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11/02/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006941333

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 11 février 2003, JURITEXT000006941333


ARRET DU 11 FEVRIER 2003 NR/NG ----------------------- 02/00070 ----------------------- Thierry A. C/ Association A.D.S.E.A. ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du onze Février deux mille trois par Nicole ROGER, Présidente de chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Thierry A. Rep/assistant : Me TANDONNET (Avoué) loco la SCP MOULETTE - ST YGNAN - VAN HOVE (avocats au barreau d'AUCH) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AUCH en date du 20 Décembre 2001 d'une part, ET : Associatio

n Départementale de Sauvegarde de l'Enfance à l'Adulte...

ARRET DU 11 FEVRIER 2003 NR/NG ----------------------- 02/00070 ----------------------- Thierry A. C/ Association A.D.S.E.A. ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du onze Février deux mille trois par Nicole ROGER, Présidente de chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Thierry A. Rep/assistant : Me TANDONNET (Avoué) loco la SCP MOULETTE - ST YGNAN - VAN HOVE (avocats au barreau d'AUCH) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AUCH en date du 20 Décembre 2001 d'une part, ET : Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance à l'Adulte (A.D.S.E.A.) 18 avenue Pierre Mendès-France 32000 AUCH Rep/assistant : Me Pierre HANDBURGER (avocat au barreau d'AUCH) INTIMEE :

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 14 Janvier 2003 sans opposition des parties devant Nicole ROGER, Présidente de chambre, et Christian COMBES, Conseiller, assistés de Nicole GALLOIS, Greffière. Les magistrats rapporteurs en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre eux-mêmes, de Philippe LOUISET, Conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du nouveau code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * *

FAITS ET PROCEDURE

Thierry A., né le 10 octobre 1964, a été embauché au mois de novembre 1993 en qualité d'éducateur spécialisé par l'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance à l'Adulte (A.D.S.E.A).

Le contrat de travail a pris fin le 29 février 2000.

Le 17 juillet 2000, Thierry A. a saisi le Conseil de prud'hommes d'AUCH de demandes en rappel de salaires pour les nuits passées en chambre de veille pour la période non prescrite et pour le travail supplémentaire effectué lors des camps pour la même période.

Par jugement du 20 décembre 2001, il a été débouté de ses demandes.

Il a relevé appel de cette décision. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Thierry A. explique que la convention collective applicable du 15 mars 1966 qui prévoyait, pour la surveillance la nuit en chambre de veille, une compensation assimilant les 9 premières heures à 3 heures

de travail effectif et entre 9 heures et 12 heures l'assimilation de chaque heure à une demi-heure de travail effectif, est moins favorable que le régime des heures supplémentaires tel que prévu par le Code du travail ; qu'en effet elle ne rémunère pas l'intégralité des heures de présence et ne comporte aucune majoration.

Il en déduit que la convention collective est inapplicable car elle ne peut déroger à la loi et elle ne pourrait y déroger que si elle assurait au salarié une situation plus favorable que celle résultant de la stricte application des règles légales ou réglementaires.

Il fait valoir que la convention collective n'a pas fait l'objet d'un arrêté d'extension, qu'un horaire d'équivalence ne pouvait être institué que par décret ou par convention collective de branche ou accord professionnel ou interprofessionnel étendu ou par une convention collective d'entreprise soumise aux dispositions de l'article L 132-26 du Code du travail.

Thierry A. rappelle l'évolution de la jurisprudence et de la loi sur ce sujet. Il ne conteste pas que lors de l'adoption de la loi Aubry II, l'article 29 a indiqué que : "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturnes comportant des temps d'inaction effectuées sur le lieu du travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses et conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail agréés en vertu de la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales, en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses."

Thierry A. fait valoir que malgré cette loi, le fait générateur du droit à rémunération est antérieur à son adoption si bien qu'alors qu'il était assuré d'obtenir en justice le paiement de ses heures

supplémentaires, il s'est vu, par cette loi à effet rétroactif, interdire cette possibilité ; il fait valoir que même s'il n'avait pas encore engagé de procès au moment du vote de la loi, il pouvait le faire dans la limite de la prescription quinquennale des salaires ; il rappelle la primauté du droit communautaire de telle sorte que les dispositions de l'article 29 de la loi du 19 juin 2000 sont inapplicables comme contraires à la directive européenne du 23 novembre 1993 et à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Thierry A. fait valoir, en effet, que cette directive européenne définit comme temps de travail, en son article 2, toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité.

