ARRET DU 07 MAI 2002 ----------------------- 00/01748 ----------------------- SARL CABIROL C/ Didier X... ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du sept Mai deux mille deux par Monsieur COMBES, Conseiller, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : SARL CABIROL ,prise en la personne de son gérant actuellement en fonctions au siège Z.I. Laville 47240 BON ENCONTRE Rep/assistant : Me BELLANDI loco la SELARL MARTIAL - FALGA PASSICOUSSET (avocats au barreau d'AGEN) APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AGEN en date du 23 Novembre 2000 d'une part, ET : Monsieur Didier X... 13, Berges de Séguran 47480 PONT DU CASSE Rep/assistant : la SCP COULEAU - DERISBOURG (avocats au barreau d'AGEN) INTIME :
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique le 26 Mars 2002 devant Monsieur MILHET, Président de Chambre, Monsieur COMBES, Conseiller, Monsieur ROS, Conseiller, assistés de Nicole GALLOIS, Greffier et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE Didier X..., embauché en qualité de charpentier depuis le 1er avril 1975 par la société CABIROL, a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Agen, lequel par jugement du 23 novembre 2000, et après avoir ordonné une mesure d'enquête a condamné la société CABIROL à lui payer les sommes de 81 018.62 francs en paiement du salaire dû entre les mois de juillet 1996 et février 2000, de 8 101 francs au titre des congés payés, de 1 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile et ordonné sous astreinte la remise des bulletins de salaire rectifiés. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES La société CABIROL a relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables. Elle conteste que le salarié puisse invoquer le principe "à travail égal, salaire égal" dés lors qu'il n'est pas placé dans une situation identique à celle de son collègue Pierre Y... dont la quantité du travail fourni, l'obtention d'un diplôme spécialisant, la disponibilité à gérer une équipe de travail ont conduit l'employeur au risque de le voir quitter l'entreprise à revaloriser son salaire sur la base d'une
convention de forfait. Concluant au rejet des prétentions de son adversaire elle sollicite la confirmation du refus opposé par le premier juge aux demandes d'annulation des sanctions disciplinaires infligées en raison du comportement difficile du salarié et d'actes d'insubordination caractérisés et demande sa condamnation à lui payer la somme de 6 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. * * * Didier X... souligne la dégradation des conditions de travail depuis l'année 1996 et estime infondé chacune des sanctions prononcées dont il sollicite l'annulation et le paiement de la retenue opérée à raison de la première soit 436 francs. Il réclame de même la somme de 3500 francs à titre de dommages intérêts pour avoir été privé du bénéfice de deux jours de congés supplémentaires. Soutenant que l'employeur ne justifie pas la différence de rémunération constatée entre lui-même et son collègue Pierre Y..., employé au même coefficient, il conclut à la confirmation de la disposition lui ayant accordé cet écart de salaire à laquelle il ajoute les demandes en paiement des sommes de 7 900 francs correspondant à un même déficit dans le versement de primes et de 1 821.32 francs relatif à la différence constatée sur le nombre d'heures réglées durant l'année 1999. Il sollicite le paiement de l'ensemble de ces sommes sous astreinte comme la remise des bulletins de salaires correspondant et la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 9 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. MOTIFS - sur les demandes en paiement Attendu qu'il se déduit de la règle générale "à travail égal, salaire égal" énoncée par les articles L 133-5 4° et L 136-2 8° du Code du travail, que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ; Qu'au cas précis Didier X... et Pierre Y... sont
