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17/12/2021 | FRANCE | N°20VE01021

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 20VE01021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2011, subsidiairement, de réduire les rectifications aux sommes encaissées sur les comptes libellés à leur nom, et de prononcer la décharge de l'ensemble des pénalités.

Par un jugement n° 1805977 du 10 février 2020, le tribunal admini

stratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2011, subsidiairement, de réduire les rectifications aux sommes encaissées sur les comptes libellés à leur nom, et de prononcer la décharge de l'ensemble des pénalités.

Par un jugement n° 1805977 du 10 février 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Duceux et Me Cortyl, avocats, demandent à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge demandée ;

3° à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces cotisations à concurrence d'une réduction en base en ne retenant que les sommes encaissées sur les comptes libellés à leur nom, ainsi que la décharge de l'ensemble des pénalités ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme A... soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée, contrairement aux exigences des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a commis des manquements aux devoirs de loyauté et d'égalité des armes, dès lors que l'administration a refusé de leur communiquer l'intégralité du dossier pénal ainsi que les chèques débités sur le compte bancaire du syndicat ; en ne recherchant pas si les copies des chèques débiteurs du compte bancaire du syndicat pouvaient démontrer l'absence d'appréhension des sommes, l'administration a instruit uniquement à charge ; de plus, l'administration a produit des pièces au cours de la procédure qu'elle n'a pu obtenir que dans l'exercice de son droit de communication sans en avoir fait mention dans la proposition de retification ; alors que la proposition de rectification indique que l'administration a demandé des copies de chèques auprès de différents établissements financiers sauf auprès de la Société générale, qui hébergeait le compte bancaire du syndicat, elle a pourtant produit dans son mémoire devant le tribunal une copie d'un chèque d'un montant de 3 500 euros qui avait été porté au crédit de ce compte ; ce faisant, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- c'est à tort que l'administration a considéré que M. A... était le seul mandataire et utilisateur du compte bancaire de la section syndicale FO, que ce compte bancaire fonctionnait sans que la fédération en connaisse l'existence et que M. A... l'a utilisé comme un de ses propres comptes alors que, pour que des détournements de fonds constituent des sources de profit imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, le contribuable doit avoir effectivement appréhendé les sommes en cause, appréhension dont la preuve incombe à l'administration, et que tel n'est pas le cas lorsque les sommes ont été employées à des fins purement professionnelles ;

- il était inhérent à ses fonctions de secrétaire général adjoint du syndicat de détenir le pouvoir de signature sur les comptes du syndicat ; la fédération ne pouvait ignorer que l'ensemble des cotisations des salariés adhérents et des cotisations des entreprises étaient encaissées sur un compte bancaire professionnel, utilisé par le syndicat FO pour son fonctionnement ; s'ils ne contestent pas avoir encaissé sur leurs comptes personnels certaines sommes provenant du compte du syndicat, ils contestent en revanche avoir fait un usage à des fins personnelles de ces sommes ; à cet égard, M. A... n'a bénéficié d'aucun enrichissement personnel, il n'est propriétaire que d'un appartement acheté en 2000 à Aulnay-sous-Bois et d'un véhicule Ford Escort datant de 1999 ; il a effectué de nombreux retraits d'espèce de ses comptes personnels car il ne détenait pas, jusqu'à la fin de l'année 2010, de carte bancaire pour le compte bancaire du syndicat ; pour cette raison, il encaissait des chèques sur ses comptes personnels ; ces retraits lui permettaient de rembourser les intérimaires syndiqués qui avaient engagé des frais de déplacement pour se rendre aux réunions syndicales ; toutefois, il n'est plus en mesure d'apporter des justificatifs permettant d'étayer ces arguments ; l'administration impose des sommes qu'ils n'ont pas perçues dès lors qu'elles sont nettement supérieures à celles qu'ils ont effectivement appréhendées ; d'ailleurs, un certain nombre de chèques débités n'a jamais été encaissé sur leurs comptes ; l'administration n'a pas cherché à connaître l'identité des destinataires des chèques émis ; le chèque de 15 400 euros du 16 octobre 2008, inscrit au débit du compte bancaire du syndicat, constitue un remboursement à la société Malakoff Médéric ;

En ce qui concerne les pénalités :

- les conditions de mises en œuvre des pénalités ne sont pas réunies ;

- elles sont contraires au principe non bis in idem.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 18 mars 2015, M. B... A... a été déclaré coupable de faits, commis de 2008 à 2011, d'abus de confiance pour avoir détourné des fonds au préjudice de la Fédération des employés et cadres Force ouvrière (FEC FO), en encaissant sur un compte ouvert au nom de celle-ci et ayant fonctionné de manière occulte dont il était seul mandataire et utilisateur, des participations de sociétés de travail temporaire, ainsi que des cotisations de particuliers et en détournant les sommes qui se trouvaient sur ce compte par des retraits d'espèces ou par l'établissement de chèques à des fins personnelles. Il a également été déclaré coupable de faits d'escroquerie pour avoir fait état d'une fausse qualité de responsable syndical de structures inexistantes, créées par ses seuls soins, pour se faire remettre les fonds encaissés sur ce compte bancaire. Par une proposition de rectification du 25 avril 2016, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme A... des rectifications de leur impôt sur le revenu et de leurs prélèvements sociaux au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011 en raison de la réintégration à leurs revenus déclarés de revenus tirés d'une activité illicite. Ces rectifications ont été assorties de la pénalité de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts pour les années 2008 et 2009 et de la pénalité de 80 % prévue au c du 1 de l'article 1728 de ce code pour les années 2010 et 2011. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 10 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2011 et des pénalités correspondantes et, à titre subsidiaire, à la réduction de ces cotisations à concurrence d'une réduction en base en ne retenant que les sommes reversées sur leurs comptes personnels, ainsi que la décharge de l'ensemble des pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, si M. et Mme A... soutiennent que la proposition de rectification du 25 avril 2016 n'est pas suffisamment motivée, contrairement aux exigences des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs exposés au point 3 du jugement du tribunal.

