ARRET DU 20 MAI 2003 CL/NG ----------------------- 02/00270 ----------------------- S.A. MAGASINS LAFORGUE C/ Jocelyne LL. ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du vingt Mai deux mille trois par Catherine LATRABE, Conseillère, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : S.A. MAGASINS LAFORGUE Place du Marché 47200 MARMANDE Rep/assistant : Me Dominique BOZEC-CLAVERIE (avocat au barreau d'AGEN) APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de MARMANDE en date du 28 Janvier 2002 d'une part, ET :
Jocelyne LL. Rep/assistant : la SCP ROINAC - ROUL (avocats au barreau de MARMANDE) INTIMEE :
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 22 Avril 2003 devant Nicole ROGER, Présidente de chambre, Georges BASTIER, Conseiller, Catherine LATRABE, Conseillère, assistés de Nicole GALLOIS, Greffière et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * *
Jocelyne LL., née le 20 février 1954, a été embauchée par la S.A. Magasins LAFORGUE en qualité de comptable à compter du 25 février 1985 moyennant une rémunération brute mensuelle de 7 500 Francs.
Par lettre du 31 mars 2000, la S.A. Magasins LAFORGUE lui a notifié son licenciement pour le motif suivant : " très mauvais résultats de la société nous obligeant à réduire considérablement les charges du personnel." Le 9 juin 2000, Jocelyne LL., contestant ce licenciement, a saisi le Conseil des Prud'hommes de MARMANDE aux fins notamment d'obtenir le règlement d'indemnités liées à cette rupture du contrat de travail.
Suivant jugement en date du 28 janvier 2002, cette juridiction a dit que Jocelyne LL. a été licenciée pour motif économique sans rechercher de possibilité de reclassement, a dit en conséquence que le licenciement dont elle a fait l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la S.A. Magasins LAFORGUE à lui verser les sommes de 38 112,25 Euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 152,44 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La S.A. Magasins LAFORGUE a interjeté appel de cette décision dans
des conditions de forme et de délais qui ne sont pas critiquées.
Elle soutient pour l'essentiel que le licenciement de Jocelyne LL. repose bien sur une cause réelle et sérieuse puisque la détérioration constante du chiffre d'affaire l'a conduite à procéder à la cessation de l'activité du magasin où travaillait l'intéressée, ce magasin ayant fermé définitivement ses portes le 1° juillet 2000 et le local ayant été racheté par la société JEANDIS qui a ouvert le 11 avril 2001 un commerce sous l'enseigne E. LECLERC (espace culturel).
Elle prétend, par ailleurs, qu'elle ne saurait être considérée comme faisant partie d'un groupe de sociétés ; elle ajoute qu'elle s'est rapprochée, dès l'été 1999, de la société JEANDIS qui exploite le magasin LECLERC à MARMANDE ainsi que de la société CASTELDIS qui exploite un magasin de même enseigne à CASTELJALOUX et ce, afin d'examiner les possibilités de reclassement de la salariée, cette recherche s'étant avérée infructueuse, aucun poste compatible avec la qualification de l'intéressée n'étant disponible, ainsi qu'en atteste l'expert comptable de ces deux sociétés.
Elle demande, par conséquent, à la Cour de réformer la décision déférée et, a titre principal de dire que la rupture du contrat de travail pour motif économique de Jocelyne LL. repose sur une cause réelle et sérieuse, de dire qu'elle a effectué une recherche de reclassement préalablement à cette rupture et de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire, elle demande à la Cour de limiter les dommages intérêts à octroyer à la salariée à la somme de 3 032 Euros, l'intéressée qui a perçu, pendant 6 mois, son salaire intégral dans le cadre de la convention de conversion ayant subi un préjudice moins important que celui qu'elle allègue.
Jocelyne LL. demande, au contraire, à la Cour de dire que le licenciement prononcé à son encontre le 31 mars 2000 est dépourvu de
cause réelle et sérieuse et de condamner Guy B. en sa qualité de dirigeant de la S.A. Magasins LAFORGUE à lui verser les sommes de 52 899,81 Euros à titre de dommages intérêts et de 1 500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle soutient pour l'essentiel qu'aucune proposition de reclassement ne lui a été faite de sorte qu'un tel licenciement entraîne nécessairement des conséquences financières.
