ARRET DU 09 AVRIL 2002 ----------------------- 01/00457 ----------------------- Florian X... C/ S.A.R.L. IRAGNE ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du neuf Avril deux mille deux par Monsieur COMBES, Conseiller, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Monsieur Florian X... né le 17 Novembre 1983 à CARCASSONNE (11000) 46 Grande rue 46700 PUY L'EVEQUE Rep/assistant :
la SCP MERCADIER - MONTAGNE (avocats au barreau de CAHORS) (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2001/1493 du 04/07/2001 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN) APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de CAHORS en date du 28 Mars 2001 d'une part, ET : S.A.R.L. IRAGNE Place de la Mairie 46240 LABASTIDE MURAT Rep/assistant : la SCP LAGARDE/ALARY/CHEVALIER/ KERAVAL/ GAYOT (avocats au barreau de CAHORS) INTIMEE :
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique le 05 Mars 2002 devant Monsieur MILHET, Président de Chambre, Monsieur COMBES, Conseiller, Monsieur ROS, Conseiller, assistés de Nicole GALLOIS, Greffier et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * * FAITS ET PROCÉDURE
Florian X... a été embauché le 1er septembre 1999 par la société IRAGNE dans le cadre d'un contrat d'apprentissage de la profession de pâtissier pour une durée de vingt-quatre mois. Saisi à la demande de chacune des parties, le Conseil de Prud'hommes de Cahors, par jugement rendu le 28 mars 2001, après avoir joint les procédures a prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'apprenti à la date du 20 juillet 2000 et condamné en tant que de besoin l'employeur à lui remettre le certificat de travail et l'attestation ASSEDIC. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Florian X... a relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables. Il demande de constater que la rupture est imputable à l'employeur en raison des violences tant morales que physiques subies et sollicite en réparation de la perte d'une année la somme de 50 000 francs à titre de dommages intérêts. Il soutient en outre avoir effectué des heures
supplémentaires pour un total de 19 911.44 francs et n'avoir pu bénéficier de la seconde journée de congés hebdomadaires ce qui justifie une demande à hauteur de 12 260.32 francs et sollicite la remise sous astreinte du certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC. * * * La société IRAGNE reconnaît avoir rencontré des difficultés avec cet apprenti qui multipliait les erreurs et n'acceptait aucune réprimande ce qui avait donné lieu à un avertissement du Directeur de l'Ecole des Métiers du Lot avant que ne survienne un incident le 20 juillet 2000 à l'issue duquel Florian X... n'a plus reparu sur les lieux du travail. Elle estime que cette absence constitue une faute grave justifiant la résiliation judiciaire aux torts de l'apprenti ce qui conduit à écarter la demande de dommages intérêts formée alors d'ailleurs qu'il a obtenu son CAP après avoir été embauché ailleurs. S'agissant de son horaire de travail elle soutient que les quelques dépassements se compensaient avec ses retards et que le tableau présenté n'est pas crédible alors qu'il lui a effectivement été réglé 39 heures supplémentaires. Demandant acte de la remise des certificat et attestation demandés elle conclut à la confirmation de la décision déférée outre la condamnation de son adversaire au paiement de la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. MOTIFS - sur la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage Attendu qu'à l'issue des deux premiers mois de l'apprentissage, la résiliation du contrat à défaut d'accord exprès et bilatéral des cosignataires ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer ; Attendu qu'il convient de constater que chacune des parties a sollicité une telle résiliation le 23 août 2000 à la suite
de l'incident survenu le 20 juillet précédent à 6 heures 15 sur les lieux du travail à l'issue duquel Florian X... n'a pas reparu à l'entreprise ; Qu'il découle de l'enquête de gendarmerie consécutive à la plainte déposée par ce dernier que ce jour là son employeur et maître d'apprentissage Patrick IRAGNE lui a donné un coup avec un pichet en plastique vide, ainsi que le reconnaît ce dernier qui déclare l'avoir légèrement bousculé à cette occasion alors qu'il était peut être plus énervé qu'un autre jour et admet lui avoir antérieurement mis un coup de pied aux fesses à la suite de plusieurs réflexions au motif que "ce garçon ne suit pas sa façon de travailler et n'en fait qu'à sa tête" ; Que Florian X... s'est effectivement plaint d'avoir reçu de tels coups à trois ou quatre reprises en se faisant d'ailleurs examiné par un médecin le 30 mai 1999 ce qui avait justifié l'intervention du Directeur du centre de formation d'apprentis qui confirme avoir constaté l'existence de tensions entre les parties ; Et qu'à l'issue de cette enquête le Procureur de la République a adressé à l'employeur un avertissement solennel avant classement sans suite ; Attendu que de tels faits constituent par leur reproduction et leur caractère vexatoire pour un garçon alors âgé de seize ans des manquements répétés du maître d'apprentissage à ses obligations que ni le climat de tension ayant pu régner entre les parties ni l'état d'énervement plus ou moins important dans lequel il ait pu se trouver en raison des erreurs commises par celui dont il avait la charge de la formation ne saurait excuser alors que l'engagement qu'il a pris d'assurer à un jeune travailleur une formation professionnelle méthodique et complète ne saurait s'exonérer d'un exercice digne et mesuré de l'autorité qui lui est reconnue à cette fin ; Qu'il admet lui-même avoir rencontré dés l'arrivée de Florian X... dans son établissement des problèmes qu'il n'a manifestement pas su surmonter alors même que ce dernier
