ARRET DU 19 OCTOBRE 2004 FT/SB ----------------------- 04/00506 ----------------------- Francis D. C/ FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE ----------------------- ARRKT n° COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Indemnisation des Victimes de l'Amiante article 53 - loi du 23 décembre 2000 décret du 24 octobre 2001 Prononcé B l'audience publique du dix neuf Octobre deux mille quatre par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Francis D. Rep/assistant : la SCP TEISSONNIERE etamp; ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS) APPELANT de deux décisions du Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante en date des 31 décembre 2003 et 13 mai 2004 d'une part, ET : FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE Tour Galiéni II 36 avenue du Général de Gaulle 93175 BAGNOLET CEDEX Rep/assistant : la SELAFA LANGE etamp; DE GALZAIN (avocats au barreau de BORDEAUX) INTIME
d'autre part,
A rendu l'arrLt contradictoire suivant aprPs que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 7 septembre 2004 devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Catherine LATRABE, ConseillPre, Francis TCHERKEZ, Conseiller, assistés de Solange BELUS, GreffiPre, et aprPs qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siPge ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date B laquelle l'arrLt serait rendu. * * * SAISINE DE LA COUR
Francis D. fait l'objet d'une reconnaissance d'une maladie professionnelle (article L.461-1 du Code de la sécurité sociale - tableau 30 - relative B l'amiante - I.P.P. 67 %) et perçoit B ce titre une rente de la caisse primaire d'assurance maladie d'Agen.
Il a formé une demande d'indemnisation auprPs du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante lequel lui a fait une premiPre offre le 31 décembre 2003 déterminée comme suit : o
préjudice patrimonial : néant (préjudice totalement pris en charge par l'organisme social), o
préjudice extra patrimonial : 54.000 ä (moral, souffrances, agrément).
Francis D. a refusé cette offre et saisi le Cour d'un recours le 6 avril 2004 qui n'est pas critiqué dans sa recevabilité en matiPre de délai.
Il a demandé B la Cour : o
de déclarer l'offre d'indemnisation présentée par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante insuffisante, o
de dire et juger que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante devra lui verser les sommes suivantes :
en réparation du préjudice fonctionnel permanent :
rente annuelle de
11.507,24 ä
arriérés de rente de
20.933,72 ä
en réparation du préjudice économique
200.000,00 ä
au titre de la tierce personne
119.520,00 ä
B compter du 1er janvier 2004 par an
64.800,00 ä
en réparation de la souffrance physique
160.000,00 ä
en réparation de la souffrance morale
160.000,00 ä
en réparation du préjudice d'agrément
160.000,00 ä
en réparation du préjudice esthétique
40.000,00 ä
en réparation du préjudice sexuel
35.000,00 ä
o
de dire qu'en application de l'article 31 du décret susvisé les dépens de la procédure resteront B la charge du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, o
de condamner le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante B lui verser la somme de 1.600 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Cette procédure étant encore pendante devant la Cour, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a proposé une nouvelle offre le 13 mai 2004 dont le contenu était le suivant : o
une indemnité en capital de 24.448,11 ä et une rente annuelle de 935,86 ä en indemnisation du préjudice patrimonial, o
et une somme de 76.000 ä en indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux (moral, souffrances, agrément, esthétique).
