La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2004 | FRANCE | N°02/1449

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 27 janvier 2004, 02/1449


ARRET DU 27 JANVIER 2004 NR/SB ----------------------- 02/01449 ----------------------- Mohamed EK. C/ S.A. MINOTERIE S. ----------------------- ARRÊT n° COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Prononcé à l'audience publique du vingt sept Janvier deux mille quatre par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Mohamed EK. Rep/assistant : la SCP GONELLE-VIVIER (avocats au barreau d'AGEN) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AGEN en date du 15 Octobre 2002 d'une part, ET : S.A. MINOTERIE S. Rep/assistant : la SCPA DERISBOUR

G COULEAU (avocats au barreau d'AGEN) INTIMÉE

d'au...

ARRET DU 27 JANVIER 2004 NR/SB ----------------------- 02/01449 ----------------------- Mohamed EK. C/ S.A. MINOTERIE S. ----------------------- ARRÊT n° COUR D'APPEL D'AGEN Chambre Sociale Prononcé à l'audience publique du vingt sept Janvier deux mille quatre par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Mohamed EK. Rep/assistant : la SCP GONELLE-VIVIER (avocats au barreau d'AGEN) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AGEN en date du 15 Octobre 2002 d'une part, ET : S.A. MINOTERIE S. Rep/assistant : la SCPA DERISBOURG COULEAU (avocats au barreau d'AGEN) INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 16 Décembre 2003 devant Nicole ROGER, Présidente de chambre, Catherine LATRABE, Conseillère, Francis TCHERKEZ, Conseiller, assistés de Solange BELUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE

Mohamed EK., a été embauché par la MINOTERIE SA S. le 19 septembre 1977 en qualité de manoeuvre, moyennant un salaire mensuel brut qui s'élevait en dernier lieu à 7.472,17 F.

Le 10 mars 2000, il a été victime d'un accident du travail et a été mis en arrêt de travail du 11 mars au 2 avril 2000, par le biais de trois arrêts de travail successifs.

Il a repris son travail le 3 avril 2000, mais fut de nouveau arrêté entre le 4 avril et le 13 mai 2000, par le biais de trois arrêts de travail successifs.

Le 10 avril il a vu le médecin de travail qui l'a estimé apte à reprendre avec aménagement de poste.

Le 25 avril il a revu le médecin du travail qui n'a pas donné d'avis compte tenu que le salarié était de nouveau en arrêt de travail.

Le 17 mai 2000, le médecin du travail, lors d'une troisième visite de reprise, a estimé que le salarié était apte avec aménagement de son poste de travail : le médecin a indiqué que le poste devait être aménagé avec limitation du port de charges lourdes à 25 kg et en évitant les mouvements de prises en charges en flexion du tronc.

Mohamed EK. a bénéficié de congés payés entre le 15 et le 22 mai 2000

jusqu'à ce que le médecin du travail se rende à l'entreprise pour examiner la proposition de nouveau poste faite par l'employeur.

Le salarié a pris son nouveau poste de travail le 23 mai ; un certificat de rechute a été établi le jour même par le Docteur X... avec arrêt de travail jusqu'au 27 juin 2000.

Le 27 juin 2000, le salarié a signé un avenant à son contrat de travail avec définition de son nouveau poste.

Le 29 juin 2000, Mohamed EK. a subi une nouvelle visite de reprise auprès du médecin de travail qui l'a déclaré apte au poste de travail défini le 22 mai 2000.

Le salarié a été en congés payés du 3 au 13 juillet 2000.

Le salarié a repris le travail du 13 juillet au 23 septembre 2000.

Du 23 septembre au 25 septembre 2000, le salarié a été mis en congés de fin de semaine.

Il a été à nouveau en arrêt de travail entre le 25 septembre et le 22 octobre 2000 pour une nouvelle rechute.

Le 16 octobre, lors d'une visite de reprise, le médecin du travail a déclaré à nouveau Mohamed EK. apte au poste défini le 22 mai 2000. La CPAM a arrêté les prestations au titre des indemnités journalières.

Le 6 novembre 2000, le salarié se trouve en arrêt de travail, arrêt de travail prévu jusqu'au 26 novembre.

Le 29 novembre 2000, le médecin du travail a déclaré le salarié apte au poste défini en mai 2000 avec limitation du port de charges à 25 kg et précision que les séquences de manutention doivent éviter le travail en flexion du tronc.

Mohamed EK. a bénéficié alors d'une prolongation d'arrêt de travail du 1er au 24 décembre 2000.

Pour la quatrième fois, Mohamed EK. a été mis en arrêt de travail pour une rechute le 19 décembre 2000 alors que le précédent arrêt de travail n'était pas fini.

Le 18 décembre 2000, la CPAM a rejeté la prise en charge des arrêts de travail postérieurs au 3 novembre 2000 au titre des "rechutes" se rattachant à l'accident de travail du 10 mars 2000.