qui a pu poursuivre sa deuxième année d'apprentissage dés le 24 octobre 2000 dans une autre entreprise démontre à la fois par l'attestation de son employeur actuel et l'obtention du CAP le 2 juillet 2001 qu'il n'était pas totalement dénué des qualités lui permettant de réussir sa formation ; Que par voie de conséquence l'absence de Florian X... dont les parents ont avisé l'employeur dés le 9 août suivant de leur intention de saisir le Conseil de Prud'hommes afin que soit résilié le contrat d'apprentissage ne saurait être considérée comme fautive dés lors qu'elle est la conséquence du comportement de l'employeur ; Qu'il convient, réformant la décision entreprise, de prononcer la résiliation du contrat liant les parties aux torts de la société IRAGNE ; Qu'en revanche Florian X... qui ne soutient pas l'existence d'autres chefs de préjudice ne justifie pas celui né de la perte d'une année d'apprentissage alors qu'il a pu poursuivre sa formation et obtenir son CAP le 2 juillet 2001, date correspondant au terme du contrat initialement conclu ; - sur le paiement d'heures et de jours de congés supplémentaires Attendu tout d'abord que si la charge de la preuve des heures de travail effectuées ne pèse spécialement sur aucune des parties, le salarié ayant seulement l'obligation d'établir la vraisemblance de ce qu'il affirme, il incombe à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés de telle sorte que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié à l'appui de sa demande ; Attendu que les parties s'accordent sur un horaire de travail convenu de 6 heures à 12 heures 30 à raison de six jours par semaine ; Que le salarié produit un relevé faisant ressortir de façon hebdomadaire le nombre d'heures effectuées au delà de 39 heures entre le 29 août 1999 et le 28 mai 2000 pour un total de 362 heures ; Mais attendu que sont ainsi concernées toutes les semaines comprises dans cette période
dont elles effectuées au CFA qui ne peuvent en conséquence concerner son maître d'apprentissage sans que soit fourni le moindre élément permettant d'effectuer une partition ; Que sont également produites de part et d'autres des attestations parfaitement contradictoires entre elles, celles délivrées à Florian X... faisant état d'une embauche le matin à 5 heures pour une fin de journée de travail à 13 heures ou 14 heures outre parfois une heure de plus effectuée l'après-midi, alors que l'autre apprenti et un employé certifient une embauche à 6 heures passant à 5 heures à compter du mois d'avril pour une journée de travail se terminant entre 12 heures 30 et 13 heures ; Et que l'employeur qui ne conteste pas un léger dépassement pouvant se compenser avec les retards matinaux a effectivement réglé 39 heures supplémentaires au mois de juin 2000 pour la totalité de la période concernée avant d'instaurer la pratique d'un relevé à compter de cette date, ce qui donne crédit à l'affirmation non démentie selon laquelle il a ainsi satisfait sous la médiation du directeur du CFA aux réclamations antérieurement formées ; Attendu par ailleurs que Florian X... revendique 37 jours de congés non pris en application des dispositions de l'article R. 117 bis-2 du Code du travail qui accordent aux apprentis boulangers un repos hebdomadaire de deux jours consécutifs lorsqu'ils embauchent avant 6 heures ; Que toutefois la démonstration n'est pas faite au vu des éléments déjà examinés qu'il ait commencé son travail avant 6 heures hormis durant les mois d'avril et de mai 2000, ce dépassement étant compris dans le règlement intervenu en juin 2000 alors que les feuilles de présence contradictoirement renseignées à partir du mois de juin 2000 mentionnent 6 heures comme étant l'horaire du début de la journée de travail ; Attendu en conséquence et sans que soit justifiée l'organisation d'une mesure d'instruction que les éléments communiqués par les parties ne permettent pas de retenir
l'accomplissement par le salarié d'heures travaillées au delà de l'horaire légal à l'exception de celles admises par l'employeur et ayant déjà donné lieu à règlement ; Attendu enfin que sera confirmée la condamnation de l'employeur, qui prétend s'être déjà exécuté sans cependant le justifier, à remettre l'attestation destinée à l'ASSEDIC et le certificat de travail, sans qu'une astreinte n'apparaisse en l'état justifiée; Que succombant pour l'essentiel la société IRAGNE sera tenue des dépens. PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Déclare l'appel recevable en la forme, Infirme le jugement déféré à l'exception de ses dispositions relatives à la remise par l'employeur du certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC, Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau, Prononce la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage à effet du 20 juillet 2000 aux torts de la société IRAGNE, Déboute Florian X... du surplus de ses demandes, Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties, Condamne la société IRAGNE aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
N. GALLOIS
A. MILHET