COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
ORDONNANCE DE RETENTION ADMINISTRATIVE DU 25 NOVEMBRE 2019
R.G : No RG 19/01570 - No Portalis DBV7-V-B7D-DFSB
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé du Juge des libertés et de la détention de POINTE-A-PITRE, décision attaquée en date du 22 Novembre 2019, enregistrée sous le no 19/578
Monsieur LE PREFET DE LA GUADELOUPE
[Adresse 6]
[Localité 2]
Non comparant, ni représenté, bien que régulièrement convoqué
Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
Près le Tribunal de Grande-Instance de Pointe-à-Pitre
Appelants de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention près le Tribunal de Grande-Instance de Pointe-à-Pitre, rendue le 22 Novembre 2019 statuant sur une demande de prolongation d'une mesure de rétention administrative
Monsieur [E] [Y] [I]
Né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4] (HAITI)
Actuellement retenu au centre de rétention administrative
[Adresse 5]
[Localité 3]
Comparant
Assisté de Maître Guylène NABAB, avocat au barreau de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy
L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Catherine BRUN, Présidente de chambre, déléguée par ordonnance du premier président de la Cour d'Appel de Basse-Terre, assistée de M. Rony PAKIRY, greffier
Le ministère public, représenté par M. Eric RAVENET, Substitut général près la Cour d'Appel de Basse-Terre
Le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre a rendu le 22 novembre 2019 à 11h48 une ordonnance rejetant la demande de prolongation de rétention administrative de [E] [Y] [I], notifiée au procureur de la République à 12h15.
Le ministère public a interjeté appel de cette décision avec demande d'effet suspensif le 22 novembre 2019 à 13h22 et a notifié sa déclaration d'appel motivée à monsieur le Préfet de la Guadeloupe, monsieur le Directeur de la PAF de la Guadeloupe, à [E] [Y] [I] et à son avocat Maître [D] le 22 novembre 2019 à 14h43, soit dans le délai prévu par la loi.
Le préfet de la Guadeloupe a interjeté appel de cette décision le 22 novembre 2019.
Au cours de l'audience, [E] [Y] [I] a estimé que ses droits avaient été bafoués car il n'avait pas vu de médecin une fois par jour comme cela avait été prescrit. Il a déclaré ne pas prendre régulièrement le traitement qui lui a été donné par le médecin car il ne voyait l'infirmière que tous les deux ou trois jours. Il a ajouté qu'avant son interpellation il n'avait aucun problème de santé et ne prenait aucun traitement. Il a souhaité bénéficier d'un temps supplémentaire pour préparer son départ. Après avoir dit qu'il vivait avec sa compagne avec laquelle il prévoyait de se marier, il a admis qu'ils vivaient non loin l'un de l'autre mais pas ensemble.
Monsieur l'Avocat Général a estimé que la procédure était régulière et a demandé l'infirmation de la décision dont appel ainsi que la prolongation de la mesure de rétention compte tenu des garanties insuffisantes offertes par [E] [Y] [I].
La défense a sollicité la confirmation de la décision déférée à la cour.
[E] [Y] [I] a eu la parole en dernier.
SUR CE LA COUR,
Il résulte des pièces transmises que [E] [Y] [I], de nationalité haïtienne, est entré de façon clandestine sur le territoire français.
Contrôlé le 18 novembre 2019 conformément à l'article 78-2 du code de procédure pénale sur la commune des Abymes, il était dans l'incapacité de justifier de son identité déclarée et était retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Il n'était pas en mesure de produire les documents requis.
Conformément aux dispositions de l'article L611-1-1 du CESEDA, ses droits lui étaient notifiés. Il bénéficiait alors d'une visite médicale au terme de laquelle le Docteur [W] attestait que l'état de santé de [E] [Y] [I] était compatible avec la mesure de garde à vue tout en précisant qu'il existait une nécessité pour le gardé à vue "de voir le médecin une fois par jour pendant la durée de sa garde à vue et/ou toute prolongation".
A l'issue du délai de vingt-quatre heures prévu par ce texte, quand l'étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France la durée de la retenue effectuée en application de ce même article 78-3 s'impute sur celle de la retenue pour vérification du droit de séjour.
