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18/02/2003 | FRANCE | N°02/44

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 18 février 2003, 02/44


ARRET DU 18 FEVRIER 2003 CC/NG ----------------------- 02/00044 ----------------------- Patrick R. C/ Maître Marc LERAY ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL EQUIPEMENT AQUITAIN ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du dix huit Février deux mille trois par Christian COMBES, Conseiller, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE :

Patrick R. Rep/assistant : Me Maryline LE DIMEET (avocat au barreau de BORDEAUX) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AGEN en date du 18 Décembre

2001 d'une part, ET : Maître Marc LERAY ès qualités de mandat...

ARRET DU 18 FEVRIER 2003 CC/NG ----------------------- 02/00044 ----------------------- Patrick R. C/ Maître Marc LERAY ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL EQUIPEMENT AQUITAIN ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du dix huit Février deux mille trois par Christian COMBES, Conseiller, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE :

Patrick R. Rep/assistant : Me Maryline LE DIMEET (avocat au barreau de BORDEAUX) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AGEN en date du 18 Décembre 2001 d'une part, ET : Maître Marc LERAY ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL EQUIPEMENT AQUITAIN 20 place J.B. Durand 47000 AGEN Rep/assistant : Me Jean-Loup BOURDIN (avocat au barreau d'AGEN) INTIME :

d'autre part,

C.G.E.A. DE BORDEAUX Les Bureaux du Lac, Rue Jean Gabriel Domergue 33049 BORDEAUX CEDEX Rep/assistant : Me BOURDIN loco Me Jean-Luc MARCHI (avocat au barreau d'AGEN) PARTIE INTERVENANTE : A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 21 Janvier 2003 devant Nicole ROGER, Présidente de chambre, Catherine LATRABE, Conseillère, Christian COMBES, Conseiller, assistés de Nicole GALLOIS, Greffière et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE Patrick R. qui indique avoir été embauché en qualité de dépanneur électronicien le 1er avril 1981 par la S.A.R.L. EQUIPEMENT AQUITAIN soutient, selon une thèse contestée par ses adversaires, être demeuré soumis au lien de subordination après en être devenu en 1983 l'un des associés minoritaires, comme avoir fait l'objet d'un licenciement pour motif économique selon courrier du 1er octobre 1996 à la suite duquel lui a été réglé au moyen d'un chèque remis le 2 décembre 1996, toutefois dépourvu de la provision correspondante, la somme de 79 011.59 francs correspondant à ses quatre derniers mois de salaire et aux indemnités de préavis et de licenciement. A la suite de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. EQUIPEMENT AQUITAIN prononcée le 27 novembre 1998 il a déclaré sa créance auprès de Maître LERAY, liquidateur, dans des circonstances qui ont amené ce dernier à en

refuser l'inscription parmi celles présentant un caractère salarial. Saisi à sa requête, le Conseil de Prud'hommes d'Agen, par jugement du 18 décembre 2001, l'a débouté de sa demande de créance salariale "novée en créance chirographaire" et l'a invité à mieux se pourvoir. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Patrick R. a relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables. Il estime suffisamment faire la preuve de sa situation de salarié par la production des bulletins de salaire délivrés entre le 1er janvier 1981 et le 1er octobre 1996, puis des bulletins de versement de l'indemnité ASSEDIC entre les mois de novembre 1996 et août 1999, comme celle du licenciement survenu et explique que la mention "projet" figurant sur la lettre de licenciement est liée à la situation juridique que traversait alors son employeur. Il reproche en conséquence au premier juge d'avoir retenu que la créance dont il se prévaut puisse s'être novée en une créance passée en compte courant et, partant, devenue chirographaire. Il réclame en sus de la somme de 79 011.59 francs correspondant à ses quatre derniers mois de salaire et aux indemnités de préavis ( 9 492.42 francs x 6) et de licenciement ( 22 057.07 francs) l'indemnité de congés payés pour les périodes courant de juin 1995 à mai 1996 (14 281.75 francs) et de juin à novembre 1996 ( 7 271.60 francs) en sorte que c'est une somme totale de 100 564.94 francs soit encore 15 331.03 ä dont il demande la fixation, sollicitant enfin que l'arrêt soit déclaré opposable au CGEA de Bordeaux. * * * Le CGEA de Bordeaux conteste l'existence d'un contrat de travail en raison de l'implication de Patrick R. dans la société EQUIPEMENT AQUITAIN, écarte les éléments qu'il apporte y compris ceux relatifs à l'existence même de la procédure de licenciement et relève que par son comportement et notamment en laissant durant six mois les sommes réclamées en compte-courant celui-ci a fait prévaloir sa qualité d'associé sur celle de salarié.

