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30/03/2023 | FRANCE | N°20VE02067

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 mars 2023, 20VE02067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Saint-Brice-sous-Forêt à lui verser la somme de 2 000 000 euros en réparation de ses préjudices, augmentée des intérêts légaux à compter de l'envoi de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1803847 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Saint-Brice-sous-Forêt à lui verser la somme de 20 000 euros, a mis

à la charge de la commune le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'arti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Saint-Brice-sous-Forêt à lui verser la somme de 2 000 000 euros en réparation de ses préjudices, augmentée des intérêts légaux à compter de l'envoi de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1803847 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Saint-Brice-sous-Forêt à lui verser la somme de 20 000 euros, a mis à la charge de la commune le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 août 2020, le 16 août 2021, le 19 novembre 2021, le 31 mars 2022, le 21 avril 2022, le 17 mai 2022, le 10 juin 2022 et le 11 juillet 2022, M. E..., représenté par Me Boukheloua, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner la commune de Saint-Brice-sous-Forêt à lui verser la somme de 2 000 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis, augmentée des intérêts légaux à compter de l'envoi de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2022 le maintenant en congé pour invalidité imputable au service à compter du 1er janvier 2022 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Brice-sous-Forêt le paiement de la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que la minute du jugement attaqué a été signée conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il a subi un déficit fonctionnel permanent dont l'évaluation a été sous-estimée par le tribunal administratif compte tenu de la gravité, de la durée et des effets de la pathologie dépressive dont il souffre ; par ailleurs, il a subi, depuis le 26 septembre 2018, une rechute de sa maladie et une dégradation de son état de santé que le tribunal administratif a omis de prendre en compte ; la circonstance que le jugement attaqué ne fasse pas mention d'un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 20 % ou de 30 % implique que l'indemnisation a été évaluée sur la base d'un taux d'IPP de 15 % ; son préjudice fonctionnel permanent doit désormais être évalué sur la base d'un taux d'IPP de 40 % retenu par une expertise compte tenu de l'évolution défavorable de sa pathologie ;

- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas retenu l'existence d'un lien de causalité entre la dépression imputable au service dont il est atteint et l'aggravation de sa sclérose en plaque alors que plusieurs documents médicaux l'établissent ; la circonstance que des rapports médicaux établis par des médecins psychiatres le 12 avril 2018 et le 11 mai 2019 n'établissent aucun lien entre la sclérose en plaque et son syndrome anxio-dépressif ne suffit pas pour exclure l'existence d'un tel lien de causalité ; en tout état de cause, seul un neurologue, spécialiste de la sclérose en plaque, peut déterminer son étiologie ; l'avis du neurologue, à savoir le docteur G..., aurait dû être pris en compte de manière prépondérante sur celui des autres médecins quant à l'existence d'un lien de causalité entre sa dépression et le développement de sa sclérose en plaque ;

- la pathologie imputable au service dont il souffre a affecté la santé de ses enfants, dont les maladies n'étaient pas préexistantes, et l'activité professionnelle de sa femme, qui a dû solliciter un temps partiel pour se rendre disponible pour ses enfants et pour lui-même de sorte que ce poste de préjudice aurait dû être indemnisé ; son épouse ne pouvait pas formuler, au vu de l'article 13 du décret n° 2004-777 du 29 juillet 2004 relatif à la mise en œuvre du temps partiel, une demande de travail à temps partiel qui corresponde exactement à sa situation ; le certificat médical établi le 18 janvier 2019 confirme qu'elle lui apportait des soins ;

- il a fait l'objet d'un harcèlement moral à son retour de congé longue durée à compter du 18 novembre 2014 dès lors qu'il ne s'est vu confier aucune mission et que l'aménagement de son poste de travail n'a été mis en place qu'après deux années d'attente et des demandes répétées ;

- le tribunal administratif n'a pas statué " ultra petita " dès lors qu'il avait bien demandé l'engagement de la responsabilité de la commune à raison des préjudices occasionnés par la maladie dont il souffre qui a été reconnue imputable au service.

Par des mémoires, enregistrés le 8 décembre 2020, le 20 octobre 2021 et le 21 juillet 2022, la commune de Saint-Brice-sous-Forêt, représentée par Me Violette, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. E... ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. E... la somme de 20 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier dès lors qu'il a été signé ;