tous deux placés au niveau 4, position 2 coefficient 270 de la classification conventionnelle qui définit les fonctions exercées comme consistant soit à réaliser avec une large autonomie les travaux les plus délicats de leur métier, soit à assurer de manière permanente la conduite et l'animation d'une équipe et s'appliquant à des ouvriers possédant la parfaite maîtrise de leur métier et s'adaptant de manière constante aux techniques et équipements nouveaux ; Qu'il résulte des éléments échangés que cette définition conventionnelle correspond aux fonctions effectivement exercées par chacun d'eux et ce depuis l'année 1991 en application de la nouvelle classification nationale des ouvriers du bâtiment ; Que pour autant la comparaison des bulletins de salaire de Didier X... et de Pierre Y... fait apparaître que le premier est rémunéré au taux de 55.19 francs pour un horaire de 169 heures tandis que le second l'est au taux de 65.99 francs pour 176.55 heures de travail ; et que dans le cadre de la mission qui leur a été confiée les conseillers rapporteurs ont noté que cette différence s'opérait par la réunion d'un salaire brut supérieur affecté d'une augmentation de 6 % supplémentaires, de l'intégration de 13 heures de travail supplémentaires forfaitarisées et de primes exceptionnelles ; Attendu que tenu en pareil cas de justifier les éléments objectifs et vérifiables l'ayant conduit à rémunérer différemment deux salariés effectuant le même travail, l'employeur souligne au bénéfice de Pierre Y... la quantité du travail fourni, l'obtention d'un diplôme spécialisant, la disponibilité et l'aptitude à gérer une équipe de travail ce qui l'amène à soutenir que les deux salariés ne sont pas placés dans une situation identique ; Mais attendu qu'est apportée la preuve par une série de notes d'information portant sur des périodes de temps diverses qu'il n'existe dans l'entreprise qu'un seul horaire de travail applicable à l'ensemble du personnel y
compris ceux affectés sur les chantiers ; qu'il n'est pas soutenu que le travail s'effectuerait à la tache et qu'à défaut d'autre critère permettant de mesurer la quantité de travail fournie celle-ci doit l'être à l'aune de cet horaire dont il n'est pas soutenu que Didier X... ne l'effectuerait pas; Qu'ensuite si Pierre Y... a obtenu dans le cadre de la formation professionnelle le diplôme de technicien charpente bois, Didier X... exerce une activité de formateur depuis plusieurs années à la Fédération compagnonique des métiers du bâtiment, ce qui démontre chez chacun des deux une égale volonté de formation et d'adaptation aux techniques nouvelles sans que d'ailleurs l'employeur ne mette en doute les compétences techniques du second ; Que celui-ci soutient encore sans être démenti avoir dirigé depuis plusieurs années de nombreux chantiers et ainsi pris en charge une équipe d'ouvriers parfois intérimaires sans que soient démontrées les contraintes liées pour l'employeur à des difficultés d'organisation du travail en raison des moins bonnes relations que Didier X... entretiendrait avec les salariés de l'entreprise ; Et que l'employeur ne peut justifier partie de l'écart de rémunération constaté par l'existence d'une convention de forfait au seul profit d'un salarié autonome et responsable sans démontrer que Didier X... auquel il refuse ce bénéfice ne remplirait pas de telles conditions d'attribution ; Qu'il s'ensuit de l'ensemble qu'aucun élément objectif ne vient justifier la discrimination dénoncée, ce qui ouvre droit à la réclamation dont le premier juge a exactement admis le montant pour ce qui concerne le rappel de salaire compensant la différence constatée sur la période comprise entre les mois de juillet 1996 et février 2000 et conduit à écarter sauf à rémunérer deux fois les heures correspondantes la demande incidente relative à l'année 1999; Que le premier juge ne pouvait en revanche rejeter l'écart affectant le montant des primes versées durant les
