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08/12/2022 | FRANCE | N°19VE01898

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 08 décembre 2022, 19VE01898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise à lui verser la somme de 200 000 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de l'accident de service survenu le 28 août 2006, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable et de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice a

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Par un jugement n° 1501800 du 25 mars 2019, le tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise à lui verser la somme de 200 000 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de l'accident de service survenu le 28 août 2006, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable et de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1501800 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019 sous le n° 19VE01898 et un mémoire enregistré le 14 septembre 2021, la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, représentée par Me de Sigoyer, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de M. A... B... présentée devant le tribunal administratif de Versailles ;

3°) à titre subsidiaire de condamner la commune d'Aubergenville à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de M. A... B... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

Sur la régularité du jugement :

- la minute du jugement n'est pas signée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- l'expédition du jugement n'est pas signée par le greffier en chef, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 751-2 du code de justice administrative ;

- le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, le mémoire en défense de la commune d'Aubergenville du 7 mars 2019, produit deux heures avant la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience, n'a pas été communiqué aux parties, or le tribunal administratif de Versailles s'est expressément fondé sur l'une des pièces annexées à ce mémoire pour statuer, alors même qu'il savait qu'elle ne détenait pas cette pièce ;

- le jugement est insuffisamment motivé car sa rédaction ne permet pas de comprendre pourquoi sa responsabilité a été retenue ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant à son encontre une faute en fournissant à M. B... un équipement insuffisant ;

- ils ont omis de statuer sur le lien de causalité entre l'accident du 28 août 2006 et les séquelles de M. B... ;

- ils ont aussi méconnu leur office en développant l'argumentation insuffisante du requérant ;

- ils ont également commis une erreur de droit en la condamnant alors qu'elle n'a été l'employeur de M. B... que durant un an, en 2016.

Sur le bien-fondé du jugement :

- la communauté n'a commis aucune faute dans la fourniture de l'équipement à M. B..., car les protection intégrées ne sont pas obligatoires en été ;

- le lien de causalité entre les lésions dont souffre M. B... et l'accident du 28 août 2006 n'est pas établi ;

- M. B... n'établit pas la réalité, ni même l'ampleur de ses préjudices ;

Sur l'appel en garantie :

- ses conclusions sont recevables, y compris pour la première fois en appel et y compris sans réclamation préalable ;

- elle n'a été substituée que durant un an en 2016, dans les droits et obligations de la commune d'Aubergenville au titre de l'exercice des pouvoirs de police, c'est donc à tort qu'elle a été condamnée à indemniser M. B..., la commune d'Aubergenville doit donc la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Par des mémoires, enregistrés le 27 mars 2020 et le 17 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Bousquet, avocat, conclut au rejet de la requête et, par la voie, à titre principal, de l'appel incident et, à titre subsidiaire, de l'appel provoqué, de donner acte qu'il se réserve de liquider la demande de préjudice lorsque son état de santé sera consolidé, et pour le préjudice correspondant à la période postérieure au 30 juillet 2018, de condamner, à titre principal, la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, ou, à titre subsidiaire, la commune d'Aubergenville, à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi à parfaire à compter de la date du dépôt du rapport de l'expert, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable, cette première indemnisation étant à valoir sur la liquidation définitive de son préjudice et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Versailles ne s'est pas fondé, de façon déterminante, sur l'une des pièces annexées au mémoire en défense de la commune d'Aubergenville ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a retenu une faute de son employeur sur l'insuffisance de son équipement ;

- la responsabilité de son employeur doit également être recherchée sur le fondement de la responsabilité sans faute ;

- la faute est effectivement imputable à la communauté de communes Seine-Mauldre aux droits de laquelle vient la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise ;

- son préjudice n'est pas consolidé et ne peut donc être définitivement liquidé, car certains postes ne sont pas évalués à ce jour ;

- les préjudices temporaires ont été sous évalués.

Par un mémoire enregistré 15 juillet 2020, la commune d'Aubergenville conclut au rejet de la requête de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, au rejet de l'appel incident de M. B... et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise et de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré du défaut de signature de la minute du jugement est inopérant ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire est inopérant car elle n'avait pas la qualité de partie en première instance et n'a pu que s'associer aux conclusions de la communauté urbaine ;

- la référence au relevé de carrière de M. B... n'est pas le motif principal pour caractériser la faute ;

- la responsabilité pour faute est expressément fondée sur la méconnaissance des dispositions du décret de 2002 sur l'équipement des agents de police municipale motocyclistes ;

- le tribunal administratif de Versailles a inexactement qualifié les faits en retenant que l'équipement de M. B... contrevenait aux dispositions de l'article 6.2 du décret du 30 janvier 2004 car aucune faute n'a été commise ;

