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11/10/2005 | FRANCE | N°313

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre civile 1, 11 octobre 2005, 313


ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2005 NR/SBA ----------------------- 04/00889 ----------------------- Association MUSIQUE INFORMATION CULTURE RADIO EN OCCITANIE C/ Christophe X... ----------------------- ARRÊT no 313 COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Prononcé à l'audience publique du onze octobre deux mille cinq par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Association MUSIQUE INFORMATION CULTURE RADIO EN OCCITANIE (M.I.C.R.O.) Mairie de Bretenoux Av. Charles de Gaulle 46130 BRETENOUX représentée par M. Daniel FRIGARA (Membre de l'Associat

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ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2005 NR/SBA ----------------------- 04/00889 ----------------------- Association MUSIQUE INFORMATION CULTURE RADIO EN OCCITANIE C/ Christophe X... ----------------------- ARRÊT no 313 COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Prononcé à l'audience publique du onze octobre deux mille cinq par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Association MUSIQUE INFORMATION CULTURE RADIO EN OCCITANIE (M.I.C.R.O.) Mairie de Bretenoux Av. Charles de Gaulle 46130 BRETENOUX représentée par M. Daniel FRIGARA (Membre de l'Association) APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de FIGEAC en date du 13 mai 2004 d'une part, ET : Christophe X... né le 14 février 1963 à CREIL (60100) 14 rue de la Poste 46500 GRAMAT Rep/assistant :

Me Henry TOUBOUL (avocat au barreau de CAHORS) (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005/002746 du 22/07/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN) INTIMÉ

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 6 septembre 2005 devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Catherine LATRABE, Conseillère, Françoise MARTRES, Conseillère, assistées de Solange BELUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE

Christophe X..., né le 14 février 1963, a été embauché par l'Association M.I.C.R.O. en qualité d'animateur du 1er août 2002 jusqu'au 1er août 2003 selon un contrat à durée déterminée renouvelable au 1er août 2003 jusqu'au 1er août 2004.

Le 18 septembre 2003 il a été mis à pied, puis convoqué le 26 septembre 2003 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixée au 10 octobre 2003 ;

Le 14 octobre 2003 il a été licencié pour faute grave dans les termes suivants :

"Monsieur,

Lors de l'entretien préalable du 10 octobre 2003, nous avons précisé le motif qui nous amenaient à envisager votre licenciement pour faute grave : à savoir "nombre de vos agissements sont des faits (gestes volontaires) qui mettent en danger les personnels et le matériel de

la radio et empêchent la direction de l'Association et de la radio d'assurer la sécurité des personnels et du matériel".

Nous tenons à préciser qu'il ne s'agit pas pour nous de remettre en cause de quelconque façon votre travail.

Nous vous avons rappelé ces faits précis et matériellement vérifiables (L.122-14-2 cass soc 14-5-96)

- menaces envers les personnes soit directement, soit par téléphone, - insultes envers ces mêmes personnes soit directement, soit par téléphone,

- harcèlement téléphonique nocturne de ces personnes,

- confiscation de la clef d'entrée du système informatique que vous aviez amené chez vous, et remise le lendemain devant votre collègue (ceci visant à interdire l'usage par tout autre personne que vous),

- menaces de vous en prendre au matériel,

-violences sur les personnes (en particulier sur la Présidente).

Le conseil de prud'hommes de Figeac par jugement du 13 mai 2004 a estimé dépourvu de cause réelle et sérieuse comme de faute grave le licenciement dont il avait fait l'objet et lui a alloué les sommes suivantes :

- 11.500,00 ç de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.122-3-8 du Code du travail,

- 1.500,00 ç de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 199,08 ç au titre de 18 heures supplémentaires.

L'association M.I.C.R.O a relevé appel de cette décision. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Après avoir présenté un historique des faits, l'employeur affirme la véracité de ceux-ci et indique en préalable que si le moindre doute subsistait quant à leur réalité il demande à la cour de bien vouloir

prendre toutes les mesures d'instruction qu'elle estimerait utile.

