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12/07/2022 | FRANCE | N°20VE02957

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 juillet 2022, 20VE02957


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2013.

Par un jugement n° 1901449 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2020 et le 21 octobre 2021, M. D

..., représenté par Me Mattei, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2013.

Par un jugement n° 1901449 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2020 et le 21 octobre 2021, M. D..., représenté par Me Mattei, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2013 ;

3° à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des pénalités ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal, invité à vérifier la compétence de l'agent ayant exercé le droit de communication prévu à l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, a entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant d'ordonner à l'administration de produire sa demande du 6 mai 2015 d'autorisation de consultation de son dossier pénal auprès de l'autorité judiciaire ;

- le tribunal a omis de répondre à son moyen par lequel il demandait à l'administration qu'elle lui communique les bulletins de recoupement de l'établissement Lidl de Crégy-lès-Meaux ;

- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction pour ordonner à l'administration la communication des bulletins de recoupement de l'établissement Lidl de Crégy-lès-Meaux ;

- le tribunal a omis de répondre à son moyen tiré de ce qu'il n'avait pas exercé d'activité occulte ou illicite ;

- pour répondre au moyen tiré de ce que l'administration ne justifiait pas de la notification régulière de l'avis de vérification et de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, le tribunal aurait dû ordonner à l'administration de communiquer les justificatifs postaux de cette notification ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- la direction régionale de contrôle fiscal d'Ile-de-France n'était pas territorialement compétente pour réaliser les contrôles ;

- il n'a pas été justifié de la compétence de l'agent ayant exercé le droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ;

- l'administration ne justifie pas lui avoir notifié l'avis de vérification du 24 décembre 2014 et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; il n'est pas davantage justifié que cette notification, à la supposer existante, ait été effectuée à la bonne adresse ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en s'abstenant de lui communiquer sa demande de communication des bulletins de recoupement de l'établissement de Lidl de Crégy-lès-Meaux ainsi que ces bulletins, et sa demande de consultation du dossier pénal ;

- l'administration a également méconnu ces dispositions en s'abstenant de lui communiquer la totalité de son dossier pénal ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- il n'a pas exercé d'activité occulte ou illicite taxable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et n'a pas commis de détournement de fonds, ainsi que l'a jugé, par un jugement définitif du 5 mai 2014, la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris ;

- la méthode de reconstitution est viciée dans son principe en ce que l'administration n'a pas pris en compte la déduction de frais et charges ;

En ce qui concerne les pénalités :

- à titre subsidiaire, il est fondé à obtenir, au titre de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, la décharge de l'ensemble des amendes, pénalités et majorations à l'exception des intérêts de retard ;

- le tribunal, dans sa réponse au moyen contestant la majoration des droit de 80%, a entaché son jugement d'une contradiction de motifs ; il est fondé à obtenir la décharge de cette pénalité dès lors que les sommes imposées ne procèdent pas d'une activité exercée à titre professionnel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Une demande de pièces pour compléter l'instruction a été adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique le 14 juin 2022, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 17 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a répondu à la demande qui lui a été adressée le 14 juin 2022.

Par un mémoire du 28 juin 2022, M. D... a répliqué au mémoire du 17 juin 2022 produit par le ministre.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2012 et 2013, puis d'un contrôle sur pièces de son dossier personnel portant sur les années 2010 et 2011, à la suite desquels deux propositions de rectification du 7 juillet 2015 lui ont été notifiées. L'administration a notamment considéré qu'il avait, au cours des années 2010 à 2012, utilisé à titre personnel des fonds de l'association Histoire d'MS imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et évalué ces bénéfices à hauteur de 286 846 euros suivant la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. M. D... relève appel du jugement du 15septembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2013.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, pour écarter le moyen présenté par M. D... tiré de l'incompétence de l'agent ayant exercé le droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, le tribunal s'est appuyé sur les éléments produits en défense par l'administration, qui ont été régulièrement communiqués à M. D.... Dès lors, le tribunal, qui n'a pas fait peser exclusivement la charge de la preuve sur le requérant, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en s'étant abstenu de mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction auprès de l'administration et n'a pas méconnu le principe du contradictoire, ni les droits de la défense.

