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11/01/2000 | FRANCE | N°98/01422

France | France, Cour d'appel d'agen, Chambre sociale, 11 janvier 2000, 98/01422


ARRET DU 11 JANVIER 2000 N.G ----------------------- 98/01422 ----------------------- ASSOCIATION LE JUDO CLUB MARMANDAIS C/ André X... -----------------------

ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du onze Janvier deux mille par Madame GRIMAUD, Conseiller, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE :

ASSOCIATION LE JUDO CLUB MARMANDAIS 20, RUE DU STADE 47200 MARMANDE Rep/assistant : Me Jean BIAIS (Avocat au barreau de BORDEAUX) APPELANT d'un jugement du Conseil de prud'hommes de MARMANDE en date du 01 Septembre 1998 d'

une part, ET : Monsieur André X... Y... xx xxxxxxx 47200 SAINT ...

ARRET DU 11 JANVIER 2000 N.G ----------------------- 98/01422 ----------------------- ASSOCIATION LE JUDO CLUB MARMANDAIS C/ André X... -----------------------

ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du onze Janvier deux mille par Madame GRIMAUD, Conseiller, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE :

ASSOCIATION LE JUDO CLUB MARMANDAIS 20, RUE DU STADE 47200 MARMANDE Rep/assistant : Me Jean BIAIS (Avocat au barreau de BORDEAUX) APPELANT d'un jugement du Conseil de prud'hommes de MARMANDE en date du 01 Septembre 1998 d'une part, ET : Monsieur André X... Y... xx xxxxxxx 47200 SAINT PARDOUX DU BREUIL Rep/assistant : Me MIRANDA (Avocat au barreau d'AGEN) INTIME :

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique le 23 Novembre 1999 devant Monsieur MILHET, Président de Chambre, Madame GRIMAUD, Conseiller, Monsieur SABRON, Conseiller, assistés de Nicole GALLOIS, greffier et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * *

L'association JUDO CLUB MARMANDAIS a relevé appel le 14 septembre 1998 du jugement du Conseil de Prud'Hommes de MARMANDE en date du 1 septembre 1998 qui a déclaré abusif le licenciement de M X... et qui a alloué à celui-ci 26 000 F à titre de dommages et intérêts, 11 368 F à titre de rappel de salaire et congés payés sous déduction de la provision de 11 000 F accordée par le bureau de conciliation, 800 F à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, 3 650 F à titre de frais de déplacement, 8 670 F à titre d'indemnité de préavis, 1 200 F au titre de l'indemnité légale de licenciement, 5 000 F au titre de l'article 700 NCPC. Le jugement a en outre prévu les intérêts au taux légal à compter d'une mise en demeure du 17 avril 1996 et ordonné la publication du dispositif dans les journaux "Le Républicain" et "Sud-Ouest édition 14" aux frais de l'association JUDO CLUB MARMANDAIS.

M X... a été engagé en qualité de professeur de judo par l'association JUDO CLUB MARMANDAIS selon contrat à durée indéterminée

du 8 septembre 1993. Les parties ont convenu d'un contrat de retour à l'emploi le 16 septembre 1996 pour un salaire mensuel de 4 333,33 F. Après entretien du 11 avril 1996, M X... a été licencié par lettre du 13 avril suivant.

L'association JUDO CLUB MARMANDAIS fait grief au jugement d'avoir considéré la procédure de licenciement comme irrégulière alors que cette procédure a été respectée et que l'article de presse qui lui impute d'avoir décidé prématurément le licenciement dénature les faits. Elle considère que le licenciement, fondé sur le fait que M X... avait usurpé le numéro de brevet d'état du premier degré d'éducateur sportif de son fils Jean-Noùl X..., et que lui-même était dépourvu de carte professionnelle, est parfaitement justifié pour faute grave. Elle fait valoir que lors de l'embauche M X... s'est déclaré professeur de judo, qu'il avait enseigné de 1964 à 1982 à l'association JUDO CLUB MARMANDAIS avant d'en devenir le président jusqu'en 1991, qu'il connaissait donc parfaitement la règlementation, que le passé de M X... au sein de l'association rendait difficile d'exiger un justificatif de son diplôme, que M X... a été recommandé par son fils, que les dirigeants de la Fédération Française de Judo n'ont pas eu plus de soupçons qu'elle lors des compétitions et des passages de grade. L'association JUDO CLUB MARMANDAIS estime avoir été délibérément abusée par M X... qui inscrivait le numéro du brevet de son fils sur les documents du club et déclare avoir découvert l'usurpation à la suite d'un cambriolage survenu le 16 mars 1996. Sur l'absence de déclaration auprès de la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports, et l'absence de carte professionnelle, elle fait valoir que les mentions de la fiche ANPE portant "diplôme fédéral-moniteur de judo" ont été apposées par M X... et qu'elle n'en a pas eu connaissance, que ce

diplôme ne permet qu'un enseignement bénévole et que les contrats de travail ont été signés par M X... sous la qualification usurpée de professeur de judo. L'association JUDO CLUB MARMANDAIS conclut donc à la réformation du jugement sur le licenciement et les sommes qui y sont liées. Sur le rappel de salaire, elle reconnaît en être débitrice et indique l'avoir réglé mais elle conteste le remboursement de frais de déplacement. A raison du préjudice résultant de la mauvaise foi de M X... et des accusations malveillantes dont elle a fait l'objet, elle sollicite à titre reconventionnel paiement de 50 000 F à titre de dommages et intérêts. Elle demande par ailleurs que M X... soit condamné à supporter le coût de la publication du dispositif du jugement et qu'il soit condamné à lui payer 10 000 F au titre de l'article 700 NCPC.

