ARRET DU 11 DECEMBRE 2001 N.G ----------------------- 00/01472 ----------------------- Marie-France X... C/ Association C.E.I.I.S ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du onze Décembre deux mille un par Monsieur MILHET, Président de chambre, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Madame Marie-France X... Y... 46160 CAJARC Rep/assistant : la SCP SABATTE etamp; BROOM (avocats au barreau de TOULOUSE) APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de FIGEAC en date du 11 Septembre 2000 d'une part, ET :
Association Comité d'Etudes et d'Information pour l'Insertion Sociale (C.E.I.I.S) 158, Avenue Germain Canet 46160 CAJARC Rep/assistant : Me BICHON loco Me Christian ALLOUCHE (avocat au barreau de BORDEAUX) INTIMEE :
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique le 06 Novembre 2001 devant Monsieur MILHET, Président de Chambre, Madame LATRABE, Conseiller, Monsieur ROS, Conseiller, assistés de Nicole GALLOIS, Greffier et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * *
Marie France X..., engagée le 12 octobre 1992 par l'Association Comité d'Etudes et d'Information pour l'Insertion Sociale (C.E.I.I.S) en qualité d'éducatrice spécialisée, a assuré sur son lieu de travail des présences en chambre de veille certaines nuits et des veilles de fins de semaine qui ont été rémunérées par équivalence sur la base de 3 heures de temps de travail effectif pour 9 heures de présence dans l'entreprise.
Estimant pouvoir prétendre, à ce titre, à des rappels de rémunération, M.F X... a saisi le Conseil de prud'hommes de FIGEAC qui l'a déboutée de ses demandes par jugement du 11 septembre 2000 dont elle a régulièrement interjeté appel.
M.F X... sollicite l'allocation de la somme de 299. 127, 90 francs à titre de rappels de rémunération outre celle de 10. 000 francs au titre des frais irrépétibles en soutenant que si la convention collective du 15 mars 1966 est applicable, les principes posés par la cour de cassation postulent qu'il soit fait droit à ses demandes, qu'en effet il a été jugé, d'une part, que l'article 29 de la loi du
19 janvier 2000 est en contradiction avec l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et, d'autre part, que la convention collective de 1966, qui n'a pas été étendue, ne peut pas créer une équivalence défavorable au salarié du point de vue du décompte de son temps de travail, qu'en tout état de cause et à titre subsidiaire cette convention ne s'applique pas à l'association intimée qui ne saurait se prévaloir d'un quelconque accord d'établissement et qu'il est de principe que constituent du temps de travail effectif les périodes de travail durant lesquelles le salarié effectue des veilles.
L'association C.E.I.I.S conclut à la confirmation du jugement déféré et à l'octroi de la somme de 8. 000 francs au titre des frais irrépétibles en considérant que la convention collective de 1966 est applicable dès lors qu'elle est adhérente à l'une des organisations ayant signé ladite convention, que cette dernière ne met pas en place un régime d'équivalence en tant qu'elle ne définit pas de durée hebdomadaire du travail, qu'il n'y a donc pas lieu de se référer aux règles dégagées en matière d'équivalence, que les syndicats de salariés et les organisations d'employeurs signataires de la convention collective susvisée ont mis en place un dispositif en conformité avec les dispositions légales et jurisprudentielles relatives à l'astreinte et qui s'applique suivant des modalités propres au fonctionnement des établissements du secteur social, que l'appelante n'était pas en situation de travail effectif et que M.F X... ne justifie pas de ses prétentions chiffrées.
SUR QUOI, LA COUR :
Attendu qu'il est admis qu'un horaire d'équivalence ne peut résulter, en dehors du cas (dont il n'est pas question en l'espèce) où il est
prévu par un décret conformément à l'article L 212-4 (dans sa rédaction alors en vigueur) du Code du travail, que d'une convention ou d'un accord dérogatoire (conclu en application de l'article L 212-2 du même code) qui ne peut être qu'une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel étendu ou, encore, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement soumis aux dispositions de l'article L 132-26 dudit code et qu'une convention collective agréée ne remplit pas ces conditions ;
Or, attendu que la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 (instituant un horaire d'équivalence pour le service de surveillance nocturne), dont l'association C.E.I.I.S sollicite l'application et qui n'a fait l'objet que d'un agrément, ne pouvait valablement édicter un horaire d'équivalence ;
Attendu, également, qu'il est constant, en la cause, que M.F X... a effectué, à la demande de son employeur et selon un planning établi par celui-ci, des heures de présence nocturne (et aussi certaines fins de semaine) dans une chambre (dite de "veille") spécialement mise à sa disposition sur le lieu de travail à l'effet d'y exercer une surveillance de nuit, c'est à dire de répondre à tout moment à toute sollicitation émanant, notamment, de jeunes personnes en difficultés sociales, étant relevé qu'en réalité cette surveillance était susceptible de revêtir un aspect éducatif et que cette présence de nuit répondait aux besoins et à l'activité de l'association qui consiste à accueillir, héberger et participer à l'insertion de jeunes en difficultés ;
Attendu, ainsi, que les heures effectuées la nuit par M.F X... correspondent bien à un travail effectif devant être rémunéré heure par heure ;
Attendu, certes, que l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000
dispose que "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne, comportant des temps d'inaction, effectuées sur le lieu du travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux agréés en vertu de l'article 16 de la loi n° 75-735 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité de ces clauses" ;
Mais, attendu que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable (résultant des dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige ; Attendu, aussi, qu'il apparaît que l'association intimée se trouve chargée d'une mission d'ordre public et placée sous le contrôle d'une autorité publique qui en assure le financement et que le procès l'opposant à l'appelante était en cours au moment de l'entrée en vigueur du texte susvisé (qui remet en cause, au profit de l'employeur, une jurisprudence favorable au salarié en matière d'heures d'équivalence) dont il n'est pas démontré qu'un motif impérieux d'intérêt général justifie une telle remise en cause ;
Qu'en l'état de ces énonciations et constatations il y a lieu d'écarter l'application de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 et de la convention collective susvisée laquelle institue, au demeurant, un mode de rémunération moins favorable que celui prévu par la loi ;
Attendu, en conséquence, que M.F X... est en droit de prétendre, dans les limites de la prescription, au titre de la rémunération des heures de garde de nuit et compte tenu des justificatifs produits, à un rappel de salaire d'un montant de 115. 000 francs (incluant l'incidence congés payés et du travail le dimanche) et à l'octroi de la somme de 32. 000 francs à titre d'indemnité de repos compensateur ;
Que la cour estime, en outre, équitable d'allouer à l'appelant la somme de 5. 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Reçoit, en la forme, l'appel jugé régulier,
Infirme la décision déférée et statuant à nouveau :
Condamne, pour les causes sus énoncées, l'association Comité d'Etudes et d'Information pour l'Insertion Sociale à payer à M.F X... la somme de 115. 000 francs soit 17. 531, 64 euros à titre de rappels de rémunération pour heures de garde de nuit et la somme de 32. 000 francs soit 4. 878, 37 euros à titre d'indemnité de repos compensateur,
Déboute les parties du surplus de leur demande,
Condamne ladite association à payer à M.F X... la somme de 5. 000 francs soit 762, 25 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel. LE GREFFIER,
LE PRESIDENT, N. GALLOIS
A. MILHET