- les missions de police municipale ne relèvent pas d'un risque spécial et la responsabilité sans faute devra être écartée ;

- les préjudices de M. B... sont consolidés au 28 mai 2008, avec toutes conséquences sur la liquidation des préjudices ;

- il n'y a aucun lien de causalité entre la rechute du 16 mars 2010 et l'accident du 28 août 2006, si la cour a besoin d'être éclairée elle peut ordonner une expertise pour déterminer la date de stabilisation de l'état de M. B... en lien avec l'accident de 2006 ;

- les préjudices ont été surévalués par le tribunal administratif de Versailles et il y a lieu de minorer l'indemnisation ;

- l'appel en garantie est irrecevable car il s'agit d'une conclusion nouvelle en appel, en tout état de cause la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, ni d'ailleurs M. B... n'ont présenté de demande indemnitaire préalable, le contentieux n'est donc pas lié à son égard ;

- l'appel en garantie est mal fondé car elle n'était l'employeur de M. B... ni en août 2006, ni en mars 2010.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°2004-102 du 30 janvier 2004 ;

- le décret n°2008-580 du 18 juin 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Sigoyer, avocat, pour la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise ;

- et de Me Le Baut, avocat, pour la commune d'Aubergenville.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., agent de police municipale, a été victime d'un accident de moto durant son service le 28 août 2006. Par un courrier du 29 décembre 2014, il a sollicité auprès de la communauté de communes Seine Mauldre, aux droits de laquelle vient la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise (GPSO), la réparation, d'une part, des préjudices patrimoniaux autres que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle et, d'autre part, des préjudices personnels subis du fait de cet accident. Cette demande ayant été rejetée, M. B... a demandé au tribunal administratif de Versailles la condamnation de la communauté de communes Seine-Mauldre à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de cet accident. Par un jugement n°1501800 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande à hauteur de 42 175 euros. La communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise relève appel de ce jugement et demande à la commune d'Aubergenville de la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre. Par un appel incident, M. B... demande que les sommes mises à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise soient portées au montant de 200 000 euros et, à titre subsidiaire, par un appel provoqué, qu'une somme de 200 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Aubergenville en réparation des préjudices subis du fait de l'accident du 28 août 2006.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. "

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le tribunal administratif de Versailles a informé le 24 janvier 2019 les trois parties à l'instance qu'il était " susceptible de soulever d'office le moyen selon lequel une collectivité publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas. En l'espèce et aux termes de l'article 6 du décret n°2008-580 du 18 juin 2008, la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise ne peut être tenue de supporter les charges résultant de la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident de M. B... dès lors qu'il apparaît que M. B... est un agent de la commune d'Aubergenville qui était mis à disposition de la communauté de communes de Seine-Mauldre à la date de l'accident ". Par un mémoire enregistré au greffe de la juridiction le 7 mars 2019, soit moins de trois jours francs avant l'audience du 11 mars 2019, la commune d'Aubergenville a produit un mémoire en défense à l'appui duquel elle a joint une fiche récapitulative de carrière faisant apparaître que M. B... avait été juridiquement intégré aux effectifs de la communauté de communes Seine Mauldre, aux droits de laquelle il n'est pas contesté que vient la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise et ce, dès janvier 2005. Par une note en délibéré, enregistrée au greffe de la juridiction le 12 mars 2019 la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, faisait valoir que lors de l'audience la rapporteure publique avait retenu que les pièces du dossier ne démontraient pas qui était l'employeur effectif de M. B... et demandait au tribunal administratif de Versailles de faire communiquer tous éléments utiles sur la situation juridique de M. B... et de rouvrir les débats. Par le jugement attaqué, le tribunal, sans rouvrir les débats, a jugé, pour retenir la responsabilité de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise qu'elle n'avait " pas apporté comme il lui incombait au cours de la procédure d'instruction ouverte depuis le 10 mars 2015, et malgré un jugement avant-dire droit et deux renvois d'audience, un quelconque élément de nature à démontrer que M. B... n'aurait pas fait partie des effectifs de la communauté de communes Seine-Mauldre à la date de l'accident, alors d'ailleurs que la fiche récapitulative de carrière de la victime produite par la commune d'Aubergenville et dont disposait nécessairement la communauté urbaine atteste du contraire. "

4. Il ressort ainsi des pièces du dossier, d'une part, que la fiche récapitulative de carrière jointe au mémoire en défense de la commune d'Aubergenville n'a pas été communiquée à la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, défenderesse et, d'autre part, que les premiers juges ont expressément tenu compte de cette pièce pour rendre le jugement attaqué. Dès lors le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 25 mars 2019 est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