Elle fait état, également, de ce que Guy B. était au moment de son licenciement outre son employeur, Président de la S.A. Magasins LAFORGUE mais aussi dirigeant de la S.A. JEANDIS et administrateur de la S.A. CASTELDIS ; elle ajoute que la quasi-totalité du personnel qui travaillait, comme elle, au magasin LAFORGUE de MARMANDE a été reclassée au sein du magasin LECLERC de cette même ville, ce magasin étant géré par la S.A. JEANDIS.
Elle prétend, en outre, que son employeur ne saurait s'exonérer de l'obligation légale de reclassement qui pèse sur lui en versant aux débats, bien après son licenciement, une attestation de circonstance émanant de son comptable et indiquant que des recherches auraient été faites en vain, ce dont elle n'a jamais été avisée en temps utile.
Elle conteste, par ailleurs, le motif économique en lui-même allégué par l'employeur.
Elle souligne, enfin, que le licenciement qu'elle a subi, après quinze ans d'ancienneté lui a causé un préjudice important dans la mesure où elle s'est retrouvée pendant plusieurs mois jusqu'au 3 octobre 2001 demandeur d'emploi, avec deux enfants à charge.
SUR QUOI
Attendu que le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise n'est pas possible ; dans le cadre de cette obligation de reclassement, il appartient à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement et de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé un emploi disponible de même catégorie ou à défaut, de catégorie inférieure, fût ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de son salarié à l'évolution de son emploi.
Que les possibilités de reclassement s'apprécient au moment où le licenciement est envisagé, avant même son prononcé.
Qu'il appartient à l'employeur de prouver qu'il était, alors, dans l'impossibilité de procéder à ce reclassement et ce, même si le salarié a adhéré à une convention de conversion.
Qu'en l'espèce, il est constant que la S.A. Magasins LAFORGUE n'a pas proposé un reclassement à la salariée, préalablement à sa décision de licencier.
Qu'il est incontestable que des liens étroits existent entre la S.A. Magasins LAFORGUE, la S.A. JEANDIS et la S.A. CASTELDIS, ces dernières exploitant des supermarchés sous l'enseigne LECLERC et les trois sociétés comptant parmi leurs administrateurs et dirigeants Guy B. et Monique B., étant ajouté que le local dans lequel était exploité le magasin LAFORGUE a été repris par la S.A. JEANDIS qui y a ouvert un espace culturel sous l'enseigne LECLERC.
Qu'il n'est pas discuté, par ailleurs, que quatre des neuf salariés qui constituaient l'effectif de la S.A. LAFORGUE ont été embauchés par la S.A. JEANDIS, dès leur cessation d'activité pour le compte de la S.A. LAFORGUE.
Que de tels éléments permettent de caractériser un groupe d'entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu
d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Que la seule production aux débats par la S.A. LAFORGUE d'une attestation du comptable des S.A. JEANDIS et CASTELDIS, postérieure au licenciement de Jocelyne LL., faisant état de l'absence de place vacante correspondant à la qualification et au niveau de rémunération de cette dernière ne suffit pas à établir que l'employeur a tout essayé pour reclasser la salariée y compris à un poste de catégorie inférieure et qu'il a satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge.
Qu'en cas de méconnaissance de l'obligation de reclassement, comme en l'espèce, le licenciement doit être considéré, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des parties, comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Que l'absence de cause réelle et sérieuse ouvre droit au bénéfice du salarié à une indemnité.
Que suite à ce licenciement, Jocelyne LL. a subi incontestablement un préjudice qui, au regard des circonstances de l'espèce et notamment de son âge, de son ancienneté dans l'entreprise, de la période de chômage qui a suivi mais aussi de la structure de la S.A. Magasins LAFORGUE doit être réparé par l'allocation d'une somme de 38 112,25 Euros.
Attendu, par conséquent, que la décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.
Attendu que les entiers dépens seront mis à la charge de la S.A. Magasins LAFORGUE qui succombe pour l'essentiel, laquelle devra, en outre, verser à Jocelyne LL. la somme de 800 Euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Reçoit l'appel jugé régulier en la forme,
Le déclare mal fondé,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Condamne la S.A. Magasins LAFORGUE à verser à Jocelyne LL. la somme de 800 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamne la S.A. Magasins LAFORGUE aux dépens,
Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de chambre, et par Nicole GALLOIS, Greffière présente lors du prononcé. LA GREFFIERE,
LA PRESIDENTE, N. GALLOIS
N. ROGER