ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2005 NR/SBA ----------------------- 04/01201 ----------------------- Association A.D.A.P.E.I. C/ Christophe BES ----------------------- ARRÊT no 416 COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Prononcé à l'audience publique du treize décembre deux mille cinq par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée de Solange BELUS, Greffière, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Association A.D.A.P.E.I. 9 avenue Jean-Jaurès BP 151 82001 MONTAUBAN CEDEX Rep/assistant : SCP PUJOL - GROS (avocat au barreau de MONTAUBAN) APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de CAHORS en date du 7 juillet 2004 d'une part, ET :
Christophe BES né le 25 novembre 1971 à MONTAUBAN (82000) Rue du Général Gras Résidence du Général Gras 82200 MOISSAC ayant pour avocat Me Lucien BEDOC (avocat au barreau de MONTAUBAN) qui a déposé son dossier INTIMÉ
d'autre part,
A rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 8 novembre 2005 devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Francis TCHERKEZ, Conseiller, Françoise MARTRES, Conseillère, assistés de Solange BELUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE
Christophe BES, né le 25 novembre 1971 a été embauché par l'ADAPEI du Tarn et Garonne en qualité d'aide médico-psychologique par contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 3 mai 1999, puis à temps complet.
Il percevait une rémunération mensuelle brute de 9.768,60 francs.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 17 octobre 2002, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une sanction fixé au 23 octobre 2002.
Cet entretien a été annulé par lettre du 23 octobre 2002 remise en main propre.
Une seconde convocation à entretien préalable cette fois à un licenciement, fixé au 8 novembre 2002, avec mise à pied conservatoire lui a été remise en mains propres le 4 novembre 2002.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 6 novembre 2002,
rédigée par son conseil, Christophe BES, a fait part à son employeur de son étonnement des reports successifs de l'entretien préalable au licenciement alors que l'employeur qualifiait de graves les faits qui lui étaient reprochés, lui a indiqué qu'aucun événement notable n'était intervenu ni avant, ni après le 17 octobre 2002, les reproches étant totalement inconnus de lui. Il s'étonnait également que parmi le personnel, il n'ait trouvé personne pour l'assister et lui demandait l'assistance d'un conseiller extérieur du salarié.
L'employeur n'a pas répondu à cette lettre.
Par courrier remis en mains propres contre décharge du 14 novembre 2002, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave selon les termes suivants :
" Monsieur,
Nous avons eu à déplorer de votre part des comportements et agissements constitutifs d'une faute grave. Les faits ont eu lieu le 26 septembre au lever, le 3 octobre au lever et le 10 du même mois.
Vous n'êtes pas sans connaître le règlement intérieur, et plus particulièrement les pages 4 et 5.
Vous n'êtes pas sans connaître la spécificité de l'association (protection des personnes), la vulnérabilité, et l'impossibilité d'expression des enfants qui sont confiées aux professionnels.
Nous avons été alertés des faits le 24 octobre 2002, veille de fermeture de l'établissement (vacances scolaires de la toussaint). Votre mise à pied conservatoire a pris effet au moment de la réouverture de l'établissement le lundi 4 novembre 2002, à l'heure de votre reprise de travail à 14 heures.
Ces témoignages nous ont alertés sur les faits suivants :
* Le jeudi 26 septembre 2002, entre 7 heures 30 et 8 heures : " J'ai vu Christophe BES en rentrant dans la chambre de Romain B (jeune autiste) pour demander où était la serpillière, se refaire la
braguette. Au même moment, Romain B sortait de la chambre en courant et criant. Christophe BES était de profil par rapport à la porte. Son geste était rapide et frénétique. Il semblait gêné de ma présence et avait le visage rouge.
[* Le même jour, d'autres témoignages nous alertent : " Il est 8 heures, j'arrive à l'internat. Je demande à Christophe BES où est Romain B. Il me répond : Je lui ai donné une claque et puni dans sa chambre car il a renversé son verre de lait au chocolat. Sont présents deux autres collègues.
*] Le 24 octobre, nous sommes saisis d'un autre témoignage relatant les faits du 3 octobre 2002 : " Il est 8 heures. J'arrive à l'internat. Tout le monde est prêt, il ne reste que Clément à faire déjeuner et Romain est sous la douche avec Christophe. Il crie. Romain arrive dans la cuisine comme un furieux et prend au passage un morceau de biscotte aux copains. Il a le pantalon dégrafé. Je le lui agrafe et le fais déjeuner. Ensuite, je l'amène dans sa chambre pour finir de l'habiller (mettre le T. shirt, le sweat et les chaussettes.) Tout se passe bien. On va finir la toilette."
