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25/03/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006942408

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 25 mars 2003, JURITEXT000006942408


ARRET DU 25 MARS 2003 NR/NG ----------------------- 00/00272 ----------------------- Claude V. C/ Frédéric T. ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA SERGE B. ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du vingt cinq Mars deux mille trois par Nicole ROGER, Présidente de chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Claude V. Rep/assistant : la SCP LAGAILLARDE (avocats au barreau d'AUCH) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AUCH en date du 07 Février 2000

d'une part, ET : Frédéric T. ès qualités de mandataire l...

ARRET DU 25 MARS 2003 NR/NG ----------------------- 00/00272 ----------------------- Claude V. C/ Frédéric T. ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA SERGE B. ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du vingt cinq Mars deux mille trois par Nicole ROGER, Présidente de chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Claude V. Rep/assistant : la SCP LAGAILLARDE (avocats au barreau d'AUCH) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AUCH en date du 07 Février 2000 d'une part, ET : Frédéric T. ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA SERGE B. Rep/assistant : Me Jean-Luc MARCHI (avocat au barreau d'AGEN) INTIME :

d'autre part,

CGEA - AGS 13 Les docks Atrium 10.5-BP76514, 10 place de la joliette 13567 MARSEILLE CEDEX 2 Rep/assistant : Me Jean-Luc MARCHI (avocat au barreau d'AGEN) PARTIE INTERVENANTE : A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 25 Février 2003 devant Nicole ROGER, Présidente de chambre, Catherine LATRABE, Conseillère, Christian COMBES, Conseiller, assistés de Nicole GALLOIS, Greffière et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE

Claude V., né le 12 mai 1946, a été embauché par la SA Serge B. le 16 septembre 1993, en qualité de VRP exclusif moyennant une rémunération par commissions sur les ventes directes et indirectes dont le montant était défini au contrat, selon un taux dégressif en fonction des remises consenties au moment de la vente.

Ces commissions devaient être payées trimestriellement au prorata des encaissements, avec la possibilité d'un versement d'acompte mensuel de 70% des commissions acquises, à ces commissions s'ajoutant diverses primes constituant un élément substantiel de la rémunération.

Tous les ans, en début de saison étaient fixés par des notes de service le mode de rémunération et les commissions des VRP pour l'année à venir.

Jusqu'à la note du 1er septembre 1998, Claude V. a accepté ces modifications qui faisaient partie d'une adaptation au marché où les

critères d'attribution de primes retenues pour une année n'étaient pas systématiquement les mêmes pour l'année suivante.

A compter de cette date, Claude V. a mis en demeure son employeur de lui rétablir les précédentes conditions de rémunération sans quoi, il saisirait la juridiction prud'homale pour régler ce litige. Cette mise en demeure est restée sans écho.

Le 16 juillet 1999, Claude V. a saisi le conseil de prud'hommes d'AUCH d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de condamnation de ce dernier à lui payer diverses indemnités et des dommages et intérêts.

Par jugement du 07 février 2000, le conseil de prud'hommes d'AUCH a :

- prononcé la résolution du contrat de travail établi le 16 décembre 1993 aux torts de Claude V. et l'a condamné aux dépens.

Le salarié avait 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de la rupture.

Le 16 février 2000, Claude V. a relevé appel de cette décision.

Par la suite, l'employeur n'ayant pas remis au salarié le certificat de travail et l'attestation ASSEDIC, Claude V. a saisi la formation de référé le 21 mars 2000, en demandant la remise de ces documents et le paiement de l'indemnité de congés payés correspondant à la période 1999/2000.

Le 28 mars 2000, l'employeur lui a remis un certificat de travail et une attestation ASSEDIC dont Claude V. a contesté les libellés.

Par ordonnance de référé du 07 avril 2000, le conseil de prud'hommes d'AUCH a estimé qu'il y avait une contestation sérieuse et s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes.

Le 18 avril 2000, Claude V. a relevé appel de cette décision.

Le 09 juin 2000, par jugement, le tribunal de grande instance de CARPENTRAS a prononcé le redressement judiciaire de la société B. ;

ce redressement a été converti en liquidation par décision du 16 novembre 2000, Maître T. ayant été désigné comme liquidateur.