Selon lui, l'article 29 de la loi Aubry est manifestement contraire à cette directive car elle valide, a posteriori, une rémunération réduite pour une durée de travail supérieure.

Thierry A. demande, en second lieu, la rémunération des heures effectuées lors des camps ; il précise que lorsqu'il effectuait un camp, il partait le lundi matin entre 7 heures et 9 heures avec un retour le vendredi vers 17 heures ; qu'en plus de ses attributions éducatives, il fallait veiller 24 heures/24 heures à la sécurité morale et physique de tous ainsi qu'à la gestion budgétaire du séjour et que la durée des camps variait d'une semaine à 15 jours voire 3 semaines ; il souligne que le protocole d'accord interne à l'ADSEA a été contesté par plusieurs salariés et que ces dispositions sont moins favorables que celles de la convention collective.

Il sollicite, en conséquence, la condamnation de l'ADSEA au paiement de la somme totale de 25. 072, 34 euros et 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. * * *

L'ADSEA du Gers réplique que les prétentions de Thierry A. concernant les heures passées en chambre de veille sont réglées par la loi, en tout cas pour les situations n'ayant pas fait l'objet d'une action en justice engagée avant cette loi ; selon l'ADSEA les versements qu'il a perçus au titre de la rémunération des permanences nocturnes sont validés et il ne peut donc prétendre à une rémunération complémentaire alors qu'il n'a saisi le Conseil de prud'hommes d'AUCH qu'après la promulgation de la loi, soit le 17 juillet 2000.

L'ADSEA produit plusieurs arrêts de cours d'appel rejetant les demandes des salariés tenant au paiement heure par heure du temps de permanence passé la nuit en chambre de veille en raison de la validation de la convention collective du 15 mars 1966 par le législateur.

Sur la demande de rappel de salaire relative aux camps, l'ADSEA rappelle l'intérêt des camps et des sorties comprenant une nuit passée à l'extérieur ; elle affirme que Thierry A. a librement choisi de participer à de tels camps et sorties aux conditions de rémunération fixées en accord avec la convention collective du 15 mars 1966, l'avenant du 22 janvier 1982 prévoyant un pourcentage de majoration de l'heure supplémentaire, l'avenant du 1er janvier 1992 et un protocole d'accord signé le 20 octobre 1992 et jamais dénoncés depuis lors.

Selon l'ADSEA, cette rémunération forfaitaire, rappelée en page 7 des conclusions, a été librement consentie de part et d'autre et conduira la cour à débouter Thierry A. de sa demande à ce titre de même que celle concernant les congés payés afférents.

L'ADSEA conclut, en conséquence à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Thierry A. au paiement de la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de

procédure civile, selon l'évaluation qu'il a faite, lui-même, du montant des frais irrépétibles suscités par son action. MOTIFS DE LA DECISION

1°) Sur les heures d'équivalence :

Attendu que l'article 29 de la loi du 19 février 2000 a validé, sous réserve de décisions de justice passées en force de chose jugée, les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d'inaction effectués sur le lieu du travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives et accord collectif national agréé en vertu de l'article 16 de la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales en tant que leur montant serait contesté par les moyens tirés de l'absence de validité desdites clauses ;

Attendu que Thierry A. qui a engagé son action le 17 juillet 2000, soit après la promulgation de la loi, ne peut donc solliciter la rémunération des heures de surveillance nocturne en temps de travail effectif ; que la loi du 19 janvier 2000 qui réglemente pour l'avenir les conditions dans lesquelles peut être institué un régime dérogatoire d'équivalence a en effet validé, dans son article 29, les versements effectués avant sa date d'entrée en vigueur ; attendu que Thierry A. a quitté l'entreprise le 29 février 2000 et ne peut donc se prévaloir d'un temps de rémunération heure par heure qu'à compter du 1er février 2000 ;

L'ADSEA devra, pour la période du 1er au 29 février 2000, lui régler les heures d'équivalence comme des heures de travail effectif ;

2°) Sur la demande de rappel de salaires relative aux camps :

Attendu que pour s'opposer au paiement des horaires réellement effectués par le salarié lors des camps, l'employeur se prévaut de la convention collective du 15 mars 1966 et de l'avenant du 22 janvier