3. En deuxième lieu, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de la direction régionale du contrôle fiscal d'Ile-de-France pour réaliser les contrôles dont M. D... a été l'objet, le tribunal a relevé que ce dernier n'avait souscrit ses déclarations de revenus au titre des années 2012 et 2013 qu'après une mise en demeure du 24 décembre 2014 et n'avait souscrit aucune déclaration de revenus au titre des années 2010 et 2012, qu'il n'était pas contesté qu'une taxe d'habitation avait été émise au titre de l'année 2012 pour un logement situé au 48, rue de la Fontaine-au-Roi à Paris et, enfin, que s'agissant de ce logement, il ressortait des réponses de l'administration à ses observations aux propositions de rectification que la direction régionale du contrôle fiscal d'Ile-de-France, pour s'estimer compétente, s'était fondée sur les " bulletins de recoupement de Lidl Crégy-lès-Maux ", qui mentionnaient cette même adresse pour les années 2012 et 2013. Compte tenu de l'ensemble des éléments réunis pour écarter le moyen, le tribunal, qui ne s'est pas uniquement fondé sur les bulletins de recoupement de l'établissement Lidl de Crégy-lès-Meaux, n'a commis aucune irrégularité en s'abstenant d'en ordonner la production à l'administration.

4. En troisième lieu, pour écarter le moyen tiré de ce qu'il n'était pas justifié que l'avis de vérification du 24 décembre 2014 et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié avaient été effectivement notifiés à M. D..., le tribunal a relevé, d'une part, que ce dernier, dans ses observations du 3 août 2015 à la proposition de rectification résultant de l'examen contradictoire de sa situation fiscale, avait reconnu explicitement avoir reçu le courrier de notification de l'avis de vérification et, d'autre part, que cet avis mentionnait qu'un exemplaire de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié y était joint. Dès lors, le tribunal, qui n'a pas fait peser exclusivement la charge de la preuve sur M. D..., n'a pas commis d'irrégularité en s'abstenant d'ordonner à l'administration la production des justificatifs postaux de cette notification.

5. En quatrième lieu, dans sa requête devant le tribunal, M. D... demandait à l'administration qu'elle lui communique " dans leur intégralité l'ensemble des demandes " de communication envoyées à tous tiers quels qu'ils soient et spécialement auprès de l'autorité judiciaire, cette demande visant notamment les documents obtenus auprès de l'établissement Lidl de Crégy-lès-Meaux. Le tribunal, qui n'était ainsi pas saisi d'un moyen, n'était pas tenu d'y répondre. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal a omis de répondre à un moyen.

6. En dernier lieu, le tribunal a bien examiné le moyen tiré de ce que les sommes imposées ne constituaient pas des revenus imposables au titre de l'article 92 du code général des impôts. Ainsi, alors même que le tribunal ne s'est pas prononcé sur l'existence d'une activité occulte, circonstance qui était inopérante, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal a omis de répondre à ce moyen.

7. Les autres moyens tirés de ce que le tribunal aurait commis des erreurs de droits et entaché sa décision de dénaturation et de contradictions de motifs, relèvent du bien-fondé du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

