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20/06/2005 | FRANCE | N°679

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre civile 1, 20 juin 2005, 679


DU 20 Juin 2005 -------------------------

JLB/IL Martine X... épouse Y... Z.../ Jean-Pierre A..., S.A.R.L. J.P.M., RG N :

05/00305 - A R R E T No - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt Juin deux mille cinq, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Martine X... épouse Y... née le 25 Avril 1961 à FICHOUS RIUMAYOU (64410) demeurant 217 avenue Henri Desbals 31300 TOULOUSE représentée par la SCP TESTON - LLAMAS, avoués assistée de la SELARL VICTOR-GROSBOIS, avocats AP

PELANTE d'un jugement du Tribunal de Commerce de VILLENEUVE SUR LOT en ...

DU 20 Juin 2005 -------------------------

JLB/IL Martine X... épouse Y... Z.../ Jean-Pierre A..., S.A.R.L. J.P.M., RG N :

05/00305 - A R R E T No - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du vingt Juin deux mille cinq, par Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, ENTRE : Madame Martine X... épouse Y... née le 25 Avril 1961 à FICHOUS RIUMAYOU (64410) demeurant 217 avenue Henri Desbals 31300 TOULOUSE représentée par la SCP TESTON - LLAMAS, avoués assistée de la SELARL VICTOR-GROSBOIS, avocats APPELANTE d'un jugement du Tribunal de Commerce de VILLENEUVE SUR LOT en date du 04 Février 2005 D'une part, ET : Monsieur Jean-Pierre A... né le 8 avril 1948 à AGEN 47 demeurant Soubirous 47300 VILLENEUVE SUR LOT S.A.R.L. J.P.M., dont le siège social est Maillebras Route de Monflanquin 47300 VILLENEUVE SUR LOT prise en la personne de son gérant actuellement en fonction et domicilié en cette qualité audit siège tous deux représentés par la SCP GUY NARRAN, avoués assistés de Me Emmanuel GREGOIRE, avocat INTIMES D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 16 Mai 2005, devant Jean-Louis BRIGNOL, Président de Chambre, Christian COMBES Conseiller et Christophe STRAUDO, Vice Président placé désigné par ordonnance du Premier Président en date du 16 juin 2004, assistés de Isabelle LECLERCQ, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

En 1990, Martine X... épouse Y..., gérante statutaire de la STE J.P.M. a souscrit deux actes de cession de parts en "blanc":

- le premier concernant les 48 parts No 97 à 144,

- le second concernant les 48 parts No 145 à 192.

Tous les exemplaires de ces actes ont été remis à Me FOURCADE, Conseil Juridique (puis avocat) de la Société.

Le 19 novembre 1991, l'acte de cession portant les No 97 à 144 a été complété au profit de Mme Liliane A..., enregistré le lendemain, et le prix convenu de 9.600 frs payé par Liliane A..., qui devait en retrocéder 3 à Melle X....

Cependant, Melle X... chargeait Me BIASI, Huissier de Justice, de faire interdiction à Me FOURCADE d'utiliser le second acte signé "en blanc", portant cession des parts 145 à 192, dont il ne devait se départir qu'en cas d'incapacité ou de décès de Melle X....

Un protocole transactionnel du 17 janvier 1992 a notamment constaté que Melle X... démissionnait de ses fonctions de gérante et donnait son agrément à la cession par Liliane A... de 15 parts au profit de Christophe A..., 15 parts au profit de Patrick MARCES, 15 parts au profit de Serge PRADO, prélevées sur les 48 parts cédées par Melle X... le 19 novembre 1991 ; Melle Liliane A... s'engageant à rétrocéder les 3 parts restantes à Melle X..., pour "lui conférer la minorité de blocage" (soit 51 parts).

Sur appel de Melle X..., la Cour d'Appel d'AGEN infirmant le jugement du Tribunal de Commerce de VILLENEUVE SUR LOT du 2 juin 1996, a par arrêt du 28 septembre 1998 condamné les époux A... à lui payer 192.124,88 frs (pourvoi rejeté le 11 décembre 2001).

