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13/12/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946888

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 13 décembre 2005, JURITEXT000006946888


ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2005 FM/SBA ----------------------- 04/01169 ----------------------- Marc PETEUIL C/ Association ARTS ET DIALOGUES EUROPEENS ----------------------- ARRÊT no 414 COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Prononcé à l'audience publique du treize décembre deux mille cinq par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée de Solange BELUS, Greffière, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Marc PETEUIL Champ d'Arnaldy 46100 LISSAC ET MOURET Rep/assistant : M. Frédéric DE X... (Délégué syndical ouvrier) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'h

ommes de FIGEAC en date du 6 novembre 2003 d'une part, ET :

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ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2005 FM/SBA ----------------------- 04/01169 ----------------------- Marc PETEUIL C/ Association ARTS ET DIALOGUES EUROPEENS ----------------------- ARRÊT no 414 COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Prononcé à l'audience publique du treize décembre deux mille cinq par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, assistée de Solange BELUS, Greffière, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Marc PETEUIL Champ d'Arnaldy 46100 LISSAC ET MOURET Rep/assistant : M. Frédéric DE X... (Délégué syndical ouvrier) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de FIGEAC en date du 6 novembre 2003 d'une part, ET :

Association ARTS ET DIALOGUES EUROPEENS Maison des Arts Georges Pompidou B.P. 24 46160 CAJARC Rep/assistant : la SCP LAGARDE ALARY CHEVALIER KERAVAL GAYOT (avocats au barreau de CAHORS) INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 8 novembre 2005 devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Francis TCHERKEZ, Conseiller, Françoise MARTRES, Conseillère, assistés de Solange BELUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE

Marc PETEUIL, né le 24 février 1969, a été embauché par l'association ARTS ET DIALOGUES EUROPÉENS d'abord par contrat à durée déterminée le 1er août 2000 puis par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2000 en qualité d'aide comptable, à temps partiel sur la base de 423 heures annuelles pour un salaire annuel de 7.045,08 ç brut ;

Par courrier du 23 novembre 2001, il a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement économique pour le 30 novembre 2001.

Par courrier du 4 décembre 2001, son licenciement lui a été notifié pour motif économique en ces termes : "La situation économique actuelle de l'institution ne permet pas de faire face au maintien des emplois budgétisés pour l'année 2001 et le manque d'assurances écrites de la part des partenaires publics signataires de la convention d'objectifs précisant les subventions qui nous seraient attribuées pour 2002 nous obligent à réduire nos activités de 2002, afin d'essayer d'obtenir un résultat comptable positif et de

constituer un fonds de roulement de trésorerie devenu indispensable face, entre autres, aux retards répétés du paiement des subventions de l'Etat/Culture. Ces éléments entraînent une restructuration des activités et des services ayant pour conséquence la suppression du poste d'aide comptable que vous occupez à temps partiel afin de réduire le coût des charges qui sont liées aux tâches que vous effectuez. Après études de cette situation, aucune solution de reclassement pour le poste que vous occupez n'a pu être trouvée ; en conséquence, nous sommes conduits à supprimer votre poste à compter de la date de présentation de cette lettre..."

Le 20 octobre 2003, Marc PETEUIL a saisi le conseil de prud'hommes de Figeac pour contester le caractère économique de son licenciement et obtenir le paiement de la somme de 7.045,09 ç à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Par jugement de départage du 6 juillet 2004, le conseil de prud'hommes de Figeac a constaté que le licenciement économique de Marc PETEUIL était justifié, l'a débouté de ses demandes et condamné à payer la somme de 350 ç à l'association ARTS ET DIALOGUES EUROPÉENS.

Marc PETEUIL a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais non contestées. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Marc PETEUIL expose au soutien de son appel que les difficultés économiques de l'entreprise doivent, pour justifier un licenciement, être réelles, durables et importantes. En l'espèce, l'association qui l'employait ne présentait aucun danger de survie ou de cessation de paiement puisque le rapport d'audit sur lequel se fonde l'employeur pour justifier des motifs économiques ne tient pas compte des subventions qui devaient être versées au cours de l'année 2001. Or, quelle que soit la réalité des difficultés de trésorerie de

l'association, l'examen des pièces qu'elle a produites lors de l'instance montre que les subventions versées en 2002 ont augmenté 21,55 % pour l'année 2001, ce qui rend totalement infondé le motif économique avancé.