8. En premier lieu, aux termes du II de l'article 350 terdecies du code général des impôts : " Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement ". Aux termes du premier alinéa de l'article 45 de l'annexe III du même code : " Les déclarations dûment signées sont remises ou adressées par les contribuables au service des impôts du lieu de leur résidence ou de leur principal établissement dans le délai prévu à l'article 175 du code général des impôts ". Il résulte de l'instruction que, à l'occasion de l'examen de la situation fiscale personnelle engagé par l'avis de vérification du 24 décembre 2014, l'administration, pour déterminer le lieu de résidence de M. D..., défaillant dans ses obligations déclaratives, disposait alors de la taxe d'habitation due au titre de l'année 2012, acquittée par l'intéressée, pour un logement situé au 48, rue de la Fontaine-au-Roi à Paris. Par suite, la direction régionale du contrôle fiscal d'Ile-de-France, dans le ressort duquel était située la dernière adresse connue de l'administration à la date de l'engagement du contrôle, était compétente pour réaliser l'examen de la situation fiscale de l'intéressé et le contrôle sur pièces qui s'en est suivi, nonobstant la circonstance qu'au cours du contrôle, M. D..., invité à déclarer ses revenus pour les années 2012 et 2013, a fait état d'une domiciliation à Tours à compter du 1er juillet 2014. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté son moyen tiré de ce que la direction régionale du contrôle fiscal d'Ile-de-France n'était pas compétente pour réaliser les contrôles dont il a été l'objet.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 alors applicable du même livre : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Il résulte de ces dispositions qu'une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification qui doit, notamment, lui indiquer expressément qu'il a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. Cette garantie est de nature à permettre au contribuable d'être présent ou représenté lors des interventions sur place du vérificateur sans qu'il soit besoin, pour ce dernier, de l'informer préalablement de chacune de ces interventions. Il incombe à l'administration d'établir que l'avis de vérification prévu par ces dispositions est parvenu en temps utile au contribuable.

10. Le ministre, qui n'est pas en mesure de produire l'accusé de réception, fait toutefois valoir que l'avis de vérification du 24 décembre 2014 et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ont été adressés le 29 décembre 2014 à M. D... et que celui-ci en a accusé réception le 7 janvier 2015, comme l'intéressé l'a reconnu dans ses observations du 3 août 2015 à la proposition de rectification qui lui a été notifiée. Il ressort par ailleurs des pièces produites par le ministre que M. D... a, par un courriel du 4 février 2015, informé le service de sa nouvelle adresse et que le service lui a adressé une demande d'information le 13 février 2015, faisant référence à l'avis du 24 décembre 2014 reçu le 7 janvier 2015, et fixant le premier entretien à la date du 9 mars 2015, lequel a eu lieu en sa présence, sans que M. D... se manifeste auprès de l'administration pour soutenir qu'il n'avait jamais reçu cet avis. Compte tenu de ces éléments, alors que M. D... ne fait état d'aucune garantie dont il aurait été privé, il n'est pas fondé à soutenir que, faute pour l'administration de produire l'accusé de réception de la notification de l'avis de vérification du 24 décembre 2014 et de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, la procédure est irrégulière. Enfin, si M. D... soutient également que l'administration ne justifie pas que l'avis de vérification et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié lui ont été notifiés à la bonne adresse, il n'établit ni même n'allègue avoir entrepris les démarches nécessaires auprès de l'administration pour l'informer de son changement d'adresse.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées ". Aux termes du I de l'article R. 81 du même livre dans sa rédaction alors applicable : " Le droit de communication défini à l'article L. 81 est exercé par les fonctionnaires titulaires ou stagiaires appartenant à des corps de catégorie A ou B ou par des fonctionnaires titulaires appartenant à des corps de catégorie C agissant soit dans l'ensemble de la région où est situé le service auquel ils sont affectés, soit, lorsqu'il est plus étendu, dans le ressort territorial de ce service ". Il résulte de l'instruction que le droit de communication a été exercé par Mme C... E..., inspectrice des finances publiques en poste à la direction régionale du contrôle fiscal d'Ile-de-France (18e brigade Ouest). Le moyen tiré de l'incompétence de l'agent pour consulter auprès de l'autorité judiciaire le dossier pénal de M. D... doit par suite être écarté comme manquant en fait.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il ne résulte pas de ces dispositions l'obligation pour l'administration de communiquer à M. D... sa demande, à supposer qu'elle existe, de communication des bulletins de recoupement de l'établissement Lidl de Crégy-lès-Meaux, ni l'obligation de communiquer le courrier du 6 mai 2015 par lequel l'administration a sollicité de l'avocat général près la cour d'appel de Paris l'autorisation de consulter son dossier pénal, dès lors que ces documents n'ont pas servi à établir l'imposition. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que, en réponse à la demande de M. D... formulée le 31 août 2015 tendant à obtenir les copies des pièces obtenues auprès de l'autorité judiciaire, l'administration lui a communiqué le 17 septembre 2015 le jugement de relaxe prononcé par la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris le 5 mai 2014, le procès-verbal d'audition de M. D... et quatre procès-verbaux constatant principalement la transmission au service d'enquête de relevés de comptes bancaires retraçant des virements depuis le compte bancaire de l'association d'Histoire d'MS vers les comptes bancaires personnels de M. D..., des dépôts de chèques émis par l'association sur l'un des comptes bancaires de M. D... et des retraits d'espèces injustifiés depuis le compte de l'association (pages 23 à 25, 37 à 39, 43 à 45, 51 et 52 et 63 à 71). Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'administration lui a communiqué l'ensemble des pièces sur lesquelles elle s'est appuyée pour fonder les impositions contestées. Il résulte notamment de l'instruction que le service ne s'est pas fondé sur les relevés de compte transmis dans le cadre de l'enquête judiciaire par les banques BNP Paribas et Crédit Mutuel, mais sur les tableaux récapitulatifs établis par les services de police. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'administration a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité au motif allégué de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