Le 9 décembre 2003, Mme Y... apprenait par une lettre de la FIDAL, qu'il allait être fait usage de la cession "en blanc" des 48 parts 145 à 192, portant la date du 19 décembre 1991, enregistrée le 2 décembre 2003.

Après avoir obtenu qu'il soit sursis à la tenue de l'Assemblée Générale Ordinaire du 30 juin 2004, Mme Y... a assigné à jour fixe le 29 juin 2004, Jean Pierre A... et la STE J.P.M. devant le Tribunal de Commerce de VILLENEUVE SUR LOT, pour que soit notamment déclaré nul et de nul effet l'acte de cession des 48 parts No 97 à 144 du 19 novembre 1991.

Par jugement du 4 février 2005, la juridiction a considéré qu'il y avait eu consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix, que l'accord était parfait et l'engagement irrévocable pour celui qui l'a donné. Elle a en outre retenu pour date de la cession, celle de son enregistrement, soit le 2 décembre 2003. Mme Y... a donc été déboutée de toutes ses demandes et condamnée à payer 1000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Martine X... épouse Y... a relevé appel de ce jugement et a assigné le 10 mars 2005 les intimés, à jour fixe, pour l'audience du 16 mai 2005. Dans ses conclusions déposées le 29 mars 2005, elle demande :

- Vu les articles 1341 et suivants du Code Civil,

- Vu l'article L 110-3 du Code de Commerce,

- infirmer le jugement du 4 février 2005,

- déclarer nul et de nul effet l'acte de cession des parts 97 à 144 portant la date du 19 novembre 1991, enregistré auprès de la Recette des Impôts de Villeneuve sur Lot le 2 décembre 2003,

- ordonner à Mme le Greffier du Tribunal de Commerce de Villeneuve sur Lot, sur présentation de la décision à intervenir, de procéder au retrait du Registre du Commerce de l'acte précité,

- ordonner à la STE J.P.M., sous astreinte de 100 euros par jour de retard, qui commencera à courir à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir, d'effectuer auprès du Registre du Commerce et des Sociétés de Villeneuve sur Lot, le dépôt des statuts réintégrant Mme Martine Y... dans ses droits d'associée et comportant mention qu'elle est propriétaire de 51 parts sociales portant les No 97 à 144,

- ordonner en tant que de besoin l'annulation de toute délibération des associés de la STE JPM qui ne porterait pas mention des 51 parts détenues par Mme Y... ou qui n'aurait pas tenu compte de ses droits d'associée,

- condamner solidairement Jean Pierre A... et la STE JPM à payer à Mme Y... la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner solidairement Jean Pierre A... et la STE JPM aux dépens de première instance qui comprendront les dépens de la procédure de

référé et d'appel dont distraction au profit de la SCP TESTON- LLAMAS.

Après avoir exposé les faits et la procédure, elle rappelle la définition d'un acte de cession de parts "en blanc", qui constitue soit un mandat de vente, soit une promesse de cession révocable par son auteur à tout moment, ce qu'elle a fait le 27 novembre 1991.

Elle invoque les articles 1341 alinéa 2 du Code Civil et L 110-3 du Code de Commerce.

Tous les moyens de preuve sont admissibles : preuve testimoniale, commencement de preuve par écrit, présomptions, même pour prouver contre et outre le contenu des actes.

Elle apporte la preuve par voie testimoniale, l'aveu extra-judiciaire de Jean Pierre A..., et des commencements de preuve par écrit :

- que l'acte enregistré par Jean Pierre A... le 2 décembre 2003 était jusqu'à sa révocation un acte de cession de parts "en blanc" ; - que Jean Pierre A... avait parfaitement connaissance de sa révocation par Mme Y... le 27 novembre 1991.

Elle rappelle que l'inobservation de l'article 1325 alinéa 3 du Code Civil prive l'écrit de sa force probante.

Ce n'est pas parce que l'acte litigieux a l'apparence de la régularité qu'il est pour autant régulier.

Elle apporte la preuve de son irrégularité par :

- le témoignage de Me FOURCADE, le reconnaît dans sa déclaration faite à l'huissier le 27 novembre 1991 ;

- des déclarations faites par Jean Pierre A... lui-même à l'huissier le même jour.