Ayant ainsi opté dés l'ouverture de la procédure collective en faveur de l'inscription de sa créance en compte-courant puis accepté dans le cadre d'une procédure d'ordre de s'effacer devant le Trésor public, il est mal venu de critiquer l'existence de la novation survenue que le premier juge a, à bon droit, retenue. Ajoutant que Patrick R. ne peut davantage réclamer ses congés pour une période correspondant à l'année antérieure à son licenciement, il sollicite donc la confirmation de la décision déférée, outre la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 1 000 ä sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. * * * Maître LERAY qui expose des moyens identiques conclut de même à la confirmation de la décision dont appel. MOTIFS - sur la qualité de salarié de Patrick R. Attendu que le contrat de travail qui suppose la fourniture d'un travail contre rémunération se caractérise principalement par l'existence d'un lien de subordination, c'est-à-dire l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur ; Que la qualité d'associé n'est pas incompatible avec celle de salarié sous réserve que soit établi l'exercice d'une fonction dans un tel état de subordination ; Et que s'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence, il incombe, en présence d'un contrat apparent, à celui qui en invoque le caractère fictif de rapporter cette preuve ; Attendu au cas précis que la réalité du contrat de travail ayant uni Patrick R. et la S.A.R.L. EQUIPEMENT AQUITAIN entre le 1er janvier 1981 et le 30 novembre 1996 découle d'une lettre d'engagement en qualité de dépanneur datée du 2 janvier 1981, de la production de la totalité des bulletins de salaire en originaux ou en copie établis sur toute la période concernée et du certificat de travail correspondant; Que le CGEA comme le liquidateur ne démontrent pas le caractère fictif de la relation de travail par cette seule allégation que Patrick R. aurait fait prévaloir sa qualité de

dirigeant sur celle de salarié, ce qui d'ailleurs sur le plan de la sémantique revient à lui reconnaître cette double qualité ; Ce d'autant que l'intéressé fournit ces éléments extrinsèques au contrat de travail que sont la preuve du versement effectif des cotisations liées à celui de la rémunération par le relevé de la Caisse de retraite IRIS arrêté au 1er avril 1995 totalisant des versements annuels correspondant aux salaires versées durant les années 1984 à 1994 et celle de l'ouverture de ses droits à l'ASSEDIC dont le versement de l'indemnité a constitué sa seule ressource entre les mois de novembre 1996 et d'août 1999 ; Qu'il démontre encore par la production de deux témoignages émanant de clients de la société EQUIPEMENT AQUITAIN la réalité de sa prestation de travail en qualité de dépanneur soumis aux instructions de son employeur et par l'attestation délivrée par ce dernier, corroborée par la Fiduciaire de France, qu'il n'a jamais disposé d'une délégation générale et permanente de signature, que ses salaires lui ont été réglés par chèque et qu'il ne s'est jamais porté caution des engagements de la société ; Que la qualité de salarié de Patrick R. doit dés lors être lui être reconnue; - sur la réalité du licenciement survenu Attendu que celui-ci établit par la production de l'ordonnance rendue par le juge d'instruction le 3 juillet 1996 que le gérant de la S.A.R.L. EQUIPEMENT AQUITAIN, alors mis en examen, a été autorisé à rencontrer les salariés pour organiser leur licenciement en présence d'un représentant de la Fiduciaire de France, pareillement admise à apporter son concours à la gestion courante de l'entreprise ; Que le simple fait que la lettre de licenciement porte la mention "projet", laquelle peut s'expliquer par la situation juridique découlant du rappel qui précède, n'est pas de nature à mettre en doute la réalité du licenciement survenu alors que celui-ci a donné lieu à l'envoi des courriers de convocation à l'entretien préalable et de licenciement -

dont il est produit pour ce dernier la copie de l'envoi recommandé - à la délivrance d'un certificat de travail, à l'émission d'un bulletin de salaire reprenant les indemnités de rupture accompagnées du chèque d'un montant correspondant, et qu'il a enfin ouvert droit au bénéfice de l'allocation servie par l'ASSEDIC ; Et que le motif du retard de paiement des quatre derniers mois de salaire comme l'absence de la provision associée au chèque remis le 2 décembre 1996 est à mettre au compte des difficultés traversées par l'employeur alors qu'aucun élément n'accrédite l'existence à cette époque d'un compte-courant auquel Patrick R. aurait volontairement affecté la créance salariale détenue sur la société ; que l'absence de salaire figurant alors en compte courant est de surcroît certifiée par le gérant qui a établi le 18 décembre 1996 une attestation en ce sens co-signée du représentant de la Fiduciaire de France ; Qu'enfin le montant réglé correspond effectivement à la réunion des quatre derniers mois de salaire ( 9 492.42 francs x 4) et des indemnités de préavis ( 9 492.42 francs x 2) et de licenciement ( 22 057.07 francs) ; Que la réalité du licenciement survenu doit dés lors être retenue ; - sur la novation de la créance Attendu que la novation par changement de créance suppose à la fois que le créancier renonce au bénéfice de l'obligation préexistante, qui est éteinte sans avoir été exécutée, et accepte un nouvel engagement du débiteur qui se trouve ainsi substitué à l'ancien ; Et que la renonciation et la novation doivent résulter de faits positifs impliquant de façon nécessaire une volonté non équivoque de renoncer et de nover ; Attendu certes qu'à la suite du jugement prononçant le 27 novembre 1998 la liquidation judiciaire de la société EQUIPEMENT AQUITAIN, Patrick R. a déclaré le 3 décembre 1998 que celle-ci lui devait "au titre de son compte courant la somme de 79 011.59 francs" en joignant la copie du chèque établi deux ans auparavant; Mais attendu que l'application du