Par courrier du 22 décembre 2000, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à son licenciement fixé au 2 janvier 2001.

Par lettre du 4 janvier 2001, l'employeur a licencié Mohamed EK. selon les termes suivants :

"Monsieur,

Pour les motifs qui vous ont été exposés lors de notre entretien du 2 janvier 2001, nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement.

Ainsi que nous vous l'avons exposé, vos absences prolongées et répétées perturbent fortement l'organisation du travail de l'entreprise malgré toutes les adaptations de poste que nous avons mises en place et nous contraignent à procéder à votre remplacement de façon définitive. De ce fait, nous ne pouvons que rompre nos relations contractuelles.

La première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de deux mois.

Cependant, votre état de santé ne vous permettant pas d'effectuer ce préavis, il ne vous est dû aucune indemnité compensatrice à ce titre. Au terme de ce contrat de travail, vous percevrez votre solde de tous comptes et il vous sera remis votre certificat de travail et l'attestation ASSEDIC".

Mohamed EK. avait 23 ans d'ancienneté au moment de son licenciement. Le 9 mars 2001, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'AGEN de différentes demandes.

Par jugement du 14 mars 2002, le conseil de prud'hommes d'AGEN s'est déclaré en départage de voix et a renvoyé les parties en cause à l'audience du 21 mai 2002.

Par jugement du 15 octobre 2002, le conseil de prud'hommes d'AGEN a :

- rejeté les demandes de Mohamed EK.

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamné le salarié aux dépens.

Le 15 octobre 2002, Mohamed EK. a relevé appel de cette décision. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Au soutien de son appel, Mohamed EK. fait valoir que son licenciement n'est pas fondé et s'analyse en un licenciement pour absences répétées dues à son état de santé.

Il explique que son licenciement est fondé sur la perturbation grave au fonctionnement de l'entreprise et sur la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié absent ; il conteste que l'employeur se soit trouvé dans la nécessité de le remplacer définitivement.

Il ajoute que la MINOTERIE S. n'a pas rapporté la preuve qu'elle l'a effectivement remplacé définitivement, qu'en toute hypothèse, un remplacement provisoire était parfaitement envisageable.

Il considère que l'employeur ne pouvait procéder à son licenciement faute de justifier la nécessité dans laquelle il se trouvait de le remplacer définitivement.

Il fait valoir qu'il se trouve actuellement dans une situation difficile dans la mesure où il a travaillé 23 ans dans l'entreprise, que diminué physiquement, il se retrouve dans l'impossibilité de pourvoir en emploi durable à sa qualification de manutentionnaire.

En conséquence, Mohamed EK. demande à la cour :

- de réformer en l'ensemble de ses dispositions le jugement du 15 octobre 2002,

- de dire et juger dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement dont il a fait l'objet,

- en conséquence, de condamner la société MINOTERIE S. au règlement des sommes suivantes :

[* 24.000 ä pour indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*] 2.686,74 ä pour préavis,

[* 228,67 ä pour congés payés sur préavis,

- de condamner l'employeur au paiement de 1.500 ä au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens. *]

La MINOTERIE S. réplique que le motif du licenciement était clairement énoncé dans la lettre de licenciement et qu'il s'agissait de la perturbation de l'organisation du travail consécutives aux absences prolongées et répétées de Mohamed EK.

Elle explique que le salarié voulait être reclassé au poste de chauffeur, qu'étant bien titulaire du permis poids lourds, le salarié ne pouvait pas obtenir une qualification de chauffeur, faute de savoir lire ou écrire, ce qui lui interdisait la possibilité d'établir des bons de livraison.

Elle ajoute avoir fait ce qu'elle pouvait raisonnablement pour faire reclasser le salarié en recueillant l'avis du médecin du travail qui s'est rendu sur place et a procédé à une étude de poste, et en proposant au salarié un poste approprié à ses capacités. Elle ajoute que Mohamed EK. a signé le 27 juin 2000 l'avenant à son contrat de

travail sur la base de cette proposition, qu'ainsi, le salarié a été reclassé.

Elle ajoute que le licenciement de Mohamed EK. était parfaitement fondé, la désorganisation de l'entreprise étant bien réelle et bien consécutives aux absences prolongées et répétées du salarié, absences que ce dernier ne peut justifier par sa prétendue absence de reclassement puisqu'il a bien été reclassé.

En conséquence, la MINOTERIE S. demande à la cour :

- de confirmer le jugement dont appel,

- de débouter Mohamed EK. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- en revanche, ajoutant au jugement de première instance

- de le condamner à payer à la MINOTERIE S. la somme de 1.600 ä au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première et deuxième instance. MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que le salarié a été licencié en raison de ses absences prolongées et répétées perturbant fortement l'organisation du travail de l'entreprise "malgré toutes les adaptations que nous avons mises en place et nous contraignent à procéder à votre remplacement de façon définitive".

