DU 30 Novembre 2005 -------------------------
F.T/S.B René X... C/ COMMUNE DE SOS RG N : 04/00544 - A R R E T No - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du trente Novembre deux mille cinq, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE : Monsieur René X... né le 23 Décembre 1922 à SOS (47170) Demeurant "La Piede" 47170 SOS représenté par la SCP TESTON - LLAMAS, avoués
APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 06 Janvier 2004 D'une part, ET : COMMUNE DE SOS représentée par son Maire actuellement en fonctions domicilié en cette qualité audit siège Dont le siège social est Mairie 47170 SOS représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués assistée de la SCP TANDONNET-BASTOUL, avocats INTIMEE
D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 14 Septembre 2005, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, Francis TCHERKEZ et Dominique NOLET, Conseillers, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Par acte du 4 juillet 2002, René X... a assigné la commune de SOS (Lot-et-Garonne) devant le tribunal de grande instance d'AGEN. Il y a demandé au tribunal :
De dire et juger qu'il a acquis par prescription la propriété de l'assiette du chemin rural dit de Péboy en sa partie allant de la
parcelle cadastrée section E, numéro 168, à la parcelle cadastrée section E, numéro 76 ;
De condamner la commune de SOS à lui payer la somme de 800 ç en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
A l'appui de ces demandes, René X... a exposé qu'après d'autres membres de sa famille, il est propriétaire depuis 1964 de plusieurs parcelles de terre sises à SOS, au lieudit "La Piede" ; qu'un chemin rural traverse ou a traversé ces parcelles ; qu'à l'été 1999 la commune de SOS a revendiqué la propriété de ce chemin ; qu'elle y a coupé des arbres et abattu des clôtures, comme a pu le constater Maître REVOLAT, Huissier de Justice à NERAC, le 26 avril 2001.
René X... soutient que le chemin est abandonné depuis plus de cent cinquante ans, comme le démontrent la présence de vieux arbres et de nombreuses attestations de voisins de longue date ; que Maître BONNET, Huissier de Justice à NERAC, a pu constater que son assiette n'était plus visible sur le terrain, par procès-verbal du 5 avril 2000 ; qu'il a lui-même entretenu les parcelles traversées par le chemin, y compris l'assiette de ce dernier ; qu'ailleurs l'assiette du chemin était travaillée ; que le chemin litigieux n'est d'ailleurs plus porté sur la carte établie par l'IGN ; qu'un autre chemin permet actuellement aux riverains de l'ancien chemin de Péboy d'accéder à leurs parcelles.
En réponse, la commune de SOS a demandé au tribunal, sur le fondement des articles et suivants et de l'article 2262 du code civil, de l'article L.161-2 du code rural :
- de débouter René X... de ses demandes ;
- de le condamner à lui payer la somme de 800 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- de le condamner aux dépens.
Pour cela, la commune a exposé que le chemin litigieux est un chemin
rural, relevant de son domaine privé, s'ouvrant sur la voie communale dite de Loulié.
En effet, elle soutient que René X... ne peut justifier d'une possession continue, paisible, publique, non équivoque, à titre de propriétaire ; qu'il ne démontre pas avoir fait des actes de possession ;
Elle affirme s'être toujours préoccupée de la libre circulation sur le chemin litigieux, que riverains et promeneurs n'ont jamais cessé d'emprunter.
Le tribunal de grande instance d'AGEN a estimé qu'aux termes de l'article 2229 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ;
Que si la possession est équivoque, elle est atteinte d'un vice empêchant la prescription ; que le caractère équivoque de la possession suppose un doute dans l'esprit des tiers ;
Qu'en l'espèce, s'il était établi que René X... avait clôturé sa propriété en y englobant le chemin litigieux dès 1964, il ressortait des attestations de M. et Mme Nino Y..., de M. Bernard Z..., et de M. Roger A..., que ces riverains empruntaient malgré tout le chemin litigieux depuis 1968,
Que ces éléments rendaient la possession équivoque depuis cette date, et conduisait à rejeter les demandes de René X....
Et par décision du 6 janvier 2004, le tribunal de grande instance d'AGEN a :
- débouté René X... de ses demandes ;
- l'a condamné à payer la somme de 800 ç à la commune de SOS en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- l'a condamné aux dépens.
René X... a formé appel par acte du 20 février 2004 dans des
conditions qui ne sont pas critiquées sur le plan processuel.
Dans le dernier état de ses écritures (conclusions récapitulatives n 2 du 1er septembre 2005) il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de dire et juger qu'il est "propriétaire des parcelles constituant l'assiette du chemin rural dit "de Péboy à Lacuje" en sa partie longeant les parcelles figurant au cadastre de la commune de SOS sous les numéros 166, 165, 75 et 76 de la section E",
- de débouter la commune de SOS de ses demandes,
- de condamner la commune de SOS à lui payer la somme de 1 200 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- de condamner la commune de SOS aux dépens de première instance et d'appel.