années 1994 et 1995 au motif erroné qu'elles étaient déjà intégrées dans le taux horaire alors qu'elles constituent un élément de rémunération distinct du salaire de base en relation avec l'emploi occupé ; qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande complémentaire de paiement de la somme de 7 900 francs ; Qu'est de même justifié à la charge de l'employeur le versement de l'indemnité de congés payés correspondante conséquence directe du non paiement de la différence de salaire constatée et que la Caisse des Congés payés n'a pu prendre en considération; Que la société CABIROL sera en conséquence tenue de remettre les bulletins rectifiés sans qu'il apparaisse nécessaire d'assortir cette obligation comme celle au paiement des sommes correspondantes d'une astreinte ; Attendu s'agissant enfin du litige né à raison des congés pris durant l'été 1999 que la période ordinaire des vacances doit dans tous les cas être portée par l'employeur à la connaissance du personnel au moins deux mois avant l'ouverture de cette période; Que toutefois et alors que le salarié affirme sans être contredit que son départ avait été initialement prévu le 26 juillet 1999 pour trois semaines, ce n'est que le 10 juin que l'entreprise a décidé de fermer du 30 juillet au 23 août en violation des dispositions qui précèdent à défaut pour la société CABIROL de démontrer l'existence des circonstances exceptionnelles qu'elle allègue ; Que le préjudice causé au salarié qui s'est trouvé dans l'obligation de prendre quatre semaines de congés réside dans la perte de deux jours de fractionnement ce qui conduit à limiter l'indemnisation qui lui est due à la somme de 150 euros ; - sur les sanctions disciplinaires Attendu que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa
fonction, sa carrière ou sa rémunération ; Et qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et forme sa conviction, au besoin après une mesure d'instruction, au vu des éléments que l'employeur a retenu pour prendre la sanction et qu'il doit fournir au juge et de ceux qui peuvent être fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le doute subsistant devant profiter au salarié ; Qu'au cas précis Didier X... a tout d'abord fait l'objet le 8 avril 1998 d'une mise à pied d'une journée pour avoir agressé verbalement et insulté plusieurs de ses collègues et emprunté le véhicule de l'entreprise afin de déposer à son domicile du bois usagé ; Que certes conteste-t-il la matérialité des faits en produisant l'attestation de Sébastien ZINCK qui l'assistait lors de l'entretien ; que toutefois ce témoin qui reconnaît avoir constaté une certaine tension entre Didier X... et ses collègues indique que c'est à la suite d'une remarque de ce dernier que l'incident a débuté tandis que nombre de ses collègues font état du caractère agressif et prétentieux de l'intéressé déjà mis en garde à plusieurs reprises par l'employeur contre un comportement qualifié de négatif ; qu'il apparaît enfin concevable que l'utilisation d'un véhicule de l'entreprise à des fins personnelles doive faire l'objet d'une autorisation préalable ; Que dés lors la sanction prononcée qui apparaît justifiée et proportionnée à la faute commise n'encourt pas l'annulation ; Que Didier X... a ensuite reçu un avertissement le 25 novembre 1998 à la suite d'une nouvelle altercation né du déplacement d'un véhicule utilisé par un collègue dans des circonstances qui si elles ne sont pas clairement définies enseignent qu'il était à l'origine d'une difficulté au sujet de laquelle l'employeur se devait de réagir; que le fait que ce collègue avec lequel Didier X... entretient manifestement de mauvaises relations ait pu mériter une même sanction ne fait pas disparaître le caractère
adapté à la situation de celle qui lui a été infligée ; Que la décision déférée sera confirmée sur ce point ; Attendu que les dépens sont à la charge de l'appelante qui succombe pour l'essentiel et qui sera tenu de verser au salarié une indemnité de 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Déclare les appels tant principal qu'incident recevables en la forme, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société CABIROL à payer à Didier X... les sommes de 81 018.62 francs à titre de salaires et de 1 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile, Le réformant pour le surplus et y ajoutant, Condamne la société CABIROL à payer à Didier X... les sommes suivantes : - 7 900 francs, soit 1 204.34 euros au titre du rappel de primes, - 8 891.86 francs, soit 1 355.55 euros au titre des congés payés, - 150 euros à titre de dommages intérêts, Ordonne la remise des bulletins de salaire rectifiés en conséquence, Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties, Condamne la société CABIROL aux dépens ainsi qu'à payer à Didier X... la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,
N. GALLOIS
A. MILHET