Par arrêt du 15 mai 2001, la cour d'appel d'AGEN a joint l'instance en référé et l'instance au fond, a ordonné une expertise avant dire droit, désignant Jean-pierre D. comme expert.

Ce dernier a déposé son rapport le 02 novembre 2002. L'affaire revient en cet état devant la cour d'appel d'AGEN .

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Claude V. explique que la date de début de contrat devant figurer sur le certificat de travail et l'attestation ASSEDIC est celle de l'embauche, le 16 septembre 1993 ;

Il estime que la date de cessation du contrat est celle du 7 février 2000 et non le 3 décembre 1999 comme l'indique l'employeur, puisqu'à cette première date a été prononcée par jugement la résolution, et que l'employeur a écrit le 17 janvier 2000 un courrier démontrant qu'à cette date il le considérait encore salarié de l'entreprise.

Il fait valoir que sa créance concernant sa demande de paiement de l'indemnité de congés payés est, pour avoir été reconnue par l'employeur certaine, liquide et exigible alors que la compensation invoquée par l'employeur est irrecevable, ne présentant aucune de ces caractéristiques.

Il soutient que l'employeur a procédé à une modification unilatérale de son contrat de travail en réduisant sa rémunération sans son accord, qu'en l'absence de son consentement la SA B. aurait dû

poursuivre le contrat aux conditions antérieures ou le licencier, que la rupture du contrat est donc imputable à l'employeur et s'analyse en un licenciement abusif qui n'a pas fait l'objet d'une lettre de licenciement motivée, qui ne peut pas être motivée même a posteriori, qui a été particulièrement brutal ;

Il souligne que le rapport d'expertise a indiqué explicitement que " le mode de rémunération de Claude V. a bien été modifié unilatéralement par l'employeur" mais que l'expert n'a pas mesuré l'ampleur des conséquences de la modification en estimant que "le nouveau mode de rémunération ne pénaliserait pas le salarié dans sa globalité."

Il indique que l'expert n'a pas ou n'a pas voulu tenir compte des conséquences du contexte dans lequel se passait la modification du mode de rémunération, que sa baisse de salaire résulte des manipulations opérées par l'employeur, que les variations de son chiffre d'affaire s'explique par le contexte.

Il expose que l'expert a commis des erreurs d'analyses en prenant comme base de calcul des bulletins de salaires établis par trimestres civils ne correspondant pas aux périodes à comparer et en prenant comme postulat que la nouvelle rémunération n'était pas pénalisante. Il explique que la SA B. a modifié ses conditions de rémunération par réduction de la prime nouveau client, par suppression de la prime de distance et de la prime de produits, ainsi que par modification de la prime d'objectifs, que prétendre que l'erreur alléguée quant au paiement des avances sur commissions (réalisées sur les commandes passées et non sur les paiements effectifs) comme prévu au contrat n'est pas opposable à l'employeur constitue un argument emprunt de mauvaise foi, que dans la mesure où la nouvelle définition des primes avait pour conséquence de diminuer sa rémunération, elle ne pouvait

être appliquée sans son accord, que les primes litigieuses constituaient des éléments de son salaire intégrés au contrat de travail ( et non de simples gratifications bénévoles ), qu'à tout le moins, il y aurait là abus de droit de la part de l'employeur en sorte que la requalification de ces primes en rémunération contractuelle s'imposerait alors que, même à considérer que les primes litigieuses relèveraient d'un simple engagement unilatéral de la part de l'employeur, celui-ci n'aurait pu être dénoncé que moyennant le respect d'un délai de prévenance suffisant qui n'a pas été respecté et qu'il est donc fondé à solliciter la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur.

Il sollicite, en conséquence, le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, sa rémunération pour la période écoulée entre la modification du contrat et la date de résiliation du contrat, l'indemnité de clause de non concurrence et l'indemnité de clientèle.

Il fait valoir que l'appréciation des dommages et intérêts dus pour rupture abusive doit tenir compte du gain manqué sur la rémunération pendant sa vie active jusqu'à sa retraite et des cotisations sociales à verser pour bénéficier d'une retraite à taux plein au titre des prestations de vieillesse.