L'association M.I.C.R.O conteste la motivation du conseil de prud'hommes en ce qu'il a retenu que le licenciement reposait sur des motifs qui tiennent à la vie privée du salarié et totalement étranger à son travail ;

L'association indique que notamment les violences sur les personnes ne recouvrent pas seulement les agressions commises à l'extérieur au domicile de la présidente mais aussi celles commises dans le cadre de la radio ; l'employeur rappelle le harcèlement téléphonique à partir des locaux professionnels ou vers les locaux professionnels, et fait valoir qu'en tout état de cause même s'il s'agissait de motifs tirés de la vie privée, le comportement du salarié a créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise ce qui justifie le licenciement dont il a fait l'objet ;

Selon l'employeur il arrivait et repartait à n'importe quelle heure, son comportement provoquait des perturbations dans les émissions sur les antennes et fréquents états d'ébriété étaient le plus souvent à l'origine de comportements brutaux rendant les relations difficiles voire impossibles.

L'employeur soutient que son comportement rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en effet la présence de Christophe X..., son mode de fonctionnement sans règles, agressif et violent étaient des facteurs de graves perturbations psychologiques et matérielles pour tous ceux qui étaient en permanence dans les locaux au sein de radio ;

L'association fait valoir que l'acharnement sur la personne de la directrice, même si elle relève pour partie de raisons personnelles et privées a eu pour conséquence concrète et objective de rendre impossible les relations de travail normales au sein de la radio.

L'employeur estime en conséquence que le maintien du salarié dans l'entreprise était devenu impossible et produit un document du cahier journal de la radio dans lequel Christophe X... injurie la présidente.

L'employeur conclut en conséquence au débouté de Christophe X... de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et conteste également les sommes qui lui ont été allouées au titre des heures supplémentaires en indiquant qu'il s'était mis à considérer la radio comme un chez soi alors jusqu'à y apporter de nombreuses affaires personnelles et parfois même à y passer la nuit, soutenant que toutes les heures passées dans ces conditions à la radio n'étaient pas des heures de travail mais des heures de présence volontaire qui n'ont pas à être rémunérées.

L'association M.I.C.R.O demande le paiement de 500 ç de dommages et intérêts à l'association. * * *

Christophe X... rappelle qu'il a donné entière satisfaction dans son travail, qu'il s'occupait de nombreuses tâches dans l'entreprise et était devenu un maillon indispensable de par ses compétences multiples ;

Il conteste les attestations produites par l'association et fait valoir que sa condamnation par le tribunal correctionnel de Cahors du 18 décembre 2003 à deux mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve de deux ans pour agression envers sa concubine relève exclusivement de sa relation intime avec la Présidente Madame Y... et était sans aucune incidence sur l'efficacité de son travail.

Il rappelle que la lettre de licenciement lui donne acte de la qualité de son travail et fait valoir qu'on voit mal comment sa vie tumultueuse avec Madame Y... devrait être prise en compte puisqu'il n'y a pas eu de retentissement dans ce travail.

Christophe X... soutient que son employeur a entretenu l'amalgame

entre la vie professionnelle et la vie privée, utilisant cette relation pour l'asservir sur le plan professionnel ; il produit à son tour des attestations établissant son sérieux, sa compétence et l'efficacité de son travail.

Christophe X... soutient que les violences matérielles dont il s'est rendu coupable au domicile de sa maîtresse sont tout à fait étrangères à l'exécution de son travail, concernent sa vie privée et enlèvent au licenciement prononcé le caractère de faute grave il sollicite la confirmation du jugement entrepris demandant à la cour en outre de porter à 3.050 ç le montant des dommages et intérêts pour le préjudice moral qu'il a subi.

Il forme un appel incident relatif aux heures supplémentaires, à l'indemnité de précarité sollicitant sur le premier point la somme 6.795,84 ç une indemnité de précarité de 828 ç outre 1.000 ç par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu'il appartient à l'employeur qui licencie un salarié pour faute grave de rapporter la preuve non seulement des faits qu'il allègue dans leur réalité mais encore de leur gravité ;

Attendu que dans la lettre de licenciement l'employeur s'est privé de la possibilité d'articuler un quelconque reproche sur le travail de Christophe X... en indiquant : "... il ne s'agit pas pour nous de remettre en cause de quelconque façon votre travail".

Attendu en outre que les griefs allégués dans la lettre de licenciement portent exclusivement sur le comportement de Christophe X... qui selon l'employeur mettait en danger le personnel et le matériel de la radio en raison des passages de Christophe X... à des actes violents.

