ARRÊT DU 17 JANVIER 2006 FM/SBA ----------------------- 04/01105 ----------------------- Yves HERAULT Stéphanie AMANO Nicolas KANITZER C/ S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC ----------------------- ARRÊT no 35 COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Prononcé à l'audience publique du dix sept janvier deux mille six par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée de Solange BELUS, Greffière, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Yves HERAULT né le 11 juin 1981 2370 MANCIET Stéphanie AMANO née le 3 décembre 1979 23 avenue de la Libération 47700 CASTELJALOUX Nicolas KANITZER né le 3 mai 1980 8 impasse de Nibon 47700 CASTELJALOUX Rep/assistant : M. Christian X... (Délégué syndical ouvrier) APPELANTS d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de MARMANDE en date du 24 mai 2004 d'une part, ET : S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC Route de Mont-de-Marsan 47700 CASTELJALOUX Rep/assistant : la SCPA DUPOUY (avocats au barreau de MARMANDE) INTIMEE
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 29 novembre 2005 devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Catherine LATRABE et Françoise MARTRES, Conseillères, assistées de Solange BELUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE
Le 3 octobre 2003, 7 salariés saisonniers pour l'été 2003 de Benoît MARY, gérant de la S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC exploitant un restaurant et un bar de plein air à Casteljaloux, ont saisi le conseil de prud'hommes de Marmande de demandes tendant à obtenir le paiement d'heures supplémentaires, d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires et des jours de repos, ainsi que la remise de bulletins de paie et de l'attestation ASSEDIC rectifiés.
Par jugement en date du 24 mai 2004, le conseil de prud'hommes a satisfait partiellement aux demandes de Stéphanie AMANO, Yves HERAULT et Nicolas KANITZER en condamnant l'employeur au paiement des sommes suivantes :
- 531 ç au titre des heures supplémentaires, 53,10 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires et 463,32 ç au titre des jours de repos à Stéphanie AMANO ;
- 2.707,19 ç au titre des heures supplémentaires, 270,72 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires et 77,22 ç au titre des jours de repos à Nicolas KANITZER ;
- 909,25 ç au titre des heures supplémentaires, 90,93 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires
et 308,88 ç au titre des jours de repos à Yves HERAULT ;
Le conseil de prud'hommes a en outre condamné l'employeur à payer à chacun des salariés la somme de 50 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à remettre aux salariés les bulletins de paie et l'attestation ASSEDIC conformes.
Stéphanie AMANO, Yves HERAULT et Nicolas KANITZER ont interjeté appel de cette décision dans des conditions de formes et de délais non contestées.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Stéphanie AMANO a été embauchée à temps complet pour la saison 2003 à compter du 1er juillet 2003, en qualité de serveuse de niveau 1 échelon 3 conformément à la convention collective des "hôtels cafés restaurant. Elle a travaillé du 1er juillet 2003 au 31 août 2003 moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.242,05 ç pour un horaire mensualisé de 177,67 heures. Elle indique que ses horaires de travail étaient de 10 h à 2 h, soit 16 heures par jour avec une pose de deux heures, avec un jour de repos hebdomadaire. Elle soutient que durant cette période, l'employeur ne lui a réglé aucune heure supplémentaire.
Elle critique la décision du 24 mai 2004 en ce que le conseil de prud'hommes, s'il a reconnu l'existence des heures supplémentaires effectuées et a accueilli favorablement les relevés fournis par les salariés, n'a retenu que 19 heures supplémentaires par semaine au lieu des 42 heures demandées, et a en outre déduit des sommes à payer le montant d'une prime qui lui a été versée.
Elle soutient qu'en la matière, et conformément aux dispositions de l'article L.212-1-1 du Code du travail, la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l'employeur, le juge devant former sa conviction au regard des justificatifs fournis par les deux parties. Or, l'employeur n'a produit aucun élément permettant de contester les
dires des salariés, et le paiement d'une prime ne saurait se substituer au paiement des heures supplémentaires.
Elle demande donc à la cour de réformer partiellement la décision susvisée et de condamner l'employeur à lui payer la somme de 3.105,23 ç (déduction faite de la somme de 531 ç versée par l'employeur) au titre des heures supplémentaires, 310,52 ç au titre de l'indemnité de congés payés sur les heures supplémentaires ainsi que 500 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. [*
Yves HERAULT indique avoir été embauché à temps complet pour la saison 2003 à partir du 12 juin en qualité de barman au niveau 1 échelon 3 conformément à la convention collective "hôtels cafés restaurant". Il a travaillé 6 jours par semaine à raison de 14 heures de travail effectif par jour moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.242,05 ç pour un horaire mensualisé de 177,37 heures. Il a travaillé du 12 juin au 31 août et n'a pu obtenir le paiement des heures supplémentaires.
