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24/06/2003 | FRANCE | N°02/759

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 24 juin 2003, 02/759


ARRET DU 24 JUIN 2003 NR/NG ----------------------- 02/00759 ----------------------- Marcel B. C/ X... ès qualité de liquidateur amiable de l'Agence de Développement Economique (ADE Gers) ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du vingt quatre Juin deux mille trois par Nicole ROGER, Présidente de chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Marcel B. Rep/assistant : Me Florence VAYSSE-AXISA (avocat au barreau de TOULOUSE) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AUCH en date du 05 Février

2001 d'une part, ET : M. X... ès qualité de liquidateur...

ARRET DU 24 JUIN 2003 NR/NG ----------------------- 02/00759 ----------------------- Marcel B. C/ X... ès qualité de liquidateur amiable de l'Agence de Développement Economique (ADE Gers) ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du vingt quatre Juin deux mille trois par Nicole ROGER, Présidente de chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Marcel B. Rep/assistant : Me Florence VAYSSE-AXISA (avocat au barreau de TOULOUSE) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AUCH en date du 05 Février 2001 d'une part, ET : M. X... ès qualité de liquidateur amiable de l'Agence de Développement Economique (ADE Gers) Rep/assistant : la SCP MOULETTE - ST YGNAN - VAN HOVE (avocats au barreau d'AUCH) INTIME :

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 27 Mai 2003 devant Nicole ROGER, Présidente de chambre, Catherine LATRABE, Conseillère, Arthur ROS, Conseiller, assistés de Nicole GALLOIS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCEDURE

Marcel B., né le 23 novembre 1951, a été embauché par l'association de développement économique du Gers (ADE) le 1er mars 1996 en qualité de chargé de mission.

Il est devenu directeur par intérim le 3 mars 1997 puis directeur d'agence ; sa rémunération brute mensuelle est passée, en trois ans, de 16. 000 à 31. 426, 14 francs.

Le 8 janvier 1999, Marcel B. a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé au 14 janvier 1999 et son licenciement pour motif économique lui a été notifié par lettre reçue le 29 janvier 1999 avec effet au 31 octobre 1999 dans les termes suivants :

"dissolution de l'association".

Une convention de conversion lui a été proposée.

Il a perçu une indemnité de préavis égale à neuf mois et une indemnité de licenciement de 306. 405, 26 francs ; l'ADE a refusé d'appliquer la clause contractuelle contenue dans un avenant portant la date du 23 décembre 1997 et qui prévoyait qu'à l'indemnité de licenciement conventionnelle s'ajouterait une indemnité forfaitaire de deux ans de salaires

Le 5 novembre 1999, Marcel B. a saisi le Conseil de prud'hommes d'AUCH d'une demande pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en application de l'indemnité contractuelle de licenciement ;

Par décision du 5 février 2001, le Conseil de prud'hommes d'AUCH a dit que l'indemnité de licenciement s'analysait en une clause pénale et qu'il convenait de la modérer à hauteur de 200. 000 francs.

La même décision a débouté Marcel B. de sa demande de reconnaissance pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Marcel B. a relevé appel de cette décision et l'ADE relève appel incident. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Marcel B. demande, tout d'abord, l'application de la clause contenue dans l'avenant du 23 décembre 1997 et soutient qu'elle ne peut être modérée en raison de la spécificité de son poste de directeur, des responsabilités qu'il assumait, de son ancienneté et des difficultés qu'il a de retrouver un poste ; il estime que la clause doit s'appliquer dans son intégralité et sollicite, à ce titre , la somme de 124. 286, 54 euros avec les intérêts à compter de la demande.

Subsidiairement, il sollicite l'application du statut conventionnel applicable en l'espèce en son article 17 prévoyant le doublement de l'indemnité conventionnelle de licenciement au cas de renvoi non motivé ce qu'il estime être le cas en l'espèce ; il chiffre les sommes qui lui sont dues à 86. 235, 91 euros.

Marcel B. invoque le caractère abusif de son licenciement en raison, tout d'abord, de sa motivation insuffisante, en second lieu de l'absence de recherche de reclassement alors que l'intégralité de l'activité de l'association a été reprise par le Conseil Général et qu'il a été le seul victime d'une mesure de licenciement.

Il affirme, en outre, qu'il y avait lieu à application de l'article L 122-12 du Code du travail en application de la directive communautaire européenne n° 77-187 du 14 février 1977 modifiée le 29

juin 1998 qui impose le maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise d'une personne morale de droit privé à une personne morale de droit public ce qui est le cas en l'espèce ; Marcel B. sollicite, en conséquence du caractère abusif de son licenciement, la somme de 304. 898 euros représentant environ quatre ans de salaires.

