Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2022 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2216595 du 24 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 février 2023, M. A..., représenté par Me Nait Mazi, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de de réexaminer sa situation administrative, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le magistrat désigné a omis de répondre au moyen tiré de l'incompétence territoriale du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une incompétence territoriale, dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne justifie pas du lieu de son interpellation ;
- elle méconnaît son droit à être entendu, alors qu'il aurait pu produire des éléments susceptibles d'avoir une influence sur le sens de cette décision ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard de la durée de sa résidence en France et de son insertion professionnelle ;
- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut d'examen sérieux et d'une erreur d'appréciation, dès lors que le préfet n'a pas pris en compte son emploi ni la durée de sa résidence habituelle sur le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de sa situation personnelle et professionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête :
Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. de Miguel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 8 avril 1993, qui déclare être entré en France en juillet 2018, a été interpellé pour des faits de port d'arme de catégorie D et de rébellion. Par un arrêté du 5 décembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 24 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a omis de se prononcer sur le moyen soulevé en première instance par M. A..., qui n'était pas inopérant, tiré de l'incompétence territoriale du préfet de la Seine-Saint-Denis, en l'absence de justification du lieu de son interpellation. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.
3. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " L'autorité administrative compétente pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. " Le préfet territorialement compétent pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français est celui qui constate l'irrégularité de la situation au regard du séjour de l'étranger concerné, que cette mesure soit liée à une décision refusant à ce dernier un titre de séjour ou son renouvellement, au refus de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, ou encore au fait que l'étranger se trouve dans un autre des cas énumérés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition de M. A... le 5 décembre 2022 dans le cadre d'une enquête de flagrance pour des faits de port d'arme prohibé, que l'irrégularité du séjour de l'intéressé a été constatée par les services de police du commissariat de Saint-Denis (93). Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence territoriale du préfet de la Seine-Saint-Denis manque en fait.
6. En deuxième lieu, une atteinte au droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union, n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de cette décision.
7. Il ressort des pièces du dossier que, suite à son interpellation par les services de police le 5 décembre 2022, M. A... été mis à même, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de son audition, de présenter des observations sur sa situation administrative, familiale et professionnelle, ainsi que sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement prise à son encontre. Le requérant n'indique d'ailleurs pas qu'il aurait disposé d'autres informations que celles qu'il a communiquées aux services de police lors de son audition, et qui, si elles avaient été portées à la connaissance de l'administration, auraient été de nature à faire obstacle aux décisions l'obligeant à quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) "
9. M. A..., qui a déclaré aux services de police être entré en France " depuis cinq ans ", ne justifie pas être entré régulièrement en France et s'y est maintenu irrégulièrement sans être titulaire d'un titre de séjour, en dépit d'une précédente obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 12 juin 2021 par le préfet des Hauts-de-Seine, à laquelle il n'a pas déféré. Il a été interpellé pour des faits de port d'arme de catégorie D et de rébellion. Célibataire sans charge de famille en France, il n'établit pas, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où réside sa mère et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Il ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, de l'ancienneté de sa présence en France et, s'il justifie d'une activité salariée en tant qu'électromécanicien à temps partiel d'août 2020 à décembre 2020, puis d'avril 2021 à décembre 2021, et de janvier 2022 à avril 2022, puis à temps plein de mai 2022 jusqu'à septembre 2022, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et ancienne. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale, doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement ; (...) "
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet des Hauts-de-Seine le 12 juin 2021. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé, était fondé pour ce seul motif à refuser à M. A... un délai de départ volontaire. Dans les circonstances rappelées au point 9 du présent arrêt, la décision lui refusant un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation de la situation personnelle de M. A....
12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
13. L'arrêté contesté mentionne la durée de présence du requérant, ses liens sur le territoire français, la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français, ainsi que la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France, compte tenu du motif de son interpellation le 5 décembre 2022. Le moyen d'insuffisance de motivation manque par conséquent en fait.
14. Dans les circonstances rappelées aux points précédents, en assortissant la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français, et en fixant à deux ans la durée de cette interdiction, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 décembre 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2216595 du 24 janvier 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,
M. de Miguel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
F-X. DE MIGUELLa présidente,
O. DORIONLa greffière,
C. YARDE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE00429 2