6. Pour l'application de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime. Si le rapport d'expertise mentionne une " consolidation des lésions " au 15 janvier 2009, ledit rapport signale également que M. B... a été victime d'une rechute à partir du 16 janvier 2010 et indique à plusieurs reprises que les préjudices permanents subis par M. B... seront évalués à la consolidation. Enfin, après avoir fait état d'un rendez-vous à venir avec un neurochirurgien pour étudier l'implantation d'électrodes en vue d'une stimulation médullaire épidurale cervicale, le rapport conclut que M. B... devra être revu six mois après cette intervention. Il résulte ainsi de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise qui n'est pas utilement contesté sur ce point, que l'état de santé que M. B... invoque au soutien de ses conclusions indemnitaires ne peut être considéré comme consolidé. Dès lors la prescription quadriennale ne peut être utilement invoquée par la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, ni par la commune d'Aubergenville.

En ce qui concerne la responsabilité

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier de la délibération du conseil communautaire de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise du 15 décembre 2016 que la communauté de communes Seine-Mauldre exerçait la compétence en matière de police municipale au titre d'une compétence supplémentaire. Il n'est pas soutenu par la communauté urbaine que cela n'aurait pas été le cas depuis la création de la communauté de communes par un arrêté du 7 décembre 2004. Il n'est pas non plus contesté que, par un arrêté du préfet des Yvelines n° 2015362-0002 du 28 décembre 2015, divers établissements de coopération intercommunale, dont la communauté de communes Seine-Mauldre, ont été fusionnés pour créer la communauté d'agglomération Grand Paris Seine-et-Oise, à laquelle, par un arrêté du préfet des Yvelines n° 2015362-0003 du 28 décembre 2015, la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise s'est substituée.

8. Il ressort également des pièces du dossier et en particulier de la fiche récapitulative de carrière de M. B..., communiquée pour la première fois en appel à la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise et qui n'a fait l'objet d'aucune contestation par cette dernière, que M. B... a été transféré à la communauté de communes Seine-Mauldre au 1er janvier 2005 et qu'il a été intégré au 1er juillet 2005 aux effectifs de la communauté de communes suite à son transfert. Dès lors il ressort des pièces du dossier que lors de son accident M. B... relevait des effectifs de la communauté de communes Seine-Mauldre aux droits de laquelle vient la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise en application des arrêtés précités du préfet des Yvelines. Si la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise fait valoir s'être dessaisie de la compétence en matière de police intercommunale à compter du 1er janvier 2017, cette circonstance est sans influence sur le rattachement de M. B... à la communauté de communes Seine-Mauldre lors de son accident de 2006. Dès lors c'est à bon droit que M. B... a pu rechercher la responsabilité de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise au titre des préjudices subis du fait de cet accident imputable au service.

9. En deuxième lieu, le fonctionnaire qui subit, du fait des conséquences d'un accident ou d'une maladie imputable au service, des préjudices patrimoniaux ne relevant ni d'une perte de revenu ni d'une incidence professionnelle ou des préjudices personnels, est en droit d'obtenir de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Il peut également obtenir, en engageant une action de droit commun contre la personne publique qui l'emploie, la réparation intégrale des préjudices de perte de revenu ou d'incidence professionnelle, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

S'agissant de la responsabilité sans faute :

10. Monsieur B... a été victime d'un accident de moto, dont il n'est pas contesté qu'il était imputable au service, le 28 août 2006, au cours duquel il a lourdement chuté sur l'épaule droite. A la suite de cet accident M. B... souffrira de douleurs de plus en plus importantes de l'épaule droite et fera l'objet de multiples examens et interventions chirurgicales. Le rapport d'expertise indique que M. B... présente une limitation des amplitudes articulaires de l'épaule droite et du poignet droit, une baisse de la force musculaire de la main droite, des troubles de la sensibilité de la main droite, des douleurs du rachis cervical irradiant l'épaule droite et de la main droite, ces divers éléments ayant en outre un retentissement psychologique. Le rapport indique en outre que le requérant ne présentait aucun état antérieur à l'accident Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise mais également de l'enchaînement des examens médicaux et interventions subis par M. B... que l'état de santé du demandeur est la résultante de l'accident subi le 28 août 2006 par M. B... dans l'exercice de ses fonctions, la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise n'apportant à l'appui de sa contestation sur ce lien de causalité aucun élément probant, dès lors notamment qu'il ne peut être relevé ni un état antérieur, ni une cause extérieure postérieure, l'errance médicale relevée par l'appelant, au demeurant non établie, ne pouvant constituer une telle cause extérieure.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. B... a subi, en raison de l'accident dont il a été victime, un déficit temporaire total de 5 jours les 28 février 2007, 28 novembre 2007, 17 novembre 2010, 25 mars 2013 et 25 septembre 2014, un déficit temporaire partiel de 99 jours à 33 % du 28 août 2006 au 19 septembre 2006, du 26 mars 2013 au 10 avril 2013 et du 26 septembre 2014 au 24 novembre 2014 et de 5 040 jours à 25 % du 20 septembre 2006 au 27 février 2007, du 1er mars 2007 au 27 novembre 2007, du 29 novembre 2007 au 15 janvier 2009, du 16 mars 2010 au 16 novembre 2010, du 18 novembre 2010 au 24 mars 2013, du 11 avril 2013 au 24 septembre 2014 et à compter du 25 novembre 2014. En prenant pour référence un montant journalier de 16 euros, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnisation due à ce titre à la somme à 20 762,72 euros.