1982 majorant le pourcentage d'heures supplémentaires et d'un avenant du 1er janvier 1992 ainsi que d'un protocole d'accord signé le 20 octobre 1992 et jamais dénoncé depuis lors ; attendu qu'aux termes de ce protocole les sorties de moins de 48 heures ouvraient droit à des compensations soit : 4 heures supplémentaires par découcher à récupérer ou à rémunérer pour les personnes habituellement en horaire de jour et 3 heures supplémentaires pour les personnes habituellement en horaire d'internat ;

Que les camps de plus de 48 heures ouvraient droit à : - 3 points supplémentaires par journée de camp ou 5 points par jour de camp pour le responsable, - 4 heures supplémentaires par jour de camp et la récupération des jours de week-end non pris sur place ;

Que ces dispositions constituent un régime dérogatoire à l'application de l'article L 212-4 du Code du travail ;

Mais attendu que selon une jurisprudence constante un tel horaire qui constitue un horaire d'équivalence ne peut résulter, en dehors du cas où il est prévu par un décret, que d'une convention ou d'un accord dérogatoire conclu en application de l'article L 212-2 du même code ; Qu'une telle convention ou un tel accord ne peut être, d'une part, qu'une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel étendu, d'autre part, qu'une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement soumis aux dispositions de l'article L 132-26 du Code du travail ; qu'il a déjà été jugé que la convention collective agréée le 15 mars 1966 ne remplit pas ces conditions ;

Attendu qu'il convient d'inviter les parties à s'expliquer sur ces principes ; attendu qu'en outre le salarié a produit le jour de l'audience des éléments précis assortis de ses bulletins de salaire sur les camps qu'il a effectués, sur les sommes qu'il réclame et

qu'il en déduit celles qui lui ont été versées en application du régime dérogatoire ; attendu que ces documents n'ont pu être discutés contradictoirement par l'ADSEA ; qu'il convient, en conséquence, d'inviter l'employeur à s'expliquer sur les documents produits dont il pourra prendre connaissance au greffe, s'il n'en a déjà connaissance le jour de l'audience ;

Qu'il convient, en conséquence, d'ordonner la réouverture des débats sur les sommes éventuellement dues en application du régime dérogatoire au régime légal du temps de travail ;

Qu'il convient de surseoir à statuer sur ce point ainsi que sur les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Réformant en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Dit et juge que Thierry A. ne peut prétendre au paiement des heures de veille calculées heure par heure que pour le mois de février 2000 pour un total de 145, 49 euros outre les congés payés correspondants 14, 54 euros,

Invite les parties à s'expliquer sur le problème du régime dérogatoire appliqué, tant dans le principe que sur le montant des sommes réclamées,

Dit que Thierry A. devra produire à l'employeur l'ensemble des documents qui n'a pas été soumis à la contradiction,

Sursoit à statuer sur les sommes réclamées au titre des camps,

Réserve les dépens.

Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de chambre, et par Nicole GALLOIS, Greffière présente lors du prononcé. LA GREFFIERE,

LA PRESIDENTE, N. GALLOIS

N. ROGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006941333
Date de la décision : 11/02/2003
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Conventions relatives à la rémunération

L'article 29 de la loi du 19 février 2000 a validé, sous réserve de décisions de justice passées en force de chose jugée, les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d'inaction effectués sur le lieu du travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives et accord collectif national agréé en vertu de l'article 16 de la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales en tant que leur montant serait contesté par les moyens tirés de l'absence de validité desdites clauses. L'appelant qui a engagé son action le 17 juillet 2000, soit après la promulgation de la loi, ne peut donc solliciter la rémunération des heures de surveillance nocturne en temps de travail effectif. La loi du 19 janvier 2000 qui réglemente pour l'avenir les conditions dans lesquelles peut être institué un régime dérogatoire d'équivalence a en effet validé, dans son article 29, les versements effectués avant sa date d'entrée en vigueur. Le salarié a quitté l'entreprise le 29 février 2000 et ne peut donc se prévaloir d'un temps de rémunération heure par heure qu'à compter du 1er février 2000. L'Association intimée devra, pour la période du 1er au 29 février 2000, lui régler les heures d'équivalence comme des heures de travail effectif.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2003-02-11;juritext000006941333 ?
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