- la somme de 20 000 euros allouée à M. E... au titre du préjudice fonctionnel permanent lié à sa dépression n'a pas été sous-évaluée par le tribunal administratif ; l'ensemble des frais médicaux et soins liés à sa maladie professionnelle imputable au service ont été pris en charge par l'exposante ; l'indemnité a été évaluée non pas sur la base du taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 15 % mais au vu d'une juste appréciation du tribunal administratif en l'absence de barème d'indemnisation de ce préjudice ; en tout état de cause, le tribunal administratif ne pouvait, sans statuer au-delà des conclusions et des moyens dont il était saisi, se fonder sur la réévaluation du taux d'IPP dès lors que M. E... ne le demandait pas dans ses écritures ; le tribunal administratif a évalué le montant du préjudice sur la base des éléments dont il disposait à la date à laquelle il a statué ; il n'a ainsi pas pu prendre en compte les réévaluations du taux d'IPP non communiquées ou ultérieures ;

- le lien de causalité entre la sclérose en plaque et la dépression du requérant n'est pas établi ; la sclérose en plaque n'a d'ailleurs pas été reconnue comme une maladie professionnelle imputable au service ; le tribunal administratif a bien pris en compte l'ensemble des avis médicaux qui lui ont été communiqués et qui ne concluaient pas à l'existence d'un tel lien de causalité ; l'avis du docteur G... a été rendu dans le cadre d'une demande de l'assureur de la commune exposante alors que celui du docteur B... l'a été dans le cadre d'une saisine de la commission de réforme ; les conditions dans lesquelles ces avis ont été rendus invitent à privilégier l'avis rendu par le docteur B... ; le dernier avis du docteur G..., intervenant en tant que médecin expert mais ayant reçu M. E... dans un cadre libéral, ne remet pas en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif sur le lien de causalité entre la dépression et la sclérose en plaque ;

- les enfants du requérant souffrent de maladies qui préexistaient à sa dépression ; le passage de Mme E... à un temps partiel de 80 % n'est pas imputable à la maladie de son mari mais à celles de ses enfants ; le lien de causalité entre les difficultés affectant sa famille et la dépression de M. E... n'est donc pas établi ; à supposer qu'un lien de causalité existe avec les difficultés de santé de sa famille, celui-ci doit être établi avec la sclérose en plaque qui lui occasionne un handicap moteur important ;

- M. E... n'a pas fait l'objet d'un harcèlement moral depuis son retour de congé maladie le 18 novembre 2014 ; il a bénéficié de missions effectives dans le cadre de son poste de chargé de mission ; par ailleurs, les aménagements de son poste de travail préconisés par le médecin de prévention en juin 2014 ont bien été mis en place, l'intéressé ayant bénéficié de l'installation d'un fauteuil ergonomique ; ce n'est que le 19 avril 2016 que M. E... a demandé un nouvel aménagement, à savoir un changement de fauteuil ergonomique et un bureau électrique ; plus de quatre ans se sont écoulés entre sa reprise en novembre 2014 et sa rechute en 2018, de sorte que le lien de causalité entre ces deux faits n'est pas établi ; les expertises psychologiques n'établissent pas davantage de lien entre sa dépression et sa reprise du travail ;

- à titre incident, le tribunal administratif a statué " ultra petita " et méconnu son office en allouant une indemnité à M. E... au titre du déficit fonctionnel permanent alors que M. E... n'avait pas sollicité de réparation au titre de ce préjudice ; au surplus, le tribunal administratif n'a pas soulevé de moyen d'ordre public afin de mettre les parties à même d'en discuter ; si M. E... a cité, dans sa demande indemnitaire, la jurisprudence " Moya Caville ", il n'en tirait aucune conséquence sur ses prétentions indemnitaires qui n'étaient fondées que sur des allégations de harcèlement moral ; si M. E... a également cité, dans sa demande indemnitaire, son taux d'IPP de 15 %, cette mention n'était pas corrélée à une demande d'indemnisation de ce chef de préjudice ;

- en tout état de cause, le caractère certain du préjudice fonctionnel subi par M. E... n'est pas établi, celui-ci reposant sur des attestations de médecins qui n'ont fait que reprendre les propos de M. E... ; M. E... ne se prévaut d'aucun préjudice indemnisable au titre de la responsabilité sans faute qui n'aura pas déjà été réparé par la commune ; la demande d'indemnisation par M. E... de son préjudice fonctionnel permanent sur la base d'un taux d'IPP de 40 % à la suite de sa révision par la décision de la commission de réforme du 16 juin 2020 ne peut qu'être écartée par la cour dès lors qu'elle repose sur des documents établis postérieurement à la première instance ; ce taux d'IPP de 40 % est remis en cause par le dernier examen médical de M. E... ; la dégradation de son état de santé et ses conséquences sur sa vie quotidienne résultent exclusivement de sa sclérose en plaque ;

- la demande de M. E... d'annulation de l'arrêté du 11 mai 2022 constitue un litige distinct irrecevable ; en tout état de cause, cet arrêté prolonge le congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 1er janvier 2022 pour la dépression dont il souffre et non pour sa sclérose en plaque ; la demande relative à l'absence de prise en charge de certains frais médicaux liés à la sclérose en plaque n'est pas recevable dès lors qu'elle concerne un litige distinct.