12. En deuxième lieu, M. B... a subi un préjudice esthétique temporaire évalué à 3 sur une échelle allant jusqu'à 7 et les souffrances qu'il a endurées ont été évaluées à au moins 4 sur 7. Il sera fait une juste évaluation de ces préjudices en les fixant respectivement à 4 000 et 7 000 euros.

13. En troisième lieu, l'absence de pratiques d'activités sportives ou de loisirs ainsi que l'atteinte portée temporairement à la vie sexuelle et l'impossibilité de prendre son enfant dans ses bras constituent des troubles dans les conditions d'existence, qu'il convient d'indemniser à hauteur de 4 000 euros. En revanche, les autres préjudices d'agrément dont M. B... se prévaut sont relatifs à des postes de préjudices permanents, qui ne pourront être évalués qu'après la consolidation de l'état du requérant.

14. En quatrième lieu, le rapport d'expertise, non utilement contesté sur ce point, évalue le besoin d'assistance de M. B... par une tierce personne à deux heures par jour pendant deux mois après chacune des cinq opérations qu'il a subies et depuis le 25 novembre 2014 jusqu'à la date de l'arrêt, à trois heures par semaine. Sur la base d'un taux horaire de 13 euros, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnisation due à ce titre à la somme de 9 992 euros, à parfaire.

15. En cinquième et dernier lieu, si M. B... fait valoir qu'il doit faire l'acquisition d'un véhicule adapté, il ne produit ni facture, ni même de devis à l'appui de sa demande. La demande d'indemnisation présentée sur ce fondement doit donc être rejetée.

S'agissant de la responsabilité pour faute :

16. Si M. B... se fonde sur la faute qu'aurait commise la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise en ne lui fournissant pas un équipement de protection conforme à la réglementation applicable pour faire valoir, d'une part que son avancement aurait été bloqué et qu'il aurait même régressé et, d'autre part, qu'il a été privé de certaines primes, il n'assortit ces allégations d'aucun élément probant ni d'un commencement d'évaluation de ces conséquences. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une faute de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, ces préjudices, à les supposer allégués, doivent être rejetés comme non établis.

17. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise la somme de 45 754,22 euros en réparation des préjudices subis par M. B... avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2015, date de la demande préalable.

18. Il appartiendra à M. B... de demander, s'il s'y croit fondé, l'indemnisation des préjudices temporaires qui continueraient à courir après le présent arrêt et qui n'a pas été demandée dans le cadre de la présente instance et, une fois la consolidation acquise, des préjudices permanents, notamment le déficit fonctionnel permanent, qui n'ont pas pu être évalués par l'expert.

Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise

19. Il résulte de l'examen des mémoires présentés par la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise devant le tribunal administratif de Versailles qu'elle n'a présenté aucun appel en garantie à l'encontre la commune d'Aubergenville, pourtant partie à l'instance. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que la commune d'Aubergenville la garantisse des condamnations prononcées contre elle, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables.

Sur les frais de l'instance

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Ces dispositions font obstacle à ce que les conclusions de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise au même titre soient accueillies et dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Aubergenville sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 25 mars 2019 est annulé.

Article 2 : La communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise versera à M. B... la somme de 45 754,22 en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2015.

Article 3 : La communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise versera une somme de 1 500 euros à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune d'Aubergenville sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise et à la commune d'Aubergenville.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Paul-Louis Albertini, président,

M. Olivier Mauny, président assesseur

Mme Cécile Viseur-Ferré, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022

La rapporteure,

C. VISEUR-FERRE Le président,

P-L. ALBERTINI La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 19VE01898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01898
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-04-05 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Modalités de la réparation. - Caractère forfaitaire de la pension.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Cécile VISEUR-FERRÉ
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : DE SIGOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-12-08;19ve01898 ?
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