Il s'estime fondé à demander une allocation pour procédure au fond et en référé en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, considérant qu'il a tout tenté pour ramener son employeur à l'application normale du contrat et éviter ainsi d'agir en justice.

Il considère que la garantie de l'AGS doit s'appliquer à ses créances à l'exception de celles résultant de l'indemnité conventionnelle de non concurrence postérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure du 9 juin 2000, et de celle résultant de l'article 700

du Nouveau Code de Procédure Civile, et devra s'exercer dans la limite du plafond 13.

Il conteste les conclusions déposées par le CGEA ASG en estimant qu'elles sont infondées car elles reposent sur divers postulats inexacts en droit et en fait.

En conséquence, Claude V. demande à la cour :

*sur l'ordonnance de référé du 7 avril 2000 :

- de dire que l'employeur représenté par maître T. es qualités, devra établir un certificat de travail et une attestation ASSEDIC mentionnant le 16 septembre 1993 comme date de début du contrat et le 7 février 2000 comme date de fin du contrat.

- de dire qu'il est dû par l'employeur la somme de 874,05 euros brut à titre d'indemnités de congés payés ;

- d'ordonner la prise en charge de cette indemnité par le CGEA-ASG 13.

* sur le jugement du 7 février 2000

- de dire que l'employeur a violé les obligations résultant pour lui des conventions intervenues entre parties quant à la rémunération et unilatéralement modifié la disposition essentielle du contrat de travail qui constitue la définition de la rémunération ;

- de dire que la résiliation de son contrat de travail est intervenue aux torts de la SA Serge B..

- de fixer sa créance à l'encontre de la SA Serge B. à :

1) 7.137,37 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 713,74 euros brut pour l'indemnité de congés payés correspondante, 2) 9 311,75 euros brut à titre de rappel de salaire et 931,17 euros brut pour l'indemnité de congés payés correspondante,

3) 9 421,33 euros brut à titre d'indemnité de clause de non

concurrence et 942,13 euros brut pour l'indemnité de congés payés correspondante

4) 40 000 euros brut à titre d'indemnité de clientèle,

5) 200 586 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

- de dire que l'employeur, représenté par Maître T. es qualités, devra délivrer les bulletins de salaires correspondants et une attestation ASSEDIC rectifiée en conséquence.

- de dire que le CGEA-ASG 13 devra prendre en charge les sommes ci-dessus qui lui seront allouées, à l'exception de celles résultant de l'indemnité conventionnelle de non concurrence postérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure, en date du 9 juin 2000 et de l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et ce dans les limites du plafond 13 prévu par l'article D 143-2 du code du travail.

-de condamner la SA Serge B., représenté par Maître T. es qualités, à lui payer la somme de 6.500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. * * *

Le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) de MARSEILLE, intimé, réplique que Claude V. a accepté la modification de rémunération intervenue en septembre 1998 car il a continué à travailler avant d'arrêter définitivement en novembre 1999, qu'il n'a pas été licencié.

Il expose que l'expertise de Jean-pierre D. est de nature à limiter les prétentions extravagantes du salarié, qu'elle démontre que l'employeur a exécuté le contrat de travail sans faute.

Il estime que la résiliation judiciaire du contrat a été demandée par le salarié, ce qui permet à l'employeur de répliquer sur le même terrain.

Il souligne que le versement intégral des commissions pendant une certaine période est le résultat d'une erreur, qu'en tout état de cause et s'agissant d'une simple possibilité pour l'employeur, le versement des acomptes à concurrence de 70% des commissions acquises ne saurait être considéré comme une cause de rupture, que le contrat de travail prévoit le versement de commissions et ne vise aucune prime, que les primes étaient accordées par saison commerciale en fonction des objectifs commerciaux décidés par la direction de la société pendant l'été, cette dernière ne souhaitant pas s'engager par le biais d'un usage, que les modifications instaurées par les notes de service ne réunissent pas les paramètres de l'usage, que notamment, les primes instaurées ne présentent pas les conditions de constance et de fixité qui sont requises;

Il explique que la prime de "distance" n'est plus apparue en 1998, mais ainsi que l'a établi l'expert, la rémunération globale de Claude V. n'a pas baissé du fait que les commissions de base ont toujours augmenté, passant de 10 à 11 % et même 12 % en 1998.