Il soutient en effet que pouvant se prévaloir d'une possession utile, il peut agir ûseul- en acquisition par prescription, combattant en cela la critique de la commune qui lui est adressée selon laquelle il ne serait pas seul propriétaire des parcelles contiguùs au chemin dont la propriété est contestée ;
Il maintient à l'appui de ses demandes :
Que l'ancien chemin rural est impraticable, précisant que cela viendrait pour partie de son fait pour avoir mis partie de celui-ci en culture ; que la mairie ne justifierait pas pour sa part d'avoir entretenu ce chemin à toutes fins ; dès lors à raison de l'écoulement au temps il estime que la prescription trentenaire est intervenue. * * *
Pour sa part, dans ses écritures (conclusions n 2 du 25 juillet 2005) la commune de SOS demande à la cour :
- de constater que René X... n'a pas qualité à agir ;
- de déclarer ses demandes irrecevables en l'absence de ses co-indivisaires ;
En tous cas :
Au visa des articles 22919 et suivants et 2262 du code civil et L.161-2 et suivant du code rural :
- de confirmer le jugement dont appel dans son ensemble ;
- de débouter René X... de ses demandes ;
- de le condamner à lui payer la somme de 1 500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- de le condamner aux dépens.
La commune de SOS a expliqué en effet que les parcelles contiguùs sont en indivision ; selon elle René X... n'aurait pas qualité à agir seul en regard de la demande formée ;
Elle rappelle la présomption de propriété qui est la sienne en application des articles L.161-2 et 3 du code rural, que la possession invoquée est équivoque puisque des attestations font état de l'usage de ce chemin par des riverains, que ce chemin inscrit comme itinéraire de promenade et de randonnées aurait été entretenu par elle, ce qui induit que sa propre possession combat la prescription acquisitive d'un autre candidat à ce titre, qu'enfin ce chemin est répertorié comme chemin rural utilisé en tant que tel par des tiers. MOTIFS DE LA DECISION
Il est exact que René X... qui revendique seul la propriété d'un chemin rural par usucapion n'a pas à être assisté des indivisaires de ses propres parcelles, sa demande constituant en l'espèce une action "ut singuli" ; elle est donc recevable.
Ceci étant il est également exact qu'en regard des dispositions du code rural un chemin rural est réputé appartenir à la commune et qu'il appartient à celui qui en revendique la propriété d'établir une usucapion trentenaire pour renverser cette présomption d'appartenance instituée par les textes.
Comme le relève le premier juge cette possession doit être continue
et non interrompue paisible, publique et non équivoque à titre de propriétaire (art 2229 du code civil, en l'espèce applicable).
Or comme le relève également le premier juge cette possession est équivoque puisque des tiers affirment utiliser ce chemin à titre de chemin rural nonobstant les allégations de René X....
Les photographies versées au dossier par l'intéressé lui-même, prises lors d'un constat d'huissier montrent à l'évidence qu'il existe l'assiette d'un chemin ; le défaut d'entretien régulier n'est pas en soi un élément qui combat la propriété de la commune sur un chemin rural qui est censé lui appartenir jusqu'à cession dans les formes légales.
Or il est exact enfin, que si René X... aurait acquis en 1964 les propriétés à partir desquelles il aurait colonisé le chemin, il n'empêche qu'en 1968 le services des ponts et chaussées recensait celui-ci comme chemin rural et, alors qu'il figure à ce titre au cadastre de 1962 et dans celui de 1981.
Il est sans intérêt de considérer le problème de l'inscription sur la liste des chemins des randonnées puisque la justification de cet éléments est postérieur à la durée de la prescription invoquée mais, en rapport de celle-ci, René X... n'apporte pas la démonstration d'une possession paisible en qualité de propriétaire car, quoique disposant d'attestations selon lesquelles il aurait tenté de s'approprier ledit chemin, il n'en demeure pas moins que des tiers attestent de l'utilisation dudit chemin en qualité de chemin rural, usage complété par celui de voie cavalière.
C'est donc à juste raison que le premier juge en a déduit qu'en regard de la prescription trentenaire invoquée seule susceptible de renverser la présomption de propriété de la commune sur ce chemin, celle-ci ayant été équivoque elle ne pouvait fonder la demande de René X... .
Au surplus celle-ci étant contestée soit par titre soit par témoignage, interrompue en 1968 et 1981 par l'existence d'actes, elle n'était ni paisible ni
Au surplus celle-ci étant contestée soit par titre soit par témoignage, interrompue en 1968 et 1981 par l'existence d'actes, elle n'était ni paisible ni publique, d'autant que la qualité de propriétaire ne lui était pas reconnue par tous les habitants de la commune nonobstant ses tentatives d'appropriation.
La décision entreprise doit donc être confirmée.
Une allocation fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile est équitable à la hauteur demandée par la commune de SOS.
René X... supportera la charge des dépens d'appel. PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en audience publique contradictoirement et en dernier ressort,
Statuant sur l'appel principal de René X... et sur l'appel incident de la commune de SOS,
Ecarte l'exception d'irrecevabilité formée par la commune de SOS.
Au fond,
Confirme la décision entreprise.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes en cause d'appel.
Condamne René X... à payer à la commune de SOS la somme de 1 500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel.
Condamne René X... aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP TANDONNET, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier
Le Président