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23/12/2022 | FRANCE | N°22VE01715

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 23 décembre 2022, 22VE01715


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 15 juin 2021 par lequel le préfet du Cher a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une auto

risation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2103000 du 21 juin 2021, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 15 juin 2021 par lequel le préfet du Cher a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2103000 du 21 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Léa Vaz De Azevedo, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet du Cher de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser directement à son avocate sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elle se fonde sur l'existence d'une rupture de la vie commune du couple alors que celle-ci est imputable à des violences conjugales dont elle a été victime ;

- la décision porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour.

Mme D... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Versailles du 11 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., épouse B..., ressortissante algérienne née le 27 avril 1974, est entrée régulièrement en France le 29 septembre 2018 munie d'un passeport revêtu d'un visa court séjour. A la suite de son mariage avec M. A... B..., ressortissant français, elle a été mise en possession d'un titre de séjour valable du 24 janvier 2019 au 23 janvier 2020 en qualité de conjointe de français. Le 25 novembre 2019, Mme B... a présenté une demande de renouvellement de ce titre. Par l'arrêté contesté du 15 juin 2021, le préfet du Cher a rejeté sa demande de renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 21 juin 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté précité.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 11 octobre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6-2 et au dernier alinéa du même article ". De plus, l'article 6 de l'accord précité dispose que " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2. Au ressortissant algérien marié à un ressortissant de nationalité française à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres d'état civil français (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2 est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance du certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et du certificat de résidence de dix ans est subordonnée à la condition que la communauté de vie entre les époux soit effective.

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des allégations de la requérante elle-même, que la communauté de vie avec son époux, ressortissant français, avait déjà pris fin à la date à laquelle elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, dès lors qu'elle affirme être séparée de son époux depuis le 12 juin 2019 en raison de la dégradation de leur relation, et qu'une procédure de divorce, qui n'a pas abouti par la suite, était alors en cours en Algérie. Par suite, à la date à laquelle le préfet a statué sur la demande de l'intéressée, à savoir le 5 juin 2021, il pouvait légalement refuser le certificat de résidence sollicité sur le fondement des stipulations précitées du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

5. En second lieu, si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles la rupture de la vie commune au maintien de laquelle le renouvellement de la carte est subordonné n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose même sans texte, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des circonstances alléguées relatives à la vie conjugale, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.

5. Au cas particulier, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet du Cher s'est fondé, pour refuser le renouvellement du certificat de résidence de la requérante en qualité de conjointe de français, sur le fait que la communauté de vie entre les époux avait cessé à la date de sa décision. A cet égard, la requérante allègue avoir été victime de violences conjugales de la part de son époux, raison pour laquelle ils étaient séparés à la date de la décision attaquée. Elle établit notamment avoir déposé plainte à deux reprises contre son époux pour violences conjugales les 25 juin et 14 septembre 2019, et produit une main courante dénonçant des menaces de mort dont elle aurait été victime de sa part le 24 juillet 2020. Elle verse également aux débats un certificat médical non circonstancié, concluant à une absence d'incapacité totale de travail, une retranscription par interprète d'un échange téléphonique qu'il aurait entendu, insuffisamment probant, ainsi qu'une attestation d'une voisine n'ayant pas personnellement assisté aux faits.

6. Ainsi, en l'absence d'éléments suffisamment circonstanciés sur les violences qu'elle aurait subies, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les éléments précités ne permettaient pas de tenir pour établies les violences conjugales alléguées par la requérante, de sorte qu'il ne ressort pas plus qu'en première instance des pièces du dossier que le préfet du Cher aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme B....

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être démocratique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que Mme B... est entrée en France le 29 septembre 2018, à l'âge de 44 ans, et qu'elle résidait depuis moins de trois ans sur le territoire français à la date de la décision attaquée. En outre, après la séparation avec son conjoint, elle ne justifie d'aucune attache familiale en France, alors qu'elle a vécu l'essentiel de son existence en Algérie, ou résident encore ses parents et où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches. De plus, si elle justifie d'une activité professionnelle d'ouvrière polyvalente textile en contrat à durée déterminée, cela ne suffit pas à justifier de son intégration sur le territoire français. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet du Cher a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il suit de l'ensemble de ce qui a été dit que la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour n'étant pas illégale, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la première, de telle sorte que ce moyen doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant au prononcé d'injonctions et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... épouse B... tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse B... et au préfet du Cher.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.

Le président-assesseur,

O. MAUNYLe président-rapporteur,

P.-L. E...La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01715


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01715
Date de la décision : 23/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : VAZ DE AZEVEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-12-23;22ve01715 ?
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