Il soutient que malgré l'augmentation du taux de commission, le chiffre d'affaire du salarié a considérablement baissé entre 1996 et 1999 en raison d'un défaut d'activité, que le comportement de celui-ci justifie le prononcé de la résiliation judiciaire à ses torts, sur le fondement des articles 1142 et 1184 du code civil.

Il souligne que s'il a existé une baisse du chiffre d'affaire et de la rémunération de Claude V., c'est la conséquence d'une baisse de la société B. qui allait aboutir à un dépôt de bilan, qu'il ne s'agit pas d'une responsabilité objective de la société ni d'une volonté de nuire à son représentant, et que par conséquent, la rupture ne peut être imputée à l'employeur qui a exécuté le contrat.

Il expose que les prétentions de Claude V. sont infondées, que ce dernier a fait preuve d'un comportement particulièrement virulent à

l'égard de l'employeur qui doit s'analyser comme une faute.

Il souligne qu'au 3 décembre 1999, la rupture du contrat de travail était consommée.

Il considère abusives les demandes à titre subsidiaire de Claude V. concernant les dommages et intérêts divers.

Il estime que la réclamation du salarié de l'indemnité compensatrice de préavis est fausse car elle est basée sur des chiffres constitués par la moyenne des salaires calculés par l'expert qui incluent les congés payés, que celle du rappel de salaire sur la période postérieure à 1995 n'est pas justifiée que sa demande de l'indemnité compensatrice de la clause de non concurrence est abusive, que l'expert a rappelé qu'aucun élément ne permet de prouver le développement de la clientèle au profit du salarié, qu'il ne peut donc prétendre à une indemnité de clientèle.

Il expose que le salarié, prétendant ne pas pouvoir trouver d'emploi à 55 ans doit être débouté de son abusive demande de dommages et intérêts à hauteur du salaire qu'il aurait touché jusqu'à son départ en retraite, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, et que les frais irrépétibles seront indemnisés par l'octroi de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En conséquence, le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) demande à la cour de :

- prendre acte de l'intervention de l'AGS, de ses remarques ainsi que des limites de sa garantie dans le cadre de la procédure collective, l'AGS ne pouvant avancer le montant des créances constatées qu'entre les mains du liquidateur.

- au principal de confirmer le jugement dont appel et de débouter Claude V. de l'ensemble des demandes fins et conclusions en

prononçant la résolution du contrat de travail liant les parties à effet au 3 décembre 1999 pour faute grave aux torts de l'employé, avec toutes les conséquences de droit (certificat de travail etc...) - subsidiairement de fixer les droits du salarié sur la base d'un salaire mensuel de 1.839 euros au titre du préavis, et dommages et intérêts qui seront limités à l'équivalent de 6 mois de salaires.

- de le débouter de toutes les autres demandes notamment pour l'application d'une clause de non concurrence que l'employeur n'a entendu jamais imposer et qui n'est pas opposable à L'AGS;

- de condamner Claude V. à payer à l'AGS la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure. * * *

Maître T., intimé, s'en remet aux observations et aux demandes formulées par L'AGS.

MOTIFS DE LA DECISION

1°) Sur la fixation des dates du contrat :

Attendu qu'il est admis par toute partie que l'embauche de Claude V. remonte au 16 septembre 1993 et non au 16 décembre 1993 ;

Attendu, s'agissant de la date de la rupture, qu'il convient de retenir celle du jugement prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail ; attendu, en effet, qu'avant cette date, l'employeur n'a pas jugé utile de prononcer le licenciement pour une cause quelconque de Claude V. et qu'en outre aucun élément ne permet d'établir que la rupture a eu lieu à une date antérieure à celle du prononcé du jugement du Conseil de prud'hommes ;

2°) Sur les congés payés :

Attendu que l'employeur n'en conteste pas le principe et qu'il convient, en conséquence, de les accorder à Claude V. à hauteur de

874, 05 euros dont le montant n'est pas contesté ;

3°) Sur la résiliation demandée par Claude V. aux torts de l'employeur du contrat de travail pour modification unilatérale du contrat:

Attendu que la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié, même de manière minime, sans son accord, peut important que l'employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux ; attendu que la modification est caractérisée lorsque la structure de la rémunération, son montant, son mode de calcul ou ses composantes sont remis en cause ;

Attendu que la principale modification du contrat de travail a été constituée par la suppression le 1er septembre 1998 de la prime de distance qui était accordée au salarié depuis 5 années consécutives ; Attendu que l'octroi de cette prime constitue un avantage important pour le salarié qui résultait d'un engagement unilatéral de l'employeur et ne pouvait comme tel être modifié sans son accord ; que force est à la cour de constater qu'à l'exception de cette prime Claude V. supportait la totalité de la charge des frais qui normalement auraient dû incomber à l'employeur, concernant le transport et les frais afférents à la représentation ;

Attendu que c'est à juste titre, que Claude V. soutient que les primes ne constituaient pas des gratifications à titre bénévole dont le paiement est à la discrétion de l'employeur mais bien des éléments de son salaire ; qu'elles étaient, comme telles, opposables à l'employeur qui n'avait pas la liberté de les modifier unilatéralement c'est à dire sans recueillir l'accord du salarié ;

Attendu, en effet, que même si ces primes n'étaient pas individualisées dans le contrat de travail, elles y figuraient néanmoins et constituaient un engagement unilatéral de l'employeur,

et qu'elles ne pouvaient être modifiées sans l'accord du salarié ;

Attendu que le tableau produit lors des opérations d'expertise fait effectivement apparaître une diminution des sommes perçues par Claude V. entre la saison 97/98 et la saison 98/99 ; que même si la prime de base est passée de 11 % à 12 %, la prime pour nouveaux clients est passée de 3 % à 2 % et la prime de distance a été supprimée ; que force est à la cour de constater que l'employeur a modifié unilatéralement les éléments de calcul de la rémunération du salarié malgré ses protestations répétées ; que la rupture doit, en conséquence, lui être déclarée imputable;

5°) Sur les conséquences de la rupture :

Attendu qu'il y a lieu de rechercher quel est le salaire brut mensuel sur lequel doivent être assises les indemnités allouées à Claude V. ; Attendu que c'est à juste titre qu'il demande que soit retenue la dernière année de rémunération précédant la modification de la rémunération ; qu'ainsi c'est sur la base d'une somme de 2. 379, 12 euros que doit être réalisé le calcul de la cour ; que sur cette base, le préavis s'élève à la somme de 7. 137, 37 euros outre les congés payés correspondants 713, 73 euros ;

Qu'il convient de fixer la créance de Claude V. en fonction de son ancienneté, soit cinq ans, à la somme de 15. 000 euros ;

Attendu, en effet, que la somme réclamée apparaît notoirement exagérée par rapport aux bases données par l'article L 122-14-4 qui prévoit un minimum de 6 mois de salaires pour un salarié ayant plus de 2 ans d'ancienneté dans une entreprise embauchant plus de 11 salariés ; que la somme réclamée apparaît disproportionnée avec le préjudice subi et les facultés de l'entreprise ;

6°) Sur le rappel de salaire :

Attendu qu'il est incontestable, selon les opérations d'expertise que Claude V. a perçu, entre le 4ème trimestre 1998 et le 3ème trimestre 1999, la somme de 144. 777, 01 francs, soit 12. 067, 75 francs par mois ; qu'ainsi la différence de salaire qui lui est dû entre le 1er septembre 1998 et le 7 février 2000 s'élève à 9. 311, 75 euros outre les congés payés correspondants 931, 17 euros ;

7°) Sur la contrepartie financière à l'indemnité de non concurrence

Attendu que cette indemnité résulte du contrat de travail, que la contrepartie financière est prévue par la convention collective et qu'elle doit être calculée sur la base d'un tiers du salaire perçu par mois pour une période s'élevant à une année ; que cette créance doit être déclarée opposable, mois par mois, à l'AGS jusqu'au prononcé du redressement judiciaire ; que seules les sommes dues à ce titre au jour du redressement judiciaire pourront être prises en charge par l'AGS, le surplus constituant une créance de Claude V. sur la liquidation judiciaire de la société B. pour laquelle l'AGS est en droit de refuser sa garantie ;