Par un courrier du 2 mars 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2022 par lequel le maire de la commune de Saint-Brice-sous-Forêt a prolongé son congé pour invalidité imputable au service sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Janicot,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de M. E... et celles de Me Violette, pour la commune de Saint-Brice-sous-Forêt.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., animateur territorial au sein des services de la commune de Saint-Brice-sous-Forêt, a demandé au maire de la commune, par un courrier du 29 avril 2011, la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi à raison de faits constitutifs de harcèlement moral dont il aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions. Par une décision du 16 février 2018, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour du 22 septembre 2016, qui avait partiellement fait droit à sa demande indemnitaire, au motif que les faits invoqués par M. E... ne pouvaient être regardés comme caractérisant un harcèlement moral. Par un courrier du 22 décembre 2017, M. E... a à nouveau demandé à la commune de Saint-Brice-sous-Forêt la réparation, à hauteur de 2 millions d'euros, des préjudices qu'il estimait avoir subis en raison du harcèlement moral dont il faisait l'objet, selon lui, depuis sa reprise de fonctions le 18 novembre 2014, ainsi que des préjudices personnels résultant de sa pathologie anxio-dépressive, reconnue imputable au service, et de la détérioration de son état de santé. Par une décision du 22 février 2018, le maire a rejeté cette demande. M. E... relève appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur un harcèlement moral et a condamné la commune à lui verser la seule somme de 20 000 euros en réparation du préjudice fonctionnel permanent résultant de sa maladie imputable au service, et demande, en outre, à la cour d'annuler l'arrêté du maire de Saint-Brice-sous-Forêt du 11 mai 2022 le maintenant en congé pour invalidité imputable au service à compter du 1er janvier 2022. Par la voie de l'appel incident, la commune de Saint-Brice-sous-Forêt sollicite la réformation de ce jugement en tant que le tribunal administratif l'a condamnée à verser à M. E... la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice fonctionnel permanent.

Sur la recevabilité des conclusions de M. E... à fin d'annulation de l'arrêté du 11 mai 2022 :

2. Les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2022 par lequel le maire de la commune de Saint-Brice-sous-Forêt a prolongé son congé pour invalidité imputable au service sont nouvelles en appel. Elles doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que cette décision est revêtue de la signature du président, du rapporteur et du greffier d'audience, comme le prévoient les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison du défaut de signature de la minute manque en fait et doit être écarté.

4. En second lieu, il résulte de la demande de première instance et du mémoire en réplique enregistrés le 20 avril 2018 et le 30 octobre 2019 que M. E... a demandé de manière expresse réparation, sur le fondement de la responsabilité sans faute de la commune, des préjudices personnels occasionnés par la pathologie dont il est atteint et qui a été reconnue imputable au service. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Brice-sous-Forêt, le tribunal administratif ne s'est pas mépris sur l'étendue des conclusions dont il était saisi et n'a pas statué au-delà de ces conclusions.

Sur les préjudices résultant de la maladie imputable au service :

5. En premier lieu, les dispositions qui, le cas échéant, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci.

7. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un changement d'affectation en février 2011, M. E... a été placé en congé de maladie en raison d'un état anxio-dépressif réactionnel et d'un stress au travail. La dépression dont souffre M. E... depuis le 18 février 2011 a été reconnue imputable au service par un arrêté du 6 septembre 2017. Par un arrêté du même jour, le maire de la commune de Saint-Brice-sous-Forêt, reprenant les conclusions du rapport d'expertise du médecin agréé du 29 mars 2017 et de la commission de réforme du 29 juin 2017, a estimé que l'état de santé de M. E... était consolidé au 29 mars 2017 et a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 15 %. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des arrêtés du 13 septembre 2019 et du 16 juin 2020 produits pour la première fois en appel, que le maire de la commune, reprenant les conclusions des rapports d'expertise du 26 septembre 2019 et du 2 mars 2020 et des avis de la commission de réforme du 5 septembre 2019 et du 28 mai 2020, a fixé à 30 %, puis à 40 % le taux d'incapacité permanente partielle de M. E... compte tenu de la détérioration de sa pathologie à la suite d'une rechute survenue en août 2018. Il en résulte que, d'une part, la commune n'est pas fondée à contester l'existence d'un préjudice indemnisable résultant pour le requérant de l'incapacité permanente dont il reste atteint et que, d'autre part, M. E..., qui est recevable à produire toute pièce nouvelle en appel pour établir la réalité et l'ampleur de ses préjudices, est fondé à soutenir que la somme de 20 000 euros qui lui a été allouée par le tribunal administratif au titre de son déficit fonctionnel permanent est insuffisante. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 75 000 euros.