Le conseil de prud'hommes n'a retenu que 210 heures supplémentaires sur les 336 heures demandées et a déduit à tort une prime versée de 1.090 ç. Il demande en conséquence à la cour de retenir le décompte des heures qu'il a établi, de considérer que la prime ne peut se substituer au paiement d'heures supplémentaires, et de condamner l'employeur à lui payer la somme de 4.257,33 ç, déduction faite des sommes déjà versées, 425,73 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires et 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. *]
Nicolas KANITZER a été embauché à temps partiel de 21 heures par semaine pour la saison 2003 à partir du 20 avril 2003 en qualité de cuisinier de niveau 2 échelon 1 conformément à la convention collective des "hôtels cafés restaurants". Le 21 mai 2003, un avenant
a porté son horaire hebdomadaire à 41 heures. Il n'a jamais été réglé des nombreuses heures supplémentaires travaillées.
Dans sa décision du 24 mai 2002, le conseil de prud'hommes a déduit des sommes à payer une prime de 460 ç versée par l'employeur.
Il demande donc à la cour de réformer partiellement la décision susvisée, de dire qu'une prime ne peut se substituer au paiement des heures supplémentaires et de condamner en conséquence l'employeur à lui payer la somme de 460 ç au titre des heures supplémentaires, 46 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires, ainsi que 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. * * *
La S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC expose qu'elle exploite un restaurant et un bar de plein air à Casteljaloux. Son activité est exercée dans une zone fortement touristique et en pleine saison. Il lui est donc extrêmement difficile de prévoir et de planifier les horaires des salariés. Elle soutient que ces horaires sont variables en fonction des jours, et que, les jours moins fréquentés sont moins travaillés et permettent à l'équipe de récupérer des heures de repos qui permettent d'aboutir au respect des horaires contractuels.
L'activité des deux établissements ne lui laissant aucun répit, il est particulièrement difficile au gérant de dégager le temps nécessaire à la comptabilisation des horaires journaliers de ses salariés. Les bulletins de salaires adressés chaque mois à ces trois salariés mentionnent le nombre des heures supplémentaires effectuées et réglées. Aucun des salariés n'a contesté ces chiffres.
Elle soutient que les demandes formulées par les requérants procèdent d'affirmations gratuites et sans fondement. Aucun des salariés n'apporte le moindre commencement de preuve de ce qu'il a effectué des heures supplémentaires qui n'auraient pas été réglées. Conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation, si la charge
de la preuve n'incombe pas particulièrement à une des parties, il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Un simple tableau effectué en vue de l'audience ne saurait suppléer à la carence des appelants.
La S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC verse aux débats 16 attestations établies par des anciens salariés qui démontrent qu'ils ont tous été réglés de leurs salaires et de toutes les heures supplémentaires qui leur étaient dues.
Elle demande en conséquence à la Cour :
- de dire que l'appel principal de Stéphanie AMANO, Yves HERAULT et Nicolas KANITZER est non fondé ;
- de les débouter de l'ensemble de leurs demandes ;
- de déclarer recevable son appel incident ;
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer des heures supplémentaires, des indemnités compensatrices de congés payés et des jours de repos ;
- de les condamner solidairement à lui payer la somme de 500 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que les appels interjetés dans les formes et délais prévus par la loi doivent être déclarés recevables ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.212-1-1 du Code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toues les mesures d'instruction qu'il estime utile" ;
Attendu d'autre part que comme le soulignent les premiers juges,
l'article 21 de la Convention Collective Nationale des Hôtels Cafés Restaurants indique que les chefs d'entreprise enregistrent sur un registre ou tout autre document l'horaire nominatif ou individuel de chaque salarié ainsi que les périodes de travail effectuées pour chacun des jours où il n'est pas fait une stricte application de celui-ci ; ce document est émargé par le salarié au moins une fois par semaine et tenu à la disposition de l'inspecteur du travail" ;
Attendu que la S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC ne conteste pas l'étendue de ses obligations en la matière ; qu'elle ne conteste pas non plus l'existence d'heures supplémentaires travaillées par ses salariés, mais soutient qu'il ne lui a pas été possible d'en effectuer un décompte précis ; qu'elle prétend par ailleurs que chacun de ses salariés a été indemnisé des heures supplémentaires effectuées, soit par leur paiement, soit par le versement d'une prime, soit par récupération les jours où l'activité des établissements était moins importante ;
Qu'ainsi, tout en affirmant que ses activités ne lui ont pas permis d'en faire un décompte précis, elle soutient néanmoins que chaque salarié a été rempli de ses droits ;