8°) Sur l'indemnité de clientèle :

Attendu que l'indemnité de clientèle est attribuée au représentant en fonction de la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ; qu'en l'absence de démonstration d'une augmentation du chiffre d'affaires et de la clientèle, il n'y pas lieu à attribution d'indemnité de clientèle ; que Claude V. doit en être débouté ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Claude V. ceux des frais non compris dans les dépens dont il a fait l'avance ; qu'il convient, néanmoins, de ramener à un montant plus raisonnable les sommes demandées pour les frais d'avocat qu'il convient de fixer

sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la somme de 3. 000 euros ;

Qu'il convient d'observer que cette créance n'est pas prise en charge par l'AGS

Attendu qu'il convient de donner acte au CGEA de MARSEILLE représentant l'AGS de son intervention, de dire que le présent arrêt lui est opposable dans les limites légales de ses conditions d'intervention et des plafonds de garantie applicables, faute de fonds disponibles dans l'entreprise ;

Attendu que les dépens seront passés en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Réforme en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de prud'hommes d'AUCH du 7 février 2000,

Statuant à nouveau :

Dit que Claude V. a été embauché à compter du 16 septembre 1993 et que la résiliation de son contrat de travail doit être fixée au 7 février 2000,

Ordonne, en conséquence, la modification des documents sociaux sur la base de cette décision,

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en une rupture aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Fixe comme suit la créance de Claude V. dans la liquidation judiciaire de la société B. : 1) congés payés

874, 05 euros 2) préavis

7. 137, 37 euros Plus les congés payés correspondants

713, 73 euros 3) rappel de salaire entre le 01/09/98 et le 07/02/00

9. 311, 75 euros Outre les congés payés correspondants

931, 17 euros 4) indemnité de clause de non concurrence

793, 04 euros Payable mois par mois à compter du 01/02/00 pendant une durée d'une année 5) dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

15. 000, 00 euros 6) article 700 du nouveau Code de procédure civile 3. 000, 00 euros

Déboute Claude V. de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle,

Donne acte à l'AGS de son intervention et lui déclare le présent arrêt opposable en ce qui concerne l'indemnité de non concurrence jusqu'au prononcé du redressement judiciaire,

Dit que l'AGS devra sa garantie dans les conditions légales de son intervention et faute de fonds disponibles dans l'entreprise,

Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de liquidation judiciaire,

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de chambre, et par Nicole GALLOIS, Greffière présente lors du prononcé. LA GREFFIERE,

LA PRESIDENTE, N. GALLOIS

N. ROGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006942408
Date de la décision : 25/03/2003
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Salaire - Modification.

La rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié, même de manière minime, sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux. La modification est caractérisée lorsque la structure de la rémunération, son montant, son mode de calcul ou ses composantes sont remis en cause. En l'espèce, la principale modification du contrat de travail a été constituée par la suppression de la prime de distance qui était accordée au salarié depuis 5 années consécutives. Or, l'octroi de cette prime constitue un avantage important pour le salarié qui résultait d'un engagement unilatéral de l'employeur et ne pouvait comme tel être modifié sans son accord. C'est à juste titre, que l'appelant soutient que les primes ne constituaient pas des gratifications à titre bénévole dont le paiement est à la discrétion de l'employeur, mais bien des éléments de son salaire, comme telles, opposables à l'employeur qui n'avait pas la liberté de les modifier unilatéralement, c'est à dire sans recueillir l'accord du salarié. En effet, même si ces primes n'étaient pas individualisées dans le contrat de travail, elles y figuraient néanmoins et constituaient un engagement unilatéral de l'employeur, et elles ne pouvaient être modifiées sans l'accord du salarié. Le tableau produit lors des opérations d'expertise fait effectivement apparaître une diminution des sommes perçues par l'appelant et la

suppression de la prime de distance. Force est à la Cour de constater que l'employeur a modifié unilatéralement les éléments de calcul de la rémunération du salarié malgré ses protestations répétées ; que la rupture - demandée par le salarié aux torts de son employeur pour modification unilatérale du contrat de travail - doit, en conséquence, lui être déclarée imputable.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-03-25;juritext000006942408 ?
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