En outre, l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et ce manquement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Il demande donc à la cour d'infirmer la décision déférée et de constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il sollicite la condamnation de l'association ARTS ET DIALOGUES EUROPÉENS au paiement de la somme de 7.045 ç à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 3.500 ç pour non respect de l'obligation de reclassement et 500 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

* * *

L'association ARTS ET DIALOGUES EUROPÉENS fait valoir que les difficultés économiques de l'association étaient réelles, puisque après arrêt de la comptabilité de l'année 2000, un rapport d'audit comptable établi en mars 2001 confirmé en septembre 2001 a clairement montré qu'elle se trouvait dans une situation économique et financière particulièrement difficile, puisqu'elle se trouvait en état de cessation des paiements sur le plan comptable et que cette situation nécessitait des mesures urgentes afin de diminuer les charges de fonctionnement de l'association. La prise en compte de ces difficultés a donc entraîné une restructuration de l'association et la suppression du poste occupé par Marc PETEUIL.

Elle soutient donc que face à l'urgence et à l'extrême gravité de la situation, elle a été dans l'obligation de procéder au licenciement économique de deux salariés, et qu'aucun reclassement n'était

possible compte tenu de l'insuffisance de poste.

Elle demande donc à la Cour de confirmer le jugement attaqué et de condamner Marc PETEUIL à lui payer la somme de 1.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que l'appel interjeté dans les formes et délais prévus par la loi doit être déclaré recevable ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.321-1 du Code du travail que "constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel de son contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques....Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou le cas échéant dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises". Attendu que pour justifier du motif économique du licenciement de Marc PETEUIL, l'employeur fait valoir que les recettes de l'association ARTS ET DIALOGUES EUROPÉENS étant constituées pour l'essentiel de subventions, l'absence de certitude sur le montant de ces subventions pour l'année 2001 et le retard de plusieurs mois dans leur versement a entraîné de graves difficultés économiques

s'analysant sur le plan comptable en un état de cessation des paiements et une absence de trésorerie ne lui permettant pas de faire face à ses charges de fonctionnement, nécessitant la prise de mesures urgentes pour ces charges ;

Qu'il produit à l'appui de ses explications un rapport d'audit établi en mars 2001, un compte rendu du conseil d'administration de l'association daté du 15 mars 2001 et un complément au rapport d'audit du 21 septembre 2001 ;

Attendu qu'il ressort de l'examen de ces pièces que l'association a connu des difficultés de trésorerie liées au retard avec lequel les organismes publics ont versé les subventions promises à l'association ; que ces difficultés apparaissent récurrentes et qu'elles apparaissaient de façon évidentes dès l'année 2000 puisque le rapport d'audit mentionne l'existence de dettes fournisseurs importantes au 31 décembre 2000, et un passif évalué à 400.000 F au 31 décembre 2000, caractérisant un état de cessation de paiement dès cette date ; Attendu qu'il résulte du rapport d'audit comptable que l'association était considérée en mars 2001 en état de cessation des paiements parce que l'actif réalisable était inférieur au passif échu ; qu'il a toutefois indiqué qu'il ne prenait pas en compte dans le montant de l'actif réalisable les subventions espérées pour un montant d'environ 1 million de francs du fait "de leur caractère non définitif au 28 février 2001" ;

Qu'il en découle que les difficultés économiques de cette association dont le fonctionnement est extrêmement dépendant du versement de subventions ont consisté en une insuffisance de trésorerie récurrente liée à l'absence structurelle de fonds propres pour asseoir la situation financière de l'association ;

Attendu que l'association était parfaitement informée de ces

difficultés puisque le 22 février 2001, elle saisissait la S.A. SOCODIT d'une mission d'audit ainsi formulée : "Diagnostic sur la gestion du Centre d'Art Contemporain Georges Pompidou...et plus spécialement sur les possibilités de résoudre les problèmes de trésorerie auxquels nous sommes confrontés régulièrement, soit par des retards fréquents des paiements des subventions, soit au cours des premiers mois de chaque exercice. Le refus récent de notre banquier d'assurer le relais financier de 300.000 F nécessaire pour trois mois, en attendant les arrêtés préfectoraux ne nous permet pas de régler les charges de fin 2000 ni celles salariales pour lesquelles nous avons déjà reçu des mises en demeure" ;

Qu'au 28 février 2001, le cabinet d'audit comptable préconisait la prise de mesures immédiates permettant de remédier à ces difficultés structurelles, et notamment "en fonction des ressources qu'elle va pouvoir estimer de façon durable, l'association va devoir ajuster ses coûts de fonctionnement au niveau prévisible et prudent de ses ressources ; à défaut : échec."