Il demande, en outre, l'allocation d'une somme de 3. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. * * * L'employeur réplique, premièrement, sur la clause, que l'avenant du 23 décembre 1997 encourt la nullité absolue tout d'abord parce qu'il s'agit d'un faux antidaté qui a été établi non pas le 23 décembre 1997 mais le 24 mars 1998 et, d'autre part, en raison du fait qu'il est dépourvu de cause car les responsabilités et les attributions de Marcel B. ont été diminuées par cet avenant et non augmentées; l'ADE fait plaider que l'intention frauduleuse vicie cet avenant et avait pour but, par l'agencement de cette clause, d'influencer "une toute autre opération".

L'ADE sollicite, en conséquence, de la cour la reconnaissance de la nullité absolue de cette convention et rappelle les sommes perçues par Marcel B., soit neuf mois de préavis et une indemnité de licenciement équivalente à près de dix mois de salaires.

S'agissant du licenciement, l'ADE fait plaider que la dissolution de l'association est, à elle seule, une cause réelle et sérieuse de licenciement et que le juge n'a pas à examiner le motif de la cessation d'activité mais seulement examiner le motif même de la rupture, ce qui au cas d'espèce conduit à juger légitime le licenciement dont Marcel B. a fait l'objet.

L'ADE soutient, en outre, qu'il n'y a pas eu transfert au Conseil

Général du Gers de l'activité de l'ADE qui n'a pas conservé son identité et auquel l'article L 122-12 ne peut s'appliquer ; l'ADE s'explique plus longuement sur ce point dans ces conclusions auxquelles la cour renvoie. MOTIFS DE LA DECISION

1°) Sur la clause d'indemnité contractuelle :

Attendu que dans un document daté du 23 décembre 1997, les parties, président de l'association d'une part, et Marcel B. d'autre part, ont signé un avenant reprenant les principales dispositions du contrat de travail mais en modifiant légèrement les attributions et contenant un article 7 ainsi libellé : "Il sera appliqué à Marcel B., le cas échéant, les textes en vigueur en matière de perte d'emploi, de démission ou de licenciement. En sa qualité de directeur, le préavis pour licenciement est de six mois, majoré d'un mois par année d'ancienneté. D'autre part, en cas de licenciement pour quelque motif que ce soit, l'indemnité de licenciement est fixée à six mois de salaire auxquels s'ajoute un mois de traitement par année d'ancienneté. Cette indemnité est majorée d'un forfait de deux années de salaire brut compte tenu des conditions particulières de l'emploi de directeur. Cette dernière indemnité est également versée en cas d'éviction du poste de directeur de l'ADE du Gers. Le présent contrat est applicable à partir du 1er janvier 1998."

Attendu que c'est cette clause qui est arguée de nullité par l'ADE ; Mais attendu que la circonstance que le document ait été antidaté, ce qui est peut-être le cas mais n'est pas suffisamment établi par le document versé aux débats, est sans influence sur sa validité ; qu'il n'est pas contesté que cet avenant a été signé contractuellement entre l'employeur et le salarié et que le simple fait qu'il ait pu être antidaté, alors au surplus que les bulletins de salaire reflètent exactement les dispositions prises sur ce point entre les

parties, n'est pas de nature à entraîner sa nullité ;

Attendu, s'agissant de l'absence de cause à cette convention, que cette notion purement civiliste n'est pas applicable à l'espèce ; qu'il est, en effet, dans la nature des relations salariales de comporter des augmentations qui ne tiennent pas toutes au contenu des attributions des salariés ; que l'ADE n'explique pas en quoi cet avenant serait dépourvu de cause sinon par le fait que les responsabilités de Marcel B. auraient été diminuées et non augmentées ; que cette circonstance ne suffit pas à entraîner non plus la nullité de la clause prévoyant une indemnité conventionnelle de licenciement considérable ;

Attendu que l'ADE se prévaut, encore, de ce qu'une intention frauduleuse vicierait cet avenant qui avait pour but, dans l'agencement de cette clause, d'influencer une toute autre opération de telle sorte que la convention serait d'une nullité absolue;

Mais attendu que l'ADE n'explique pas quelle serait cette autre opération, ne produit aucun document permettant d'expliciter cette argumentation et, qu'en conséquence, force est à la cour de la rejeter ;

Mais attendu qu'une indemnité contractuelle de licenciement constitue une clause pénale que le juge peut apprécier comme étant excessive ; Attendu que tel est bien le cas, en l'espèce ;

