'objet en sa qualité de bailleur de fonds tenue solidairememnt des dettes du locataire gérant ;

Que la faute commise par ailleurs par le client, faute au cas d'espèce parfaitement avérée et d'ailleurs consacrée définitivement par l'arrêt de la Cour d'Appel de Toulouse et qui constitue une cause du dommage qu'il a subi peut, le cas échéant, être retenue pour fonder un partage de responsabilité ;

Que la Cour trouve en la cause des éléments suffisants d'appréciation pour considérer que ME Y... sera tenu de garantir Marie José X... pour moitié

Que la Cour trouve en la cause des éléments suffisants d'appréciation pour considérer que ME Y... sera tenu de garantir Marie José X... pour moitié des condamnations prononcées à son encontre au profit de Me BRENAC, es qualités ;

Qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en audience solennelle, après renvoi de cassation et en dernier ressort, Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 23 novembre 2004,

Infirme le jugement en date du 23 octobre 2001 du tribunal de grande instance de FOIX mais seulement en ce qu'il a débouté Marie-Josée X... de son appel en garantie contre Me Y...,

Dit que Me Y... a commis une faute professionnelle en ne

s'abstenant pas de prêter son ministère pour l'établissement des actes litigieux du 10 juillet 1997, faute de nature à engager sa responsabilité pour moitié,

Condamne en conséquence Me Y... à relever et garantir Marie-Josée X... pour moitié des condamnations mises définitivement à sa charge par la cour d'appel de Toulouse dans son arrêt confirmatif en date du 30 Octobre 2002,

Rejette les demandes sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Dit chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens dont distraction au profit de la SCP VIMONT et de la SCP H. TANDONNET avoués, aux offres de droit. Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé de l'arrêt.

Le Greffier,

Le Premier Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949051
Date de la décision : 01/02/2006
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Etendue - Obligation d'information sur les risques de l'acte.

Il s'agit d'un renvoi de cassartion de la CA de Toulouse. Le jugement concerné est celui du TGI de Foix et non d'Agen. Le notaire, rédacteur d'un acte est tenu d'un devoir de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte. La mesure et la portée du devoir de conseil doivent être appréciées selon les circonstances et selon, notamment, que le notaire a participé directement aux tractations relatives aux stipulations de la convention, où n'est intervenu que pour donner une forme authentique à des accords déjà conclus. Au cas d'espèce il est établi que le notaire, comme il l'admet lui-même, a fait toute une série de démarches avant d'établir les actes litigieux, à savoir le bail des locaux et du matériel ainsi que la location de la licence IV. Il devait dès lors, avant de dresser ces actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer leur utilité et leur efficacité et en particulier il devait éclairer les parties et attirer leur attention sur les conséquences et les risques des actes qu'il authentifiait. Au cas particulier, ce notaire, à qui incombe la charge de la preuve du conseil qu'il a donné à ses clients, ne pouvait ignorer que la signature concomitante d'un bail commercial et d'un contrat de location de licence IV présentait un caractère anormal et a fortiori frauduleux au regard de la loi fiscale alors qu'il connaissait parfaitement la situation géographique des locaux dans lesquels avait été exploité pendant plusieurs années un fonds de commerce de discothèque, lui-même ayant admis et alors même que cette discothèque avait cessé toute activité pendant deux années que dans ce secteur géographique la clientèle des cafés, discothèques, pouvait être considérée comme captive, c'est-à-dire comme ayant vocation à fréquenter ces établissements . Il est admis en jurisprudence que le notaire doit s'abstenir de prêter son ministère pour conférer le caractère authentique à une convention dont il sait qu'elle méconnait

les droits des tiers ou a fortiori lorsqu'elle a été établie en contravention à une loi fiscale. La faute commise par le client, faute au cas d'espèce parfaitement avérée et d'ailleurs consacrée définitivement, qui constitue une cause du dommage qu'il a subi, peut, le cas échéant, être retenu pour fonder un partage de responsabilité.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2006-02-01;juritext000006949051 ?
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