Mais attendu que le licenciement pour absences répétées ne peut être prononcé que si les perturbations entraînées par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est troublé par l'absence prolongée de l'intéressé, entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif.

Attendu que si l'employeur produit certains éléments caractérisant une perturbation du fonctionnement de l'entreprise, force est à la cour de constater que des contrats d'intérim n'ont procédé au

remplacement du salarié absent du 10 mars 2000 jusqu'au 5 janvier 2001que durant 4 périodes :

- du 21 mars au 24 mars 2000 (2 jours),

- du 14 avril au 21 avril (5 jours),

- du 2 mai au 5 mai (3 jours),

- du 13 au 17 novembre 2000 (5 jours).

Attendu qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la nécessité du remplacement définitif ;

Qu'en l'espèce la Minoterie S. ne produit aucun élément permettant à la cour de constater que le remplacement définitif a bien eu lieu.

Que cette preuve est pourtant en possession de l'employeur si le remplacement a été réellement effectué.

Que la nécessité du remplacement définitif ne peut se déduire des seules perturbations apportées à l'entreprise et qui ne sont ici caractérisées que de manière générale, que l'employeur ne s'exprime pas sur les possibilités qui s'offraient à lui de procéder à des remplacements provisoires.

Attendu que les conditions alléguées dans la lettre de licenciement et justifiant le licenciement pour absences répétées ne sont pas remplies ; qu'il convient de considérer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Attendu, s'agissant du préavis, que l'accident du travail qui s'est produit le 10 mars 2000 n'a fait l'objet d'aucune consolidation ; que c'est la raison pour laquelle la rechute alléguée par Mohamed EK. a été refusée par la C.P.A.M. après expertise qui a fait la même observation.

Attendu qu'il n'est pas contesté que Mohamed EK. travaillait depuis plus de 20 ans dans cette entreprise, qu'il portait de lourdes charges, et qu'il n'avait eu aucun soin à la colonne vertébrale, ne présentait aucun trouble dégénératif de celle-ci, que ces troubles

ont commencé à compter de l'accident du travail du 14 mars 2000 et se sont poursuivis jusqu'à son licenciement.

Attendu en conséquence que s'agissant d'un accident du travail, il est en droit de percevoir l'indemnité de préavis correspondante.

Attendu que la cour trouve en l'espèce les éléments, caractérisés par l'ancienneté du salarié, son âge, sa difficulté à retrouver un emploi, lui permettant de fixer à 24.000 ä le montant des dommages et intérêts que la société Minoterie S. devra lui payer.

Que le montant du préavis n'est pas contesté, qu'il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2.686,74 ä outre les congés payés correspondants 228,67 ä.

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mohamed EK. la charge des frais non compris dans les dépens dont il a fait l'avance ; qu'il convient de condamner la société Minoterie S. à lui régler la somme de 1.500 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'elle devra en outre supporter la charge des dépens. PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes d'Agen du 15 octobre 2002 ;

Déclare dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement dont Mohamed EK. a fait l'objet ;

Condamne en conséquence la S.A. Minoterie S. à lui régler les sommes suivantes : .

préavis

2.686,74 ä .

outre les congés payés correspondants

228,67 ä .

dommages et intérêts

pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

24.000,00 ä .

dommages et intérêts sur le fondement de l'article 700 du

nouveau Code de procédure civile

1.500,00 ä

Condamne la S.A. Minoterie S. en tous les dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'exécution du présent arrêt s'ils s'avéraient nécessaires.

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de chambre, et par Solange BELUS, Greffière présente lors du prononcé.

LA GREFFIÈRE :

LA PRÉSIDENTE :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02/1449
Date de la décision : 27/01/2004
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement

La lettre de licenciement fixe les limites du litige : le salarié a été licencié en raison de ses absences prolongées et répétées perturbant fortement l'organisation du travail de l'entreprise. Mais un tel licenciement ne peut être prononcé que si les perturbations entraînées par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est troublé par l'absence prolongée de l'intéressé, entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif.En l'espèce, force est à la Cour de constater que des contrats d'intérim n'ont procédé au remplacement du salarié absent que durant quatre périodes de deux à cinq jours chacune. L'employeur ne produit aucun élément permettant de constater qu'un remplacement nécessaire et définitif a bien eu lieu. Cette preuve serait pourtant en possession de l'employeur si le remplacement avait été réellement effectué. La nécessité du remplacement définitif ne peut se déduire des seules perturbations apportées à l'entreprise, qui ne sont ici caractérisées que de manière générale. De plus, l'employeur ne s'exprime pas sur les possibilités qui s'offraient à lui de procéder à des remplacements provisoires. Les conditions alléguées dans la lettre de licenciement et justifiant le licenciement pour absences répétées ne sont pas remplies. Il convient de considérer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2004-01-27;02.1449 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award