13. En premier lieu, aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ". Si les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par juge pénal s'imposent au juge de l'impôt, en revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées. Par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui.

14. Il résulte de l'instruction que, par un jugement définitif du 5 mai 2014, la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris a prononcé la relaxe de M. D... au motif que les éléments constitutifs d'un détournement de fonds ou d'un abus de confiance au préjudice de l'association Histoire d'MS n'étaient pas réunis, les fonds récoltés n'ayant fait que transiter par les comptes de l'association. Les constatations de fait de ce jugement, qui relève au demeurant que M. D... a disposé librement des fonds de l'association, ne sont en tout état de cause revêtues de l'autorité de la chose jugée par le juge pénal.

15. Les revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux ayant été évalués d'office, il appartient à M. D... d'établir que les sommes réintégrées dans la base imposable ne constituent pas des revenus. A cette fin, M. D... se borne à invoquer, outre l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 5 mai 2014 qu'il convient d'écarter pour les motifs exposés au point précédent, le fait qu'il n'a pas exercé d'activité illicite ou occulte. Ainsi que le fait valoir le ministre, M. D..., bénévole de l'association Histoire d'MS, a reconnu, lors de son audition du 9 juillet 2013 par la brigade de répression de la délinquance astucieuse, avoir opéré régulièrement des virements du compte bancaire de l'association vers deux de ses comptes bancaires personnels, avoir encaissé des chèques tirés du compte de l'association et avoir utilisé les sommes obtenues par différents retraits pour son usage personnel, le total des sommes ainsi détournées s'élevant à un montant non contesté de 291 242,61 euros. Les sommes ainsi perçues sont constitutives de revenus imposables, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sans qu'il y ait lieu pour le service de démonter le caractère occulte ou illégal de l'activité productive de ces revenus. M. D... ne justifie pas que ces sommes auraient été, ne serait-ce qu'en partie, exposées pour les besoins de l'association. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a considéré que ces sommes étaient constitutives d'une source de profits imposables en tant que bénéfices non commerciaux sur le fondement de l'article 92 précité du code général des impôts.

16. En second lieu, si M. D... soutient que le montant des sommes imposées est exagéré en ce que l'administration n'a procédé à la déduction ni d'aucun frais ni d'aucune charge, il n'apporte pas le moindre élément de nature à étayer l'existence de ces frais et charges.

En ce qui concerne les conclusions présentées à titre subsidiaire relatives aux pénalités :

17. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard ". Il ne résulte pas de ce qui précède qu'une erreur dans la procédure d'imposition aurait été commise. Par suite, M. D... ne peut utilement demander l'application de ces dispositions.

18. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de l'instruction que M. D... a exercé, au cours des exercices vérifiés, une activité lucrative d'organisateur de spectacles. En l'absence de déclaration des revenus correspondants, l'administration a pu à bon droit faire application de la majoration de 80 % pour découverte d'une activité occulte sur le fondement des dispositions du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.

Le rapporteur,

M. B...La présidente,

O. DORION

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE02957


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02957
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices non commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SELARL MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-12;20ve02957 ?
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