Francis D. a contesté le montant de cette deuxiPme offre d'indemnisation et a sollicite de la Cour l'indemnisation suivante :
en réparation du préjudice fonctionnel permanent :
rente annuelle de
11.507,24 ä
arriérés de rente de
20.933,72 ä
en réparation du préjudice économique
200.000,00 ä
au titre de la tierce personne
119.520,00 ä
B compter du 1er janvier 2004 par an
64.800,00 ä
en réparation de la souffrance physique
160.000,00 ä
en réparation de la souffrance morale
160.000,00 ä
en réparation du préjudice d'agrément
160.000,00 ä
en réparation du préjudice esthétique
40.000,00 ä
en réparation du préjudice sexuel
35.000,00 ä
Il demande en outre B la Cour : o
de dire qu'en application de l'article 31 de décret susvisé les dépens de la procédure resteront B la charge du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, o
de condamner le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante B lui verser la somme de 1.600 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses conclusions soutenues B l'audience il demande B la Cour de joindre les deux procédures de recours pendantes devant elle et sollicite l'indemnisation suivante qu'il a actualisée dans les termes ci-aprPs : o
de dire que sa demande en contestation de l'offre faite par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante était recevable, o
de déclarer l'offre d'indemnisation présentée par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante insuffisante, o
de dire et juger que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante devra lui verser les sommes suivantes :
perte de revenu
4.241,00 ä
en réparation du préjudice fonctionnel permanent :
rente indexée annuellement selon les dispositions
de l'article L.434-17 du Code de la sécurité sociale
du 14/05/2004 au 14/08/2011, par an de
14.000,00 ä
arriérés de rente
42.340,00 ä
rente indexée annuellement selon les dispositions
de l'article L.434-17 du Code de la sécurité sociale
B compter du 15/08/2011, par an de
5.507,00 ä
au titre de la tierce personne
43.830,00 ä
B compter du 14/05/2004 rente indexée annuellement
selon les dispositions de l'article L.434-17 du Code
de la sécurité sociale, par an
10.950,00 ä
en réparation de la perte de chance de promotion
professionnelle
50.000,00 ä
en réparation de la souffrance physique
80.000,00 ä
en réparation de la souffrance morale
100.000,00 ä
en réparation du préjudice d'agrément
80.000,00 ä
en réparation du préjudice esthétique
20.000,00 ä
en réparation du préjudice sexuel
15.000,00 ä
Il estime que ces demandes d'indemnisation d'un préjudice économique et au titre de l'assistance d'une tierce personne sont recevables.
Il critique les estimations du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante mais se fondant sur les barPmes et notes de cet organisme il considPre que ses explications sur ses préjudices sont suffisantes et ne nécessitent pas l'organisation d'une expertise. * * *
Pour sa part le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ne s'oppose pas B une jonction d'instances et demande B la Cour de confirmer l'offre d'indemnisation du 13 mai 2004 qui serait satisfactoire mais insiste sur l'irrecevabilité selon lui des demandes formées au titre du préjudice économique et de la tierce personne car elles ne lui auraient pas été antérieurement présentée ce qui l'aurait empLché de former une offre adéquate et demande donc B la Cour de renvoyer Francis D. B présenter une nouvelle demande d'indemnisation pour ces postes de préjudice.
Il considPre qu'il devra prendre en considération l'état de santé de l'intéressé afin de procéder ultérieurement B un réexamen de son taux d'incapacité.
A titre subsidiaire il conclut enfin B l'organisation d'une expertise médicale destinée B évaluer les préjudices de l'intéressé. MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon les dispositions de la loi du 23 décembre 2000 précisées par la décision du Conseil Constitutionnel du 19 décembre 2000 et celles du décret du 24 octobre 2001 la demande d'indemnisation d'une victime de l'amiante s'insPre dans un dispositif garantissant B l'intéressé une "procédure simple et rapide" aux fins d'une "réparation intégrale de son préjudice".
Il pPse dPs lors sur le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante une obligation de service public de procéder lorsqu'elle est justifiée B l'indemnisation, avec toute la célérité adéquate, nécessitée par la constatation statistique d'une évolution de santé néfaste pour les victimes des affections qui lui sont soumises, comme fondement de la demande d'origine.
En regard des demandes d'irrecevabilité relatives qui sont formées devant la Cour il convient de constater qu'outre le fait que l'imprimé de demande déposé par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (article 15-1 du décret), pLche par le caractPre lapidaire des informations qui sont sollicitées du demandeur sur le contenu poste par poste de son préjudice global, en regard des rPgles de l'évaluation d'usage ; en l'espPce la fourniture, non critiquée utilement, d'éléments relatifs aux revenus de l'intéressé et sur sa situation de dépendance physiologique induit nécessairement pour le fonds l'obligation de prise en considération des préjudices adéquats en regard de l'appréciation imposée de l'examen d'une indemnisation conduisant B une réparation intégrale et qui doit donc Ltre examinée en tant que telle, assortie le cas échéant de l'exigence de la fourniture de piPces comme prévu par l'article 15-IV alinéa 2 du décret rappelé ci-dessus.
Ces éléments conduisent B conclure qu'en liquidation du préjudice devant la Cour, dans le cadre d'une procédure contradictoire, les vaticinations du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante portant sur des points d'instruction de la demande qui auraient df Ltre réglés par celui-ci nanti d'un comité d'examen "ad hoc" et de la prérogative d'organiser une expertise médicale (B laquelle il a renoncé B l'époque) n'ont pas lieu d'Ltre, les éléments du débat étant en l'état connus de chacune des parties constituées et B mLme d'y répondre.