M X... soutient qu'en raison de désaccords internes au club le président l'a mis personnellement en cause dans une lettre adressée aux parents d'élèves le 29 février 1996, que le comité directeur du club lui a cependant renouvelé sa confiance le 16 mars 1996, que le licenciement est alors intervenu pour des motifs fallacieux. Il invoque l'irrégularité de la procédure de licenciement au motif que la presse a annoncé celui-ci avant même l'entretien préalable de sorte que la décision était prise avant qu'il ait été entendu. Sur le licenciement il estime qu'il appartenait à l'employeur de vérifier son diplôme, il fait valoir qu'il est titulaire d'un diplôme qui l'autorise à enseigner à titre bénévole, que son dossier ANPE le mentionne, qu'il a été embauché en toute connaissance de cause et que si son employeur a méconnu la règlementation, lui-même pouvait l'ignorer. Sur l'usurpation du numéro de brevet de son fils, M X... prétend qu'il s'agit d'une pratique courante et qu'il suffisait de se reporter au numéro figurant sur les diplômes délivrés par son fils

pour constater que le numéro n'avait pas changé, qu'au demeurant ni la DDJS ni la Ligue de Judo ne l'ont sanctionné. Il estime que son licenciement est fondé sur des différends internes au comité directeur de l'association JUDO CLUB MARMANDAIS et que si celle-ci avait été de bonne foi il aurait suffi de prendre les mesures propres à régulariser la situation sans que son licenciement soit nécessaire. Il demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et le paiement de 20 000 F au titre de l'article 700 NCPC. SUR QUOI

Attendu, sur la procédure de licenciement, que les articles L 122-14 et L 122-14-1 du code du travail prévoient un entretien préalable après lequel l'employeur doit respecter un délai d'un jour franc avant de notifier le licenciement; que ce dernier ne doit pas avoir été décidé avant l'entretien préalable sauf à vider celui-ci de son objet;

Attendu qu'en l'espèce l'entretien préalable s'est déroulé le 11 avril 1996; qu'un article de presse du 5 avril 1996 énonce que "le comité directeur du JUDO CLUB MARMANDAIS a pris la décision de licencier le professeur André X..."; que cependant cette affirmation est celle du journaliste et le corps de l'article évoque la procédure de licenciement; que les propos cités dans l'article, qui sont ceux du président et du trésorier du club, portent sur les fautes reprochées à M X... et non sur la décision de le licencier; que certes les propos sont virulents et selon l'attestation du conseiller assistant M X... lors de l'entretien préalable, le président du club a fait connaître à M X..., à l'issue de l'entretien, que le licenciement était décidé; que cependant la

décision de licencier M X... n'appartenait pas au président ni au trésorier mais à un comité directeur qui s'est réuni le 12 avril; que la décision de licenciement ne pouvait donc avoir été prise avant l'entretien et que la procédure est régulière;

Attendu, sur le fond, qu'il convient de rechercher si les motifs invoqués à la lettre de licenciement sont réels et sérieux et constituent éventuellement une faute grave; que les motifs invoqués à la lettre du 13 avril 1996 sont l'usurpation par M X... du numéro de brevet d'état de son fils et l'absence de carte professionnelle;

Attendu qu'il est constant que M X... a été engagé par l'association JUDO CLUB MARMANDAIS en 1993 en qualité de professeur de judo pour exercer un enseignement moyennant rémunération; que M X... devait donc être titulaire d'un diplôme d'état permettant cet exercice; qu'il ne possédait pas ce diplôme; que M X..., qui avait déjà enseigné au sein de l'association JUDO CLUB MARMANDAIS, qui a été président de cette association, qui s'est déclaré inexactement professeur de judo sur le contrat de travail et qui faisait figurer le n° de diplôme de son fils sur les documents qu'il délivrait aux élèves ne peut sérieusement prétendre qu'il ignorait l'illégalité de ses conditions d'exercice; que si d'autres clubs connaissent aussi des pratiques illégales, ces pratiques n'en deviennent pas légitimes pour autant; que l'existence d'une faute justifiant la rupture du contrat de travail est avérée;