Elle observe que le procès-verbal de Me BIASI du 27 novembre 1991 vaut jusqu'à inscription de faux. De même constitue un aveu judiciaire, la réponse à une sommation par huissier.

Selon les déclarations conjointes de Jean Pierre A... et de son conseil Me FOURCADE, l'acte était lui-même un acte de cession de parts "en blanc", pouvant être révoqué par Mme Y..., tant qu'il n'avait pas été régularisé par son porteur : ce qu'elle a fait le 27 novembre 1991.

Elle relève que le premier acte de cession au profit de Mme Liliane A... a acquis date certaine le lendemain de sa régularisation, alors que le second, au profit de Jean Pierre A... n'a été enregistré que le 2 décembre 2003, soit 13 ans après sa signature.

Elle ajoute que Mr A... serait bien en peine d'indiquer les références du chèque de paiement, car il n'a jamais existé.

Le témoignage de Me FOURCADE et l'aveu extra-judiciaire de Mr A...

établissent que celui-ci a bien eu connaissance de la révocation délivrée entre les mains de son conseil le 27 novembre 1991.

Cette connaissance résulte encore de :

- l'assignation du 14 janvier 1992 à Mme Y..., Mr A... reconnaît que Mme Y... demeure propriétaire de 48 parts ;

- l'allusion à la minorité de blocage dans l'accord du 17 janvier 1992 ;

- délibération des assemblées générales des 5 février 1992 et 30 juin 1995 et des assemblées d'associés ;

- de l'Assemblée Générale extraordinaire du 30 juin 1995.

* *

*

Dans leurs conclusions déposées le 8 avril 2005, la STE J.P.M. et Jean Pierre A... demandent :

- de rejeter des débats le procès-verbal de notification d'opposition-défense, ainsi que le procès-verbal annexé du 27 novembre 1991 et la lettre du 19 janvier 2004 de Me GROSBOIS au cabinet FIDAL ;

- de confirmer pour le surplus le jugement, sauf à condamner Mme Y... à payer à Mr A... 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- de condamner Mme Y... aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP NARRAN, avoués.

Ils soulignent que la preuve testimoniale n'est pas admissible en l'espèce, car l'acte litigieux avait pour objet la cession de 48 parts sociales sur 200 parts : il ne s'agissait donc pas de la cession d'un "bloc de contrôle".

De plus, l'adversaire n'a pas la qualité de commerçant et ne peut donc prétendre à la liberté de preuve commerciale, et donc prouver par des attestations contre le contenu de l'acte, comme le prévoit l'article 1341 du Code Civil.

Selon eux, il ne peut s'agir d'une cession en blanc, puisque l'acheteur est indiqué.

Aucune falsification n'est démontrée.

L'acte de vente est donc parfait et il ne pouvait être révoqué unilatéralement le 27 novembre 1991.

Subsidiairement, il est précisé que l'article 1325 du Code Civil est inapplicable en matière commerciale, de sorte qu'il ne peut être prétendu que l'inobservation de cet article prive l'acte litigieux de sa force probante.

Ils estiment qu'il est porté atteinte au secret professionnel de l'avocat, qui s'étend à tout mode de communication, qui est d'ordre public, général, absolu et illimité dans le temps.

Ainsi, Me FOURCADE ne pouvait indiquer à l'huissier que l'acte était signé en blanc et qu'il datait de l'année dernière.

La lettre de l'avocat adverse du 19 janvier 2004 est également produite en contravention avec la loi du 31 décembre 1971.

Toutes les correspondances échangées entre avocats sont, sans exception, couvertes par le secret professionnel.

La Cour doit donc rejeter des débats ces deux pièces.