Attendu qu'il n'est pas contesté que Christophe X... entretenait avec Renée Y..., Présidente de l'association, une liaison qu'il taxe

lui-même d'orageuse ;

Attendu que Christophe X... ne peut cependant se présenter comme une victime de Renée Y... et affirmer que celle-ci, "après avoir sciemment entretenu des relations avec son salarié l'a entraîné dans un guet-apens affectif et s'est servi de son ascendant dans le travail pour mieux le dominer" ; que cette liaison a eu lieu entre personnes majeures et qu'il ne peut en imputer l'origine à la seule Madame Y... ;

Attendu que les injures et les menaces résultent des documents produits par l'association ; qu'ainsi le mardi 2 juillet 2003 à l'observation écrite par Madame Y... :

"merci Christophe de ne pas avoir prévenu que tu ne venais pas travailler aujourd'hui", le salarié ne conteste pas avoir répondu de sa main :

"de un : je t'emmerde, plus : merde connasse".

"Arrête de pourrir le cahier".

Attendu qu'il résulte de la lettre d'Isabelle FABRE que celle-ci indique qu'il existe un climat tendu et stressant "malsain" que Christophe et Renée Y... font régner à la radio ; que cette salariée précise qu'il lui était interdit de toucher aux prérogatives informatiques de Christophe, qu'il était agressif avec elle, qu'elle énonce que Christophe se permettait de suggérer des horaires pour les autres salariés et qu'elle indique qu'elle n'a pas à recevoir d'ordres de son collègue de travail mais uniquement de la présidente ; elle précise encore qu'elle ne peut continuer à travailler dans les conditions actuelles d'agressivité.

Attendu que cette lettre fait apparaître que la relation de Christophe X... avec la présidente avait de toute évidence une conséquence sur l'ambiance de travail ;

Attendu que le harcèlement téléphonique invoqué dans la lettre de

licenciement est établi par la facture de France Télécom établissant la réalité de 50 coups de téléphone passés depuis la radio au domicile de Renée Y... ;

Attendu que l'attestation de Stéphane CLERC fait apparaître que Christophe X... avait pris seul la décision de remplacer le vice-président dans la revue de la presse par une personne qu'il estimait plus compétente, ce qui ne rentrait de toute évidence pas dans ses attributions ;

Attendu que Christophe X... ne peut sérieusement soutenir que les relations qu'il entretenait avec Renée Y..., la double agression dont il s'est rendu coupable sur sa personne puis à son domicile était sans influence sur la vie professionnelle de la radio ; qu'il apparaît au contraire que cette relation tumultueuse a créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise et rendait impossible la poursuite de son contrat de travail ; que, quelles que soient les responsabilités de Renée Y... dans l'établissement de cette relation, rien ne justifie la violence du ton employé par Christophe X... dans le cahier journal, que l'employeur justifie suffisamment tant la réalité des faits invoqués que leur gravité.

Qu'il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris et de déclarer pourvu d'une faute grave le licenciement de Christophe X....

Attendu, s'agissant des heures supplémentaires qu'elles sont suffisamment établies par les documents produits et qu'il convient de confirmer sur ce point le jugement entrepris.onfirmer sur ce point le jugement entrepris.

Attendu qu'en raison des circonstances particulières ayant présidé au licenciement il convient de dire et juger que l'association M.I.C.R.O devra supporter la charge des dépens. PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en

dernier ressort,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Christophe X... ; le confirme en ce qu'il lui a alloué des heures supplémentaires.

Condamne l'association M.I.C.R.O à supporter la charge des dépens.

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, et par Solange BELUS, Greffière présente lors du prononcé.

LA GREFFIÈRE :

LA PRÉSIDENTE :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 313
Date de la décision : 11/10/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Licenciement disciplinaire - Faute du salarié - Appréciation - /

Il appartient à l'employeur qui licencie un salarié pour faute grave de rapporter la preuve non seulement des faits qu'il allègue dans leur réalité mais encore de leur gravité. Les relations amoureuses tumultueuses entretenues entre le salarié et son employeur ont créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise rendant impossible la poursuite de son contrat de travail et ce quelles que soient les responsabilités de l'employeur dans l'établissement de cette relation


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2005-10-11;313 ?
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