C'est dans ces conditions que l'autorité préfectorale a pris un arrêté no2019/618 prononçant l'obligation de quitter le territoire français en date du 18/11/2019 assorti d'une mesure de rétention administrative au CRA des Abymes.
Le mardi 19 novembre 2019, le Docteur [O] [V], exerçant à la clinique les Eaux Claires procédait à un nouvel examen médical de [E] [Y] [I] et estimait qu'il présentait un gastrite aigue liée probablement au stress, prescrivait du Loxen 20mg jusqu'à trois fois par jour si TA supérieure à 16/10mmHg, ajoutant "pas de critère de gravité par ailleurs, ok retour à domicile, revoir médecin traitant selon évolution, revenir si aggravation."
Le préfet saisissait le 20 novembre 2019 le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.
Le juge des libertés et de la détention de Pointe à Pitre, par ordonnance du 22 novembre 2019, a considéré la procédure irrégulière et rejeté la demande du préfet en prolongation de la rétention administrative, au regard des dispositions de l'article L511-4 10o du CESEDA qui précise que ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français "l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié".
Pour ce magistrat, le premier certificat médical du 18/11/2019 indiquant que [E] [Y] [I] avait besoin de voir un médecin une fois par jour pendant toute la durée de sa garde à vue, et l'autorité préfectorale n'ayant pas fait en sorte que cette visite soit effective, la rétention administrative de [E] [Y] [I] était entachée d'irrégularité.
Pour autant, le juge des libertés et de la détention ne justifie pas en quoi l'état de santé de l'appelant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, alors que
- à deux reprises, son état de santé a été déclaré compatible avec la mesure de rétention administrative les 18 et 19 novembre 2019,
- à l'occasion de la seconde visite médicale en date du 19 novembre 2019, le Docteur [V] [O], qui constatait que l'intéressé présentait une gastrite aigue probablement liée au stress, n'estimait pas nécessaire un suivi régulier, ne prescrivait qu'un suivi d'évolution et un nouvel examen en cas d'aggravation seulement.
Dans ces conditions, le dernier certificat médical étant revenu sur la nécessité d'une visite médicale une fois par jour et ne prescrivant qu'un nouvel examen en cas d'aggravation des symptômes, l'autorité préfectorale a respecté les droits de la personne placée en rétention administrative.
Par ailleurs, [E] [Y] [I] s'est maintenu de manière irrégulière sur le territoire national depuis novembre 2010, qui serait la date de son arrivée clandestine en Guadeloupe, y compris après les décisions de rejet de sa demande d'asile déposée à l'OFPRA du 06/05/2011 ainsi que son recours à la CNDA en date du 16/04/2014.
Le risque de fuite, conformément à l'article L551-1 du CESEDA apparaît non négligeable dés lors qu'il s'est précédemment soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, ce qui a été le cas le 23 juin 2017 à l'occasion de l'arrêté préfectoral no2017/2439 rejetant une demande de délivrance de titre de séjour.
Il ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne et stable en Guadeloupe même s'il a reconnu un enfant français vivant en Guadeloupe alors qu'il reconnaît lui-même ne pas en être le père biologique et qu'il ne vit pas avec la mère de cet enfant.
Le préfet n'a pu organiser l'éloignement de [E] [Y] [I] vers son pays d'origine dans les délais prévus par la loi compte tenu de ce qu'il a demandé son admission au bénéfice de l'asile.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de [E] [Y] [I] pour un délai de vingt-huit jours.
PAR CES MOTIFS
Reçoit le Préfet de la Guadeloupe et le Procureur de la République de Pointe-à-Pitre en leur appel,
Infirme l'ordonnance entreprise,
Ordonne la prolongation de la rétention administrative de [E] [Y] [I] pour un délai de vingt-huit jours à compter du 22 Novembre 2019
Dit que l'ordonnance sera notifiée par tout moyen aux intéressés.
Fait à Basse-Terre, le 25 Novembre 2019 à 12 H 00.
Le greffier Le magistrat