mécanisme de la novation au cas précis supposerait que Patrick R. ait renoncé à se prévaloir d'une créance salariale à laquelle sont attachés les garanties et privilèges prévus par la loi et accepté, d'accord avec la société, que ces sommes viennent s'inscrire au crédit de son compte courant d'associé ; Or attendu que non seulement la preuve de cette seconde préposition n'est aucunement apportée par la seule mention contenue dans la déclaration de créance, acte par nature unilatéral et ne pouvant en conséquence faire la preuve d'un accord du débiteur à la création d'un nouvel engagement de sa part, mais qu'encore, à supposer que la créance ait pu être inscrite en compte courant, ce seul élément serait en tout état de cause insuffisant à faire la démonstration qui importe en l'espèce que Patrick R. ait voulu éteindre l'obligation primitive ; Et que le fait qu'il ait auparavant donné mainlevée de l'opposition formée le 20 février 1997 dans le cadre de laquelle il invoquait cette même créance salariale ne constitue pas davantage une manifestation non équivoque de l'intention qui lui est prêtée, alors que l'explication selon laquelle le gérant s'était engagé à lui adresser le règlement, quoique bien na've, est confirmée par le courrier de l'huissier qu'il avait initialement mandaté ; Qu'ainsi les intimés n'apportent pas la preuve de la novation dont ils se prévalent ; Que la créance invoquée par Patrick R. conserve en conséquence son caractère salarial ; - sur le montant de la créance Attendu que les réclamations formées découlent directement du licenciement et ne sont contestées ni en leur principe, ni en leur quantum, qu'il s'agisse des salaires ou des indemnités de préavis et de licenciement dont le calcul opéré ne souffre pas davantage la critique ; Et que s'agissant de l'indemnité de congés payés Patrick R. a vocation à prétendre, du fait du licenciement survenu, à l'indemnité compensatrice représentant le solde des droits acquis entre le 1er juin 1995 et le 31 mai 1996,

puis ceux correspondant à la période comprise entre le 1er juin et le 30 novembre 1996 alors de surcroît que les bulletins de salaire établis pour les six premiers mois de l'année 1996 mentionnent le cumul des congés payés acquis, manifestant ainsi suffisamment la reconnaissance des droits correspondants par l'employeur ; que leur montant qui n'est pas contesté par les intimés correspond aux pièces ainsi communiquées ; Que la décision déférée encoure dés lors l'infirmation, les dépens étant mis à la charge de la liquidation judiciaire. PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Déclare les appels tant principal qu'incidents recevables en la forme, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Fixe ainsi qu'il suit la créance de Patrick R. à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. EQUIPEMENT AQUITAIN : - 2 894.22 ä à titre de salaire, - 5 788.44 ä à titre d'indemnité de préavis, - 3 362.58 ä à titre d'indemnité de licenciement, - 3 285.79 ä francs à titre d'indemnité de congés payés, Déclare le présent arrêt opposable au CGEA de Bordeaux dans les limites légales de sa garantie, Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties, Met les dépens à la charge de la liquidation judiciaire, Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de chambre, et par Nicole GALLOIS, Greffière présente lors du prononcé.

LA GREFFIERE,

LA PRÉSIDENTE,

N. GALLOIS

N. ROGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02/44
Date de la décision : 18/02/2003
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire

La novation par changement de créance suppose à la fois que le créancier renonce au bénéfice de l'obligation préexistante, qui est éteinte sans avoir été exécutée, et accepte un nouvel engagement du débiteur qui se trouve ainsi substitué à l'ancien. La renonciation et la novation doivent résulter de faits positifs impliquant de façon nécessaire une volonté non équivoque de renoncer et de nover. L'application du mécanisme de la novation au cas précis supposerait que l'appelant ait renoncé à se prévaloir d'une créance salariale à laquelle sont attachés les garanties et privilèges prévus par la loi et accepté, d'accord avec la société, que ces sommes viennent s'inscrire au crédit de son compte courant d'associé. Or, non seulement la preuve de cette seconde proposition n'est aucunement apportée par la seule mention contenue dans la déclaration de créance, - acte par nature unilatéral et ne pouvant en conséquence faire la preuve d'un accord du débiteur à la création d'un nouvel engagement de sa part -, mais encore, à supposer que la créance ait pu être inscrite en compte courant, ce seul élément serait en tout état de cause insuffisant à faire la démonstration qui importe en l'espèce que l'appelant ait voulu éteindre l'obligation primitive. Ainsi, les intimés n'apportent pas la preuve de la novation dont ils se prévalent. La créance invoquée par l'appelant conserve en conséquence son caractère salarial.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-02-18;02.44 ?
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