Il convient donc d'écarter les exceptions dilatoires soulevées B mauvais escient par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, en l'espPce, en contradiction avec les obligations qui pPsent sur lui en lecture des dispositions rappelées ci-dessus ; étant au surplus précisé que devant la Cour, en liquidation du préjudice, toutes les demandes se rattachant nécessairement B la demande d'indemnisation en vue d'une réparation intégrale (il faut le rappeler) doivent Ltre examinées, bien évidemment dans un cadre contradictoire, comme tel est le cas.
Ceci étant l'examen du fond du dossier qui ne peut Ltre décomposé en stades différents en regard du principe se déduisant des textes susvisés selon lequel la Cour doit statuer en fonction du préjudice actualisé qui lui est soumis (notion d'intégralité), révPle toutefois que les parties s'opposent sur ces postes de préjudice qui nécessitent une approche médicale pour leur compréhension et qui conduisent donc B organiser une expertise médicale (B laquelle il n'a pas été recouru antérieurement), ici de droit commun puisque telle est la nature de la procédure actuelle selon l'avis du Conseil Constitutionnel rappelé ci-dessus.
Cette notation conduit dPs lors B organiser l'expertise selon les rPgles communes comme précisé dans le dispositif.
Le surplus des demandes doit Ltre réservé. PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, en matiPre d'indemnisation des victimes de l'amiante sur les recours formés par Francis D. B l'encontre des décisions du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante le concernant, par arrLt contradictoire et en dernier ressort,
Vu les dispositions de l'article 53 de la loi du 20 décembre 2000 ;
Vu les dispositions du décret du 24 octobre 2001 ;
Joint l'examen des recours inscrits devant la Cour sous les numéros 04/506 et 04/1083 ;
Ecarte les exceptions d'irrecevabilité formées par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ;
Avant de dire droit sur la liquidation du préjudice de Francis D.,
Ordonne une expertise médicale,
Désigne pour y procéder Madame le Docteur Marie Annick F. X... laquelle aura pour mission :
1°) aprPs examen de Francis D., avec invitation faite aux parties de se faire assister pour les opérations d'expertise d'un médecin conseil de leur choix, et s'Ltre fait remettre l'ensemble des piPces médicales concernant l'intéressé ;
2°) de fixer les dates de l'I.T.T. ;
3°) de fixer l'I.P.P. dont serait atteint l'intéressé, selon les rPgles du droit commun en la matiPre et de fournir tous éléments diagnostiqués sur une évolution éventuelle des séquelles présentées par l'intéressé en précisant si l'état de l'intéressé conduit B la nécessité d'une aide d'une tierce personne et dans l'affirmative en fixer la durée quotidienne nécessaire ;
4°) de donner son avis sur :
- les souffrances physiques, psychiques ou morales du fait de l'affection alléguée,
- sur la nature et l'importance du préjudice esthétique éventuellement constaté,
- sur l'existence ou non d'un préjudice d'agrément en précisant si la personne subit une gLne ou une perte des joies usuelles de la vie courante, dans sa vie affective, familiale, quotidienne et dans ses activités spécifiques de sport et/ou de loisirs, en dehors de l'atteinte objective B l'intégrité physique elle-mLme, relevant de l'I.P.P. ou de l'I.T.T.,
- sur l'existence ou non d'un préjudice sexuel ;
5°) de quantifier ces préjudices éventuels, s'ils étaient constatés, selon les rPgles habituelles en la matiPre ;
6°) de fournir ou évoquer tous éléments techniques ou de fait, en regard notamment de la pratique médicale, susceptibles de permettre B la cour d'apprécier la situation " in concreto" de l'intéressé et les possibilités d'évolution ou d'aggravation de sa santé dans l'avenir en l'état des constatations effectuées ;
Accorde B l'expert un délai de 6 mois pour accomplir sa mission B compter de sa saisine effective et remettre un rapport B la cour (en double exemplaire) ainsi qu'aux parties ;
Dit que si les parties venaient B se concilier en sa présence, l'expert en dresserait procPs-verbal et l'adresserait B la cour (art 281 du nouveau Code de procédure civile) ;
Fixe B la somme de 400 ä la provision B valoir sur les honoraires de l'expert B consigner au greffe de la cour par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE avant l'expiration du délai d'un mois suivant le prononcé de la présente décision ;
Dit que les opérations d'expertise se dérouleront sous le contrôle du Président de la chambre sociale de la Cour ou de son délégué ;
Réserve le surplus des demandes ;
Le présent arrLt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de chambre,
et par Solange BELUS, GreffiPre présente lors du prononcé.
LA GREFFIORE :
LA PRÉSIDENTE :