MOTIFS :

Vu les conclusions déposées les 29 mars 2005 et 8 avril 2005, respectivement notifiées le 25 mars 2005 pour Martine Y... née X... et le 7 avril 2005 pour la SARL JPM et Jean Pierre A... ;

La cession "en blanc" est une cession de droits sociaux, signée par le cédant, dont le prix est généralement quittancé dans l'acte, établie sous seing privé, ne comportant ni le nom de l'acheteur, ni la date ;

L'acte litigieux, ainsi que le rappellent les intimés, comporte quant à lui :

- le nom du cédant,

- le nom du bénéficiaire,

- le nombre de parts cédées et leur désignation : 48 part numérotées de 97 à 144,

- le prix des parts : 9.600 frs payé au moyen d'un chèque,

- la date de cession : 19 novembre 1991,

- le paraphe à chaque page de l'acte et la signature des deux parties ;

L'appelante ne démontre pas que cet acte aurait été falsifié ou qu'il serait affecté par un abus de blanc seing et ne justifie sur ce point d'aucune procédure pénale qu'elle aurait engagée ;

L'acte de cession doit donc être considéré comme valable entre les parties à la date de création, c'est à dire au 19 novembre 1991. Son enregistrement 13 ans plus tard n'affecte pas sa validité, mais concerne uniquement son opposabilité ;

Pour établir la révocation de l'acte, l'appelante invoque le témoignage de l'avocat de la STE JPM, Me FOURCADE, et les déclarations de Mr A... à l'huissier, le même jour, contenues dans le procès-verbal de notification d'opposition-défense du 27 novembre 1991 ;

Or, et comme le rappellent les intimés, Me FOURCADE ne pouvait indiquer à l'huissier que l'acte était effectivement signé en blanc, et qu'il datait de l'année dernière. Sa collaboratrice ne pouvait davantage appeler son client et lui donner une consultation devant l'huissier, autant d'éléments qui sont intervenus en contravention de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

C'est également à juste titre qu'il est soutenu par les intimés que le courrier du 19 janvier 2004, adressé par l'avocat de l'appelante à celui des intimés, couvert par le secret professionnel, ne peut être produit aux débats ;

L'appelante n'établit pas qu'elle aurait révoqué l'acte de cession qui doit être tenu pour valable, s'agissant d'un acte de vente parfait, reproduisant les consentements réciproques des parties sur la chose et sur le prix ;

La décision déférée sera donc confirmée et l'appelante condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à verser 1000 euros à Mr A... au titre de

l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Reçoit l'appel jugé régulier ; le déclare non fondé ;

Rejette des débats le procès-verbal de notification d'opposition-défense, ainsi que le procès-verbal annexé, en date du 27 novembre 1991, et la lettre du 19 janvier 2004 de Me GROSBOIS du Cabinet FIDAL ;

Confirme le jugement du 4 février 2005 en toutes ses dispositions ;

Condamne Martine X... épouse Y... aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP NARRAN, avoués ;

La condamne en outre à verser à Jean Pierre A... 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt est signé par Jean Louis BRIGNOL, Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, greffier. LE GREFFIER

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 679
Date de la décision : 20/06/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

SOCIETE (règles générales) - Parts sociales - Cession

La cession dite "en blanc" est une cession de droits sociaux, signée par le cédant, dont le prix est généralement quittancé dans l'acte, établie sous seing privé, ne comportant ni le nom de l'acheteur, ni la date. En l'espèce, l'acte litigieux comporte quant à lui le nom du cédant, celui du bénéficiaire, le nombre de parts cédées et leur désignation par leur numéro, le prix de ces parts payé au moyen d'un chèque et la date de cession. De plus, l'acte est paraphé à chaque page et signé des deux parties. L'appelante ne démontre pas que cet acte de cession aurait été falsifié ou qu'il serait affecté par un abus de blanc seing et ne justifie sur ce point d'aucune procédure pénale qu'elle aurait engagée. Il doit donc être considéré comme valable entre les parties à la date de création. Son enregistrement treize ans plus tard n'affecte pas sa validité mais concerne uniquement son opposabilité. L'appelante n'établit pas qu'elle aurait révoqué l'acte de cession qui doit être tenu pour valable, s'agissant d'un acte de vente parfait, reproduisant les consentements réciproques des parties sur la chose et sur le prix, un accord parfait ainsi qu'un engagement irrévocable pour celui qui l'a donné. La date retenue pour la cession sera celle de son enregistrement


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2005-06-20;679 ?
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