Attendu que Marc PETEUIL a été embauché par contrat de travail à durée déterminée en août 2000 ; que malgré des difficultés économiques qui existaient à la fin de l'année 2000 et se traduisant par un état de cessation des paiements et l'existence de dettes importantes au 30 décembre 2000, l'employeur a pérennisé l'emploi de Marc PETEUIL en le transformant en contrat à durée indéterminée ; que malgré l'absence de concours de l'établissement bancaire et la nécessité de réduire ses frais de fonctionnements, l'association a procédé à de nouvelles embauches puisque Sabine BOUCARET a été embauchée à temps complet le 19 février 2001 et Germaine AUZEMERY le 10 août 2001 à temps plein et pour une durée indéterminée ;

Attendu que pour justifier d'un licenciement économique envisagé au mois de novembre 2001, l'employeur produit le complément au rapport

d'audit établi au mois de septembre 2001 qui ne fait que reprendre les constats déjà opérés en mars 2001 et un courrier du président de l'association demandant que les postes de Marc PETEUIL et Sabine BOUCARET soient supprimés ;

Que le poste de Marc PETEUIL qui occupait un emploi d'aide comptable a été supprimé, l'association ayant désormais recours aux services d'un cabinet comptable ; que l'employeur justifie cette suppression par son souci de réduire ses coûts ;

Attendu en fin qu'il résulte des pièces produites en cours d'instance par l'employeur que les subventions prévues sur l'année 2001 ont été versées et que les subventions versées en 2002 ont connu une augmentation de 21 % par rapport à l'année 2001 ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments

que sans méconnaître les difficultés économiques de cette association, sa situation financière n'était pas irrémédiablement compromise s'agissant de difficultés de trésorerie liées à son mode de financement, et que l'employeur ne peut mettre en avant ses difficultés économiques pour procéder au licenciement de salariés alors que ces difficultés étaient préexistantes ou concomitantes à l'embauche de ces salariés ; qu'en procédant de la sorte, il a agi en tout état de cause avec une légèreté blâmable rendant inopérant le motif économique d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Qu'il convient en conséquence de réformer le jugement déféré ;

Attendu que les conséquences du licenciement que Marc PETEUIL justifie avoir subi un préjudice qui doit être indemnisé par l'octroi d'une somme de 3.000 ç à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que Marc PETEUIL sollicite en outre la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme de 3.500 ç pour non respect de son obligation de reclassement ;

Attendu que si l'obligation de reclassement découle des dispositions de l'article L.321-1 du Code du travail, il convient de constater qu'en l'espèce, l'employeur est une petite association qui comportait au 2 mars 2001 cinq salariés ; que compte tenu de la taille de l'entreprise et l'absence d'emplois vacants au sein de celle-ci, l'employeur, en indiquant dans la lettre de licenciement qu'après étude de la situation économique de l'association, aucune solution de reclassement ne pouvait être trouvée, a satisfait à ses obligations ; qu'en tout état de cause, le non respect de l'obligation de reclassement n'affecte pas la régularité du licenciement mais le rend sans cause réelle et sérieuse ; que la demande doit en conséquence être rejetée ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Marc PETEUIL les frais non compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer la somme de 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'employeur, qui succombe, devra supporter la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS :

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel jugé régulier en la forme,

Infirme le jugé déféré ;

Statuant de nouveau ;

Dit que le licenciement de Marc PETEUIL est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'association ARTS ET DIALOGUES EUROPÉENS à lui payer la somme de 3.000 ç à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne l'association ARTS ET DIALOGUES EUROPÉENS aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, et par Solange BELUS, Greffière présente lors du prononcé.

LA GREFFIÈRE :

LA PRÉSIDENTE :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946888
Date de la décision : 13/12/2005
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Cause - Cause réelle et sérieuse - Motif économique - Défaut - Origines économiques non admises - /

Il résulte de l'ensemble des éléments que sans méconnaître les difficultés économiques de l'association, sa situation financière n'était pas irrémédiablement compromise s'agissant de difficultés de trésorerie liées à son mode de financement, alors que l'employeur ne peut mettre en avant ses difficultés économiques pour procéder au licenciement de salariés ces difficultés étant préexistantes ou concomitantes à l'embauche de ces salariés. En procédant de la sorte il a agi en tout état de cause avec une légèreté blâmable rendant inopérant le motif économique d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2005-12-13;juritext000006946888 ?
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