Attendu cependant que la faute du salarié est atténuée et peut même disparaître si l'employeur a connu et accepté la situation; que M X... fait valoir à ce propos que sur le document de l'ANPE accompagnant son embauche figure exactement la mention moniteur de

judo de sorte que nul n'ignorait la réalité de sa situation; que l'association JUDO CLUB MARMANDAIS réplique que ce document, qui porte demande d'emploi auprès de l'ANPE, ne lui a pas été remis; qu'elle fait valoir par ailleurs que le passé de M X... au sein du club en tant qu'enseignant et en tant que président, ainsi que les recommandations du fils de M X... qui quittait le club et proposait d'être remplacé par son père, l'ont conduite à engager ce dernier sans vérifier ses diplômes; que si la comparaison des documents délivrés par le fils de M X... et ceux délivrés par M X... lui-même permettait de découvrir la supercherie, l'association JUDO CLUB MARMANDAIS n'avait pas de motif de se livrer à cette comparaison tant qu'il existait des rapports de confiance;

Mais attendu que l'emploi d'un salarié dont la qualification professionnelle doit être attestée par un diplôme d'état impose à l'employeur de se montrer vigilant lors de l'embauche; que l'association JUDO CLUB MARMANDAIS a commis une faute en n'exigeant pas la production de ce diplôme quelles qu'aient été les relations antérieures de M X... avec le club; qu'en conséquence de cette faute, si l'absence du diplôme nécessaire constitue pour le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement, la faute grave sera écartée; que le jugement sera réformé en ce qu'il a considéré le licenciement de M X... sans cause réelle et sérieuse;

Attendu en conséquence que les sommes allouées à M X... doivent être confirmées en ce qui concerne celles de 11 368 F à titre de rappel de salaires et congés payés, 8 670 F en ce qui concerne l'indemnité de préavis, 800 F à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, 1 200 F au titre de l'indemnité légale de licenciement; que la condamnation sera prononcée en deniers ou quittances au regard des

règlements déjà effectués;

Attendu, sur le remboursement de frais à hauteur de 3 650 F, que l'association JUDO CLUB MARMANDAIS s'y oppose au motif qu'il s'agit de compétitions qui avaient lieu le week-end soit en-dehors des horaires de travail de M X...; que celui-ci objecte à juste titre que les compétitions ont lieu le week-end, ce que le club ne peut ignorer; que ces déplacements sont incontestablement liés au travail et que M X... doit en être indemnisé; que la condamnation sur ce point sera également confirmée;

Attendu que les condamnations qui précèdent ont fait l'objet d'une mise en demeure du 17 avril 1996; qu'elles doivent porter intérêts à compter de cette date comme l'a retenu a juste titre le conseil de prud'hommes;

Attendu que le préjudice moral dont se plaint l'association JUDO CLUB MARMANDAIS résulte bien plus de la publicité qui a entouré le licenciement M X... que de l'absence de diplôme de celui-ci; que dans cette publicité les torts sont partagés puisque l'association a elle aussi recouru à la presse; que la demande de dommages et intérêts sera rejetée; que la publication du présent arrêt n'aurait pour effet, sinon pour objet, que d'alimenter encore le contentieux et n'a pas lieu d'être ordonnée;

Attendu que l'équité n'impose pas d'appliquer l'article 700 NCPC au profit de l'une ou l'autre des parties en première instance ou en appel;

Attendu que les dépens sont à la charge de la partie qui succombe;

qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties qui succombent toutes deux sur une partie de leurs prétentions; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, Réforme le jugement déféré en ce qu'il a jugé abusif le licenciement de M X... Z... que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse Confirme le jugement en ce qu'il a alloué à M X...: - onze mille trois cent soixante huit francs (11 368 F ou 1 733,04 euros) à titre de rappel de salaire et congés payés - huit mille six cent soixante dix francs (8 670 F ou 1 321,73 euros) au titre de l'indemnité de préavis - huit cent francs (800 F ou 121,96 euros) au titre des congés payés sur préavis - trois mille six cent cinquante francs (3 650 F ou 556,44 euros) en remboursement de frais - mille deux cent francs (1 200 F ou 182,94 euros) au titre de l'indemnité légale de licenciement Z... que les condamnations qui précèdent portent intérêts à compter du 17 avril 1996 et seront exécutées en deniers ou quittances Réformant pour le surplus, Déboute les parties de toute autre demande Z... n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 NCPC Partage les dépens par moitié entre les parties. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT, N. GALLOIS

A. MILHET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 98/01422
Date de la décision : 11/01/2000
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Applications diverses - Fourniture de renseignements inexacts à l'embauche - Condition - /

L'emploi d'un salarié dont la qualification professionnelle doit être attestée par un diplôme d'état impose à l'employeur de se montrer vigilant lors de l'embauche. Dés lors, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement et non une faute grave, le fait pour un professeur de judo de se prévaloir d'un diplôme non obtenu, son employeur n'ayant pas à tort vérifier la véracité de ce diplôme au moment de l'embauche


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2000-01-11;98.01422 ?
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