3. En deuxième lieu, en soutenant que l'administration a commis des manquements au devoir de loyauté et au principe de l'égalité des armes, les requérants doivent être regardés comme soulevant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

5. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a indiqué dans la proposition de rectification la teneur et l'origine des renseignements obtenus de tiers qu'il a utilisés pour établir les impositions litigieuses, notamment que l'administration a pu consulter le dossier pénal par l'exercice de son droit de communication auprès des autorités judiciaires. Ainsi que le fait valoir le ministre, les documents provenant du dossier pénal sur lesquels le service s'est appuyé pour motiver les rehaussements en litige ont été repris dans la proposition de rectification et il n'est pas contesté qu'ils ont été joints en annexe à ce document. La proposition de rectification mentionne également que le service a exercé son droit de communication auprès d'établissements bancaires précisément identifiés. En particulier, s'agissant du compte bancaire litigieux, le service a exercé son droit de communication auprès de la Société générale pour obtenir la copie de relevés bancaires et une copie du carton de signature. En revanche, ainsi que le fait valoir le ministre, la communication des chèques débités sur ce compte n'a pas été demandée à la Société générale. Dès lors, ces documents ne font pas partie de ceux sur lesquels le service vérificateur s'est fondé pour motiver les rehaussements en litige.

6. Les appelants soutiennent également que, alors que la proposition de rectification indique que l'administration a demandé des copies de chèques auprès de différents établissements financiers sauf auprès de la Société générale, qui hébergeait le compte bancaire du syndicat, elle a pourtant produit dans son mémoire devant le tribunal la copie d'un chèque d'un montant de 3 500 euros qui avait été porté au crédit de ce compte. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce chèque ne provient pas du droit de communication exercé auprès de la Société générale. De plus, ce chèque n'a pas été porté au crédit du compte ouvert auprès de cette banque, mais crédité le 15 juin 2009 sur le compte bancaire personnel de M. A... ouvert auprès du Crédit coopératif et obtenu par le service vérificateur dans le cadre du droit de communication exercé auprès de cet établissement. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Et aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Il résulte de l'instruction que les bénéfices non commerciaux de M. A... ont été évalués d'office. Dès lors, il incombe à M. et Mme A... de démontrer le caractère exagéré des impositions dont ils demandent la décharge.

8. D'autre part, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal ". Aux termes, enfin, de l'article 92 de ce code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...). "

9. En premier lieu, l'autorité de chose jugée qui appartient aux décisions du juge pénal devenues définitives s'attache aux constatations de fait mentionnées dans les décisions et qui sont le support nécessaire du dispositif. Il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 7 mars 2017 devenu définitif, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 18 mars 2015 en retenant les chefs d'abus de confiance et d'escroquerie, en portant toutefois la peine infligée à M. A... de deux à trois ans de prison et en l'assortissant de la confiscation de son bien immobilier situé en France. Il en ressort que M. A... a appréhendé la totalité des sommes encaissées sur le compte bancaire intitulé " Syndicat Force ouvrière " qu'il avait ouvert à la Société générale, dont il disposait seul de la signature et dont la fédération qui l'employait ignorait l'existence. Ces constatations de fait, qui sont le support nécessaire de la condamnation prononcée, sont revêtues de l'autorité de chose jugée, et de nature à établir que les appelants ont appréhendé la totalité des participations des employeurs et cotisations encaissées sur ce compte et non, comme ils le prétendent, uniquement les sommes reversées sur leurs comptes personnels.

10. En second lieu, M. et Mme A... ne produisent pas le moindre justificatif à l'appui de leur moyen tiré de ce que les sommes retirées par M. A... sur le compte bancaire ouvert au nom du syndicat ont servi à défrayer les intérimaires syndiqués qui avaient engagé des frais de déplacement pour se rendre aux réunions syndicales. S'ils soutiennent qu'ils n'ont bénéficié d'aucun enrichissement personnel, qu'ils sont propriétaires d'un appartement acheté en 2000 à Aulnay-sous-Bois et d'un véhicule Ford Escort datant de 1999, ces arguments sont inopérants, alors qu'il résulte au demeurant de l'instruction que les fonds détournés par M. A... ont permis de rembourser l'un des trois prêts contractés pour acquérir cet appartement et financer un bien immobilier au Bénin. Il n'appartenait pas davantage à l'administration de rechercher l'identité des destinataires des chèques émis par M. A..., qui supporte la charge de la preuve de ce que l'utilisation des fonds à des fins professionnelles exclut leur qualification de revenu.

Sur les pénalités :

11. Si M. et Mme A... soutiennent que les conditions légales de mise en œuvre des pénalités qui leur ont été infligées ne sont pas réunies, il y a lieu d'écarter le moyen par adoption des motifs exposés aux points 8 et 9 du jugement.

12. Enfin, la règle " non bis in idem ", telle qu'elle résulte du premier alinéa de l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif. Par suite, la circonstance que M. A... a déjà été jugé par le juge répressif ne faisait pas obstacle à ce que l'administration lui inflige des pénalités prévues par le code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Leur requête doit dès lors être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

2

N° 20VE01021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01021
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET LAURANT MICHAUD DUCEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-17;20ve01021 ?
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