Attendu en conséquence que l'employeur ne conteste pas sérieusement la réalité de l'existence d'heures supplémentaires effectuées par les salariés ;
Attendu qu'il ne produit aucun élément objectif permettant d'établir que la totalité des heures ont été réglées ou récupérées par les salariées ; qu'il s'est abstenu, comme il le reconnaît lui-même, de tenir les registres obligatoires en la matière, et qu'il n'a pas procédé à l'enregistrement d'une quelconque manière de ces heures ; qu'il ne produit pas non plus les documents ayant permis l'établissement des bulletins de paie des salariés ; que les attestations produites, émanant d'autres salariés de l'entreprise,
selon lesquels l'employeur aurait satisfait à ses obligations à leur égard n'ont aucune force probante à l'égard des requérants et ne sauraient suppléer la carence de la S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC ;
Attendu que les salariés produisent pour leur part des tableaux permettant de décompter les heures supplémentaires effectuées ; que ces documents, même s'ils ont été établis par les salariées, constituent un élément permettant d'étayer leur demande, élément qui a pu être pris en compte par les premiers juges ;
Attendu que les premiers juges n'ont fait droit que partiellement aux demandes présentées, en déduisant des sommes dues les primes versées par l'employeur et en prenant en compte l'article 21-2-c de la convention collective fixant une durée de présence maximale sur le lieu de travail en fonction des emplois tenus ;ersées par l'employeur et en prenant en compte l'article 21-2-c de la convention collective fixant une durée de présence maximale sur le lieu de travail en fonction des emplois tenus ;
Attendu qu'en ce qui concerne les primes, elles sont mentionnées sur les bulletins de paye sous l'intitulé "prime exceptionnelle (CP)" ; que l'employeur ne justifie pas qu'elles correspondent au paiement d'heures supplémentaires ;
Attendu en outre que les salariés doivent être payés de l'intégralité des heures supplémentaires effectuées quelque soit la durée maximale conventionnelle de travail ; qu'en réduisant le montant des sommes dues aux salariés, les premiers juges ont fait une inexacte appréciation du préjudice subi, alors que l'employeur ne conteste pas le calcul même des sommes réclamées, se contentant d'en contester le principe, et qu'il n'appartient pas à la Cour de suppléer à sa carence dans l'administration de la preuve ;
Attendu en conséquence qu'il convient de réformer la décision entreprise sur le montant des sommes allouées, et de faire droit aux
demandes des salariés soit :
- Stéphanie AMANO : 3.105,23 ç après déduction de la somme de 531 ç déjà allouée en première instance, au titre des heures supplémentaires, et 310,52 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires ;
- Nicolas KANITZER : 460 ç au titre des heures supplémentaires après déduction de la somme de 2.707,19 ç déjà versée, et 46 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires ;
- Yves HERAULT : 4.257,33 ç au titre des heures supplémentaires, déduction faite de la somme de 909,25 ç déjà versée par l'employeur, et 425,73 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires ;
Attendu que la S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC conteste la décision déférée en ce qu'elle a alloué aux salariés diverses sommes au titre des jours de repos ; que comme l'ont observé les premiers juges, elle n'établit à aucun moment que les salariés ont bénéficié des jours légaux de repos hebdomadaires, ou que ces jours ont été payés ; qu'il convient de confirmer la décision déférée ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais non compris dans les dépens ; qu'il convient de leur allouer la somme de 100 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable les appels jugés réguliers en la forme,
Confirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes aux salariés au titre des heures supplémentaires et des indemnités compensatrices de congés payés sur
heures supplémentaires ainsi que des jours de repos et de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
La réforme sur le montant des sommes allouées au titre des heures supplémentaires et de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires ;
Statuant de nouveau,
Condamne la S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC à payer :
- à Stéphanie AMANO la somme de 3.105,23 ç au titre des heures supplémentaires, et 310,52 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires ;
- à Nicolas KANITZER la somme de 460 ç au titre des heures supplémentaires et 46 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires ;
- à Yves HERAULT la somme de 4.257,33 ç au titre des heures supplémentaires, et 425,73 ç au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires ;
Condamne la S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC à payer à Stéphanie AMANO, Nicolas KANITZER et Yves HERAULT la somme de 100 ç chacun au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la S.A.R.L. RESTAURANT DU LAC aux entiers dépens ;
Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, et par Solange BELUS, Greffière présente lors du prononcé.
LA GREFFIÈRE :
LA PRÉSIDENTE :