Enfin, sur le même témoignage du 24 octobre, il nous est relaté les faits du 10 octobre 2002 : "J'arrive à 8 heures, je passe la porte et salue tout le monde. Christophe BES me dit avec un grand sourire :
"On t'a gardé Romain". Je m'occupe de Romain qui est réveillé depuis 6 heures 50 et qui attend dans son lit pour aller déjeuner. Tout se passe bien. Romain ne criera seulement que quant Christophe BES va s'asseoir avec les autres sur le canapé et il essaiera de jeter les lunettes de Clément. Mais je lui dis que non et qu'il peut aller plus loin si ça le dérange. Il va sur l'autre fauteuil et se calme. J'étais dans la même pièce en train de rédiger les cahiers de liaison".
Au-delà de leur caractère ambigu, ces comportements et agissements
constitutifs de maltraitance nuisent gravement aux enfants déficients qui nous sont confiés. Ils sont des fautes intolérables dans une association comme la nôtre. Enfin, ils sont clairement interdits au règlement intérieur de l'entreprise.
Cette conduite remet en cause la bonne marche de l'entreprise, et porte atteinte à la sécurité et l'intégrité des enfants, ceux-ci étant incapables de s'exprimer.
Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 8 novembre 2002 (auquel vous étiez assisté de Madame X...) ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Nous vous informons en conséquence de notre décision de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible pendant le préavis. Le licenciement prend donc effet à la date de réception de la présente lettre. Votre solde de tout compte sera arrêté à la même date, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
La période de mise à pied conservatoire du 8 au 15 novembre, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement ne sera pas rémunérée.
Vous pourrez vous présenter au siège social dès réception de cette lettre pour percevoir salaire et indemnités de congés payés, votre certificat de travail et l'attestation ASSEDIC.
Veuillez agréer Monsieur nos salutations."
Le salarié avait 3 ans d'ancienneté au moment de son licenciement.
Le 22 novembre 2002, l'ADAPEI a transmis à la DDASS les éléments relatifs à cette décision de licenciement.
Le salarié a saisi le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Montauban le 7 février 2003. L'affaire a été renvoyée
devant le conseil de prud'hommes de Cahors par application de l'article 47 du nouveau Code de procédure civile, le directeur général de l'association employeur étant membre de la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Montauban.
Par jugement du 7 juillet 2004, le conseil de prud'hommes de Cahors a :
- qualifié le licenciement de Christophe BES de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamné l'ADAPEI à payer au salarié :
[* 3.534,87 ç au titre de l'indemnité de préavis,
*] 1.373,25 ç au titre de l'indemnité de licenciement,
[* 14.175,48 ç à titre de dommages te intérêts pour licenciement abusif,
*] 800,00 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouté l'ADAPEI de sa demande relative à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et laissé les dépens à sa charge.
Le 22 juillet 2004, l'association ADAPEI a relevé appel de cette décision. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Au soutien de son appel, l'association ADAPEI fait valoir qu'il convient de situer et d'apprécier les faits reprochés à Christophe BES au regard des difficultés rencontrées au cours des deux années écoulées et des indices ou éléments déjà "suspects" qui avaient été relevés, de la spécificité de l'établissement et du rôle devant être tenu par les intervenants professionnels auprès des enfants. Elle ajoute qu'il convient également de se référer au fait que Christophe
BES devait avoir pleinement conscience de son rôle et de ses obligations en raison du public auquel il s'adressait et de sa fragilité.
Elle expose que le comportement du salarié, à plusieurs reprises, a nécessité des mises au point, contrairement aux affirmations de Christophe BES dès lors qu'il n'acceptait pas le travail en équipe et que certaines de ses démarches ont dû être recadrées tant à l'égard de ses collègues que des enfants.
Elle soutient qu'en juin 2000, l'association a eu à déplorer l'utilisation par le salarié d'une carte professionnelle de l'IME lui ayant permis un accès à Internet a des fins personnelles et ce au sein du centre départemental de documentation pédagogique ; elle ajoute que pour cette raison, les services CDDP lui ont interdit l'accès à Internet.
Elle expose que par lettre recommandée du 17 octobre 2002 le salarié était convoqué à un entretien préalable, non en vue de son licenciement mais en vue d'une sanction telle qu'un avertissement. Elle ajoute que Madame Y... soulignait le non respect par Christophe BES des handicapés qu'il encadrait.