8. En deuxième lieu, M. E... soutient que les préjudices résultant de la sclérose en plaque dont il est atteint doivent être pris en charge par la commune dès lors que cette pathologie est liée à sa dépression, qui a été reconnue imputable au service. Il résulte toutefois de l'instruction qu'un seul certificat médical établi le 24 mai 2017 par le docteur G... admet l'existence d'un lien direct entre le déclenchement de la sclérose en plaque et le syndrome dépressif dans un contexte de harcèlement. En revanche, le certificat établi le 17 mars 2017 par le docteur A..., les rapports médicaux établis le 26 septembre 2018, le 2 mars 2020 et le 11 avril 2022 par le docteur B..., psychiatre, se bornent à constater la difficulté existante pour mesurer l'impact de la dépression sur l'apparition et le développement de la sclérose en plaque. De même, le rapport médical établi le 12 avril 2018 par le docteur F... constate seulement que la dépression préexistait à la sclérose en plaque. Il suit de là que le lien de causalité entre les deux pathologies n'est pas établi de manière suffisamment directe et certaine pour permettre la prise en charge des préjudices résultant de la sclérose en plaque dans le cadre de la maladie professionnelle imputable au service. M. E... n'est donc pas fondé à demander la condamnation de la commune de Saint-Brice-sous-Forêt à réparer les préjudices occasionnés par la sclérose en plaque dont il est atteint.

9. Enfin, M. E... soutient que la commune de Saint-Brice-sous-Forêt doit être condamnée à réparer les conséquences préjudiciables de sa maladie professionnelle sur l'état de santé de ses enfants et sur l'activité professionnelle de son épouse. Il résulte, toutefois, de l'instruction que son fils souffre d'une maladie du foie pour laquelle il est suivi depuis son plus jeune âge. En tout état de cause, si la maladie de son père, à savoir sa sclérose en plaque, contribue à sa souffrance et à son mal être, cette maladie n'est pas liée, ainsi qu'il a été dit, à la dépression dont il souffre, seule prise en charge en tant que maladie imputable au service. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la pathologie dont souffre sa fille aurait été occasionnée par la maladie de M. E..., cette pathologie affectant plusieurs membres de la famille de M. E.... Enfin, si Mme E... a sollicité le bénéfice d'un travail à temps partiel auprès de son employeur, elle a justifié cette demande en raison de son souhait de s'occuper de ses enfants et de son mari atteint d'une sclérose en plaque. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E... n'établit pas que les préjudices subis par ses enfants et son épouse dont il demande réparation seraient dus à la maladie dépressive dont il est atteint et qui a été reconnue imputable au service.

Sur l'existence d'une situation de harcèlement moral :

10. M. E... soutient que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il a fait l'objet d'un harcèlement moral à son retour de congé longue durée à compter du 18 novembre 2014 dès lors qu'il ne s'est vu confier aucune mission et que l'aménagement de son poste de travail n'a été mis en place qu'après deux années d'attente et des demandes répétées. Il résulte, toutefois, de l'instruction qu'il a bénéficié, après sa reprise de fonctions, d'un aménagement de son poste de travail avec l'installation d'un fauteuil ergonomique avec appui lombaire et dorsal. Par ailleurs, il résulte de la fiche de poste du 2 décembre 2014, qu'il a signée, qu'il était affecté sur un poste de chargé de mission au complexe culturel et sportif Lionel Terray correspondant à son grade d'animateur territorial. S'il soutient qu'il n'a pas bénéficié de missions effectives, il ne l'établit pas de manière suffisante en produisant les rapports d'expertise médicale établis sur la base de ses seules allégations et la copie des mails qu'il a reçus depuis sa reprise de fonctions. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune de Saint-Brice-sous-Forêt serait engagée en raison d'une situation de harcèlement moral dont il aurait été victime à compter du 18 novembre 2014.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Saint-Brice-sous-Forêt à lui verser une somme inférieure à 75 000 euros.

Sur les frais irrépétibles :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Brice-sous-Forêt le versement de la somme de 2 000 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme de 3 400 euros à la commune de Saint-Brice-sous-Forêt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 20 000 euros que la commune de Saint-Brice-sous-Forêt a été condamnée à verser à M. E... par l'article 1er du jugement n° 1803847 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 18 juin 2020 est portée à la somme de 75 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1803847 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 18 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Saint-Brice-sous-Forêt versera la somme de 2 000 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E... et les conclusions de la commune de Saint-Brice-sous-Forêt sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et à la commune de Saint-Brice-sous-Forêt.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

La rapporteure,

M. Janicot La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE02067 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02067
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : VIOLETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-30;20ve02067 ?
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