Que ni la spécificité du poste de directeur qui d'ailleurs n'est pas explicitée, ni ses responsabilités, ni son ancienneté qui n'était que de trois ans, ni les difficultés de retrouver un poste ne sont de nature à justifier l'allocation d'une somme aussi importante après seulement trois ans d'ancienneté et sans élément précis sur les autres éléments allégués par Marcel B. ;

Que c'est à juste titre que l'ADE fait observer que du contrat

originaire a été soustraite l'une des attributions de Marcel B. ; que dès lors c'est à juste titre que les premiers juges ont statué ainsi qu'ils l'ont fait en analysant la clause prévoyant l'indemnité de licenciement contractuelle comme une clause pénale et en la diminuant de manière consistante ; qu'il convient, avant de statuer sur l'application du statut conventionnel touchant à cette prime d'examiner les demandes formées au titre du licenciement ;

2°) Sur le licenciement :

Attendu qu'il résulte des documents non contestés que l'association a bien été dissoute, ce qui a entraîné le licenciement de son personnel ; qu'il appartient au juge prud'homal de se prononcer sur le caractère réel et sérieux des motifs de la rupture du contrat de travail et non sur la cause de la cessation de l'activité de l'employeur ;

Mais attendu que la dissolution d'une association ne dispense pas cette dernière de rechercher le reclassement de ses salariés ;

Qu'en l'espèce, il apparaît que l'ADE n'a pas procédé à une telle recherche, de telle sorte que le licenciement doit nécessairement être déclaré sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'il n'y a pas lieu d'examiner les arguments tenant au transfert au Conseil Général du Gers de l'activité de l'ADE et de rechercher si cette activité a conservé ou non son identité ; qu'il convient, en conséquence, de déclarer abusif le licenciement dont Marcel B. a fait l'objet et de lui allouer l'indemnité de licenciement prévue par l'article 17 du statut conventionnel soit la somme de 565. 670, 52 francs (86. 235, 91 euros) d'où il convient de déduire la somme de 306.405, 26 francs déjà versée ;

Attendu, sur les dommages et intérêts réclamés par Marcel B., que ceux-ci sont notoirement exagérés et représentent cinq ans et trois mois de salaires soit une durée supérieure à celle de l'activité que

Marcel B. a connu au service de l'ADE; qu'il convient de ramener cette demande à celle prévue sur la base de l'article L 122-14-4 du Code du travail et de fixer à 50. 000 euros le montant des dommages et intérêts dû par l'ADE à Marcel B. ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à Marcel B. la charge des frais non compris dans les dépens dont il a fait l'avance ; qu'il convient de lui allouer la somme de 2. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'ADE du Gers qui succombe devra supporter la charge des dépens;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes d'AUCH en ce qu'il a estimé que la clause contenue dans l'avenant du 23 décembre 1997 était une clause pénale et qu'il y avait lieu à sa réduction,

Fixe à la somme totale de 86. 235, 91 euros le montant de l'indemnité de licenciement due à Marcel B., dont il faut déduire la somme déjà perçue de 46. 711, 18 euros soit un solde de 39. 524, 73 euros,

Déclare dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement dont Marcel B. a fait l'objet,

Condamne l'Agence de Développement Economique du Gers à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 50. 000 euros,

Condamne, encore, l'Agence de Développement Economique du Gers à payer à Marcel B. la somme de 2. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Dit que les intérêts sur l'indemnité de licenciement courront à compter de la notification du présent arrêt,

Condamne l'Agence de Développement Economique du Gers en tous les dépens,

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de chambre, et par Nicole GALLOIS, Greffière présente lors du prononcé. LA GREFFIERE,

LA PRESIDENTE, N. GALLOIS

N. ROGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02/759
Date de la décision : 24/06/2003
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Indemnités - Indemnité conventionnelle de licenciement - Révision - Pouvoirs des juges - /

Une indemnité contractuelle de licenciement constitue une clause pénale que le juge peut apprécier. Tel est bien le cas de la clause qui attibue une indemni- té de licenciement égale à plusieurs mois de salaires plus autres majorations à un salarié, alors que ni la spécificité du poste de directeur, ni ses responsabilit- és, ni son ancienneté qui n'était que de trois ans, ni les difficultés de retrouver un poste ne sont de nature à justifier l'allocation d'une somme aussi importante après si peu d'ancienneté et sans élément précis sur les autres éléments allégués par le salarié. Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont analysé la clause prévoyant l'indemnité de licenciement contractuelle comme une clause pénale et l'ont diminuée de manière consistante


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-06-24;02.759 ?
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