Il explique que dans les jours qui ont suivi, les choses se sont précipitées et que des faits d'une gravité certaine ont été portées à la connaissance de l'association, que pour cette raison, l'entretien prévu le 23 octobre a été annulé par lettre datée du même jour et remise en mains propres. Elle ajoute que Christophe BES n'a trouvé aucun membre du personnel de l'établissement pour l'assister lors de l'entretien préalable du 8 novembre, ce à quoi, l'association est parfaitement étrangère. Elle précise que la lettre recommandée du salarié du 6 novembre 2005 adressée à l'employeur par le conseil de l'intimé démontre qu'il ne manquait pas de concours, et qu'en définitive, il a été assisté lors de l'entretien préalable.
Elle fait valoir que le salarié n'a plus été en contact avec les enfants à compter du 25 octobre 2002 jusqu'au 4 novembre 2002 en raison de la fermeture des portes pour cause de vacances, et que la lettre du 4 novembre 2002 lui a été remise.
Elle explique que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, rappelle que le salarié a été régulièrement en conflit avec tous ses collègues, les critiquant, déformant les propos tenus, ne respectant pas les projets collectifs faisant preuve d'un individualisme forcené, se livrant à un discours provocateur.
Elle soutient que l'attitude de Christophe BES à l'égard des enfants a souvent été sujette à caution, tel que le refus de s'occuper d'eux de façon normale, notamment pour certains soins comme la toilette, changes d'enfants souillés, manifestant parfois une attitude de rejet à l'égard de certains enfants ou utilisant même les enfants pour régler ses comptes envers ses collègues. Elle produit diverses attestations au soutien de ses dires.
Elle ajoute qu'à cela, le salarié a fait preuve d'un comportement équivoque tel que le fait de s'enfermer avec des jeunes dans les toilettes durant de longs moments, de 7 à 10 minutes pour des soins dentaires. Elle précise que le salarié a utilisé de façon répétée le site "rose rencontre", qu'il a également eu une attitude plus qu'équivoque à l'égard d'un jeune à l'occasion d'un séjour à l'extérieur au mois dele site "rose rencontre", qu'il a également eu une attitude plus qu'équivoque à l'égard d'un jeune à l'occasion d'un séjour à l'extérieur au mois de mai 2001 et constatée par Mme Z....
Elle souligne qu'à cela, se sont ajoutées des pressions ou attitudes de séduction auprès de ses collègues féminines, se traduisant par des propos vulgaires, des propositions insistantes et produit diverses attestations au soutien de ses dires.
Elle précise que l'ensemble de ces faits, éléments et comportements permettront à la cour d'apprécier les faits reprochés à Christophe BES à l'appui de la décision de licenciement, et qu'il ne lui est pas interdit d'évoquer des faits antérieurs imputables au salarié, s'agissant d'éclairer les relations entre les parties. Elle ajoute qu'elle n'a pas fait état d'un blâme dont le salarié avait antérieurement fait l'objet, et que les pièces produites sont parfaitement recevables.
Elle soutient que la lettre de licenciement a invoqué trois séries de faits qui ont été définis et datés à partir de témoignages recueillis et qu'il est clairement établi que par son comportement gravement fautif, Christophe BES a rompu le rapport de confiance absolue devant exister entre l'employeur et son salarié.
En conséquence, elle demande à la cour :
- de réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Cahors du 7 juillet 2004,
- de dire et juger que le licenciement notifié à Christophe BES le 14 novembre 2002 repose bien sur une cause réelle et sérieuse,
- de dire et juger que les faits reprochés à Christophe BES et dont la matérialité est parfaitement établie sont constitutifs de fautes graves,
- de débouter en conséquence Christophe BES de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner l'intimé au paiement d'une somme de 1.200 ç par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens. * * *
Christophe BES, intimé, conteste vigoureusement les motifs du licenciement tels qu'exposés dans la lettre du 14 novembre 2002.
Il indique que les faits reprochés remontent au 26 septembre 2002 qu'ils n'ont pas paru importants sur le coup puisqu'ils n'ont été
signalés que le mois suivant.
Il soutient que la lettre de licenciement est un tissu de mensonges, d'insinuations diffamatoires et de volonté de nuire, souligne que l'employeur a menti en prétendant ne pas pouvoir le recevoir lors de la première convocation à l'entretien préalable et que le véritable motif de cette annulation réside dans les démarches actives de l'employeur pour obtenir des attestations en sa faveur.
Il souligne que l'employeur l'a convoqué le 4 novembre 2002 à un entretien préalable à son licenciement fixé au 8 novembre 2002 par lettre remise en mains propres, et que le délai s'écoulant entre ces dates est de trois jours francs. Il considère que l'employeur n'a pas respecté le délai de 5 jours ouvrables de l'article L.122-14 du Code du travail, que cette précipitation est symptomatique de la légèreté blâmable de l'employeur.
Il fait valoir les faits qualifiés de graves par l'employeur n'ont donné lieu à aucune mise à pied conservatoire et que l'employeur a attendu trois jours pour le convoquer au premier entretien préalable au licenciement.
Il soutient que l'employeur a violé le principe de l'intangibilité du litige contenu dans la lettre de licenciement et la loi d'amnistie du 3 août 2002 en discutant de comportements remontant à plusieurs années avant le licenciement et de l'appréciation de collègues de travail manifestement hostiles voire malveillants à son égard. Il estime que la cour ne pourra tenir compte des écritures de l'employeur ainsi que des pièces liées directement ou indirectement à tout fait antérieur au 17 mai 2002.
Concernant les termes de la lettre de licenciement soulignant le caractère qualifié d'ambigu de son comportement, il expose que le terme "ambigu" dit "dépourvu de certitude", donc "douteux", au sens "pas sûr", et que l'employeur lui-même n'est pas sûr de la
signification des faits qu'il invoque à l'appui du licenciement.
Il explique que l'employeur n'a pas respecté la circulaire du 30 avril 2002 sur la maltraitance dans les structures sociales et médico-sociales, mais qu'il n'a déposé aucune plainte, fait aucun signalement. Il précise qu'une lettre a été envoyée le 22 novembre 2002 par l'employeur à la DDASS du Tarn et Garonne, concernant la sécurité des enfants, mais qu'aucune suite d'aucune sorte n'a été donnée à cette lettre.
Il fait valoir qu'il n'y a donc pas eu maltraitance comme l'employeur l'a prétendu.
Concernant les faits reprochés en eux-mêmes dans la lettre de licenciement, il précise, concernant ceux du 26 septembre 2002, qu'à supposer qu'ils aient eu lieu, ils sont banals, Romain étant un adolescent très agité, demande une mobilisation physique importante qui crée des conséquences sur la tenue vestimentaire de Christophe BES qui se retrouve souvent débraillé.
Que le 3 octobre 2002 Romain a piqué une crise et s'est enfui au moment où le salarié l'aidait à s'habiller, tâche qu'il n'a pu finir d'où le pantalon dégrafé. Il estime que les attestations produites par l'employeur à ce sujet sont inconsistantes, et que les incidents retracés dans les attestations ne sont pas aussi importants que cela puisque Carine COLONGE n'a averti personne.
Il précise qu'un mois plus tard, tous ces événements ont été monumentés (les attestations ont été sollicitées le 23 ou 24 octobre 2002 car elles sont datées du 24 octobre 2002 ce qui explique le report de l'entretien préalable au licenciement pour des raisons totalement fausses) le directeur n'hésitant pas à demander des attestations avec les mentions légales de l'article 202 du nouveau code de procédure civile alors qu'aucun procès n'était en cours.
Il soutient donc que le licenciement dont il a fait l'objet est
dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence, il demande à la cour :
- de confirmer le jugement dont appel,
Y ajoutant,
- de condamner l'employeur au paiement de la somme de 1.771,93 ç pour non-respect de la procédure préalable au licenciement,
- de condamner en outre l'employeur au paiement de la somme de 444,82 ç au titre de la mise à pied conservatoire,
- de condamner l'employeur au paiement de la somme de 2.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de renvoi
Attendu que Maître BEDOC a adressé à la cour par fax la veille de l'audience une demande de renvoi justifiée par le fait qu'il devait plaider à Paris le même jour à la même heure ; que l'avocat adverse a indiqué à la cour qu'il n'était pas au courant de cette demande de renvoi ;
Attendu que la tardiveté de la demande ne permet pas à la cour de faire droit à la demande de renvoi formulée par Maître BEDOC ; qu'en effet il avait nécessairement connaissance avant la veille de l'audience des obligations dont il se prévaut vis-à-vis d'une juridiction parisienne ; que cette demande, formulée de manière quelque peu cavalière et tardive doit être rejetée.
Sur le licenciement
Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et qu'il appartient à l'employeur qui invoque une faute grave pour justifier cette mesure de rapporter la preuve tant de la réalité des faits allégués que de leur gravité.
Attendu par ailleurs que l'appréciation des faits doit se faire au
regard du contexte professionnel général, dans lequel il convient de les resituer.
Attendu qu'il est reproché à Christophe BES des comportements et agissements constitutifs d'une faute grave les faits ayant eu lieu les 26 septembre au lever, 3 octobre au lever et le 10 du même mois. Attendu qu'aux termes de l'attestation de Carine COLONGE, elle a surpris Christophe BES dans la chambre de Romain, jeune autiste, en train de refermer sa braguette ; qu'il avait le visage rouge et semblait gêné de sa présence et qu'au même moment le jeune autiste est sorti de la chambre en courant et en criant ;
Attendu que l'explication donnée par Christophe BES est que l'adolescent étant généralement très agité il faut le soulever, le porter ou le tirer pour le faire avancer qu'il agrippe également les vêtements et qu'en conséquence il est fréquent qu'au cours de sa journée de travail il se retrouve débraillé ; que de ce fait il est nécessaire alors de réajuster ses vêtements ;
Mais attendu que cette explication n'est pas plausible, dans la mesure où les faits ont eu lieu au lever de l'enfant entre 7 h 30 et 8 h alors qu'il était juste en train de se lever ou venait à peine de le faire et où Christophe BES n'indique nullement qu'une agitation ait pu saisir cet enfant dans de telle proportion qu'il aurait dû ouvrir puis refermer sa braguette ;
Qu'il est en conséquence établi par cette attestation que Christophe BES a été surpris dans la chambre de ce jeune garçon en train de refermer sa braguette et alors que l'enfant sortait en courant et en criant.
Qu'aucune explication ne peut justifier une telle attitude de la part d'un éducateur.
Attendu qu'un second fait est reproché le même jour à Christophe BES qui a indiqué lui-même avoir donné une claque et puni le même élève pour un motif futile ;
Attendu que Christophe BES a reconnu ce fait et qu'il est au courant que tout châtiment ou sévice corporel est formellement interdit et entraînera le licenciement immédiat pour faute grave ;
Attendu que ce fait constitue en conséquence la violation certaine d'une obligation professionnelle du salarié ;
Attendu que selon les faits du 10 octobre 2002 il apparaît que le même enfant se met à crier quand Christophe BES l'approche et se calme en présence des autres membres du personnel.
Attendu que ces faits doivent être examinés au regard du contexte général dans lequel s'exécutait la relation de travail.
Attendu que le 15 septembre 2003 Laurence RISPE, autre salariée de la même entreprise a produit une attestation parfaitement circonstanciée dans laquelle elle indique notamment qu'à plusieurs reprises elle a surpris Christophe BES qui pinçait, levait la main, bousculait et agressait verbalement certains jeunes ; qu'il les négligeait, leur manquait ouvertement de respect et de tolérance et que les enfants étaient de plus en plus angoissés ;
Attendu que le délégué du personnel a encore indiqué par lettre du 14 novembre 2002 que Christophe BES avait une attitude équivoque vis-à-vis de certains jeunes présents sur le groupe et s'enfermait parfois dans la salle de bain avec l'un d'eux, la porte fermée à clef.
Attendu qu'il résulte d'une étude attentive du dossier que le licenciement est justifié par un comportement inadapté et équivoque de Christophe BES vis-à-vis des enfants dont il avait la charge et constitue des manquements à ses obligations professionnelles ;
Attendu qu'il était parfaitement loisible à l'employeur de reporter
l'entretien préalable sans qu'il puisse lui en être fait grief ; qu'il apparaît que c'est la lettre du 15 octobre 2002 qu'il l'a averti du comportement fautif du salarié, que les faits qui ont succédé à cette lettre entraînaient selon lui une sanction et qu'il pouvait en conséquence, connaissance prise des faits plus graves portés à sa connaissance postérieurement, recommencer la procédure en envisageant le licenciement ; que les deux lettres de convocations à l'entretien préalable sont d'ailleurs différentes en ce que la première prévoit une sanction et la seconde un licenciement.
Attendu, s'agissant du délai entre la lettre de convocation à l'entretien préalable et celui-ci, qu'à l'époque où la procédure a été diligentée, le délai était suffisant.
Qu'il n'y a pas lieu à dommages et intérêts pour non-respect de la procédure.
Attendu qu'il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris et de débouter Christophe BES de toutes ses demandes.
Qu'il devra en outre supporter la charge des dépens. PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris ;
Dit et juge que le licenciement de Christophe BES est justifié par une faute grave.
Le déboute en conséquence de toutes ses demandes.
Le condamne aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, et par Solange BELUS, Greffière présente lors du prononcé.
LA GREFFIÈRE :
LA PRÉSIDENTE :